COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 26 NOVEMBRE 2013
N° 2013/ 592
Rôle N° 12/22747
[B] [P]
C/
Syndicat des copropriétaires [Adresse 3]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
SCP COHEN L ET H GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 19 Octobre 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11.12.0915.
APPELANT
Monsieur [B] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Philippe CAMINADE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Syndicat des copropriétaires [Adresse 3], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel ISOUARD, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013.
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Monsieur [P] est propriétaire d'une maison d'habitation située à [Adresse 1] qui jouxte un immeuble en contrebas avec jardin appartenant au syndicat des copropriétaires [Adresse 3]. Se plaignant des plantations de ce dernier il l'a assigné devant le tribunal d'instance de Nice.
Par jugement du 19 octobre 2012 cette juridiction a :
condamné le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à faire procéder à l'élagage des arbres, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance inférieure à deux mètres de la limite séparative avec le fonds de Monsieur [P] et faire procéder annuellement à l'élagage de ces plantations afin qu'elles respectent cette hauteur dans un délai de trois mois sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,
débouté Monsieur [P] de ses demandes d'élagage et d'écimage des grands arbres et de dommages-intérêts fondée sur le trouble anormal de voisinage,
condamné le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à payer à Monsieur [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 4 décembre 2012 Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision. Il sollicite sa réformation et la condamnation du syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à procéder à l'écimage du fialo et l'écimage ou l'élagage des pins parasols se trouvant sur son fonds sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois et sous la même astreinte de les maintenir taillés de manière que la vue et l'ensoleillement de sa propriété soient préservés.
Il demande le débouté de son adversaire de son appel incident et sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation des troubles subis et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose que les grands arbres créent un trouble anormal du voisinage en ce qu'ils obstruent la vue sur la mer et privent sa propriété d'ensoleillement. Il prétend que les arbustes situés en limite de propriété dépassent la hauteur prescrite pour des plantations en limite de propriété.
Formant appel incident le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] conclut au débouté de Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste tant la trop grande proximité de ses plantations de la ligne séparative que la réalité du trouble de voisinage soutenant que les trois grands arbres dont Monsieur [P] réclame la taille se trouvaient déjà en place lorsqu'il a acheté sa propriété, qu'ils participent à la qualité du site et ne le privent pas de la vue et de l'ensoleillement.
Monsieur [P] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'expertise. Cette saisie a été effectuée le 24 juillet 2013 alors que l'affaire avait déjà été fixée au fond depuis le 10 juin 2013. Ne s'agissant pas d'une demande de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, il convient de joindre l'incident au fond.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les plantations situées en limite de propriété :
L'article 671 du code civil prohibe les plantations près de la propriété voisine qui se trouvent à moins de deux mètres de la ligne séparative et dont la hauteur dépasse les deux mètres.
Pour démontrer que le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] enfreint cette règle, Monsieur [P] se fonde sur le constat de l'huissier [G] du 6 janvier 2012. Cet officier ministériel écrit « À ce niveau (mur séparatif de la propriété voisine) je note l'existence de plusieurs végétaux dont le tronc paraît situé à moins de deux mètres du pied du mur de soutènement et dont la hauteur doit être supérieure à deux mètres ».
Vainement le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] se prévaut-il des imprécisions de ce constat et de l'absence d'indication de la distance et de la hauteur de ces plantations. En effet les photographies jointes à ce procès-verbal montrent une grande proximité de ces plantations avec la ligne divisoire et leur hauteur importante confirmant qu'elles se situent à moins de deux mètres avec une hauteur de plus de deux mètres.
Il convient de constater que le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] qui certes n'a pas la charge de la preuve mais doit concourir à la justice en vue de la manifestation de la vérité comme le prescrit l'article 10 du code civil, s'abstient d'indiquer la hauteur et la distance de ses plantations alors que se trouvant sur sa propriété il dispose de toutes les facilités pour montrer qu'elles respectent les prescriptions de l'article 671 du code civil.
Il ressort d'ailleurs qu'une facture du 16 janvier 2013 qu'il a effectué une taille de quatre troènes afin de dégager la clôture d'avec Monsieur [P], ce qui conforte le bien fondé de la demande de ce dernier.
La décision du premier juge condamnant le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à élaguer et à maintenir ces plantations à la hauteur imposée par l'article 671 du code civil doit être confirmée.
Sur le trouble du voisinage :
L'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité civile lorsque le trouble qui en résulte pour autrui, dépasse la mesure des obligations ordinaires de voisinage.
Le constat de l'huissier [G] a été dressé durant l'après-midi du 6 janvier 2012, période où les jours de l'année sont les plus courts et où la jouissance d'un jardin est limitée. Il décrit qu'une partie de ce jardin se trouve à l'ombre en raison des arbres plantés sur le terrain appartenant au syndicat des propriétaires mais il est difficile à sa lecture d'apprécier l'importance de la partie concernée par rapport à l'ensemble du jardin ; à 14 heures 45 l'aire d'ombre couvre une superficie de 45 mètres carrés et les photographies montrent que jusqu'à 15 heures 30 une partie de ce jardin continue à recevoir le soleil.
La privation partielle d'ensoleillement à cette époque de l'année ne saurait constituer un inconvénient anormal de voisinage.
En l'absence d'une servitude conventionnelle de vue, le propriétaire d'un fonds ne possède aucun doit à la vue et le seul fait que celle-ci soit troublée ne suffit pas à constituer un inconvénient anormal de voisinage.
En l'espèce les trois grands arbres litigieux (deux pins parasols et un fialo) existaient lorsque Monsieur [P] a acquis en 2008 sa maison même s'ils ont pu croître depuis dans une proportion qu'il n'est pas possible d'apprécier.
Les photographies prises par l'huissier et celles figurant sur le site Internet de l'agence immobilière chargée de la vente de la maison de Monsieur [P] montrent que la vue sur la ville et le port n'est pas gênée par ces trois arbres et que celle sur la côte et la mer est maintenue même si elle serait plus étendue et plus remarquable sans eux.
Comme l'indique un courrier du 16 mai 2013 de la préfecture des Alpes-Maritimes ces arbres participent à la qualité du site inscrit où ils se trouvent.
Ainsi il convient de débouter Monsieur [P] de sa demande fondée sur les troubles de voisinage tant du chef de la taille des arbres qu'en dommages-intérêts sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise sollicitée par l'incident joint, la Cour disposant des éléments suffisants pour statuer.
La confirmation du jugement attaqué s'impose.
Succombant à son recours, Monsieur [P] doit être condamné à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 3] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Joint l'incident au fond ;
Confirme le jugement du 19 octobre 2012 du tribunal d'instance de Nice ;
Condamne Monsieur [P] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 3] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [P] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT