COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2013
N°2013/797
Rôle N° 12/14914
Société QUITERIO ET BRASE
C/
[J] [F]
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
Me Eve YEPREMIAN-OHAYON, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 14 Décembre 2011,enregistré au répertoire général sous le n° 20903066.
APPELANTE
Société QUITERIO ET BRASE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Monsieur [J] [F], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Eve YEPREMIAN-OHAYON, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]
représenté par Mme [D] [K] en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2013
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SARL QUITERIO ET BRASE a fait appel d'un jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 20 juillet 2012 qui a reconnu sa faute inexcusable dans l'accident du travail dont avait été victime son salarié, Monsieur [F], le 9 juillet 2007, a ordonné la majoration au maximum de la rente servie par la Caisse primaire d'assurance maladie, ainsi qu'une expertise médicale et a alloué à la victime une provision de 3000 euros.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 9 octobre 2013, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de dire qu'elle n'avait commis aucune faute inexcusable, de débouter Monsieur [F] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, Monsieur [F] a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter la société Quiterio et [R] de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le Tribunal et 2000 euros au même titre pour la procédure devant la Cour..
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie a déclaré s'en remettre à la décision de la Cour sur la faute inexcusable et si, elle était reconnue, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle pourrait récupérer sur l'employeur les sommes versées à la vicme.
La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre préalable la Cour constate que Monsieur [F] n'a pas été en mesure de localiser, sur le plan de masse de la parcelle (pièce 1), à quel endroit s'était produite la chute.
Aucune enquête (gendarmerie ou inspection du travail) n'a été réalisée et il n'a été produit ni photographie ni schéma.
Aucune autre passerelle ne semble avoir été installée sur la parcelle au moment de l'accident: il ne peut donc pas y avoir de confusion dans les témoignages versés par les parties.
Les services de secours ont été appelés le lundi 9 juillet 2007 à 8h 04, le début de l'horaire de travail étant prévue pour 8 heures.
L'accident s'est produit sans témoin.
La déclaration d'accident remplie par l'employeur mentionne 8h20, heure à laquelle il en a été avisé.
Monsieur [F] soutient que l'employeur n'avait pas sécurisé la passerelle qui permettait de franchir le fossé pour accéder au sol de la villa en construction et qu'il ne pouvait l'avoir ignoré puisque lui-même et les ouvriers travaillaient régulièrement à la construction de cette villa.
A l'appui de cette critique, il a produit, outre le témoignage de son fils (cf. infra), l'attestation d'un salarié, Monsieur [O] qui affirme « J'ai travaillé .... du 15 avril 2004 au 30 juin 2007, et j'ai même travaillé sur le chantier « Le Petit Rouvière » à [Localité 3] aux mêmes moments que Monsieur [F] [J]jusqu'à mon départ de l'entreprise. Je peux certifier avoir été témoin de l'absence totale de gardes-corps sur la passerelle. Ce qui nous donnait accès au chantier n'était rien de plus que deux madriers de 4 mètres de long sur 20 cm de large chacun et qui n'étaient même pas reliées entre elles. Au jour du vendredi 29 juin 2007 ni avant, aucun système de sécurité n'était fixé. ».
L'employeur conteste ces critiques en faisant valoir que les ouvriers ne travaillaient à la construction de sa maison que lorsqu'ils n'avaient pas de chantier en cours, ce qui n'était pas le cas au moment de l'accident, que lui-même n'était pas venu sur le terrain le vendredi ayant précédé l'accident ni avant le lundi 9 juillet et que la passerelle avait toujours été sécurisée par des gardes-corps.
Il a contesté le sérieux du témoignage de Monsieur [O] qui, ayant démissionné par lettre du 30 mai 2007 avec effet au 30 juin 2007, ne travaillait donc plus dans l'entreprise le 9 juillet.
De plus, il verse au dossier les attestations d'un fournisseur qui lui avait livré du matériel le 4 juillet 2007 et avait constaté l'existence des gardes-corps pour cette passerelle (Monsieur [P]), d'un éventuel client auquel il avait montré ses réalisations début 2007, au nombre desquelles sa propre villa et qui déclare avoir constaté la présence de gardes-corps autour du plancher de la villa « ainsi que la passerelle d'accès à celui-ci » (Monsieur [Y]) et un ami, Monsieur [Q] qui confirmait la présence de ces garde-corps depuis 2006.
Enfin, Monsieur [X] atteste que c'est lui qui avait placé des gardes-corps en septembre 2006 et qu'après l'accident, s'étant rendu sur place il avait constaté que la passerelle avait été modifiée et qu'ayant ensuite rendu visite ensuite à Monsieur [F], celui-ci lui avait déclaré qu' « il avait modifié lui-même la passerelle le vendredi précédant sa chute ».
Monsieur [F], se fondant sur les photocopies de l'agenda de l'employeur, a soutenu que le vendredi précédant la chute, lui-même et Monsieur [X] avait passé la journée sur le chantier d'[Localité 1] et ne pouvait donc pas se trouver à [Localité 3].
La Cour constate que Monsieur [F], qui réfutait l'absence de l'employeur avant le 9 juillet sur le lieu de sa chute, alors que pourtant l'accident n'a pas eu de témoin, ne remet plus en cause la véracité des photocopies de l'agenda de son employeur.
Ces documents confirment que Monsieur [R] et les ouvriers de l'entreprise, dont Monsieur [F] et Monsieur [X], se trouvaient à [Localité 1] au moins le 6 juillet et que l'entreprise était fermée les 7 et 8 juillet.
Monsieur [F] n'avait donc pas pu modifier la passerelle le vendredi, et il ne pouvait pas encore avouer à un autre collègue, quelques heures après sa chute, qu'il s'était rendu dans l'entreprise sans autorisation le lendemain samedi: si le jour annoncé est faux, l'acte lui-même semble exact.
En effet, Monsieur [F] avait pris l'initiative de se rendre sur le terrain de l'entreprise sans l'accord de Monsieur [R], pour y prendre des outils (sans autre précision) devant servir au chantier de son fils qui l'accompagnait, ce qu'ils n'ont pu que reconnaître puisqu'une contravention pour excès de vitesse a été relevée à l'encontre du véhicule Toyota de la société, laissé en permanence à la disposition du salarié, ce samedi 7 juillet.
Le témoignage du fils de Monsieur [F], qui atteste de l'absence de gardes-corps ce jour-là, est plus que douteuse compte tenu du lien de famille qui les lie et des conditions dans lesquelles les deux hommes se sont trouvés sur place deux jours avant l'accident alors que l'employeur n'était présent ni ce samedi ni le lundi à 8h04.
Concernant la matinée du lundi, le compte rendu de chantier d'[Localité 1] montre qu'une rotation de trois bennes était prévue pour le lundi 9 juillet en urgence et que la société avait donc bien un chantier en cours, en dehors de [Localité 2] La Bédoule.
Monsieur [R] ne pouvait donc pas avoir constaté que la passerelle n'était plus sécurisée normalement le lundi matin avant l'arrivée de Monsieur [F].
Il n'est pas allégué de délégation de pouvoir en matière de sécurité à un autre salarié.
D'après les éléments de fait du dossier, la Cour constate qu'il ne peut pas être reproché à l'employeur de ne pas avoir eu conscience d'un danger qu'il aurait fait courir à son salarié ni de n'avoir pris aucune mesure pour empêcher l'accident.
Aucune faute inexcusable n'est démontrée.
La Cour infirme le jugement déféré et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en matière de sécurité sociale,
Infirme le jugement déféré du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 20 juillet 2012,
Déboute Monsieur [F] de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT