COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 NOVEMBRE 2013
N° 2013/536
Rôle N° 12/09753
SARL SUD TRAVAUX BATIMENT
SARL SOLID GROUND CONSTRUCTION
C/
[Y] [H] [M]
Grosse délivrée
le :
à : SCP ORTS
Me P. LIBERAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 03 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00480.
APPELANTES
SARL SUD TRAVAUX BATIMENT,
Immatriculée au RCS de CANNES sous le n° B485 192 017
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Michel ORTS, avocat au barreau de NICE
SARL SOLID GROUND CONSTRUCTION,
Immatriculée au RCS de CANNES sous le n° B484 840 491
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Michel ORTS, avocat au barreau de NICE
INTIME
Maître [Y] [H] [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL NUNES BATIMENT, désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 18 décembre 2008
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente (rédactrice)
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère
Monsieur Michel CABARET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013,
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les sociétés SUD TRAVAUX BATIMENT, ci-après STB, et SOLID GROUND CONSTRUCTION, ci-après SGC, qui sont des sociétés de gros oeuvre, ayant pour même gérant Monsieur [D], ont confié à la société NUNES BATIMENT diverses tâches de gros oeuvre, dans le cadre de contrats de sous-traitance, pour des chantiers situés à BEZIERS (villa RENAISSANCE), NICE (SCI CAPE) et JUAN-LES-PINS (EDEN BLUE).
Par jugement en date du 18 décembre 2008, la société NUNES BATIMENT a été placée en liquidation judiciaire.
Maître [M] a assigné les sociétés SGC et STB devant le tribunal de commerce de Nice en paiement des sommes dues par celles -ci, pour la première au titre de l'opération EDEN BLUE et pour la seconde au titre de l'opération SCI CAPE et de l'opération Renaissance, sollicitant pour ce faire l'annulation d'un protocole régularisé le 6 juin 2008 entre Monsieur [B] [K] et Monsieur [D], comme dépourvu de concessions réciproques.
Selon les sociétés STB ET SGC, ce protocole était parfaitement régulier, destiné à solder les comptes et ne laissait aucune dette à leur charge vis à vis de la société NUNES BATIMENT.
Par jugement en date du 3 avril 2012, le Tribunal de Commerce de Nice a :
- jugé nul et sans effet le protocole de juin 2008,
- condamné la SARL STB à payer à Maître [M] ès qualités de liquidateur de la SARL NUNES BATIMENT les sommes de :
48.602,80 € au titre du solde de l'opération SCI CAPE,
5.528,77€ au titre de la retenue de garantie de la SCI CAPE,
5.812,56 € au titre de la retenue de garantie de LA RENAISSANCE
- condamné la SARL SGC à payer à Maître [M], ès qualités, les sommes de :
33.944,69 € au titre du solde de l'opération EDEN BLUE,
11.957,56 € au titre de la retenue de garantie de l'opération EDEN BLUE,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les sociétés STB et SGC de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamné conjointement et solidairement les sociétés STB et SGC à payer à Maître [M] ès qualités, la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés STB et SGC aux entiers dépens, liquidés à la somme de 93,29€.
Les sociétés STB et SGC ont interjeté appel de ce jugement le 31 mai 2012.
Vu les conclusions déposées le 4 septembre 2012, par les société STB et SGC appelantes, aux termes desquelles elles demandent à la Cour :
- de réformer le jugement dans sa totalité,
- de déclarer valable le solde de tout compte entre les parties,
A titre subsidiaire, si le solde de tout compte entre les parties devait être qualifié en protocole transactionnel malgré l'absence d'indication des dispositions de l'article 2044 et suivants du code civil,
- de constater l'existence de concessions réciproques au sein du dit protocole
Encore plus subsidiairement, en cas de nullité du protocole du 02 juin 2008,
- de désigner tel expert afin de faire les comptes entre les parties,
En tout état de cause, de condamner Maître [M] ès qualités, à leur payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les conclusions déposées le 2 novembre 2012, par Maître [M], ès qualités aux termes desquelles il demande à la Cour de constater que les appelantes n'ont pas déposé leurs conclusions dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile et de prononcer en conséquence la caducité de l'appel et, à défaut confirmer la décision entreprise, outre une indemnité de procédure de 3000€, précisant que les frais de justice ne pourraient être mis à la charge de la procédure collective au détriment des créanciers.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 octobre 2013
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Maître [M], ès qualités , n'est pas recevable à soulever devant la Cour, la caducité de la déclaration d'appel des sociétés STB et SGC, au visa de l'article 908 du code de procédure civile alors que cette demande n'a pas été soulevée devant le conseiller de la mise en état, seul compétent jusqu'à son dessaisissement selon l'article 914 du code de procédure civile, pour prononcer une telle sanction, étant observé que la cause de cette caducité est antérieure à ce dessaisissement.
Sur le fond
Aux termes du document intitulé 'Protocole d'accord' signé par la société NUNES BATIMENT le 6 juin 2008, après plusieurs lettres adressées par les sociétés mandantes invitant celle-ci a effectuer sans tarder des reprises et à achever ses travaux sur les chantiers SCI CAPE,EDEN BLUE et RENAISSANCE , Monsieur [B] [K] s'est engagé dans les termes suivants 'je, soussigné [B] [K] accepte pour solde de tout compte la somme de 20 000€ correspondant aux soldes de mes différents chantiers (SCI CAPE, EDEN BLUE et RENAISSANCES).
Je m'engage à terminer les travaux ci-après pour la SCI CAPE à compter du 9 juin 2008 et à terminer pour le 23 juin 2008
. fin des arases de balcon,
. finitions et sous-sols des parkings R+1 et solde RDC
. ragréage des sous-faces, des dalles, des logements et balcons et parties communes,
. finitions des appuis de fenêtre,
. ragréage des parties béton restantes dans l'ensemble des logements et parties communes et escalier et façades.
Je m'engage à terminer les travaux ci-après pour Eden Blue à compter du 23 juin et à terminer une semaine après
. réalisation de deux retours au R+6 sur façade Cour en agglos creux enduit compris fin(ition) sur l'ensemble,
. reprises des poteaux côté Cour intérieur sur bandeau R+6compris fin(itions,)
. découpe de 2 linteaux au R+6 compris finitions,
. mur escalier ci fut au R+6 dans l'escalier.
Dans la mesure où je commence et termine les travaux ci-avant énoncés et après contrôle de la bonne exécution de mes travaux, votre société s'engage à me régler immédiatement après constat de l'achèvement de mes travaux restant la somme de 20 000€ pour solde de tout compte'.
Ce document est signé également par Monsieur [D], gérant des sociétés STB et SGC qui, à ce titre, a signé toutes les lettres de rappel à la société NUNES BATIMENT.
Il ne s'agit donc pas d'un état de compte entre les parties mais d'un protocole transactionnel au sens de l'article 2044 du code civil, par lequel Monsieur [K], pour le compte de la société NUNES BATIMENT, s'est engagé seul, pour mettre fin au litige l'opposant à ses sociétés mandantes sur les travaux sous-traités, à réaliser les reprises et achèvements sur les chantiers EDEN BLUE et SCI CAPE et a accepté de ne recevoir, après constat de leur bonne exécution, qu'une somme de 20 000€, pour solde de tout compte, sur l'ensemble des 3 chantiers confiés en sous-traitance.
En dehors de toute considération sur la méconnaissance prétendue de l'ouverture de la procédure collective par le gérant des sociétés STB ET SGC, ce protocole transactionnel est doublement irrégulier en ce qu'il a été signé par le gérant de la société NUNES BATIMENT, après l'ouverture de la procédure collective le 20 décembre 2007, sans l'assistance de son administrateur, alors que la renonciation au paiement intégral des marchés ne peut s'apparenter à un simple acte de gestion courante au sens de l'article L622-3 du code de commerce, et en ce qu'emportant renonciation aux soldes de travaux sur les trois chantiers, il devait être autorisé par le juge commissaire.
Inopposable à la masse, il est également nul en application de l'article 2044 du code civil en ce qu'il ne contient aucune concession de la part des sociétés STB et SGC qui obtenaient au contraire, par ce biais, la reprise et la finition des travaux sur les deux chantiers EDEN BLUE et SCI CAPE et une remise substantielle sur les soldes dus, bien supérieure à la retenue de garantie de 5% dont c'est pourtant l'objet, sans engagement quelconque de leur part, en contrepartie, à renoncer à rechercher la responsabilité de leur sous-traitant.
Comme il est observé dans le jugement, les sociétés STB et SGC n'ont d'ailleurs versé que 18 000€, opérant ainsi une retenue unilatérale qui n'est justifiée par aucune pièce, tels que constats ou ordres de service prouvant que les reprises et finitions détaillées dans le protocole n'auraient pas été intégralement réalisées, et la société STB n'a pas réglé la retenue de garantie sur le chantier 'La Renaissance ' qui n'a pourtant fait l'objet d'aucune réserve.
Le jugement qui a considéré que le protocole du 6 juin 2008 était nul et sans effet sur les créances de solde de travaux et de retenues de garantie dues à la procédure collective de la société NUNES BATIMENT et qui a condamné respectivement les sociétés STB et SGC à les régler, doit être confirmé, étant observé que les montants ne sont pas contestés, et qu'aucune mesure d'expertise ne s'impose pour faire le compte entre les parties, comme le demandent subsidiairement les appelantes, dans la mesure où la preuve de non finitions ou malfaçons imputables à la société NUNES BATIMENT n'est pas rapportée ni même alléguée, et qu'en l'absence de déclaration de créance à ce titre, toute prétention indemnitaire serait inopposable à la masse.
Le jugement doit être également complété sur l'indemnité de procédure allouée à Maître [M], ès qualités, et complété par une indemnité de procédure supplémentaire de 3000€.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable la demande de caducité de la déclaration d'appel ;
Sur le fond,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés SUD TRAVAUX BATIMENT et SOLID GROUND CONSTRUCTION à payer à Maître [M], ès qualités de mandataire liquidateur de la société NUNES BATIMENT, une indemnité de procédure de 3000€ ;
Condamne in solidum les sociétés SUD TRAVAUX BATIMENT et SOLID GROUND CONSTRUCTION aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE