COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 DÉCEMBRE 2013
N°2013/520
Rôle N° 11/02364
SA GAN ASSURANCES
C/
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE GALLO MARSEILLE II°
SARL PROVENCE INVESTMENTS (IP)
SARL SUD IMMOBILIER INVESTISSEMENTS
SCI VALENTINE
SCI GALLO AVM
Grosse délivrée
le :
à :
Me Françoise MICHOTEY
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Janvier 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/01060.
APPELANTE
GAN EUROCOURTAGE IARD, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Bernard LAURE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE GALLO, représenté par son syndic en exercice AGENCE DE LA CONTESSE GIA MAZET S.A., demeurant [Adresse 3]
SARL PROVENCE INVESTMENTS (IP), demeurant [Adresse 1]
SARL SUD IMMOBILIER INVESTISSEMENTS, demeurant [Adresse 4]
SCI VALENTINE, demeurant [Adresse 2]
SCI GALLO AVM, Représenté par son gérant en exercice M. [D] [L], demeurant M. [D] [L] - [Adresse 4]
Tous représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de Me Jean-Michel BOTTAI de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoué à la Cour,
Plaidant par Me Fabien KHAYAT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie DABOSVILLE, Présidente, et Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Annie DABOSVILLE, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseiller
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Elsa FABRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2013.
Signé par Madame Annie DABOSVILLE, Présidente et Mme Elsa FABRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. FAITS. PROCÉDURE.
Le 24 octobre 2001, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Gallo a souscrit auprès de la compagnie GAN assurances un contrat multirisque non occupant. À la suite d'un incendie survenu le 10 février 2004, une grande partie de l'immeuble a été détruit. Le GAN a versé au syndicat des copropriétaires une provision de 200'000 €.
Par ordonnance du 3 février 2006, le juge des référés a désigné Monsieur [U] [J] en qualité d'expert. L'expert a déposé son rapport le 11 juillet 2006 et la compagnie GAN a été condamnée à payer une provision complémentaire de 263'850 €.
Par ordonnance du 12 février 2007, confirmée par arrêt du 15 mai 2008, le juge des référés a condamné la compagnie GAN assurances à payer les sommes provisionnelles de :
' 300'000 € au syndicat des copropriétaires à valoir sur les travaux de reconstruction de l'immeuble et les frais annexes,
' de 2000 € à la SCI Gallo AVM, de 150'000 € à la SCI Valentine et de 60'000€ à la SARL Provence investissement à la SARL Sud immobilier investissements, à valoir sur l'indemnisation de leurs pertes de loyers.
Par jugement du 17 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Marseille saisi de la demande de GAN assurances en restitution de sommes trop versées, a rejeté l'ensembles des demandes et l'a condamnée à payer les sommes de :
' 357'336 € au syndicat des copropriétaires immeuble le Gallo.
' 4095,59 € à la SCI Gallo AVM.
' 410'250,79 € à la SCI Valentine.
' 131'919,52 € à la SARL Sud immobilier investissements.
' 267'839,04 € à la SARL Provence investissements.
Les autres demandes ont été rejetées.
Par déclaration remise le 9 février 2011, la SA GAN assurances a interjeté appel du jugement précité.
Par arrêt du 19 avril 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné avant dire droit un complément d'expertise afin de vérifier si l'immeuble a été entièrement reconstruit et a subi des embellissements ou des ajouts par rapport à son état initial.
L'expert désigné Monsieur [J] a déposé son rapport le 29 janvier 2013.
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Vu les dernières conclusions de la SA GAN Eurocourtage IARD du 12 avril 2013,
Vu les dernières conclusions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Gallo, de la SARL Provence investissement, de la SARL sud immobilier investissements, de la SCI Valentine, et de la SCI Gallo AVM du 27 septembre 2013,
Vu l'ordonnance de clôture du 10 octobre 2013,
II. DÉCISION.
Il convient de noter au préalable que le GAN assurances indique se nommer désormais Gan Eurocourtage IARD. Cette dénomination sera retenue en l'absence de contestation des intimés.
1) Sur la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Gallo.
L'expert judiciaire désigné à nouveau en 2012, a pu constater que l'immeuble a été entièrement reconstruit et qu'il n'a subi ni modifications dans sa destination initiale ni augmentation de ses surfaces bâties ni changements dans sa volumétrie.
S'il a également indiqué que les propriétaires ne justifiaient pas du coût détaillé des dépenses effectivement engagées, l'article 30 en application duquel l'assuré est tenu de rapporter la preuve de l'existence et de la valeur des biens endommagés au jour du sinistre afin de justifier de la réalité et de l'importance des dommages, n'impose pas à l'assuré de justifier des dépenses effectives et de produire des factures. Par ailleurs, l'accord des parties recueilli lors des opérations expertales qui se sont déroulées en 2005-2006, permettent de retenir les montants fixés par l'expert en 2006.
En premier lieu, le GAN Eurocourtage IARD reconnaît devoir les sommes suivantes:
' 812'022,42 € HT au titre de la reconstruction du bâtiment valeur à neuf.
' 81'202,24 € HT au titre des frais de démolition et de déblais.
' 20'401 € HT au titre de la prime d'assurance.
' 45'663,28 € HT au titre des honoraires d'expert.
Ensemble des sommes évaluées par l'expert, étant observé que les honoraires d'expert ne peuvent dépasser 5 % de l'indemnité et que le premier juge a retenu à tort une somme de 53'783,50 €.
En second lieu, le premier juge a exactement retenu une indemnité de 81'202,24 € HT au titre de l'ascenseur et de l'escalier de secours extérieurs, travaux de mise en conformité avec la législation et la réglementation (article 2 alinéa 4 des conditions générales), ainsi qu'une indemnité de 81'202,24 € HT au titre des pertes indirectes justifiées (article 2 alinéa 6 des conditions générales).
En revanche, le GAN est fondé à opposer :
'un abattement pour vétusté, dès lors que l'article 30.1) stipule que les bâtiments seront estimés sur la base de leur valeur de reconstruction à neuf au jour du sinistre sans toutefois pouvoir dépasser la valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite, majoré d'un quart de la valeur de reconstruction. Dès lors que les parties se sont accordées durant l'expertise sur une vétusté de 17 %, il convient de déduire du total une somme de 163'017,92 € HT.
' une réduction pour application de la règle proportionnelle, le pourcentage de 17% ayant recueilli l'accord des parties durant les opérations d'expertise. Il convient de déduire une somme de 163'017,92 € HT à ce titre.
Il est contractuellement dû au syndicat des copropriétaires la somme de 795'657,58€ HT, outre la TVA de 19,6 % (les travaux ayant été terminés au 4 novembre 2009), soit un montant de 951'606,46 € TTC. La somme de 632'893,11 € ne saurait être retenue car il ne saurait être déduit une TVA sur des sommes fixées HT.
Le surplus des demandes consistant dans un complément de construction et que l'expert n'a pu évaluer, ne doit pas être retenu. Il en sera de même du complément de travaux, car l'expert précise que les raccordements n'ont pas été affectés par l'incendie.
Le syndicat des copropriétaires ayant à ce jour reçu une provision totale de 763'850€, il convient de condamner le GAN Eurocourtage IARD à lui payer la somme de 187'756,46 € TTC. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné le GAN Eurocourtage IARD à payer la somme de 357'136 €.
2) Sur les demandes de la SCI Gallo AVM, de la SARL Provence investissement, de la SARL Sud immobilière investissement, et de la SCI Valentine.
Au préalable, les demandes ne sauraient porter sur une garantie responsabilité du propriétaire vis-à-vis des locataires ou occupants, non souscrite par les demanderesses, alors que celles-ci se prévalent de la garantie perte de loyer.
Les conditions générales décrivent la garantie de perte de loyer comme le montant des loyers dont le propriétaire ou le copropriétaire non occupant se trouve légalement privé. Il convient de rejeter le moyen du GAN tendant à indiquer que les sociétés intimées ne sont pas des tiers, cette qualité n'étant pas stipulée pour bénéficier de la garantie.
Par ailleurs, l'annexe A.565 aux conditions générales stipule que la perte de loyer sera calculée d'après le montant des loyers des locaux sinistrés dont le propriétaire ou le copropriétaire non occupant se trouve privé et sur le temps nécessaire à dire d'expert, pour leur remise en état, l'indemnité ne pouvant toutefois pas excéder 2 années de loyer.
L'ensemble des propriétaires des différents locaux de l'immeuble sinistré réclame des pertes de loyer pour la période allant du sinistre au paiement par le GAN des sommes provisionnelles, ainsi que des pertes de loyer représentant soit une indemnité d'éviction payée au locataire soit les loyers qui auraient pu être perçus pour des locaux néanmoins non occupés (perte de chance), ainsi que le coût de travaux non remboursés par la copropriété.
Ces demandes vont au-delà de la garantie souscrite auprès du GAN Eurocourtage IARD. Les demanderesses font valoir que l'assureur a fait preuve d'obstruction systématique dans ses propositions et dans le règlement des indemnités, et qu'elle leur a causé des pertes considérables, ce qui justifie le dépassement du délai d'indemnisation et du plafonnement des garanties.
Il convient de déterminer si le GAN a méconnu ses obligations contractuelles, fait preuve de résistance abusive et ainsi causé directement un préjudice aux demanderesses ; ces circonstances permettant de justifier la condamnation du GAN sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil à payer des dommages-intérêts indemnisant un préjudice distinct de celui couvert par les garanties contractuelles.
L'incendie ayant eu lieu au mois de février 2004, il incombait au GAN Eurocourtage IARD d'indemniser les propriétaires non occupants à concurrence de deux ans de loyers perdus (et non de la perte de chance de mettre en location des locaux non occupés au moment du sinistre) au plus tard en fin d'année 2006, ce afin de tenir compte du temps d'instruction du dossier concernant les travaux de reconstruction et de l'échéance des loyers aux termes des deux ans.
Une condamnation provisionnelle par le juge des référés a été nécessaire le 12 février 2007. Il n'est pas contesté que les sommes de 2000 €, 150'000 € et 60'000€ ont été réglées respectivement à la SCI Gallo AVM, à la SCI Valentine et aux SARL Provence investissement et Sud immobilier investissement nonobstant l'appel formé par l'assureur.
Or, les pertes de loyer pour une durée de deux ans étaient de :
' 122 € x 24 = 2928 € pour la SCI Gallo AVM. Le GAN Eurocourtage IARD a accepté les montants proposés par l'expert qui étaient de 3965 €.
' 3500 € x 24 = 84'000 € HT pour les SARL Provence investissement et Sud immobilier investissement. Le GAN a accepté le montant proposé par l'expert qui était de 120'750 € HT.
' 207'400 € pour la SCI Valentine. Le GAN ne se prévaut pas de l'absence de pertes de loyer en raison de la résiliation à effet du 10 mars 2004, mais du fait du paiement par elle-même d'une somme de 367'500 € au bénéfice de la SARL MD3, locataire au titre d'un contrat multirisques des commerçants. Cependant, cette indemnité a été réglée au titre de la perte d'exploitation dont le GAN se borne à énoncer qu'elle correspond à des pertes de loyer qu'il incombait à l'assuré de reverser à son bailleur, ce sans aucunement le démontrer.
Aux termes de ces observations, il convient de constater que les demanderesses ont perçu avec quelques mois de retard une grande partie de l'indemnité qui leur était due à la suite de l'ordonnance de référé du 12 février 2007, qu'elles réclamaient des sommes bien supérieures, allant au-delà des garanties contractuelles, que le GAN était partiellement fondé à s'y opposer. Il en résulte que le préjudice allégué est établi mais dans des proportions moindres que celles prétendues par les demanderesses.
Dès lors qu'il incombait aux GAN Eurocourtage IARD de payer dans un délai raisonnable les indemnités prévues par le contrat, sa résistance abusive à payer la totalité des indemnités doit être retenue.
En conséquence, il y a lieu de statuer sur le montant dû au titre de la garantie contractuelle d'une part, et sur les demandes de dommages-intérêts fondées sur les dispositions de l'article 1147 du Code civil, d'autre part.
Il convient de condamner en principal le GAN IARD à payer :
' 3965 € - 2000 € (provision) = 1965 € à la SCI Gallo AVM.
' 207'400 € - 150.000 € = 57.400 € à la SCI Valentine.
' 120'750 € HT - 60 000 € = 60 750 € à la SARL Sud immobilier investissements et à la SARL Provence investissements. Ces deux sociétés étant propriétaires indivises devront se partager cette somme à concurrence de leur part respective.
Sur la demande de dommages-intérêts, il convient de condamner le GAN Eurocourtage IARD à payer :
' la somme de 500€ à la SCI Gallo AVM .
' 13 000 € à la SCI Valentine.
' 14 000 € à la SARL Sud immobilier investissements et à la SARL Provence investissements. Ces deux sociétés étant propriétaires indivises devront se partager cette somme à concurrence de leur part respective.
Par suite, la demande du GAN Eurocourtage IARD à être remboursé des sommes versées au syndicat des copropriétaires et à la SCI Valentine doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné le GAN assurances à payer les sommes de :
' 357'336 € syndicat des copropriétaires immeubles le Gallo.
' 4095,59 € à la SCI Gallo AVM.
' 410'250,79 € à la SCI Valentine.
' 131'919,52 € à la SARL Sud immobilier investissements.
' 267'839,04 € à la SARL Provence investissements.
Et rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive du GAN assurances.
- ET STATUANT à nouveau,
- CONDAMNE le GAN Eurocourtage IARD à payer au syndicat des copropriétaires immeuble le Gallo la somme de 187'756,46 € TTC.
- CONDAMNE le GAN Eurocourtage IARD à payer :
' à la SCI Gallo AVM la somme de 1965 € et celle de 500€ à titre de dommages-intérêts (article 1147 du Code civil).
' à la SCI Valentine la somme de 57.400 € et celle de 13 000 € à titre de dommages-intérêts (article 1147 du Code civil).
' à la SARL Sud immobilier investissements et à la SARL Provence investissements la somme de 60 750 € et celle de 14 000 € à titre de dommages-intérêts (article 1147 du Code civil), ces sommes devant être partagées entre les deux sociétés à concurrence de leurs part respective.
- REJETTE le surplus des demandes.
- CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes du GAN Eurocourtage IARD tendant au remboursement de sommes trop versées.
- REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNE la SA GAN Eurocourtage IARD aux dépens, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au bénéfice des avocats de la cause.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
RMP