COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 28 NOVEMBRE 2013
N° 2013/ 490
Rôle N° 11/08264
[I] [P]
[W] [O] épouse [P]
C/
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ALPES CORSE
Grosse délivrée
le :
à :MAGNAN
D JOURNO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/14653.
APPELANTS
Monsieur [I] [P] décédé le [Date décès 1] 2012
né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de la SCP DE ST FERREOL ET TOUBOUL, avoués
Madame [W] [O] épouse [P] en son nom personnel et en qualité d'héritière de Monsieur [I] [P], décédé le [Date décès 1] 2012
née le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Martine RENUCCI-PEPRATX, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ALPES CORSE prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège est [Adresse 2]
représentée par Me Thomas D'JOURNO de la SELARL PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE constitué aux lieu et place de Me Jean-Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE lui même constitué précédemment de la SCP SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Cyrille BARAN, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me D'JOURNO, avocat,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013,
Rédigé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les époux [P] ont été titulaires de plusieurs comptes sur livret ouverts à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE et ont souscrit différents prêts auprès de cette banque qui étaient assortis d'une assurance groupe couvrant le risque d'incapacité de travail et de décès.
Entre 1982 et 1993 les compagnies d'assurances ont dû payer par moment les mensualités du prêt, en raison de la survenance du risque garanti.
Durant les périodes où les mensualités des prêts n'étaient pas couvertes par les assureurs, la CAISSE D'EPARGNE était autorisée à débiter les comptes des époux [P].
Par ce biais, la CAISSE D'EPARGNE a parfois encaissé des échéances déjà réglées par les assureurs.
Sur la réclamation des époux [P] elle a admis devoir les dédommager et, au fil de plusieurs échanges concernant le montant de l'indemnisation, elle a fini par leur proposer 12 000 €, le 20 juillet 2005.
Dans un premier temps, les époux [P], qui jugeaient cette proposition insuffisante ont assigné la banque devant le juge des référés en désignation d'expert et paiement d'une indemnité provisionnelle de 12 000 €.
Cette demande a été rejetée par une ordonnance du 5 décembre 2008, dont il a été fait appel qui s'est conclu par un désistement.
Puis les époux [P] ont introduit une demande en paiement de la somme de 12 000 € à titre principal, 5000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui a abouti au jugement du 21 février 2011, par lequel le tribunal de grande instance de Marseille a déclaré l'action recevable mais rejeté celle-ci au fond et condamné les époux [P] à payer 2000 € à la banque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Les époux [P] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 6 mai 2011.
Monsieur [P] est décédé en cours d'instance.
Son action a été reprise par son épouse, en qualité d'héritière.
Par conclusions en date du 23 septembre 2013 Madame [P] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action recevable, de le réformer quant au surplus de juger que le courrier du 20 juillet 2005 de la CAISSE D'EPARGNE est constitutif d'un aveu extrajudiciaire de responsabilité de celle-ci, de juger que les correspondances successives adressées aux époux [P] par la CAISSE D'EPARGNE et notamment la lettre du 20 juillet 2005 manifeste la commune intention des parties à l'indemnisation de Madame [P] et constitue une reconnaissance de dette de la banque, subsidiairement, de juger valable l'offre de transaction acceptée par l'acte introductif d'instance du 4 décembre 2009, de condamner la CAISSE D'EPARGNE à lui verser 12 000 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 décembre 2009 et capitalisation, 5000 € pour résistance abusive, de rejeter les demandes de la CAISSE D'EPARGNE et de la condamner à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les conclusions de la CAISSE D'EPARGNE en date du 9 août 2013, par lesquelles elle demande à la cour de rejeter la demande en paiement fondée sur l'article 1147 du Code civil comme étant une demande nouvelle en cause d'appel, de juger que les demandes fondées sur les dispositions de l'article 1147 du Code civil sont prescrites et par ailleurs infondées, de rejeter les demandes de Madame [P], de dire que les correspondances adressées aux époux [P], dont celle du 20 juillet 2005, ne constituent pas une reconnaissance de dette de la CAISSE D'EPARGNE, à titre subsidiaire de confirmer le jugement qui a décidé que la correspondance du 20 juillet 2005 ne constitue pas une transaction, de rejeter les autres demandes de Madame [P] et de la condamner à lui payer la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er octobre 2013.
SUR CE LA COUR,
1. L'intimée prétend que son obligation était prescrite dès 2002, soit 10 ans après les derniers arrêts de travail qui sont à l'origine du désordre des encaissements ayant pénalisé les époux [P].
Mais, la prescription initiale de 10 ans, prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, a été interrompue le 22 novembre 1993 date d'une offre d'indemnisation.
Par la suite, la CAISSE D'EPARGNE a écrit différentes lettres aux époux [P] en 1997, avant de leur adresser une nouvelle offre d'indemnisation le 20 juillet 2005.
Cette offre de paiement qui n'a pas été présentée comme un simple « geste commercial » revêt un caractère interruptif de la prescription au sens de l'article 2240 du Code civil.
À compter de cette dernière date un nouveau délai de 10 ans a recommencé à courir et si le délai de prescription a été ramené de 10 ans à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin, le délai est expiré au mois de juin 2013, soit à une date postérieure à l'introduction de l'action en justice en 2009.
2. La CAISSE D'EPARGNE prétend que la demande de Madame [P] qui tend à faire juger que le courrier du 1er juillet 2005 constitue l'aveu extrajudiciaire de sa responsabilité par la banque est une demande nouvelle qui se heurte à la prohibition édictée par l'article 564 du code de procédure civile.
Mais, l'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elle tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Or, en l'espèce la demande en cause d'appel de Mme [P] s'inscrit dans le même rapport de droit que celui invoqué devant le premier juge et tend à la réparation d'un même préjudice, mais sous un fondement différent.
La fin de non-recevoir opposée par la banque sera donc rejetée.
3. Madame [P] vise un courrier du 20 juillet 2005 ainsi rédigé : « en 1997 nous avions proposé à Madame [P] une indemnisation à hauteur de 55 000 Fr. (soit 8384,70 euros) en vue de mettre un terme au litige qui nous opposait depuis de nombreuses années. Aujourd'hui compte tenu du délai écoulé nous sommes d'accord pour un paiement global forfaitaire et définitif de 12 000 € ».
Elle prétend qu'il constitue un aveu extrajudiciaire de la responsabilité de la banque, au sens de l'article 1354 du Code civil.
Mais l'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour avéré à son égard, un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.
Or, la reconnaissance de responsabilité alléguée par Madame [P] n'exprime au mieux qu'une opinion de la banque sur les conséquences juridiques de faits générateurs, non précisés, et elle ne saurait établir ni la nature ni la portée de ces faits.
4. La lettre du 20 juillet 2005 ne constitue pas une reconnaissance de dette, puisqu'elle ne contient pas la mention manuscrite exigée par l'article 1326 du Code civil.
Elle ne peut valoir commencement de preuve par écrit d'une telle reconnaissance , puisqu'elle constitue un engagement conditionnel de la part de la CAISSE D'EPARGNE, s'inscrivant dans un échange de correspondances avec les époux [P] et ayant pour objet d'offrir, dans le cadre de concessions réciproques, refusées par ces derniers, la somme de 12 000 € pour mettre un terme à la situation litigieuse.
5. L'assignation délivrée par les époux [P] à la CAISSE D'EPARGNE, en réponse à la lettre du 20 juillet 2005 par laquelle elle leur a proposé la somme de 12 000 € pour mettre un terme au litige a valeur de refus de l'offre et non d'acceptation de celle-ci, puisqu'ils ont revendiqué, sans résultat, le paiement d'une somme de 15 000 €.
Aucun accord de volonté n'est donc intervenu dans le sens d'une transaction qui aurait nécessité, de surcroît la rédaction d'un écrit, par application de l'article 2044 du Code civil.
6. Les autres demandes de Madame [P] seront rejetées, puisque dépourvues de fondement s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et en raison de sa succombance, s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, Madame [P] sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris,
Rejette toute autre demande,
Condamne Madame [P] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président