COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2013
jlg
N° 2013/306
Rôle N° 12/07467
[E] [X]-[R]
[N] [R] veuve [X]
C/
[W] [J] [C]
Grosse délivrée
le :
à :
Me SIMONI
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 29 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00905.
APPELANTS
Monsieur [E] [X]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Madame [N] [R] veuve [X]
née le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [W], [J] [C]
né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 3] (ISRAEL), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Séverine TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et moyens des parties :
M. [W] [C] est propriétaire à [Localité 2] (04), d'un fonds constitué notamment des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 3] et [Cadastre 5], ainsi que de la moitié indivise de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 4].
Mme [N] [R] veuve [X] et M. [E] [X] (les consorts [X]) sont respectivement usufruitière et nu-propriétaire indivis d'un fonds voisin constitué notamment des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 1] à [Cadastre 2].
Dans le cadre d'un litige ayant opposé les consorts [X] à M. [C] ainsi qu'à M. [D] [P] et Mme [I] [Y] épouse [P], également propriétaires indivis de la parcelle B [Cadastre 4], cette cour, par arrêt infirmatif du 10 avril 2006, a dit :
-que le chemin partant du CD 8 et rejoignant le CD 12 dit [Adresse 1] tel que figuré au cadastre ancien et, dans la partie du tronçon sur lequel le passage est revendiqué, soit du CD 8 à la propriété [X], tel que figuré sur la carte d'état major de 1952, est un chemin d'exploitation,
-dit que les intimés, riverains de ce chemin, ont le droit d'en user et donc d'y passer,
-dit que si les intimés (M. [C] et les consorts [P]) s'opposent à ce que les consorts [X] passent sur le tracé actuel du chemin qu'ils ont modifié au débouché du CD 8, cadastré B [Cadastre 4], il leur appartiendra de remettre en état le tracé initial tel que figuré sur l'ancien cadastre traversant la parcelle alors cadastré [Cadastre 6],
-dit que les intimés ne pourront s'opposer matériellement à ce que les consorts [X] empruntent l'accès tel qu'aménagé sur le CD 8, jusqu'à la remise en état de l'ancien tracé.
Par acte du 28 juin 2010, M. [C] a assigné Mme [N] [R] veuve [X] et M. [E] [X] (les consorts [X]) devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, afin qu'ils soient condamnés à enlever le portail qu'ils ont mis en place sur le chemin d'exploitation dans sa portion traversant sa propriété, ainsi que les blocs de bétons qu'ils ont installés en bordure de ce chemin et en travers de celui permettant l'accès sa maison.
Par jugement du 29 février 2012 le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a statué en ces termes :
« -constate que le portail installé par M. [X] sur les parcelles cadastrées [Cadastre 5] et [Cadastre 3] [Adresse 2] constitue une atteinte à la propriété de M. [W] [C] et à ses droits sur le chemin d'exploitation tels qu'ils ont été consacrés par l'arrêt de la cour d'appel ;
« -condamne solidairement les consorts [E] et [N] [X] à opérer la démolition intégrale de l'ouvrage de portail et tous ses accessoires implantés sur le chemin d'exploitation qui longe les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 3] appartenant à M. [C], localisé sur le constat d'huissier à l'entrée de la deuxième épingle à cheveux depuis le RD 8, avec remise en état intégrale des lieux, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision ;
« -condamne solidairement les consorts [E] et [N] [X] à retirer à leurs frais l'intégralité des blocs de béton et talus de terre mis en place dans le virage de l'épingle à cheveux postérieure au portail condamné et à remettre en état le chemin d'accès et à la propriété [C] ;
« -autorise les demandeurs [C] à démolir l'intégralité des ouvrages de blocs de béton et talus de terre mis en place pour bloquer l'accès à leur maison ;
« -rejette l'intégralité des demandes des consorts [X] ;
« -condamne solidairement les consorts [E] et [N] [X] à payer à M. [W] [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
« -condamne les consorts [E] et [N] [X] à supporter les entiers dépens de la procédure qui comprendront les frais d'huissiers ;
« -ordonne l'exécution provisoire de la décision. »
Les consorts [X] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 avril 2012.
Par ordonnance du 21 janvier 2013, le conseiller de la mise en état a, d'une part, déclaré recevables les conclusions que M. [C] a notifiées aux consorts [X] le 11 septembre 2012, d'autre part, dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.
Le 24 septembre 2012, les consorts [X] ont remis au greffe des conclusions dont la partie en forme de dispositif est ainsi rédigée :
« -vu les articles 117, 118 et 119 et 122 du code de procédure civile,
« -vu les articles 102, 544, 545, 815, 832, 1382, 2229, 2235 et 2261, 2265 du code civil,
« -vu les articles 162 et suivants du code rural,
« -vu les pièces produites,
« -constater l'exception de nullité entachant le jugement du 29 février 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains,
« -recevant les concluants sur leur appel incident, infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,
« -statuant à nouveau,
« -constater que le chemin d'exploitation du [Adresse 1] est la propriété exclusive de Mme [X],
« -constater la renonciation constante de M. [C] au droit d'usage sur ce chemin dont il s'affranchit de toute contribution et charge d'entretien,
« -constater l'usucapion de la parcelle [Cadastre 5] par [X] acquise depuis 1923 de manière continue, paisible, publique et sans équivoque par [M],
« -dire irrecevables et infondées les demandes formulées par M. [C] [W],
« -débouter M. [C] de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
« -condamner [W] [C] à payer à Mme [R] [N] veuve [X] la somme de 75 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés,
« -condamner [W] [C] à payer à Mme [R] [N] veuve [X] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
« -condamner [W] [C] à payer la somme de 25 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
« -condamner [W] [C] aux entiers dépens de l'instance ' »
La partie en forme de dispositif de leurs dernières conclusions remises au greffe le 10 mai 2013 et auxquelles il convient de se référer, est rédigée en ces termes :
« -vu les articles 117, 118 et 119 et 122, 908, et 909 du code de procédure civile,
« -vu les articles 102, 544, 545, 815, 832, 1382, 2229, 2235 et 2261, 2265 du code civil,
« -vu les articles 162 et suivants du code rural,
« -vu les pièces produites,
« -vu les conclusions notifiées le 11 septembre 2012,
« -déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 11 septembre 2012 par M. [C] à M. [X]-[R] et Madame [R] veuve [X] ;
« -constater l'exception de nullité entachant le jugement du 29 février 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains,
« -recevant les concluants sur leur appel incident, infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,
« -statuant à nouveau,
« -constater que le chemin d'exploitation du moulin de [Adresse 1] est la propriété de Mme [X],
« -constater la renonciation constante de M. [C] au droit d'usage sur ce chemin dont il s'affranchit de toute contribution et charge d'entretien,
« -constater l'usucapion de la parcelle [Cadastre 5] par [X] acquise depuis 1923 de manière continue, paisible publique et sans équivoque par [M],
« -dire irrecevables et infondées les demandes formulées par M. [C] [W],
« -débouter M. [C] de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
« -condamner [W] [C] à payer à Mme [R] [N] veuve [X] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
« -condamner [W] [C] à payer la somme de 25 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
« -condamner [W] [C] aux entiers dépens de l'instance' »
En ce qui concerne leur demande tendant à l'annulation du jugement entrepris, ils exposent notamment :
-que ce jugement sera « frappé de nullité pour cause d'irrégularité de fond entachant l'acte introductif d'instance ainsi que la procédure, nullité prévue par les termes des articles 117 à 119 du code de procédure civile, selon le motif constant que toutes les parties en cause n'ont pas été atteintes par une quelconque assignation, encore que la seule assignation sur laquelle se fonde le jugement (pièce n° 1) dont appel n'a jamais été signifiée à personne, compte tenu de l'enclave matérielle dont ceux-ci supportent encore et toujours le préjudice dont M. [C] [W] est l'un des auteurs, et ceci malgré la clarté des décisions de justice qui rétablissent les appelants dans leurs droits depuis l'arrêt du 10 avril 2006 (pièce n° 2). »
-que le jugement fait référence à un constat du 31 mars 2011, lequel a peu de chance d'exister, vu qu'il n'est même pas produit par le demandeur.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 11 septembre 2012 et auxquelles il convient de se référer, M. [C] demande à la cour :
-de déclarer l'appel interjeté par les consorts [X] irrecevable, la décision dont appel étant revêtue de l'exécution provisoire et n'ayant pas été exécutée,
-à titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire l'appel était déclaré recevable,
-de confirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions,
-de condamner les consorts [X] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2013.
Le 23 mai 2013, M. [C] a déposé des conclusions au fond aux termes desquelles il demande que les conclusions que les consorts [X] lui ont notifiées le 10 mai 2013 soient écartées des débats, et subsidiairement que l'ordonnance de clôture soit révoqués.
Cet incident a été joint au fond.
Motifs de la décision :
Les parties ont été informées par avis du 25 février 2013, que l'ordonnance de clôture serait rendue le mardi 14 mai 2013.
Selon l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
M. [C] se bornant, pour justifier sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, à invoquer la nécessité de répondre aux dernières conclusions des consorts [X], ce qui ne constitue pas en soi une cause grave, cette demande ne peut être accueillie.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le vendredi 10 mai 2013, les consorts [X] ont développé une nouvelle argumentation à laquelle M. [C] n'a pas été en mesure de répondre avant l'ordonnance de clôture en raison de sa technicité. Ces conclusions, qui font donc échec au principe de la contradiction, seront écartées des débats.
Selon l'article 914 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité de l'appel après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De surcroît, l'inexécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de l'appel.
Le fait que M. [C] n'ait pas assigné devant le tribunal de grande instance tous les nus-propriétaires indivis du fonds dont Mme [X] est usufruitière, ne constitue pas une cause de nullité du jugement.
Le procès-verbal de constat du 31 mars 2011 est mentionné sur le bordereau annexé aux dernières conclusions déposées par M. [C] devant le tribunal et les consorts [X] n'ont jamais fait valoir que cette pièce ne leur avait pas été communiquée. Ils ne sont donc pas fondés à demander l'annulation du jugement entrepris.
Il est établi, tant par un procès-verbal de constat dressé le 31 mars 2009 par l'huissier de justice [V] [G], que par le procès-verbal de constat que ce dernier a également établi le 31 mars 2011, que les consorts [X], qui ne le contestent d'ailleurs pas, ont installé un portail fermé par un cadenas sur l'assiette du chemin d'exploitation, dans sa portion comprise entre les parcelles B [Cadastre 3] et B [Cadastre 5] et ont mis en place, en bordure de ce chemin, des blocs de béton et un talus de terre empêchant M. [C] d'accéder à sa maison.
Selon l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, les chemins d'exploitation sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés.
Mme [X] ne justifie d'aucun titre de propriété sur la portion du chemin d'exploitation comprise entres les parcelles B [Cadastre 3] et B [Cadastre 5]. Par ailleurs, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle a effectué sur cette portion de chemin et pendant les trente années ayant précédé l'assignation du 28 juin 2010, d'autres actes que ceux ayant consisté à l'utiliser comme elle en a le droit pour accéder à son fonds. Ainsi, ni elle ni M. [E] [X] ne peuvent être propriétaires de la portion du chemin d'exploitation traversant le fonds de M. [C] ou de la parcelle B [Cadastre 5].
À supposer que M. [C] n'ait jamais contribué aux charges d'entretien du chemin d'exploitation, on ne peut en déduire une quelconque volonté de sa part de renoncer à son usage et à sa propriété.
Un chemin d'exploitation ne peut être fermé sans le consentement de tous ceux qui ont le droit de s'en servir. En outre, celui qui dispose du droit de passer sur un chemin d'exploitation dont il n'est pas propriétaire, ne peut rien faire qui empêche les propriétaires riverains d'y créer des accès. C'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a fait droit aux demandes de M. [C] et débouté les consorts [X] de leurs demandes.
Par ces motifs :
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
Écarte des débats les conclusions que M. [C] a notifiées au consorts [X] le 10 mai 2013;
Déclare M. [C] irrecevable à soulever l'irrecevabilité de l'appel devant la cour ;
Rejette la demande tendant à l'annulation du jugement déféré ;
Déboute Mme [N] [R] veuve [X] et M. [E] [X] de leurs demandes tendant à être déclarés propriétaires, d'une part, du chemin d'exploitation dans sa portion comprise entre les parcelles B [Cadastre 3] et B [Cadastre 5], d'autre part de la parcelle B [Cadastre 5] ;
Déclare M. [C] propriétaire du chemin d'exploitation dans sa portion compris entre les parcelles B [Cadastre 3] et B [Cadastre 5] lui appartenant ;
Confirme en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [N] [R] veuve [X] et M. [E] [X] à payer la somme de 2 000 euros à M. [C] ; rejette les demandes de Mme [N] [R] veuve [X] et de M. [E] [X] ;
Condamne Mme [N] [R] veuve [X] et M. [E] [X] aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT