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18/07/2013 | FRANCE | N°11/19567

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 18 juillet 2013, 11/19567


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUILLET 2013



N°2013/ 280













Rôle N° 11/19567







SARL NAUTECH





C/



SOCIETE NORTHROCK LDC

Syndicat CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL CGT

EtablissementPublic GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2]

Syndicat CGT UGICT du personnel du GPMM et détachés

























>


Grosse délivrée

le :

à :

ERMENEUX

BADIE

MAYNARD SIMONI

LIBERAS

BOULAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Novembre 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/2118.





APPELANTE



SARL NAUTEC...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUILLET 2013

N°2013/ 280

Rôle N° 11/19567

SARL NAUTECH

C/

SOCIETE NORTHROCK LDC

Syndicat CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL CGT

EtablissementPublic GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2]

Syndicat CGT UGICT du personnel du GPMM et détachés

Grosse délivrée

le :

à :

ERMENEUX

BADIE

MAYNARD SIMONI

LIBERAS

BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Novembre 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/2118.

APPELANTE

SARL NAUTECH ,

immatriculée au RCS de [Localité 2] sous le N° 408 786 846,

dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par la SELARL MASQUELIER, avocats au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

SOCIETE NORTHROCK LDC

dont le siège social est sis [Adresse 5] ISLAND

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par la SCP LASSEZ & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Marie-Laure VIGOUROUX avocat au barreau de PARIS

Syndicat CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Yann CORNEVAUX, avocat au barreau de PARIS

Etablissement Public GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2],

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Nicolas FOUILLEUL, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT UGICT du personnel du GPMM et détachés,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2013, suite à prorogation du délibéré,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

-*-*-*-*-

EXPOSE DU LITIGE

Par échange de courriers électroniques du 27 décembre 2007 au 15 février 2008, la société étrangère NORTHROCK propriétaire du navire ILLUSION et la société NAUTECH ayant son siège social à [Localité 2] ont convenu de la réalisation de travaux sur le navire en cale sèche au Port Autonome de [Localité 2] du 12 au 19 mai 2008.

Par échange de courriers électronique du 7 avril 2008, la date des travaux a été modifiée sur demande de la SOCIETE NORTHROCK dont le navire se trouvait aux Caraïbe, et la date de début des travaux a été fixée au 22 mai 2008, la SOCIETE NORTHROCK demandant que le navire soit prêt à partir au plus tard le 6 juin 2008.

Suivant contrat du 23 mai 2008, le PORT AUTONOME DE [Localité 2] et la SOCIETE NAUTECH ont convenu de l'entrée du navire ILLUSION en forme de radoub le 23 mai 2008 et de la remise en eau du navire le 5 juin 2008 à 15 heures au plus tard.

Le navire a été reçu le 22 mai 2008 à 8 heures 30, est entré en forme de radoub le 23 mai, les travaux ont été terminés le 2 juin et la société NAUTECH a demandé le 3 juin la sortie anticipée du navire le 4 juin.

Parallèlement, l'activité de la réparation navale a été paralysée pendant cette période en raison d'une grève suivie par les équipes de l'accorage et de la maintenance et le navire n'a pu quitter la forme de radoub que le 19 juin 2008 dans l'après midi après reprise de l'activité normale du secteur de la réparation navale.

En raison de cette immobilisation forcée, le navire ILLUSION n'a pu honorer l'exécution en Italie de deux chartes-parties prévues pour les période du 10 au 17 juin et du 19 au 26 juin 2008.

La SOCIETE NORTHROCK a adressé au cours du mois de juin 2008 plusieurs réclamations à la société NAUTECH qui les a répercutées au PORT AUTONOME DE [Localité 2] et au Préfet aux fins d'obtenir la remise à l'eau du navire, sans résultat.

Par actes des 10 et 11 février 2009 et 9 avril 2010, la SOCIETE NORTHROCK a fait assigner la SARL NAUTECH, le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] ayant succédé au PORT AUTONOME DE [Localité 2], le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL GPMM devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, L 302-7 du code des ports maritimes et 1382 du code civil, aux fins de voir :

- condamner in solidum les défendeurs à payer à la concluante en réparation du préjudice subi la somme de 800 000 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire et la somme de 30 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner les défendeurs aux dépens.

Par jugement contradictoire du 8 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance a :

- dit que les demandes formées à l'encontre du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL sont irrecevables, seul le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM étant concerné,

- dit que la SOCIETE NAUTECH a commis une faute contractuelle dont elle doit réparation à la SOCIETE NORTHROCK,

- condamné la SOCIETE NAUTECH à payer à la SOCIETE NORTHROCK la somme de 53 267 euros,

- dit que la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH n'établissent pas une faute dont serait judiciairement redevable l'établissement public GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2],

- débouté la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH de leurs demandes à l'encontre de l'établissement public GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2],

- dit que la SOCIETE NORTHROCK n'établit pas que le SYNDICAT CGT UGICT du personnel du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] a commis une faute à son égard et a rejeté les demandes de ce chef,

- débouté le SYNDICAT CGT UGICT du personnel du GPMM de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la SOCIETE NAUTECH à payer la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à :

la SOCIETE NORTHROCK

le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

le SYNDICAT CGT UGICT

l'établissement public GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2]

- condamne la SOCIETE NAUTECH aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe de la Cour du 16 novembre 2011, la SARL NAUTECH a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de la SOCIETE NORTHROCK LDC, du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, et du SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM.

Par déclaration au greffe de la Cour du 9 février 2012, la SOCIETE NORTHROCK LDC a régulièrement relevé appel à l'encontre de la SARL NAUTECH, du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et du SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM.

Par ordonnance du 13 juin 2012, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances.

Par conclusions du 24 août 2012, la SARL NAUTECH demande à la Cour de :

A titre principal

- dire que la procédure a été engagée par une société de droit américain inexistante qui est inconnue à l'adresse indiquée dans son assignation et ses conclusions et qui ne peut avoir son siège social aux [Localité 1],

- dire qu'il s'agit d'une irrégularité de fonds qui vicie la procédure et rend irrecevable l'action de la SOCIETE NORTHROCK avec toutes conséquences de droit sur la nullité del'acte introductif d'instance,

- infirmer le jugement entrepris et débouter la SOCIETE NORTHROCK pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,

A titre subsidiaire

- dire que la société concluante n'a commis aucune faute envers l'armateur de la SOCIETE NORTHROCK qui de surcroît n'est pas la société qui a engagé l'action mais une société domiciliée aux [Localité 1] laquelle n'a engagé aucune action,

- dire que la société concluante s'est heurtée à des circonstances constitutives de force majeure l'exonérant de toute responsabilité,

- dire que le préjudice allégué par la société demanderesse n'est pas justifié,

En conséquence

- débouter la SOCIETE NORTHROCK de toutes ses demandes avec toutes conséquences de droit,

- dire que les grèves qui se sont succédées du 4 au 16 juin 2008 n'avaient pas le caractère de force majeure pour le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] car elles n'étaient pas irrésistibles, ni toutes extérieures au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], lequel pouvait réglementer le droit de grève de certaines catégories de personnels, de plus non concernées par la réforme portuaire, afin d'assurer le respect de la liberté des mers garanti par un traité international,

- dire que le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] a commis une faute en ne remettant pas en eau le bassin de radoub où le yacht ILLUSION avait été échoué, comme il s'y était contractuellement engagé pour le 5 juin 2008 au plus tard,

- dire que le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] par cette faute a fait perdre à la société concluante un client important et habituel,

- dire qu'il existe des éléments suffisants pour évaluer à 300 000 euros le préjudice de la société concluante,

- condamner le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à relever et garantir la société concluante de toutes condamnations et à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire que les syndicats CGT n'ont formé aucune demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer ou annuler en conséquence le jugement qui a condamné la société concluante envers ces deux syndicats sur la base de demandes inexistantes,

- condamner in solidum la SOCIETE NORTHROCK et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à payer à la société concluante la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction.

Par conclusions du 7 juin 2012, la SOCIETE NORTHROCK LDC demande à la Cour au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et L 302-7 du code des ports maritimes, de

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SOCIETE NAUTECH avait commis une faute contractuelle à l'égard de la société concluante,

- condamner in solidum les intimés à verser à la société concluante la contre valeur en euros de 1 479 310 USD sauf à parfaire,

- condamner in solidum les intimés à payer à la société concluante la somme de 30 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction.

Par conclusions du 15 novembre 2012, l'établissement public GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- déclarer irrecevable l'argumentation par laquelle la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH reprochent au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] son incurie pour n'avoir pris aucune mesure qui aurait permis d'assurer la continuité du service public et la renvoyer à mieux se pourvoir,

- dire que les grèves qui seraient à l'origine du préjudice subi par la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH constituent un cas de force majeure pour le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2],

- dire que le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] n'a commis aucune faute,

- dire que la SOCIETE NAUTECH a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de son cocontractant la SOCIETE NORTHROCK à l'origine directe et exclusive du préjudice allégué,

Si la Cour retenait l'existence d'une faute du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] et d'un lien de causalité

- dire non constitué le préjudice subi par la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH,

- débouter en conséquence la SOCIETE NAUTECH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause

- condamner la SOCIETE NORTHROCK et la SOCIETE NAUTECH chacune à payer au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction.

Par conclusions du 11 juin 2012, le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande à la Cour au visa des alinéas 6 et 7 du préambule de la constitution de 1946, des articles 31, 32, 32-1 et 122 du code de procédure civile, des articles L 2511-1, L 2512-2 et suivants, L 2521-1 et suivants du code du travail, de l'article 1382 du Code Civil, de :

- A titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'égard du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

- A titre subsidiaire, débouter les appelantes de leurs fins, moyens et prétentions à l'encontre du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

- condamner solidairement la SOCIETE NAUTECH et la SOCIETE NORTHROCK à verser au SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- les condamner solidairement aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 6 juillet 2012, le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM ET DES DETACHES demande à la Cour au visa des articles des articles 6 et 7 du préambule de la constitution de 1946, L 2511-1, L 2512-2 et suivants, L 2521-1 et suivants du code du travail, et 1382 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions à l'égard du SYNDICAT CGT UGICT la décision entreprise,

- débouter les appelantes de leurs fins, moyens et prétentions à l'égard du SYNDICAT CGT UGICT,

- condamner solidairement la SOCIETE NAUTECH et la SOCIETE NORTHROCK à payer au syndicat concluant la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- les condamner solidairement aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - Sur l'exception de nullité des assignations introductives d'instance soulevée par la SOCIETE NAUTECH

La SOCIETE NAUTECH soulève la nullité de fond des assignations introductives d'instance en faisant fait valoir qu'il est apparu à l'occasion d'une procédure de référé devant le premier président que la SOCIETE NORTHROCK n'existe pas en tant que société de droit américain dont le siège social se trouverait à [Localité 3] en Californie où elle n'a pu être valablement citée, que l'armateur du navire est en réalité une société offshore domiciliée aux [Localité 1], qu'ainsi la procédure a été engagée par une personne morale de droit américain qui n'existe pas et qu'il s'agit d'une nullité de fond susceptible d'être invoquée même en l'absence de grief par application des articles 648 et 117 du code de procédure civile.

*

Aux termes de l'article 771 du code de procédure civile :

'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.'

L'exception de nullité des assignations introductive d'instance est une exception de procédure relevant de la seule compétence du conseiller de la mise en état.

Il ressort de courriers épistolaires datés des 3 décembre 2003, 14 juillet 2004, 27 mai 2005, 10 novembre 2006, 5 juin 2008 et 9 juin 2008 adressés par la SOCIETE NAUTECH à la SOCIETE NORTHROCK, [Adresse 7], de la forme de la SOCIETE NORTHROCH qui est une société LDC ( LIMITED DURATION COMPANY) caractéristique de certaines sociétés off shore et des relations commerciales anciennes entretenues par les deux sociétés concernant les travaux d'entretien et de réparation du navire ILLUSION, que la SOCIETE NAUTECH était parfaitement informée du fait que la SOCIETE NORTHROCK est une société offshore domiciliée à [Adresse 6] dont elle connaissait le siège social ou à tout le moins l'adresse.

Par ailleurs, la tentative infructueuse d'assignation de la SOCIETE NORTHROCK à l'adresse fournie dans la présente procédure en l'occurrence [Adresse 3], est du 26 janvier 2012.

La SOCIETE NAUTECH ne saurait dès lors prétendre que cet état de fait ait été révélé postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état par ordonnance de mise en état du 11 mars 2013.

La demande aux fins de voir prononcer la nullité des assignations introductives d'instance sera en conséquence déclarée irrecevable.

2 - Sur la fin de non recevoir soulevée par la SOCIETE NAUTECH pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la SOCIETE NORTHROCK

La SOCIETE NAUTECH soulève l'irrecevabilité de la SOCIETE NORTHROCK pour défaut d'intérêt et de qualité à agir comme étant une conséquence de la nullité des assignations alors qu'il s'agit d'une fin de non recevoir prévue par l'article 122 du code de procédure civile selon lequel :

'Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'

La SOCIETE NORTHROCK qui est propriétaire du navire ILLUSION et n'a pu honorer deux chartes parties en Italie faute de remise à l'eau du navire à la date prévue, a qualité et intérêt pour agir.

La fin de non recevoir sera en conséquence rejetée.

3 - Sur la responsabilité contractuelle de la SOCIETE NAUTECH à l'égard de la SOCIETE NORTHROCK et l'appel en garantie du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2]

La SOCIETE NORTHROCK conclut à la responsabilité de la SOCIETE NAUTECH pour n'avoir pas remis le navire à l'eau le 6 juin 2008 au plus tard conformément au contrat conclu entre les parties.

Elle soutient que la SOCIETE NAUTECH a manqué à son obligation d'informer son co-contractant du climat de tension présent dans les ports français depuis le 17 avril 2008 , des grèves successives des agents portuaires du 18 avril au 22 mai 2008 et du risque d'une mise en cale sèche pendant cette période, et n'a pris aucune mesure appropriée afin de faire remettre le navire à l'eau en temps utile.

La SOCIETE NAUTECH invoque en réponse la force majeure en faisant valoir que le blocage du port pendant seize jours était imprévisible et irrésistible, qu'elle ne détenait aucune information lui permettant d'aviser son co-contractant du risque de blocage du port pendant une telle durée et en particulier de l'accorage dont le personnel n'était pas concerné par la réforme portuaire qui visait les portiqueurs et les grutiers, que le capitaine du navire était en possession des mêmes informations que la concluante.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

*

Selon l'article 1148 du code civil, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts à raison de l'inexécution d'une obligation ou du retard dans l'exécution lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé.

La force majeure se caractérise par l' imprévisibilité et l' irrésistibilité d'un événement extérieur, qui sont cumulatives.

L'imprévisibilité s'apprécie en matière contractuelle au jour de la conclusion ou de la formation du contrat, le débiteur ne s'étant engagé qu'en fonction de ce qui était prévisible à cette date.

L'irrésistibilité s'apprécie comme en matière délictuelle à la date de l'événement.

Le litige porte en l'espèce non sur le blocage du port dans son ensemble mais sur la paralysie du service de réparation navale qui a duré du 30 mai au 18 juin 2008.

Il est constant en l'espèce que le contrat entre la société NORTHROCK et la société NAUTECH a été formé par un échange de courriers électroniques du 27 décembre 2007 au 15 février 2008, les parties ayant convenu de l'exécution des travaux du 12 au 19 mai 2008, et que la date de début des travaux a été reportée au 22 mai 2008 avec remise à l'eau du navire le 6 juin au plus tard à la demande de la société NORTHROCK par échange de courriers électroniques du 6 avril 2008.

La réforme portuaire qui touchait notamment à l'organisation de la manutention portuaire et a été la cause d'un vaste mouvement de grève dans les ports concernés, a fait l'objet d'un projet de loi présenté en conseil des ministres le 23 avril 2008, adopté par le Sénat le 21 mai 2008, adopté par l'Assemblée Nationale le 24 juin 2008, et d'une publication au journal officiel le 5 juillet 2008.

Si la réforme portuaire avait été annoncée dès l'année 2007, la SOCIETE NAUTECH n'était en mesure de prévoir à la date de formation du contrat entre décembre 2007 et Février 2008 ni le contenu de la réforme, ni l'état d'avancement de son élaboration, ni le calendrier parlementaire, ni la paralysie pendant la période des travaux des services de réparation navale non concernés par le changement de statut des agents de manutention.

La paralysie du service de réparation navale à la date de formation du contrat était en conséquence imprévisible.

L'irrésistibilité se caractérise par le caractère insurmontable de l'événement et il convient de déterminer si ce dernier a mis le débiteur de l'obligation dans l'impossibilité d'exécuter son obligation.

Il est constant en l'espèce que les travaux ont été réalisés dans le délai imparti dès lors que le navire est entré en cale sèche le 23 mai, que le travaux ont été terminés le 2 juin, que la SOCIETE NAUTECH a demandé le 3 juin que la remise à l'eau du navire soit effectuée le 4 juin et qu'elle s'est heurtée à la grève des services de réparation navale.

Selon les courriers électroniques échangés entre le responsable du service accorage et divers interlocuteurs dont le responsable de la SOCIETE NAUTECH, les services de réparation navale, maintenance et accorage, se sont en effet mis en grève à compter du 30 mai dans le cadre de deux préavis de grève de 24 heures renouvelables en date des 13 mai et 21 mai.

Le contrat conclu le 23 mai 2008 entre le PORT AUTONOME et la SOCIETE NAUTECH concernant la mise à disposition d'une cale sèche pour la période du 23 mai 2008 au 5 juin 2008 à 15 heures au plus tard ne contient aucune réserve formulée par le PORT AUTONOME quant au risque de grève pendant cette période susceptible d'affecter la remise à l'eau du navire à la date convenue alors qu' un préavis de grève lui avait été notifié le 21 mai pour la période concernée.

La SOCIETE NAUTECH justifie par la production de nombreux courriers avoir alerté les autorités portuaires et le Préfet sur l'urgence à mettre un terme à la situation au regard de son engagement contractuel et leur avoir transmis les réclamations de la société NORTHROCK.

Par ailleurs, la SOCIETE NAUTECH était tenue d'exécuter les travaux convenus aux dates prévues qui lui ont été imposées par la SOCIETE NORTHROCK conformément au contrat dont elle ne pouvait différer l'exécution sans faillir à son obligation contractuelle.

La SOCIETE NAUTECH qui utilise les formes de radoub situées dans l'enceinte du port et avait nécessairement recours aux salariés du port pour procéder aux opérations de mise en cale sèche et de remise à l'eau du navire a été confrontée à un événement extérieur et insurmontable malgré les diligences mises en oeuvre pour tenter d'y remédier, présentant le caractère de l'irrésistibilité.

La SOCIETE NAUTECH étant fondée à se prévaloir de la force majeure, le jugement déféré sera infirmé et la SOCIETE NORTHROCK sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de son co-contractant pour non respect de la date de remise à l'eau du navire.

L'appel en garantie formé par la SOCIETE NAUTECH à l'encontre du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] sera en conséquence déclaré sans objet.

4 - Sur la responsabilité du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à l'égard de la SOCIETE NORTHROCK pour faute lourde dans l'exécution de sa mission de service public

La SOCIETE NORTHROCK soutient que le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] a commis une faute lourde en ne prenant aucune mesure pour assurer la continuité du service public et permettre la remise à l'eau du navire le 4 juin, caractérisée en particulier par un comportement passif malgré les mises en demeure qui lui ont été notifiées, l'absence de réquisition des agents portuaires, et l'omission de prévenir la SOCIETE NAUTECH en temps utile alors que le blocage du port était prévisible au regard du climat de tension qui régnait dans les ports français depuis le 17 avril 2008.

Le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] soulève à titre principal l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif dès lors qu'est mise en cause l'organisation du service public portuaire.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

*

Le PORT AUTONOME DE [Localité 2] auquel a succédé le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] est un établissement public industriel et commercial assurant une mission de service public administratif et une mission de service public industriel et commercial.

La société NORTHROCK reproche au Port Autonome de [Localité 2] des actes ou des abstentions dans le cadre de l'organisation du service public.

Les actes ou abstention relatifs à l'organisation du service public qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de la personne publique gestionnaire ont un caractère administratif et relèvent, quant à leur contentieux, des juridictions de l'ordre administratif.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de déclarer la juridiction judiciaire incompétente au profit de la juridiction administrative.

5 - Sur la responsabilité délictuelle du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et du SYNDICAT CGT UGICT à l'égard de la société NORTHROCK

La SOCIETE NORTHROCK fait valoir que l'exercice du droit de grève pendant la période considérée a été exercé en violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe de la liberté d'aller et venir, au détriment de la concluante qui n'a pu honorer deux chartes-parties et dont le navire a été immobilisé pendant quatorze jours.

Elle soutient que les préavis de grève étaient irréguliers, que la grève initiée par le SYNDICAT CGT UGICT était illicite et que la responsabilité du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL est engagée en ce qu'elle a été le réel instigateur et organisateur des grèves illicites et n'a pris aucune initiative pour mettre un terme aux errements du syndicat local.

Le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL soulève l'irrecevabilité de l'action en ce qu'elle est un regroupement de fédérations autonomes et de syndicats ou d'unions syndicales ayant chacune leur propre patrimoine et leur propre personnalité juridique, et que sa responsabilité ne peut être recherchée sur la base de fautes éventuellement commises par l'une des structures adhérentes.

Au fond, il fait notamment observer que les préavis de grève étaient réguliers, que la grève était licite et qu'il n'est pas démontré que la CGT, ses représentants ou ses préposés aient été instigateurs ou organisateurs de comportement illicites ou abusifs.

Le SYNDICAT CGT UGICT rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel inscrit dans la constitution de 1946 et un droit fondamental de l'Union Européenne faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire.

Il soutient que les revendications exprimées par les salariés du port s'inscrivent pleinement dans l'exercice du droit de grève et étaient légitimes dès lors que le projet de loi avait des incidences sur l'emploi, que les préavis de grève successifs ont été déposés dans le stricte respect des articles L 2512-2 du code du travail et suivants, que la responsabilité du syndicat ne peut être recherchée qu'en cas d'abus de droit et n'est engagée qu'en cas de participation à une action irrégulière

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

*

Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable la demande formée à l'encontre du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL dès lors qu'il est allégué par la SOCIETE NORTHROCK l'existence d'une faute personnelle de celui-ci ayant consisté à être l'instigateur et l'organisateur d'une grève illicite.

La grève se définit comme la cessation complète, collective et concertée du travail en vue de faire aboutir des revendications professionnelles.

Il s'agit d'un droit inscrit dans la constitution et d'un droit fondamental de l'Union européenne qui n'engage la responsabilité du syndicat sur le fondement de l'article 1382 du code civil que lorsque le syndicat dont l'objet est de défendre les intérêts professionnels et économiques de ses membres, a participé de manière effective à des agissements constitutifs d'infractions pénales ou à des faits ne pouvant se rattacher à l'exercice normal du droit de grève.

La responsabilité personnelle du syndicat sur le fondement de l'article 1382 du code civil ne peut être engagée lorsque le mouvement est licite, ou que des actes illicites ont été commis par des grévistes dans le cadre d'une grève licite si ces actions n'ont pas été encouragées ou dirigées par le syndicat.

S'il est acquis que par ordonnance du 2 mai 2008, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Marseille a enjoint au SYNDICAT CGT UGICT de procéder au retrait des préavis de grève illicites déposés par lui le 23 avril 2008 pour la période allant du 2 au 10 mai 2008 en raison de diverses irrégularités, les préavis suivants des 13 mai 2008 pour la période du 22 mai au 31 mai 2008, du 21 mai 2008 pour la période du 1° juin au 8 juin 2008, du 29 mai 2008 pour la période du 9 au 15 juin 2008 et du 2 juin 2008 pour la période du 16 juin au 22 juin 2008 n'ont fait l'objet d'aucune mise en cause devant la juridiction.

Il est constant que la réforme portuaire en cours d'adoption pendant la période concernée avait une forte incidence sur le statut de certains agents du port, sur les conditions de travail et sur l'emploi, et que le mouvement de grève s'inscrivait en conséquence dans le cadre de revendications professionnelles même si le PORT AUTONOME n'était pas en mesure d'y satisfaire d'une quelconque manière s'agissant d'une réforme législative.

S'il est constant qu' à compter du 30 mai, le service de réparation navale a été paralysé par une grève tournante des accoreurs et des mainteneurs, aucune pièce n'établit que la SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL ou le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM en ait été l'instigateur ou l'organisateur.

La responsabilité délictuelle du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et du SYNDICAT CGT UGICT n'étant pas démontrée, la SOCIETE NORTHROCK sera déboutée de ses demandes à leur encontre.

5 - Sur la responsabilité contractuelle du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à l'égard de la société NAUTECH

La SOCIETE NAUTECH soutient que la responsabilité contractuelle du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] est engagée à son égard pour non exécution du contrat d'échouage du 23 mai 2008 prévoyant la remise à l'eau du navire le 5 juin au plus tard, que l'accorage relève du service industriel et commercial du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], que ce dernier ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la force majeure en l'absence d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de l'événement dès lors qu'il connaissait les risques de blocage du secteur de la réparation navale dès le 21 mai 2008, qu'il avait le pouvoir de règlementer le droit de grève et de faire appel à une entreprise extérieure, qu'il appartient à la Cour le cas échéant avant de statuer de solliciter du tribunal Administratif qu'il se prononce sur la question préjudicielle de savoir si le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] pouvait ou non limiter le droit de grève des personnels de l'accorage et de sécurité des installations de radoub afin de garantir aux usager la liberté de naviguer en cas de grève de ses agents.

La SOCIETE NAUTECH ajoute que les fautes commises par le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] lui ont fait perdre la clientèle de la SOCIETE NORTHROCK et la chance de se voir confier des chantiers importants, et chiffre son préjudice pour perte de chance à la somme de 300 000 euros.

Le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] soutient que le lien de subordination et les pouvoirs de direction étant suspendus pendant la durée de la grève, sa responsabilité de commettant ne saurait être engagée du fait de ses préposés grévistes.

Il se prévaut par ailleurs du caractère extérieur de la grève, de l'imprévisibilité de son ampleur et de sa durée ainsi que de son irrésistibilité dès lors qu'il ne pouvait ni procéder à des réquisitions ni faire appel à de la main d'oeuvre extérieur, ni avoir recours à du personnel non gréviste dépourvu des habilitations nécessaires pour effectuer les tâches requises d'une particulière technicité.

Il souligne ne pas être resté passif, avoir fait procéder à des constats d'huissier, avoir tenu informé la préfecture ainsi que les ministères de tutelle et les acteurs de la place portuaire, et saisi les juridictions compétentes.

Il fait valoir que seule la SOCIETE NAUTECH est responsable pour avoir manqué à son devoir de conseil envers la SOCIETE NORTHROCK en omettant de l'informer des préavis de grève et en faisant entrer le navire en cale sèche le 23 mai 2008.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

*

La responsabilité contractuelle du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à l'égard de la SOCIETE NAUTECH relève du juge judiciaire.

La force majeure se définit par l'imprévisibilité et l'irrésistibilité d'un événement extérieur, qui sont cumulatives.

En matière contractuelle, l'imprévisibilité s'apprécie à la date de formation ou de conclusion du contrat.

Le contrat entre les parties concernant la mise à disposition d'une cale sèche du 23 mai au 5 juin 2008 a été signé le 23 mai 2008 en l'état de deux préavis de grève de 24 heures reconductible l'un du 13 mai pour les 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 mai, l'autre du 21 mai pour les 1°, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 juin ce pour tous les personnels du Port Autonome, notifiés les 13 et 21 mai, de sorte que le mouvement de grève des services de réparation navale était sinon certain à tout le moins hautement prévisible.

Le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] ne peut en conséquence se prévaloir de l'imprévisibilité de la grève des services de réparation navale à la date prévue de remise à l'eau du navire le 5 juin 2008 même si les services de maintenance et d'accorage n'étaient pas directement concernés par la modification du statut des agents de manutention, et sa responsabilité contractuelle est engagée à l'égard de la SOCIETE NAUTECH pour non respect de la date de remise à l'eau du navire nonobstant l'irrésistibilité du mouvement de grève et son caractère extérieur.

Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

Il est établi que la SOCIETE NORTHROCK était un client habituel de la SOCIETE NAUTECH depuis au moins 2003 suivant les courriers épistolaires produits et les copies du grand-livre auxiliaire qui révèlent l'existence chaque année de chantiers pour des coûts importants.

Par ailleurs, la SOCIETE NAUTECH justifie avoir établi le 10 février 2007 à la demande de la SOCIETE NORTHROCK un devis d'un montant total de 1 045 615 euros relatif à divers travaux notamment de réfection des ponts en teck et de peinture.

Par courrier électronique du 26 août 2009 la capitaine du navire ILLUSION a informé la SOCIETE NAUTECH que les travaux de rénovation envisagés seraient confiés à un chantier naval britannique et que le propriétaire du navire s'opposait à jamais à ce que le navire utilise les installations du port de [Localité 2], ce en raison de l'absence de remise à l'eau du navire à la date prévue en juin 2008 et des conséquences financières consécutives.

La disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable étant établie, en l'occurrence la clientèle de la SOCIETE NORTHROCK et un important chantier de rénovation du navire ILLUSION, la SOCIETE NAUTECH est fondée à demander réparation au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] de l a perte de cette chance et de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme demandée qui est en corrélation avec les marchés de travaux confiés antérieurement à la SOCIETE NAUTECH et la perte du marché en préparation.

7 - Sur l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré seront infirmées en toutes leurs dispositions.

La SOCIETE NORTHROCK qui succombe en toutes ses demandes à l'encontre de toutes les parties n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont elle sera déboutée.

Le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL GPMM ont été assignés par la SOCIETE NORTHROCK et non par la SOCIETE NAUTECH , aucune demande de condamnation n'a été formée à leur encontre par la SOCIETE NAUTECH, aucune demande n'a été formée par eux à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH et l'appel de la SOCIETE NAUTECH à leur encontre porte sur sa condamnation en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les deux syndicats ne sont en conséquence pas fondés en leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH dont ils seront déboutés.

Le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] sera débouté en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH en l'état de sa condamnation à indemniser celle-ci d'une perte de chance.

Il convient en équité de condamner par application de l'article 700 du code de procédure civil pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, la SOCIETE NORTHROCK à payer les sommes suivantes :

5 000 euros au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2]

5 000 euros au SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

5 000 euros au SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM

Il convient en équité par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel de condamner in solidum la SOCIETE NORTHROCK et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à payer à la SOCIETE NAUTECH la somme de 10 000 euros.

8 - Sur les dépens

La SOCIETE NORTHROCK et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] étant les parties succombantes, il sera fait masse des dépens dont la SOCIETE NORTHROCK supportera les 3/4 et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] 1/4.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare irrecevable l'exception de nullité des assignations introductives d'instance soulevée par la SOCIETE NAUTECH,

Rejette la fin de non recevoir soulevée par la SOCIETE NAUTECH,

Déboute la SOCIETE NORTHROCK de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH, du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et du SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL DU GPMM,

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour statuer sur la demande formée par la SOCIETE NORTHROCK à l'encontre du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] pour faute lourde dans l'exercice de sa mission de service public,

Renvoie la SOCIETE NORTHROCK à se pourvoir devant la juridiction administrative,

Déclare sans objet l'appel en garantie formé par la SOCIETE NAUTECH à l'encontre du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2],

Déclare le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] responsable contractuellement à l'égard de la SOCIETE NAUTECH d'une perte de chance consécutive au non respect du contrat du 23 mai 2008,

Condamne le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à payer à la SOCIETE NAUTECH la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant,

Déboute les parties de toutes demandes, fins et conclusions autres, plus amples ou contraires,

Déboute la SOCIETE NORTHROCK de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH, du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], du SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et du SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL GPMM,

Déboute le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], le SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et le SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL GPMM de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formé à l'encontre de la SOCIETE NAUTECH,

Condamne la SOCIETE NORTHROCK à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel :

- au GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] la somme de 5 000 euros

- au SYNDICAT CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL la somme de 5 000 euros

- au SYNDICAT CGT UGICT DU PERSONNEL GPMM la somme de 5 000 euros.

Condamne in solidum la SOCIETE NORTHROCK et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel à la SOCIETE NAUTECH la somme de 10 000 euros,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne la SOCIETE NORTHROCK et le GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2] à les supporter dans la proportion de 3/4 à la charge de la SOCIETE NORTHROCK et de 1/4 à la charge du GRAND PORT MARITIME DE [Localité 2], ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 11/19567
Date de la décision : 18/07/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°11/19567 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-18;11.19567 ?
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