COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 20 NOVEMBRE 2013
N°2013/849
Rôle N° 12/08240
SA AREVA NC
C/
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Robert DEMAHIS, avocat au barreau de LYON
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE,
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 15 Mars 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21001310.
APPELANTE
SA AREVA NC, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Robert DEMAHIS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représenté par M. [C] [M] ( Inspecteur du contentieux ) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2013
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société AREVA a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à contester les trois décisions en date des 21 juillet et 4 octobre 2010 de la Commission de Recours Amiable (CRA) de l'URSSAF, portant sur trois recours n° 2100 1310, 2100 1311, et 2100 1317.
Le Tribunal par jugement en date du 15 mars 2012, a notamment :
- ordonné la jonction des trois procédures concernant trois établissements de la société AREVA,
- sur les chefs de redressement concernant l'établissement de [Adresse 4], débouté la société requérante,
- sur le chef de redressement concernant l'établissement siège social, [Adresse 5], débouté également la société AREVA,
- confirmé le bien fondé des trois décisions des CRA de l'URSSAF, susvisées.
La société AREVA a relevé appel du jugement, le 26 avril 2012.
Le conseil de l'appelant expose que :
- concernant l'établissement [Adresse 5], le redressement porte sur un ensemble de mesures mises en place pour dédommager les salariés des divers préjudices liés à un changement de lieu de travail, ces derniers ayant du déménager de l'ancien siège social situé à [Localité 3], au nouveau situé [Adresse 5] ; que ce sont des indemnités versées dans le cadre d'une modification du contrat de travail, versées en une seule fois, devant réparer des préjudices de vie subis en raison de l'allongement des temps de transport, et qu'ainsi ces indemnisations ne doivent pas être intégrées dans l'assiette des cotisations,
- concernant les établissements de [Localité 1] et [Localité 2], le redressement porte sur une somme issue de la différence de calcul des avantages en nature issus des repas pris par les salariés à la cantine, l'URSSAF considérant à tort que pour déterminer le montant de la participation financière du salarié au prix du repas, le coût des boissons à la charge exclusive du salarié ne devait pas être pris en compte.
Il sollicite l'annulation des redressements opérés, la répétition des sommes réglées, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté l'URSSAF entend obtenir la confirmation de la décision, faire constater que l'appelant n'est pas en mesure de contester valablement les redressements opérés, soit d'un montant de 551 303 € de cotisations pour l'établissement de la [Adresse 5], d'un montant de 159 259 € et de 10 278 € de cotisations pour les établissements Herqueville et [Localité 2], outre les majorations afférentes, et sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que le litige soumis à la cour concerne trois établissements de la société AREVA, mais que les redressements contestés portent sur deux chefs d'appréciation ;
Sur l'indemnité versée dans le cadre d'une modification du contrat de travail
Attendu que fin 2006, tous les salariés de la société AREVA employés à l'établissement de [Localité 3], ont vu leur contrat de travail être transféré au nouveau siège social de la société, [Adresse 5] ;
Attendu qu'un accord d'établissement a été conclu le 4 décembre 2006 avec les organisations syndicales représentatives, accord prévoyant un ensemble de mesures proposées aux salariés concernés par le déménagement vers Paris ;
Que la société requérante expose que cet ensemble de mesures a été mis en place pour dédommager les salariés des divers préjudices liés à ce changement de lieu de travail, ces derniers ayant du déménager de l'ancien siège social situé à [Localité 3] au nouveau situé [Adresse 5] ; que ce sont des indemnités versées dans le cadre d'une modification du contrat de travail, versées en une seule fois, devant réparer des préjudices de vie subis en raison de l'allongement des temps de transport, et qu'ainsi ces indemnisations ne doivent pas être intégrées dans l'assiette des cotisations ;
Attendu que l'analyse des éléments ainsi soumis à appréciation de la cour par la société requérante, permet de faire ressortir précisément que les sommes allouées sont modiques, versées en une seule fois, et sont destinées à compenser un préjudice de vie subi par le salarié ;
Qu'ainsi, l'argumentation de la société AREVA porte notamment sur le fait que l'indemnité en question ne rémunère pas un temps de trajet plus long, ou une période d'inactivité ; qu'il en résulte, de façon non contestée, que les sommes versées ne constituent aucunement des remboursements de frais professionnels ;
Que la société allègue dans sa démonstration, que l'indemnité vient réparer les préjudices subis par le salarié dans sa vie, à cause de l'allongement des temps de transport ; qu'en conséquence, elle doit être exclue de l'assiette de cotisations ;
Attendu toutefois, qu'il y a lieu de rappeler que l'assiette des cotisations inclut tous les avantages en espèces ou en nature alloués en contrepartie d'une prestation fournie, en relation avec le travail ou l'emploi occupé, dès lors qu'il est établi, comme c'est le cas en l'espèce, qu'ils ne sont pas versés en remboursement de frais exposés par le salarié pour l'exercice de sa profession ;
Que l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale rappelle que les gratifications ou primes et autres avantages sont soumis à cotisations dès lors qu'ils sont versés, tout au moins, à l'occasion du travail ; que tel est le cas en l'espèce ;
Que certes la jurisprudence admet que soient exclues de l'assiette des cotisations, les sommes destinées à compenser le préjudice subi par le salarié suite à une modification de son contrat de travail imposée par l'employeur ;
Que toutefois cette jurisprudence fait référence aux règles applicables aux indemnités de rupture, sous la pression de difficultés économiques connues par l'entreprise, et fonde ainsi le caractère indemnitaire des sommes allouées au salarié sur plusieurs critères obligatoires, dont notamment que la modification imposée par l'employeur constitue une alternative au licenciement du salarié ;
Que l'accord d'établissement du 4 décembre 2006 susvisé, qui a été signé en dehors de tout contexte de difficultés économiques ou d'événements extérieurs contraignants, ne contient aucunement cette disposition ;
Attendu, superfétatoirement, que la société soulève le principe selon lequel l'erreur ne peut être créatrice de droit ; qu'en effet, l'accord susvisé avait disposé en page 4, que cette prime est soumise à cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu ; que la motivation du premier juge n'avait été fondée que sur cette disposition, pour ôter tout caractère indemnitaire ;
Que certes, l'autonomie des règles fiscales et sociales permet d'affirmer que l'inclusion d'une rémunération dans l'assiette des cotisations n'est pas liée à la catégorie de revenus à laquelle est rattachée cette rémunération sur le plan fiscal ; que toutefois en l'espèce, la disposition mentionnée en page 4 susvisée, démontre la volonté de la société employeur lors de la signature de l'accord, de ne pas considérer la prime comme une indemnité ;
Attendu en conséquence que ce chef de redressement sera maintenu ;
Sur les avantages en nature issus des repas pris par les salariés à la cantine
Attendu que le principe général en la matière qualifie les avantages en nature comme des éléments de la rémunération et, comme tels, ils doivent être soumis à cotisations ;
Attendu que les textes en vigueur disposent que la fourniture de repas à la cantine de l'établissement moyennant une participation des salariés constitue un avantage en nature ; qu'en effet, cet avantage consenti par l'employeur qui en supporte en partie la charge doit être réintégré dans l'assiette de cotisations pour un montant évalué à la différence entre le montant du forfait avantage nourriture et le montant de la participation personnelle du salarié ;
Que ce régime n'est constitutif d'aucun avantage en nature si la participation du salarié au prix d'un repas est au moins égale à la moitié d'un montant fixé pour chaque année civile, par arrêté ministériel ; qu'en l'espèce, le montant est pour 2006 de 2,07 € (4,15/2), 2007 de 2,10 € (4,20/2), et 2008 de 2,125 € (4,25/2) ;
Attendu qu'en l'espèce, ce principe n'est aucunement contesté par la société requérante ; que la contestation porte sur le mode de calcul, et donc la base du redressement, la société AREVA estimant que l'URSSAF a considéré à tort que pour déterminer le montant de la participation financière du salarié au prix du repas, le coût des boissons à la charge exclusive du salarié ne devait pas être pris en compte ;
Que la société requérante estime qu'au prix du repas servant au calcul de la participation du salarié, devait être ajouté le prix des boissons dès lors qu'elles étaient à la charge exclusive du salarié ;
Attendu que l'article 1 de l'arrêté du 10 décembre 2002 invoqué par l'URSSAF et repris par le premier juge, ne fait état que de la notion de « nourriture » ; que la notion de boisson (eau, soda, café') doit donc être précisément analysée ;
Attendu qu'il doit être fait référence, tout comme le souhaite d'ailleurs la société employeur dans ses écritures, à la notion même d'avantage en nature ;
Qu'en effet, si un employeur fait bénéficier gratuitement un salarié de la nourriture, ou du coût de son alimentation, l'avantage en nature est constitué par le coût qu'aurait supporté le salarié si ce dernier avait dû financer lui-même sur ses propres deniers ce dont il a bénéficié ;
Que la notion de nourriture, ou d'alimentation, doit être raisonnablement appréhendée au sens de la prise d'un repas intégrant les principes de base d'une alimentation à la fois solide, et liquide également, car l'hydratation représente une partie essentielle du minimum nécessaire au régime alimentaire de l'être humain ;
Que le contenu de l'avantage en nature « nourriture », ou bien « repas en cantine », contient les éléments fondamentaux d'alimentation ci-dessus rappelés ; qu'ainsi l'hydratation prise en compte doit être nécessairement comprise comme étant la seule consommation d'eau ; que cette hydratation en eau est comprise à son tour, comme étant celle qualifiée communément « eau du robinet », gratuite par définition dans toutes les cantines et restaurant ;
Que de toute évidence, c'est le sens que prend le mot « nourriture » dans l'article 1 du l'arrêté du 10 décembre 2002 susvisé ;
Que sont exclues, de toute évidence également, les boissons spécifiques, telles que « soda, café' » et même les eaux minérales payantes, ainsi que toutes les boissons alcoolisées, pouvant en outre atteindre des niveaux de prix, qui viendraient alors réduire à néant, de par le mode de calcul de son assiette, précisément tout avantage en nature fondé sur la « nourriture » ;
Attendu qu'en conséquence, tous les suppléments acquittés en plus du « repas en cantine » ne sauraient entrer dans le champ d'application de la participation du salarié au repas pris à la cantine de l'entreprise ; que les chefs de redressements effectués à ce titre seront maintenus ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la société AREVA,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT