COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 SEPTEMBRE 2013
N° 2013/ 478
Rôle N° 11/19314
SARL BABYLONE
C/
[Y] [V]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD
Me CIPRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 Octobre 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2010F00090.
APPELANTE
SARL BABYLONE,
représentée par son gérant M. [N] [M],
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par la SELARL RAYNEL-MILON, avocats au barreau de NICE substituée par Me Alexandre MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [Y] [V]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Patrice CIPRE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Juin 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller rapporteur
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
La société BABYLONE, constituée par la société FINZHOLD le 11 mai 2001, gérait le fonds de commerce de restaurant sis à [Adresse 2], sous l'enseigne BULL DOG PUB II, acquis le 14 mai 2001.
Messieurs [V] et [M] étaient les cogérants statutaires de la société BABYLONE.
Le 29 juin 2001 les sociétés BABYLONE et CASA DI POMPEI, dont Monsieur [V] était le gérant, ont constitué la société en participation BABY BULL ayant pour objet l'exploitation en commun des deux fonds de commerce distincts, mais contigus dont celui sis au [Adresse 2].
Monsieur [V], ès-qualités de gérant de la société CASA DI POMPEI, était seul statutairement habilité, à l'égard des tiers, à prendre toute décision nécessaire à l'activité de la société en participation, et dans les rapports entre associés, à faire tous les actes de gestion courante dans l'intérêt de la société, les décisions dépassant la gestion courante ne pouvant être prises que de l'accord unanime des associés.
La société en participation a été dissoute le 9 janvier 2003, chacune des deux sociétés reprenant la libre disposition et l'exploitation directe de son fonds de commerce.
La SARL BABYLONE a cédé le 9 mars 2006 le fonds de commerce, exploité en location gérance depuis le 21 octobre 2003, à la société VALENTIN créée à cette fin par l'ancien locataire gérant Monsieur [P]. Trois oppositions ont été formées sur le prix de cession par la BRASSERIE KRONENBOURG, la BRASSERIE MAURO et le Trésor Public.
Par jugement définitif du TGI de STRASBOURG du 19 mai 2009, rendu sur une assignation délivrée le 5 janvier 2007 par la BRASSERIE KRONENBOURG à la société BABYLONE, celle-ci a été condamnée au paiement de la somme de 38.112 euros à titre de 'restitution d'investissement' et celle de 91.171,49 euros à titre de dommages et intérêts en application de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2005 et capitalisation des intérêts.
Par exploit du 26 janvier 2010 la SARL BABYLONE a assigné Monsieur [V], relevé de ses fonctions de cogérant le 11 janvier 2010, devant le Tribunal de commerce de NICE au visa de l'article L 223-22 du code de commerce et de l'article 1992 du code civil, pour l'entendre être condamné au paiement de la somme de 150.045,85 euros, à parfaire ou à diminuer, ramenée ensuite à la somme de 50.865,31 euros, lui reprochant des fautes de gestion dans l'exercice de ses fonctions de gérant.
Par jugement du 27 octobre 2011 le Tribunal a :
Débouté la société BABYLONE de ses demandes,
Débouté Monsieur [V] de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société BABYLONE aux dépens.
Le Tribunal a considéré que le contrat avec le brasseur n'avait jamais été respecté quant aux clauses de volume, ce que Monsieur [M] ne pouvait ignorer, que Monsieur [V] n'avait fait que se soumettre à la décision du TGI en sachant que la société BABYLONE n'avait pas respecté ses obligations et qu'au visa des articles 10-2 et 10-3 des statuts aucune faute de gestion ne pouvait lui être reprochée.
Par acte du 10 novembre 2011 la SARL BABYLONE a interjeté appel du jugement.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 février 2012, la SARL BABYLONE demande à la Cour de :
Vu l'article L 223-22 du code de commerce, l'article 1843-5 du code civil,
La recevoir en son appel,
Réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
Le confirmer en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de ses demandes,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que Monsieur [V] a méconnu ses obligations et commis des fautes de gestion dans l'exercice de ses fonctions de gérant de la SARL BABYLONE,
Le condamner au paiement de la somme de 50.865,31 euros en application de l'article L 233-22 du code de commerce,
Le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle soutient que Monsieur [V], en n'exécutant pas le contrat de bières avec la BRASSERIE KRONENBOURG, en dissimulant la procédure devant le TGI de STRASBOURG à l'associé, en n'interjetant pas appel du jugement ce qui l'a privée de la faculté de discuter la condamnation et de demander la modération de la clause pénale, a commis des fautes de gestion.
Elle précise, qu'agissant en tant que société contre un des cogérants elle est recevable et fondée à engager la responsabilité de celui-ci à son égard et à lui demander réparation du préjudice résultant des fautes de gestion qu'il a commises.
Par conclusions déposées et notifiées le 5 mars 2012 Monsieur [V] demande à la Cour de :
Confirmer le jugement attaqué,
En conséquence,
Débouter la SARL BABYLONE de ses demandes,
La condamner au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
La condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il fait valoir n'avoir commis aucune faute de gestion, que rien ne démontre qu'un appel aurait permis une issue favorable dans le litige avec le brasseur, que Monsieur [M], l'autre cogérant, connaissait l'existence du contrat de bières.
Il précise que la société BABYLONE n'a décaissé au titre de la condamnation que la somme de 49.418,73 euros, l'assureur de l'avocat séquestre lui ayant remis par erreur la totalité du prix de cession malgré les oppositions, ayant versé à la BRASSERIE KRONENBOURG la somme de 100.000 euros à titre d'indemnité.
Il soutient que seul l'assureur ayant réglé cette indemnité aurait qualité à agir dans le cadre de la subrogation légale pour demander le remboursement de cette somme.
L'affaire a été clôturée en l'état le 5 juin 2013.
MOTIFS
Attendu qu'en vertu de l'article L 223-22 du code de commerce 'Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage...' ;
Attendu que le TGI de STRASBOURG statuant en matière commerciale a relevé à l'appui de sa décision de condamnation de la SARL BABYLONE au paiement des sommes de 38.112 euros à titre de 'restitution d'investissement' et de 91.171,49 euros à titre de dommages et intérêts, que la société BABYLONE n'avait jamais exécuté le contrat de bières d'une durée de 5 ans conclu le 29 juin 2001 prenant fin le 14 juillet 2006, et ne s'était jamais approvisionnée auprés du brasseur en bières en fût ;
Attendu que le contrat de brasserie avec nantissement imposant à la société BABYLONE de s'approvisionner exclusivement pour l'exploitation de son fonds de commerce 'BULL DOG PUB II' auprés du brasseur pour un volume de 1750 hectolitres de bières pendant la durée du contrat contre un investissement d 250.000 euros qui lui était consenti, a été signé par Monsieur [V] ;
Attendu que ce dernier a géré les deux fonds de commerce pour le compte de la société en participation BABY BULL du 1er juillet 2001 au 9 janvier 2003 ;
Attendu que Monsieur [V], en n'exécutant pas le contrat de bières conclu avec la brasserie KRONENBOURG dont il connaissait parfaitement les clauses, a commis une faute de gestion ;
Attendu qu'il n'a pas contesté le jugement du TGI de STRASBOURG du 29 mai 2009 qu'il n'a pas frappé d'appel, reconnaissant le défaut d'exécution de cet engagement, ainsi que l'absence de dénonciation au brasseur de la mise en location gérance du fonds, en violation du contrat, et de reprise par le locataire gérant dudit contrat toujours en cours à la date de la cession, dont la société BABYLONE demeurait garante ;
Attendu qu'au regard des termes du contrat de brasserie et de la motivation du jugement non contredite utilement par les éléments du dossier, il n'est pas démontré par la société BABYLONE que l'absence de recours contre le jugement du 29 mai 2009 lui ai fait perdre une chance sérieuse d'éventualité favorable de réformation, partielle ou totale, de cette décision ;
Attendu que les actes de location gérance du 20 octobre 2003 et de cession du fonds de commerce du 9 mars 2006 ont été conclus pour le compte de la SARL BABYLONE par Monsieur [M], cogérant, spécialement habilité pour ce faire notamment par une assemblée générale extraordinaire du 25 janvier 2006 s'agissant de la cession du fonds ;
Attendu que ces deux actes faisaient état du bénéfice des traités, conventions, marchés passés avec tout tiers pour l'exploitation du fonds de commerce, notamment avec MAURO KRONENBOURG, l'acte de cession mentionnant le nantissement du fonds au profit des brasseries KRONENBOURG pour un montant de 41.923,48 euros ;
Attendu que les deux cogérants ont contribué à la survenance du litige avec la société KRONENBOURG, que toutefois les fautes de gestion commises par Monsieur [V], dont la responsabilité est seule recherchée dans le présent litige par la société BABYLONE, qui n'a jamais mis à exécution le contrat de bières la concernant, justifie de fixer sa part contributive dans la réparation du dommage aux 2/3 de celui-ci ;
Attendu que le montant de la condamnation effectivement supporté par la SARL BABYLONE ensuite du réglement de 100.000 euros à la société KRONENBOURG par l'assureur du séquestre s'étant départi fautivement du prix de cession entre les mains de la cédante, s'élève à la somme de 50.865,31 euros ;
Attendu en conséquence que Monsieur [V] sera condamné à payer à la SARL BABYLONE la somme de 33.910,21 euros ;
Attendu que les intérêts au taux légal seront dus à compter du jugement du 27 octobre 2011 en application de l'article 1153-1 du code civil ;
Attendu que Monsieur [V] sera condamné au paiement d'une indemnité de 2.000 euros à la SARL BABYLONE par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur [V] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que, partie succombante au principal, il sera condamné aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Réforme le jugement attaqué,
Dit que Monsieur [V] a commis des fautes de gestion au détriment de la SARL BABYLONE, engageant sa responsabilité à son égard,
Fixe sa part contributive à la réparation du dommage résultant des fautes commises aux 2/3,
Constate que la SARL BABYLONE a réglé la somme de 50.865,31 euros à la société KRONENBOURG en exécution du jugement du TGI de STRASBOURG du 29 mai 2010,
Condamne en conséquence Monsieur [Y] [V] à payer à la SARL BABYLONE la somme de 33.910,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement du 27 octobre 2011, en application de l'article 1153-1 du code civil,
Le condamne au paiement d'une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Monsieur [Y] [V] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.