COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2013
N°2013/
MV/FP-D
Rôle N° 12/12263
SAS ASTEK SUD EST
C/
[R] [W]
Grosse délivrée le :
à :
Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 24 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2175.
APPELANTE
SAS ASTEK SUD EST, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [R] [W], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2013
Signé par Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, pour le Président empêché et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [R] [W] a été engagé par la Société ASTEK SUD EST à compter du 5 mars 2004 en qualité d'ingénieur d'affaires.
Il a ensuite été promu en 2009 directeur général adjoint.
Une lettre de rémunération en date du 1er décembre 2009 indiquait qu'il percevrait une rémunération annuelle brute de 99 600 € composée d'une partie fixe annuelle brute de 69 600 € et d'une partie variable annuelle brute de 30 000 € à objectif atteints.
Une annexe à la lettre de rémunération 2009 précisait les objectifs 2009 et la composition du variable composée de trois primes variables appelées V1,V2,V3.
Le 23 août 2010 Monsieur [W] démissionnait de son poste dans les termes suivants :
« Monsieur le Directeur Géneral,
Je suis rentré chez Astek sud est début 2004 et ai été nommé Directeur Adjoint il y a deux ans. J'ai été jusqu'à peu très satisfait des conditions de travail et des tâches qui m'ont été confiées dont je me suis acquitté avec toute l'énergie et l'investissement nécessaires.
Cependant depuis 6 mois les choses ont changé, mon solde de prime 2009 n'est toujours pas payé, mon avance sur prime 2010 habituellement versé en juin ou juillet ne m'est toujours pas parvenue, l'augmentation que vous m'aviez promise il y a quelques mois n'est toujours pas effective, des nouveaux salariés sont recrutés dans la structure sans même que je sois au courant ... et malgré les discussions que nous avons eues à plusieurs reprises, les choses n'ont pas changé.
Aussi suis-je amené à prendre la décision de démissionner de mon poste.
Si vous souhaitez écourter mon préavis, je suis ouvert à la discussion »
et effectuait son préavis de trois mois jusqu'au 24 novembre 2010.
Sollicitant des rappels de rémunération et de frais et sollicitant la requalification de sa démission en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse Monsieur [W] a le 24 novembre 2011 saisi le Conseil des Prud'hommes de Nice, lequel, par jugement du 24 mai 2012, a dit que la démission présentée le 23 août 2010 était équivoque et résultait des manquements de la société ASTEK SUD EST quant au paiement des éléments de la rémunération et a jugé que la rupture du contrat de travail à cette date s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné la société ASTEK SUD EST à lui verser les sommes de :
22 707,97 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation de l'entier préjudice subi,
4472 € en paiement de la part variable V3 pour l'année 2009,
296,54 € en remboursement de pneumatiques pour véhicule de fonction,
468,34 € en remboursement de frais professionnels engagés et justifiés pour septembre 2010,
a dit qu'il n'y avait pas lieu d' ordonner l'exécution provisoire sur les sommes non exécutoires de droit,
a débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la société ASTEK SUD EST aux dépens ainsi qu'à verser à M. [W] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ayant le 4 juillet 2012 régulièrement relevé appel de cette décision la Société ASTEK SUD EST, vu la démission de M. [W] en date du 23 août 2010, vu l'absence de manquements commis par la société, conclut à son infirmation aux fins de voir débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque la stratégie initiée par M. [W] qui en tant que directeur général adjoint dans une société importante et fin connaisseur des notions juridiques telles que démission et prise d'acte de la rupture et qui avait en charge la gestion des ressources humaines a monté artificiellement un dossier ; que s'il avait souhaité faire qualifier la rupture du contrat en licenciement illégitime, il n'aurait pas démissionné mais aurait pris acte de la rupture de son contrat de travail, ce qu'il n'a pas fait ; qu'afin de tenter d'épaissir son dossier M. [W] se plaint des conditions dans lesquelles il a exercé ses fonctions, arguant que M. [K], directeur général de la société, ne l'informait pas suffisamment des décisions qu'il prenait ; qu'en réalité M.[W] semble avoir des difficultés avec l'autorité hiérarchique ce qui ressort du ton employé dans un certain nombre de mails qu'il a adressés à M. [K] ; que M. [W] avait la volonté explicite de démissionner et a réitéré sa volonté tout en laissant planer une menace d'action en justice dans un but purement spéculatif ; que cela démontre qu'à la date de ce qu'il a lui-même appelé une démission, il se réservait la possibilité d'en tirer un avantage financier et a donc intentionnellement orienté la rédaction de la lettre de rupture en prétendant qu'un solde de prime pour 2009 n'aurait pas été réglé, qu'une avance sur prime 2010 ne lui aurait pas été versée et que sa rémunération n'aurait pas été augmentée ; que cette démission n'est pas subie mais choisie dans un cadre stratégique ce qui est confirmé par le fait qu'il a démissionné pour rejoindre l'entreprise Costamagna dès la fin de son préavis, préavis qu'il a exécuté en intégralité, preuve qu'aucune faute n'a été commise par la société ; qu'en effet soit les fautes reprochées à l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate, soit les manquements à l'origine de la prise d'acte de la rupture sont insuffisamment graves et la rupture constitue une démission ; que M.[W] n'a subi aucun préjudice ainsi qu'il le reconnaît lui-même ; que les griefs qu'il invoque sont infondés ; que pour justifier une requalification de la démission les manquements invoqués doivent être d'une gravité suffisante.
M. [W], au visa des articles L. 1231. 1 et L. 1237. 1 du code du travail, conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il demande augmenter à 150 000 € et sauf en ce qui concerne ses autres demandes à savoir :
- 2812,50 € à titre de rappel de salaire consécutif à l'augmentation de salaire au prorata de sa présence à compter du 9 avril 2010 (4500 € x 7,5 /12),
- 30 000 € au titre de la part variable de la rémunération pour l'année 2010 ou, à titre subsidiaire , 27 500 € dans le cas d'un calcul de la prime au prorata du temps de présence,
- la remise d'un certificat de travail rectifié avec la mention des fonctions de directeur général adjoint sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
- 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il invoque les manquements de l'employeur dans le paiement des primes annuelles qui lui sont dues, la proposition d'augmentation de salaire qui n'a jamais été mise en place par M. [K], le fait que la société ne lui a pas remboursé les frais qu'il a engagés pour l'exercice de ses fonctions ; il fait valoir qu'au fil des mois les conditions de travail se sont considérablement dégradées dans la mesure où M. [K] a adopté un comportement qui a rendu la poursuite du contrat impossible ; que la société ASTEK SUD EST tente de réduire la portée de sa démission motivée en prétendant que ses qualités de directeur général adjoint auraient dû le conduire à notifier une prise d'acte de rupture en l'absence de laquelle sa demande de requalification serait vaine ; qu'une telle argumentation est dénuée de sens d'une part parce qu'il ne connaissait pas la distinction entre démission et prise d'acte de rupture et qu'enfin et surtout parce que le conseil des prud'hommes a fait application de la jurisprudence constante concernant la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il n'avait aucune obligation de formuler les récriminations motivant une rupture par la voie de la prise d'acte ; qu'il exprime clairement les motifs de sa démission qui repose expressément sur les manquements de l'employeur.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
Sur ce,
Sur la demande de règlement de la part variable de rémunération pour l'année 2009,
Attendu que la lettre de rémunération du 1er décembre 2009 indique :
« Votre fonction exercée en 2009 est Directeur Général AdJoint.
A ce titre vous percevrez une rémunération annuelle de 99 600€ ...qui se compose d'une partie fixe annuelle brute de 69 600 € et d'une partie variable annuelle brute de 30 000 € à objectifs atteints.
La partie variable annuelle dépend des objectifs fixés et des résultats réels enregistrés par nos services financiers, après arrêté des comptes. Cette partie variable de votre rémunération intègre la prime vacance et est subordonnée à votre présence effective dans l'entreprise aux dates prévues de versement.
Cette partie variable vous sera payée au moyen d'une avance semestrielle restituable sur la base proportionnelle de l'atteinte de vos objectifs
A la fin de l'année, le solde des commissions vous revenant sera calculé en fonction de la totalité des éléments d'intéressement vous concernant que vous aurez réalisé au cours de cette année.
Si le solde est positif et qu'il vous revient un solde de commission, il vous sera versé en février N+1.
A l'inverse, si le solde s'avère négatif, parce que vous n'avez pas atteint les objectifs contractuellement fixés, il sera procédé à la restitution des avances qui vous auront été versées au cours de l'année, selon un planning ou des modalités fixés d'un commun accord ou, à défaut d'accord, chaque mois, à hauteur de la quotité saisissable maximale, jusqu'à apurement de la somme due.
Vous trouverez en annexe le détail de vos objectifs ainsi que les montants de prime correspondants ... »
et l'annexe à cette lettre :
« Conformément à votre lettre de Rémunération 2009, nous vous précisons par la présente vos objectifs 2009.
Composition du variable:
Votre partie variable sera composée de 3 primes variables appelées V1, V2
1) Variable V1
Cette prime, représentant 20 OOO € de votre enveloppe annuelle, sera calculée sur un objectif d'accroissement du chiffre d'affaires de votre BU, lequel a été fixé conformément aux prévisions de production de la société sur le périmètre de clientèle qui vous a été affecté.
Votre objectif de Chiffre d'Affaire 2009 a été fixé à +10% du CA pour votre BU. soit un montant de 14 650 COO €...
...
2) Variable V2
Cette prime, représentant 5 500 € de votre enveloppe annuelle, sera calculée sur le TACE (taux activité congés exclus) de l'agence ASTEK SUD EST.
Attribution de V2
Cette prime est calculée de la façon suivante: 93% est l'objectif à atteindre .
3)Variable V3
Cette prime, représentant 4 500 € de votre enveloppe annuelle, sera attribuée sur les critères ci-dessous énoncés.
Cette prime vise à encourager le respect des méthodologies mises en oeuvre pour améliorer la satisfaction des clients et la profitabilité en s'appuyant sur des critères objectifs de participation et de respect des procédures internes ou de bonnes pratiques commerciales .
- participation et qualité des apports auprès de l'entité Sud-Est et du Groupe. Par apport, il est entendu une participation constructive aux discussions et des propositions ou des engagements concrets.
- Qualité, régularité et ponctualité dans les réponses aux questions posées et actions demandées par l'entité Sud-Est et d'autres entités du groupe ou par les acteurs centraux entrant dans votre domaine de compétence.
- Investissement dans les appels d'offre, mise à disposition d'une ressource pour aider une entité du groupe, investissement dans la gestion des inter-contrats, dans la gestion des forfaits, des TPDS, ...
L'évaluation sera semestrielle et sera effectuée par le directeur de l'entité Sud-est et sera appuyée par l'avis des Directeurs de Compte, Direction Commerciale, Direction Recrutement, Direction des Offres Stratégiques, ou toute autre Direction concernée par une démarche groupe »
et il apparaît que si M. [W] a perçu au titre de l'année 2009 la rémunération correspondant à la partie variable V1 et V2, il fait valoir que concernant la partie variable V3 il n'a perçu que 28 € au lieu des 4500 € qu'il estime lui être dus et sollicite en conséquence le reliquat de 4472 € ;
Attendu que la société ASTEK SUD EST conteste devoir cette somme au motif que si M. [W] n'a pas reçu l'intégralité de sa part variable V3 c'est parce qu'il n'a pas atteint les objectifs fixés dans le cadre de l'avenant au contrat, que les allégations de l'intéressé selon lesquelles il prétend sans en rapporter aucune preuve avoir réalisé 98 % de ses objectifs correspondant à la partie V3, sont insuffisantes, qu'en effet M.[W] n'a pas rempli les critères objectifs de participation et de respect des procédures internes, n'a formulé aucune proposition ni engagement concret, ne répondait pas dans les temps aux sollicitations et a fait preuve d'un investissement insuffisant surtout dans la gestion des inter-contrats et qu'en conséquence le non versement de la partie qualitative se justifie donc essentiellement par une mauvaise gestion des inter-contrats sur le compte Thalès Alenia Space, et ajoute que le Conseil des prud'hommes pour faire droit à cette demande a créé de nouvelles conditions non prévues contractuellement à savoir l'existence d'une évaluation semestrielle ;
Attendu toutefois que contrairement à ce que soutient la société ASTEK SUD EST l'annexe à la lettre de rémunération prévoit expressément que « l'évaluation sera semestrielle » et sera « effectuée par le directeur de l'entité Sud-Est » et appuyée par l'avis de divers autres directeurs , mode d'évaluation ayant précisément pour but d'éviter tout risque d'arbitraire dans l'appréciation des critères qui y sont définis de sorte que c'est à tort qu'elle soutient que le jugement déféré aurait fait état de conditions non prévues contractuellement ;
Attendu qu'il apparaît que sans aucun motif - autre que totalement subjectif tel que cela ressort des échanges d'e-mails entre le directeur général, M. [K], et M. [W] - ce dernier malgré ses multiples demandes d'explications a été privé de cette partie variable V3, le directeur général s'exonérant totalement de ses obligations contractuelles , se contentant soit d'esquiver toute demande d'entretien ou d'explication, soit d'insinuer que M. [W] doit forcément savoir qu'il ne peut prétendre à la partie qualitative de la rémunération variable, soit de lui faire des procès d'intention (« est-ce que la tournure de la lettre de démission que tu as écrites préfigure que tu vas aller au tribunal plaider que tu as été forcé de démissionner et demander des indemnités ' ») alors qu'il lui appartenait de démontrer notamment par l'évaluation semestrielle et après avis des autres directeurs concernés pour quel motif M. [W] ne pourrait pas prétendre à la variable V3 ;
Attendu que c'est en conséquence à juste titre que le jugement déféré a fait droit à la demande de M. [W] sur ce point à hauteur de la somme de 4472 € après déduction de celle de 28 € déjà perçue ;
Sur la demande de règlement de la part variable de rémunération pour l'année 2010
Attendu qu'à défaut de fixation d'objectifs pour l'année 2010 les deux parties sont d'accord pour appliquer en 2010 les modalités de calcul fixées à l'avenant du 1er décembre 2009 ;
Attendu que la lettre de rémunération prévoit donc que « la partie variable sera payée au moyen d'une avance semestrielle restituable sur la base proportionnelle de l'atteinte de vos objectifs » ce qui implique en conséquence à tout le moins le paiement de l'avance semestrielle quitte effectivement à ce qu'elle soit restituée si à la fin de l'année le salarié n'a pas atteint ses objectifs ;
Attendu que c'est en conséquence avec une certaine mauvaise foi que la Société ASTEK SUD EST se prévaut de la démission de M. [W] le 23 août 2010 - démission provoquée notamment par son défaut de paiement de la part variable V3 au titre de l'année 2009 - pour prétendre que celui-ci ne pourrait prétendre au paiement de la part variable de rémunération pour l'année 2010 en indiquant que lorsque le salarié n'est pas présent durant toute l'année la prime n'est pas due, que l'avance semestrielle n'est pas un acompte mais est une avance restituable, que la prime n'est pas payée en deux fois et qu'en conséquence, M. [W] ayant refusé de communiquer ses objectifs, ayant également refusé ceux proposés par le directeur général et ayant démissionné le 23 août 2010 la prime n'est pas due ;
Attendu toutefois que c'est à l'employeur à fixer les objectifs de sorte que c'est à tort que la société ASTEK SUD EST indique, au surplus sans en rapporter aucune preuve, que « M. [W] a refusé de communiquer ses objectifs au directeur général » et « a également refusé ceux proposés par celui-ci », ne justifiant en effet ni d'un refus ni d'aucune proposition ;
Attendu par ailleurs que c'est sans aucun motif que l'avance semestrielle contractuellement prévue n'a pas été versée fin juin ou début juillet à M. [W] et ce une fois de plus en méconnaissance des obligations contractuelles et sans que la société ASTEK SUD EST justifie des motifs de ce non versement, de sorte qu'elle ne peut reprocher à M. [W] d'être parti en cours d'année pour le priver rétroactivement d'une prime pour laquelle elle aurait dû à tout le moins lui verser une avance semestrielle ;
Attendu de même qu'elle ne peut se prévaloir de demandes quelle a formulées auprès de M. [W] après sa démission concernant la remise des arrêtés de compte et se prévaloir à ce titre des manquements de l'intéressé alors que ce sont ses manquements initiaux en qualité d'employeur qui ont été à l'origine du départ du salarié ;
Attendu que la Société ASTEK SUD EST ne peut non plus se prévaloir de la démission qu'elle a générée pour justifier après coup le non versement d'une prime alors que ce sont ses manquements réitérés dans le paiement de la rémunération qui ont privé M. [W], contraint de démissionner, de la possibilité d'effectuer jusqu'à la fin 2010 les objectifs qui auraient potentiellement permis le versement de la totalité de la partie variable ;
Attendu en conséquence que faute pour la Société ASTEK SUD EST d'établir en dehors de ses affirmations un motif objectif justifiant du non-paiement de la prime 2010 et ce d'autant que M. [W] a été mis dans l'impossibilité de fait de continuer son activité au sein de la société, il y a lieu, au prorata temporis toutefois du temps de présence, soit du 1er janvier 2010 au 24 novembre 2010, soit 10 mois et 24 jours, de faire droit à sa demande mais seulement à hauteur de 27 000 € ;
Sur la demande d'augmentation de salaire,
Attendu que les échanges de mails entre les parties, s'ils démontrent effectivement que M. [W] a à plusieurs reprises sollicité une augmentation de salaire, ce que M. [K] lui a reproché en lui indiquant notamment qu'il ne pensait « qu'à ça », et s'ils démontrent que des pourparlers ont eu lieu puisque le 9 avril 2010 M. [K] a écrit à M. [W] « [R], je te propose + 4500 € + 30 000 € de variables. Et il faut qu'on améliore la manière de travailler ensemble. Je te propose qu'on en parle lors d'un prochain déjeuner car la manière actuelle de collaborer tous les deux ne me plaît pas » n'ont toutefois donné lieu à aucun engagement ferme ni à la rédaction d'aucun avenant, de sorte que c'est à juste titre que le jugement déféré a débouté M. [W] de sa demande en rappel de salaire à ce titre ;
Sur la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Attendu que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu que quelles que soient les appréciations de la société ASTEK SUD EST sur l'instrumentalisation qu'elle reproche à M. [W] d'avoir mis en place lors de la rédaction de sa lettre de démission, il n'en demeure pas moins qu'en ne payant pas à M. [W] la prime variable V3 sur l'exercice 2009 et en ne lui versant pas l'acompte semestriel sur la partie variable 2010, elle a manqué gravement à ses obligations contractuelles tenant au versement de la rémunération, ce qui justifie que M. [W], ait désiré présenter sa démission, précision faite qu'il n'avait aucune obligation de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, préférant attendre d'avoir trouvé un nouvel emploi, ce qu'il a fait en décembre 2010 auprès de la société Castamagna, et donc effectuer son préavis avant de quitter la société ;
Attendu qu'il est à titre superflu observé que M. [W] n'a nullement instrumentalisé sa démission ni ne s'est réservé comme le lui reproche la société ASTEK SUD EST « d'en tirer un avantage spéculatif » puisqu'il était prêt au contraire à ne pas se prévaloir de l'obligation dans laquelle il avait été placé de démissionner si un accord était trouvé avec l'employeur pour régler le passif ;
Attendu en effet qu'en réponse à l'interrogation de M. [K] formulée dans son e-mail du 26 août 2010 (« est-ce que la tournure de la lettre de démission que tu as écrite préfigure que tu vas aller au tribunal plaider que tu étais forcé de démissionner et demander des indemnités ») il répondait : « je n'en ai pas envie et je suis prêt à m'engager par écrit à ne pas le faire si on trouve un accord pour régler le passif » démontrant d'autant plus ainsi si besoin était, que c'est bien le non-paiement de ce passif qui a en grande partie motivé sa démission ;
Attendu que c'est en conséquence à juste titre, sans qu'il y ait lieu même d'examiner les autres griefs imputés par M. [W] à son employeur, que le jugement déféré a requalifié la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'au regard de l'ancienneté de M. [W], six ans, à son âge lors du licenciement, 40 ans, et prenant en compte le fait qu'il a instantanément trouvé un autre travail à l'issue de son préavis, d'abord dans une société puis dans une autre , peu important que ces emplois aient été entrecoupés de périodes de chômage, et désormais en contrat à durée indéterminée, il y a lieu de confirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Sur l'indemnité de licenciement,
Attendu que M. [W] a sollicité et obtenu devant le Conseil des prud'hommes la somme de 22 707,97 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sans qu'à aucun moment ne soit justifié ni par lui ni par le jugement le quantum de cette demande de sorte qu'il y a lieu de se référer à ce qui est prévu par le code du travail concernant le montant de cette indemnité ;
Attendu qu'aux termes de l'article R. 1234. 1 du code du travail :
« l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234. 9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines »,
de l'article R. 1234.2 du même code :
« l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté »
et de l'article R1234-4 :
« le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement et, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° soit le 12e de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement ;
2° soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est pris en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion »
de sorte que sur la base d'une rémunération annuelle , en ce compris la rémunération variable , de 99 600 € soit 8 300 € par mois, M. [W] peut prétendre pour une ancienneté de six ans et huit mois à la somme de :
8 300 € : 5 = 1660 € x 6 ans = 9960 € + 1106,67 € = 11 066,67 € et non 22 707,97 € comme alloué par le jugement déféré qui sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande de remboursement de frais,
Attendu que c'est à juste titre, au vu des pièces produites par M. [W], à savoir une facture de 296,54 € en date du 27 mai 2009 concernant un pneu de son véhicule professionnel, et une note de frais de 468,34 € concernant la période du 1er au 30 septembre 2010 justifiée notamment par les tickets de péage ou de restaurant a condamné la Société ASTEK SUD EST au paiement de ces deux sommes ;
Sur la demande de modification du certificat de travail,
Attendu que le certificat de travail mentionne la qualité de « consultant » au lieu de directeur général adjoint de sorte que la société ASTEK SUD EST devra délivrer à M. [W] un certificat de travail rectifié, la nécessité du prononcé d'une astreinte n'étant toutefois pas rapportée ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à M. [W] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société ASTEK SUD EST en cause d'appel à lui verser sur ce même fondement la somme de 1500 € ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié la démission en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ainsi que dans les montants alloués au titre de la part variable V3 pour l'année 2009 (4472 €), au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (50 000 €), du remboursement de pneumatiques pour véhicule de fonction (296,54 €), du remboursement de frais professionnels engagés et justifiés pour septembre 2010 (468,34 €) ainsi que dans sa disposition relative à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ,
Infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau ,
Condamne la SAS ASTEK SUD EST à verser à M. [R] [W] les sommes de:
27 000 € au titre de la rémunération variable du 1er janvier 2010 au 24 novembre 2010,
11 066,67 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
Y ajoutant,
Dit que la SAS ASTEK SUD EST devra délivrer à M. [W] un certificat de travail mentionnant la qualité de directeur général adjoint,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne la SAS ASTEK SUD EST aux dépens ainsi qu' à payer à M. [R] [W] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER POURLE PRESIDENT EMPÊCHÉ
LE CONSEILLER
Martine VERHAEGHE