COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 SEPTEMBRE 2013
N° 2013/438
Rôle N° 09/23043
S.A.S. OFIE - OFFICE FRANCAIS INTER ENTREPRISES
C/
S.A. OGF
Grosse délivrée
le :
à :
BOULAN
MAYNARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 05/31.
APPELANTE
S.A.S. OFIE - OFFICE FRANCAIS INTER ENTREPRISES prise en la personne de son Président en exercice M. [O] domicilié en cette qualité au siège social sis,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée en lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS avoués
plaidant par Me Frédéric CHAMBONNAUD, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A. OGF prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié es-qualité au siège social,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Jérôme ORSI, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Catherine COLENO, Présidente de Chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Mme Anne CAMUGLI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013,
Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SA S OFIE (Office français interentreprises) bailleur et la société OGF preneur sont en l'état d'un bail commercial portant sur des locaux situés dans un immeuble en copropriété [Adresse 2] et constituant les lots 30 et 24 de la copropriété, ces lots sont à usage d'agence de pompe funèbre.
Le bail avait été consenti le 1° janvier 1985 par M.[U] aux consorts [W] pour une durée de 9 ans du 1° janvier 1984 au 31 décembre 1992, il a été renouvelé à la suite d'un congé avec offre de renouvellement délivré le 9 juin 1992 à effet au 31 décembre 1992.
Par acte du 28 octobre 1992 les consorts [W] ont cédé leur fonds de commerce à la société HDS aux droits de laquelle vient en dernier lieu la SA OGF.
Les héritiers de M.[U] ont cédé les locaux loués à la SAS OFIE par acte du 22 mars 2000.
Par acte des 9 et 15 novembre 2000 la SAS OFIE bailleur a délivré congé avec offre de renouvellement pour un loyer déplafonné de 80.000 francs (12.195,92 euros)
Par jugement du 7 juin 2006 le Tribunal de Grande Instance de Nice après avoir constaté l'accord des parties sur le principe d'un renouvellement du bail à compter du 1° janvier 2002 pour une durée de 9 ans a ordonné une expertise confiée à Mme [F] [Z].
L'expert a déposé son rapport le 30 novembre 2006, elle conclut à un déplafonnement en raison d'une amélioration des lieux, constituée par des travaux de percement des murs réalisés en 1982 et destinés à réunir le lot 30 au lot 31 objet d'un bail distinct conclu le 26 février 1982 avec le même bailleur; elle détermine une valeur locative de 163,56 euros le m² pour une superficie de 39,51 m²avec une minoration de 10% l'impôt foncier étant à la charge du preneur soit un loyer déplafonné de 5.763,03 euros.
S'agissant de travaux d'amélioration non financés par le bailleur l'expert retient que leur incidence doit être prise en considération sur le second renouvellement.
Par jugement du 4 novembre 2009 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de Nice a dit que les travaux en question ne constituaient pas des travaux d'amélioration mais de modification notable des caractéristiques des lieux loués relevant de l'article L154-3 du code de commerce dont l'incidence devait être pris en considération lors du premier renouvellement et a rejeté la demande de déplafonnement, le bailleur n'apportant pas la preuve que cette modification avait eu lieu au cours du bail expiré.
Le loyer a été fixé au montant du loyer indexé soit 4.803,79 euros, hors taxes et hors charge, la société OFIE a été condamnée au dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
La SAS OFIE bailleur a relevé appel de cette décision par acte du 15 janvier 2010.
Par ordonnance du 6 mai 2013 le conseiller de la mise en état a rejeté une demande tendant à voir produire sous astreinte les factures des travaux, en considération de la proximité de la date de plaidoiries.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS OFIE par conclusions déposées et signifiées le 24 juin 2013 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à l'infirmation de la décision au déplafonnement du loyer et à sa fixation à la somme de 9.787 euros hors taxe et hors charge à compter du 1° janvier 2002.
Elle expose:
- que les travaux n'ont pu être faits en 1982 puisque le bail ne date que du 1° janvier 1985,
- qu'aucune énonciation ne vient confirmer les affirmations du preneur selon lequel le bail signé le 1° janvier 1985 est un bail renouvelé,
- que l'acte d'acquisition des murs intervenu le 22 mars 2000 , ne fait pas état d'une réunion des locaux, et que le plan fourni à cette occasion figure une séparation entre ces locaux
- que l'attestation de M.[W] n'est pas probante compte tenu de l'ancienneté de la situation que le témoin relate et du fait qu'il n'a pas assisté à la réalisation des travaux.
Subsidiairement, même dans l'hypothèse ou les travaux seraient tenus pour réalisés en 1982 elle indique qu'elle n'a eu connaissance des travaux qu'au cours des opérations d'expertise.
Elle analyse la condition de survenue au cours de la période de référence de la modification des caractéristiques du local comme une prescription et soutient que cette prescription ne peut lui être opposée tant qu'elle n'avait pas connaissance du fait la faisant courir, qu'elle n'a découvert qu'au cours des opérations d'expertise.
S'agissant de la valeur locative , elle critique l'évaluation faite par l'expert judiciaire, invoque la qualité des facteurs locaux de commercialité liés à l'emplacement exceptionnel des locaux et conclut à une valeur locative de 189 euros le m² en tenant compte au titre des références de deux baux conclus après 2002.
La SA OGF par conclusions déposées et signifiées le 18 juin 2013 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à titre principal à la confirmation de la décision et subsidiairement dans l'hypothèse où la cour retiendrait un motif de déplafonnement elle demande que la valeur locative soit fixée à la somme de 5.049,49 euros à compter du 1° janvier 2002 et demande la condamnation dans tous les cas de la SAS OFIE à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Elle soutient que le bailleur n'apporte pas la preuve que les travaux ont été réalisés pendant le bail écoulé soit au cours de la période du 1° janvier 1993 au 31 décembre 2001,
Elle fait valoir que le bail du 1° janvier 1985 est manifestement un bail renouvelé puisque sa prise d'effet est reportée au 1° janvier 1984, et que le percement a nécessairement eu lieu en 1982, elle se prévaut d'une attestation de M.[A] [W] qui confirme que les travaux ont été faits au début des années 1980.
Subsidiairement soulignant le caractère évolutif des prétentions de la SAS OFIE elle conteste la pondération de 1,25 retenue par l'expert pour un local en angle et appliquée au surplus à l'ensemble de la superficie (y compris réserve et wc) et conclut à une surface pondérée de 34,30 m² et à une valeur locative de 5.049,09 euros tenant compte d'un abattement de 10 % pour prise en charge de l'impôt foncier par le preneur
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2013
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le cadre du débat.
Les parties sont désormais convenues que le bail de 1985 a fait l'objet d'un renouvellement par l'effet d'un congé délivré à l'initiative du bailleur le 9 juin 1992 et le litige concerne le loyer du bail renouvelé à compter du 1° janvier 2002.
Les parties sont également d'accord pour considérer que le motif du déplafonnement soumis à l'appréciation de la cour consiste dans une modification notable des caractéristiques du local considéré qui consisterait dans des travaux de réunion entre le local litigieux et le lot 31 objet d'un bail distinct et appartenant au même bailleur, si bien que toutes les considérations concernant une prétendue amélioration des locaux sont sans effet.
La SAS OFIE ne saisit plus la cour d'une demande de communication de pièce, et ne prétend plus tirer de conséquences de la suppression de l'établissement situé [Adresse 4] s'agissant de locaux étrangers à ceux en litige.
Les principes juridiques applicables
Le premier juge a exactement rappelé que la charge de la preuve du motif de déplafonnement incombe au bailleur, demandeur au déplafonnement.
La modification notable ne peut concerner que le cours du bail à renouveler jusqu'à la date d'effet du nouveau bail, cette période de référence se situe en l'espèce entre le 1° septembre 1993 et le 31 décembre 2001.
La SAS OFIE oppose vainement la notion de prescription pour soutenir que la période à prendre en considération devrait avoir comme point de départ la réalisation des opérations d'expertise, soit une période postérieure au renouvellement.
En effet l'existence d'une modification notable des caractéristiques du local au sens des articles L 145-33 et R 145-8 du code de commerce pendant la période de référence constitue une condition d'acquisition du droit au déplafonnement, de sorte qu'aucune autre période de référence ne saurait être prise en considération.
La preuve de la modification notable incombe au demandeur, or non seulement la SAS OFIE ne fournit aucune preuve sur la date de réalisation des travaux, mais la SA OGF verse aux débats l'attestation de [A] [W], fils de [V] [W] lequel était titulaire du bail de 1985.
Ce témoin atteste avoir été le collaborateur de son père de janvier 1981 jusqu'à la vente de son entreprise au début des années 1990 à la société HDS et avoir été depuis lors salarié des différentes sociétés qui ont succédé à [V] [W].
Il atteste que la réunion des locaux a eu lieu dans le début des années 1980 et que la configuration actuelle des locaux est telle que la société HDS l'a trouvée.
L'auteur de cette attestation étant né le [Date naissance 1] 1962 avait une complète capacité de discernement à l'époque des faits dont il témoigne.
Il atteste de faits précis qu'il a constatés, a savoir l'existence des travaux déjà réalisés avant la cession du fonds de commerce, étant précisé que cette cession est intervenue le 28 octobre 1992.
En conséquence cette attestation présente toute garantie de sérieux pour être prise en considération, et en l'état de ce témoignage, qui constitue le seul élément de preuve direct sur la date de réalisation des travaux, il ne peut qu'être déduit que la SAS OFIE n'apporte pas la preuve dont elle a la charge d'une réalisation des travaux pendant la période de référence soit entre le 1° janvier 1993 et le 31 décembre 2001, puisqu'ils ont été réalisés avant la cession du fonds de commerce survenue en octobre 1992.
Les travaux ayant été réalisés avant octobre 1992, il en ressort également que la SAS OFIE, qui a acquis les biens immobiliers grevés du bail par acte du 22 mars 2000 a pu à cette occasion se convaincre de la configuration exacte des locaux qu'elle a nécessairement acquis en connaissance de cause , les affirmations de la SAS OFIE qui prétend avoir été empêchée d'agir par une ignorance légitime de la situation jusqu' à l'ouverture des opérations d'expertise, et qui se prévaut en outre d'une absence d'autorisation du bailleur sont de ce fait totalement inopérantes, et ne saurait conduire à modifier la date de prise d'effet des travaux de modification litigieux et à fonder la prétention du bailleur.
En conséquence le premier juge a exactement retenu que faute de preuve par le bailleur d'une modification des caractéristiques des locaux au cours du bail expiré, il n'y avait pas matière à déplafonnement, sa décision sera confirmée.
La SAS OFIE dont l'appel est rejeté supportera les dépens outre une nouvelle indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant contradictoirement
Rejette le moyen de la SAS OFIE fondé sur la prescription,
confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
condamne en outre la SAS OFIE à payer à la SA OGF la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
condamne la SAS OFIE aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Maynard et Simoni en liquidation amiable.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT