COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 05 FEVRIER 2014
N°2014/100
Rôle N° 12/15525
[L] [V]
C/
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
EPIDE
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Jacques-antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
EPIDE
Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 24 Janvier 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21005493.
APPELANT
Monsieur [L] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jacques-antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]
représenté par Mme [H] [C] en vertu d'un pouvoir spécial
EPIDE, demeurant [Adresse 2]
non comparante
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant Antenne de [Localité 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2014
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Février 2014
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[L] [V] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'EPIDE (établissement public d'insertion de la Défense), dans le cadre de l'accident du travail survenu le 26 janvier 2006.
Le Tribunal par jugement en date du 24 janvier 2012, a rejeté son recours.
[L] [V] a relevé appel de cette décision, le 31 juillet 2012.
Le conseil de l'appelant expose que l'accident du 26 janvier 2006 résulte d'une agression au préjudice de [L] [V] commise par un autre volontaire au sein de l'établissement d'insertion, dont il est découlé un traumatisme et des séquelles ; que les conditions de la faute inexcusable sont réunies, l'établissement n'ayant pas pris les mesures nécessaires dans le cadre du fonctionnement et de l'organisation du service ; que sa demande indemnitaire à ce titre doit être prise en compte, avec majoration maximale de la rente, mise en place d'une expertise aux fins de déterminer les préjudices complémentaires, et allocation d'une provision.
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite sa mise hors de cause, exposant que l'EPIDE est un établissement public disposant d'une autonomie financière, et que ses fonds ne sauraient se confondre avec ceux de l'Etat. Il sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'EPIDE, est absent, bien que régulièrement convoqué à la barre de la cour. Il a fait parvenir au dossier un mémoire en défense.
De son côté la Caisse entend s'en rapporter sur la détermination éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur, dans cette éventualité, demande que l'EPIDE soit condamné à lui rembourser les sommes dont elle serait tenue de faire l'avance, et sollicite le maintien en la cause de l'agent judiciaire de l'Etat aux côtés de l'EPIDE.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que l'EPIDE est un établissement public d'insertion du ministère de la Défense ; que sont ainsi pris en charge en son sein, dans le cadre de différentes compagnies sur le territoire national, des volontaires ;
Que le 26 janvier 2006, [L] [V] était agressé dans la cantine de l'établissement par [F] [M], qui lui assénait un coup de carafe en verre par derrière, sur le côté droit de la tête ; qu'un taux d'IPP de 30 % était déterminé par la caisse primaire d'assurance maladie de Marseille ;
Attendu que la victime et son agresseur étaient tous deux volontaires, comme ayant souscrit début décembre 2005 un contrat de volontariat pour le service national d'insertion après avoir passé une visite médicale d'aptitude ;
Qu'ils étaient tous deux affectés à deux compagnies différentes, mais implantées sur le même site du 121 ème régiment du train à [Localité 2] ;
Attendu que du chef de cette agression, [F] [M] était condamné par jugement du Tribunal correctionnel d'Evry du 25 juin 2008, à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pour violences volontaires sur la personne de [L] [V] avec usage d'une arme en l'espèce une carafe en verre ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le contrat volontaire d'insertion relève de la législation sur les accidents du travail ;
Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;
Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;
Attendu en l'espèce que l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein de la structure n'est pas contestée, l'établissement ayant fondé ses démonstrations sur les conditions de réalisation de l'agression en cause ;
Attendu, sur la conscience du danger, par contre, qu'il doit être rappelé que lorsque les circonstances de l'espèce démontrent que l'entreprise utilisatrice pouvait ne pas avoir conscience du danger, par référence à ce qui peut être attendu d'un employeur normalement diligent, la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
Qu'en outre il doit être rajouté que l'interprétation est désormais stricte du champ d'application de l'article L 452-1 susvisé ; que cette interprétation provient notamment des décisions rendues dans les matières dans lesquelles l'accident peut être considéré comme extérieur à la sphère d'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ;
Attendu ainsi, sur la conscience du danger, qu'il doit être relevé que l'EPIDE a pour objet l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titre professionnel ou en voie de marginalisation sociale ;
Qu'ainsi, l'établissement a connaissance des particularités pouvant être présentées par cette population de jeunes gens ; qu'en conséquence, tel que relevé par le premier juge, chaque établissement de l'EPIDE est doté d'un encadrement de contact, confié à d'anciens militaires expérimentés, et que le taux d'encadrement est renforcé, avec un cadre pour deux stagiaires ;
Attendu toutefois, comme déjà exposé ci-dessus, que cette conscience du danger doit être appréciée dans le cadre d'une prévision raisonnable des risques ;
Qu'en l'espèce, il ressort certes des éléments du dossier que [F] [M] s'était fait remarquer défavorablement par une attitude négligée et de manque de respect pour le mobilier de l'établissement ; que toutefois, aucune attitude hostile à l'encontre de ses camarades n'avait jamais été signalée ; que, tel que relevé par le premier juge, aucun indice ne pouvait laisser présager un accès de violence soudaine au préjudice de l'un des stagiaires ;
Attendu que le requérant fait alors état d'un jugement du Tribunal administratif de Versailles du 10 mai 2012, lequel, saisi par [L] [V] d'une demande d'indemnisation, s'était déclaré incompétent, tout en exposant dans ses motifs que « l'auteur de l'agression ' a eu une première agression avec le requérant 'qu'il a pu par la suite poursuivre librement ' son activité au sein du réfectoire, se saisir sans difficulté d'une carafe et s'en servir pour frapper Mr [V] » ;
Que toutefois, l'EPIDE conteste formellement les termes de ce jugement, notamment « les affirmations selon lesquelles Mr [M] aurait déjà été agressif à l'encontre de ses camarades », et fait ressortir que le jugement en question du Tribunal administratif a fait l'objet d'un appel, toujours pendant devant la Cour administrative d'appel ;
Qu'ainsi, aucun élément du dossier n'établit l'existence d'une situation antérieure à l'accident, éventuellement dangereuse pour un costagiaire, et notamment pour [L] [V], qui aurait été connue de l'employeur et imposant à ce dernier de prendre des mesures ;
Que de même, [F] [M], agresseur de [L] [V], a été remis en liberté à l'issue de sa présentation au parquet d'Evry ;
Attendu qu'il est à rappeler qu'une jurisprudence établie fait ressortir que l'accident s'étant produit à l'occasion d'une agression, l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger ponctuellement présenté par un acte subit et imprévisible de la part d'une tierce personne ;
Qu'il convient en conséquence de considérer que le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause en estimant que la faute inexcusable n'était pas caractérisée, et que sa décision doit être confirmée ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les autres demandes des parties deviennent sans objet ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de [L] [V],
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT