COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 SEPTEMBRE 2013
om
N° 2013/319
Rôle N° 12/14981
SARL HENOR DANZIN
C/
[K] [H]
[U] [X] épouse [H]
[Y] [D]
M. [F]
[Z] [A]
[J] [T] épouse [A]
[I] [L]
[B] [L]
M. [W]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
SCP CABINET GUIBERT & FERNANDEZ JR
Me Laurent COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 95.
APPELANTE
SARL HENOR DANZIN poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien BADIE, membre de la SCP BADIE - SIMON-THIBAUD & JUSTON avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Alain COUECOU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Caroline LODY, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Monsieur [K] [H], DA + conclusions signifiées à personne le 05/11/12, demeurant Résidence Villa Monticelli - 7 Rue Saint Hermentaire - 13008 MARSEILLE
défaillant
Madame [U] [X] épouse [H], DA + conclusions signifiées demeurant Résidence Villa Monticelli - 7 Rue Saint Hermentaire - 13008 MARSEILLE
défaillante
Madame [Y] [D], PVRI du 05/11/12
demeurant Résicence Villa Monticelli - 7 Rue Saint Hermentaire - 13008 MARSEILLE
défaillante
Monsieur [M] [F], PVRI du 05/11/12
demeurant Résidence Villa Monticelli - 7 Rue Saint Hermentaire - 13008 MARSEILLE
défaillant
Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP CABINET GUIBERT & FERNANDEZ JR, avocats au barreau de MARSEILLE
Madame [J] [T] épouse [A]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP GUIBERT & FERNANDEZ JR, avocats au barreau de MARSEILLE
Madame [I] [L]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurent COHEN avocat associé de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, GUEDJ P, MONTERO J-Ph et DAVAL-GUEDJ M avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE,
Mademoiselle [B] [L]
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représentée Me Laurent COHEN avocat associé de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, GUEDJ P, MONTERO J-Ph et DAVAL-GUEDJ M avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE,
Monsieur [W], DA + conclusions signifiées en étude le 05/11/12, demeurant Résidence Villa Monticelli - 7 Rue Saint Hermentaire - 13008 MARSEILLE
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Juin 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Odile MALLET, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mesdames [I] et [B] [L] sont propriétaires indivises d'un immeuble comprenant deux étages situé à Marseille, 8ème, 4 boulevard Rivet, dénommé Villa Pascal, cadastré section H n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Ce bien immobilier est loué à la SARL Henor Danzin (la SARL) en vertu d'un bail commercial.
Monsieur [Z] [A] et son épouse, Madame [J] [T], Monsieur [M] [F] et son épouse, Madame [Y] [D], Monsieur [K] [H] et son épouse Madame [U] [X], ainsi que Monsieur [W] sont propriétaires de maisons d'habitation situées dans la résidence contigue dénommée 'Villa Monticelli', cadastrée section H n°[Cadastre 3].
Par acte du 17 avril 2008 ces copropriétaires ont assigné Mesdames [L] aux fins de les entendre condamner à démolir l'ouvrage construit sur le toit-terrasse de leur maison en exposant que celui-ci avait été édifié sans permis de construire, qu'il leur occasionnait un préjudice esthétique et visuel et créait des vues droites sur leur fonds. Mesdames [L] ont appelé en intervention forcée la SARL.
Par jugement du 21 février 2012 le tribunal de grande instance de Marseille a :
ordonné la démolition de l'ouvrage construit sans permis sur les parcelles cadastrées [Adresse 2] H [Cadastre 1] et H [Cadastre 2], [Adresse 1], en toit-terrasse de la Villa Pascal, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement,
débouté Monsieur [A], les époux [F], les époux [H] et Monsieur [W] de leur demande de dommages et intérêts,
débouté les parties du surplus de leurs autres demandes,
mis hors de cause Mesdames [L],
condamné la SARL , prise en la personne de son gérant en exercice, à payer la somme de 500 € aux consorts [L] et celle de 2.000 € ensemble à Monsieur [A], aux époux [F] et [H] et à Monsieur [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL aux dépens,
ordonné l'exécution provisoire.
La SARL a interjeté appel de ce jugement le 1er août 2012.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2013.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SARL demande à la cour :
d'infirmer le jugement et débouter les intimés de toutes leurs demandes,
de condamner les époux [A], les époux [F], les époux [H] et Monsieur [W] aux entiers dépens et à lui payer une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 28 décembre 2012 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Mesdames [L] demandent à la cour :
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
si cette décision devait être réformée, de condamner la SARL à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,
de condamner la SARL, ou toute partie succombante, aux entiers dépens et à leur payer une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures déposées le 11 janvier 2013 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, les époux [A] demandent à la cour, au visa des articles 544 et 1382 du code civil, L 111-1 et L480-13 du code de l'urbanisme :
de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la démolition de l'ouvrage construit sans permis sur les parcelles H [Cadastre 1] et H [Cadastre 2], sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,
de le réformer en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à la condamnation de tout succombant à leur payer une somme de 2.500 € en réparation du préjudice de jouissance subi,
de condamner la SARL aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Régulièrement assignés, les époux [F], les époux [H] et Monsieur [W] n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la responsabilité délictuelle
Aux termes de l'article 1382 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Il appartient à celui qui sollicite la réparation d'un préjudice en application de cet article de démontrer la faute, le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Par ailleurs en application des dispositions de l'article R 421-9 du code de l'urbanisme, en dehors des secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité et des sites classés, les constructions nouvelles ayant pour effet de créer une surface hors d'oeuvre supérieure à 2m² et inférieure à 20m² sont dispensées de permis de construire et soumises à simple déclaration préalable.
Dans le cas présent il est reproché à la SARL d'avoir édifié, dans le courant de l'année 2005, un édicule sur le toit-terrasse de la Villa Pascal, sans avoir obtenu de permis de construire. A l'appui de leurs dires les époux [A] versent aux débats un procès-verbal de constat dressé le 23 mars 2005 aux termes duquel l'huissier énonce : 'Nous constatons, depuis la résidence, que sur le toit terrasse de cet immeuble est en cours de réalisation un édicule de bonne surface, réalisé au moyen d'éléments semblables à du béton cellulaire avec couverture à une seule pente'.
Toutefois il ressort des pièces suivantes que l'édicule litigieux existait bien avant l'année 2005 et qu'il a simplement été agrandi de 6 m² :
un pré-rapport d'expertise établi le 22 décembre 2005 par Monsieur [N], désigné en qualité d'expert judiciaire dans un litige opposant la société Grange Enseignes, (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SARL) et Mesdames [L] :
en page 9 : ' toiture terrasse : il n'y a pas trace de travaux récents sur la structure de cet édicule'
en page 11 ' concernant les travaux sur la toiture terrasse, ils consistaient à supprimer les anciennes caisses à eau. La visite du local a bien montré que les caisses à eau étaient absentes. Cette suppression a permis d'enlever du poids sur la terrasse de l'immeuble. L'installation du chauffe-eau n'est pas un élément susceptible d'apporter des charges importantes pouvant entraîner des dommages',
une photographie non datée mais manifestement ancienne sur laquelle apparaît un édicule sur le toit terrasse de la Villa Pascal,
le procès-verbal de constat dressé le 18 mai 2005 par la direction générale de l'urbanisme et de l'habitat de [Localité 1] dans lequel il est consigné que l'édicule litigieux est un local de 27 m² dont 11m² ont été démolis et reconstruits et 6m² ajoutés.
Dès lors que les travaux de construction ne concernaient qu'un ouvrage de 6m² et qu'il n'est pas démontré que la Villa Pascal est un bâtiment classé, aucune permis de construire ne devait être sollicité.
En conséquence, la faute alléguée n'étant pas caractérisée, l'action fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil ne saurait prospérer.
* sur les troubles anormaux de voisinage
L'exercice, même légitime, du droit de propriété peut engager la responsabilité s'il occasionne un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Pour ouvrir droit à réparation, le trouble allégué doit être anormal par sa permanence, son importance et sa gravité. Il s'apprécie in concreto, en tenant compte de différents paramètres liés à l'environnement et aux circonstances de temps et de lieu.
Les photographies versées aux débats représentant l'édicule litigieux d'une superficie totale de 27 m² et d'une hauteur d'environ 2 mètres ne permettent pas de constater que cet ouvrage serait susceptible de faire perdre aux intimés un panorama dont ils auraient auparavant bénéficié. Les maisons des parties se trouvent dans un environnement urbain comportant d'autres immeubles dont la hauteur de certains d'entre eux est supérieure à celle de la Villa Pascal, édicule inclus. Les immeubles environnants ne présentent aucune unité architecturale de sorte que l'aspect extérieur médiocre de l'édicule n'occasionne pas un préjudice esthétique d'une gravité et d'une importance telles que la présence de cet ouvrage constituerait un trouble anormal de voisinage. Enfin il n'est nullement démontré l'existence de vues violant les dispositions de l'article 678 du code civil.
En conséquence le jugement sera infirmé et les intimés seront déboutés de leur demande tendant à voir ordonner la démolition de l'édicule édifié sur le toit terrasse de la Villa Pascal.
* sur la demande de dommages et intérêts
Les époux [A] qui succombent en leur demande ne justifient pas d'un préjudice indemnisable. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
* sur la demande de garantie
La demande de garantie présentée par Mesdames [L] à l'encontre de la SARL sera déclarée sans objet.
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Echouant en cause d'appel les intimés seront condamnés aux dépens et ne peuvent, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre ils seront condamnés à payer une somme de 2.000 € à la SARL et celle de 1.500 € à Mesdames [L].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts.
L'infirme en ses autres dispositions.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute les époux [A], [F], [H] et Monsieur [W] de leur demande tendant à voir ordonner la démolition de l'édicule se trouvant sur le toit terrasse de la Villa Pascal, cadastrée à [Localité 3] section H n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] appartenant à Mesdames [I] et [B] [L].
Déclare sans objet l'appel en garantie dirigée par Mesdames [L] à l'encontre de la SARL Henor Danzin.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les époux [A] de leur demande et condamne in solidum les époux [A], [F], [H] et Monsieur [W] à payer une somme de deux mille euros (2.000,00 €) à la SARL Henor Danzin et une somme de mille cinq cents euros (1.500,00 €) à Mesdames [L].
Condamne in solidum les époux [A], [F], [H] et Monsieur [W] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président