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20/02/2014 | FRANCE | N°12/17972

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 20 février 2014, 12/17972


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 20 FEVRIER 2014



N° 2014/ 90













Rôle N° 12/17972







Danièle PIRON

[X] [I]

[A] [I]

[Q] [I]

[K] [I]





C/



[S] [E]

[G] [B]

[D] [N]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

MADAME L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

SAS CLINIQUE GENERALE DE [1]





















Grosse

délivrée

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 02 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00607.





APPELANTS



Madame [R] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Mo...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 20 FEVRIER 2014

N° 2014/ 90

Rôle N° 12/17972

Danièle PIRON

[X] [I]

[A] [I]

[Q] [I]

[K] [I]

C/

[S] [E]

[G] [B]

[D] [N]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

MADAME L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

SAS CLINIQUE GENERALE DE [1]

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 02 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00607.

APPELANTS

Madame [R] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Monsieur [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 5] et décédé le [Date décès 1] 2010,

née le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Olivier DANJOU, avocat au barreau de MARSEILLE,

Monsieur [X] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Monsieur [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 5] , décédé le [Date décès 1] 2010,

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Olivier DANJOU, avocat au barreau de MARSEILLE,

Monsieur [A] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Monsieur [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 5] , décédé le [Date décès 1] 2010,

né le [Date naissance 8] 1973 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Olivier DANJOU, avocat au barreau de MARSEILLE,

Monsieur [Q] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Monsieur [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 5] décédé le [Date décès 1] 2010,

né le [Date naissance 9] 1978 à [Localité 4], demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Olivier DANJOU, avocat au barreau de MARSEILLE,

Mademoiselle [K] [I] , tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Monsieur [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 5] , décédé le [Date décès 1] 2010,

née le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Olivier DANJOU, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 4], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Roland LESCUDIER de la SCP W, JL& R LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Guillaume MEYER, avocat au barreau de MARSEILLE,

Monsieur [G] [B]

né le [Date naissance 6] 1936 à [Localité 1], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Hélène FABRE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [D] [N]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM des BOUCHES DU RHONE , prise en la personne de son représentant légal en exercice , à ce titre domicilié au siège social sis, [Adresse 6]

défaillante

MADAME L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, Direction des Affaires Juridiques- [Adresse 8]

représentée et plaidant par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS CLINIQUE GENERALE DE [1] Inscrite au RCS d'Aix en Provence sous le n°B 711 621 029, prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié [Adresse 7]

représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014. A cette date, le délibéré a été prorogé au 20 Février 2014.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Février 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Priscilla BOSIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 1er août 1989, [C] [I], né le [Date naissance 7] 1935, a été admis à la clinique générale de [1] (la clinique) pour une arythmie cardiaque et a été suivi par les Dr [E], à partir du 7 août 1989, et par les Dr [B] et [N] à partir de son entrée à la clinique. Le traitement médicamenteux de l'arythmie étant insuffisant à réduire celle-ci, un premier choc électrique a été pratiqué par le Dr [E] le 9 août, qui fut un échec, puis un second le 14 août. Dans la nuit du 14 au 15 août, M. [I] a été victime d'un accident vasculaire cérébral qui l'a laissé lourdement handicapé.

Par ordonnance de référé du 15 décembre 2000, le Dr [W] a été désigné en qualité d'expert, qui s'est adjoint les services du Dr [J], neurologue. Cette ordonnance prise au contradictoire du Dr [E], en la présence de la CPAM des Bouches-du-Rhône, a été étendue en 2003 à la clinique, puis en 2005 aux Dr [B] et [N]. Une nouvelle ordonnance de référé du 10 juillet 2007 a étendu la mission de l'expert et a condamné le Dr [E] à verser à [C] [I] une provision de 50 000 euros et à sa femme et chacun des ses quatre enfants, respectivement les sommes de 10 000 euros et 2 000 euros.

Par actes des 23 et 28 décembre 2009, M. [C] [I], sa femme et ses enfants ont assigné les Dr [E], [N] et [B] ainsi que la clinique en réparation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. [C] [I] étant décédé le [Date décès 1] 2010, la procédure a été reprise par ses héritiers et poursuivie par les demandeurs initiaux.

Le 13 avril 2010, assignation a été délivrée à l'agent judiciaire du Trésor, devenu l'agent judiciaire de l'Etat, et les procédures ont été jointes.

Par jugement du 2 juillet 2012, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence-en-Provence a retenu la responsabilité in solidum de l'ensemble des défendeurs. Il a jugé que les fautes commises, tenant à un traitement insuffisant par anticoagulant avant la pratique des chocs électriques externes, avait fait perdre une chance, à hauteur de 85% à M. [I] d'éviter la survenue d'un accident vasculaire cérébral, risque inhérent aux arythmies par fibrillation qu'il présentait. Dans leurs rapports entre eux, il a réparti les responsabilités à hauteur de la moitié en ce qui concerne le Dr [E] et d'un sixième en ce qui concerne chacun des deux autres médecins et de la clinique.

Procédant à la liquidation du préjudice de M. [I] et à celui de ses héritiers au prorata temporis de la période précédent son décès, il a fixé celui-ci aux sommes suivantes, avant application de la perte de chance et de la prise en compte du décès.

Préjudices patrimoniaux temporaires :

Pertes de gains professionnels actuels : 66 656,48 €

dont il a déduit le traitement maintenu par l'AJT (55 658,04 euros)

Frais divers : 8 000€

Préjudices extra patrimoniaux temporaires :

Souffrance endurées : 30 000€

Préjudices patrimoniaux permanents :

Tierce personne : 223 380€

Préjudices extra patrimoniaux permanents :

Déficit fonctionnel permanent :240 000€

Dont doivent être déduits les arrérages de la rente invalidité (40 241,20€)

Préjudice d'agrément : 25 000€

Préjudice esthétique : 14 000€

Préjudice sexuel : 25 000€

Il a évalué la somme revenant à M. [I] à la somme de 405 476,80 euros après déduction des sommes versées par les organismes sociaux et application de la limitation dans le temps de l'indemnisation en raison du décès.

Le jugement a également condamné dans les mêmes conditions les défendeurs à verser à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 79 667,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2011.

Il a fixé le préjudice moral de Mme [I] à la somme de 30 000 euros et celle de chacun des enfants à celle de 20 000 euros.

Il a enfin condamné les quatre défendeurs in solidum à verser aux consorts [I] la somme de 15 000 euros et à l'agent judiciaire du Trésor celle de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamné solidairement aux dépens, la répartition entre les débiteurs se faisant selon les parts de responsabilité sus indiquées.

Par déclaration du 26 septembre 2012, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, les consorts [I] ont formé un appel général contre ce jugement. Les intimés ont tous formés un appel incident, le 12 février 2013 pour le Dr [E], le 20 février 2013 pour le Dr [B], le 21 février 2013 pour le Dr [N] et le 19 février 2013 pour la clinique.

Prétentions et moyens des parties :

Par leurs conclusions du 21 décembre 2012 , les consorts [I] ont conclu en ces termes:

- Confirmer le jugement en ce qu'il ce qu'il a retenu la responsabilité des médecins et de la clinique,

- le réformer en ce qui concerne les sommes qui leur ont été allouées et les condamner, 'conjointement et solidairement' sur la base du rapport d'expertise qu'il convient d'homologuer, aux sommes suivantes ;

- ITT : 28 395, 98 €

- Préjudice professionnel : 428 798,61€

- IPP : 320 000€

- Pretium doloris : 40 000€

- Préjudice esthétique : 14 000 €

- Préjudice d'agrément : 80 000 €

- Préjudice sexuel : 100 000 €

- tierce personne : 574 452 €

outre la somme de 9 220,50 euros en ce qui concerne les frais d'expertise et d'assistance aux expertises.

En ce qui concerne leur préjudice moral, ils ont conclu à la condamnation, dans les mêmes conditions, des intimés à verser la somme de 50 000 euros à Mme [I] et de 25 000 euros à chacun des enfants de [C] [I].

Ils ont demandé que ces sommes portent intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de l'accident et la condamnation des intimés à leur verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la procédure d'appel , et aux entiers dépens.

Par ses conclusions du 12 février 2013, le Dr [E], qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, a conclu à la réformation du jugement et demande qu'il soit jugé que la responsabilité des trois praticiens mis en cause et de l'établissement de soins dans la survenance du dommage soit répartie par parts égales entre eux, soit 25% chacun et que le préjudice réside dans une perte de chance d'échapper à un risque qui était lui même majoré par un état antérieur qui ne saurait excéder 70% du dommage.

Il a conclu à la réduction des sommes allouées par le tribunal en réparation des divers postes de préjudice. Notamment, en raison du décès de [C] [I], il demande l'application d'un quotient entre la survie effective après consolidation (17 ans) et l'espérance de vie à l'âge qu'avait M. [I] à la date de consolidation (57 ans), soit 23,6 selon la table de l'INED.

S'agissant des préjudices moraux des proches de la victime, il fait valoir que leur demande doit être rejetée, ce préjudice ayant été entièrement indemnisé par les provisions qui leur ont été accordées en référé.

Il a conclu, pour le cas où une condamnation in solidum des quatre intimés serait prononcée à ce que les Dr [B] et [N] et la clinique le relèvent à hauteur des 3/4 des condamnations mises à sa charge tant au profit des consorts [I] que du Trésor public.

Par conclusions du 8 avril 2013, le Dr [B], faisant valoir qu'il n'a vu M. [I] que les 3 , 8, 10 et 14 août 1989, et que l'expert a retenu que l'erreur lui incombant n'avait pas eu de conséquence néfaste pour M. [I], soutient que sa responsabilité ne peut être engagée. Il demande donc la réformation du jugement en ce qu'il a retenu pour partie sa responsabilité. Il a également conclu au débouté des demandes du Dr [E].

A titre subsidiaire, s'agissant du préjudice, il a conclu que la perte de chance subie par [C] [I] ne pouvait être évaluée à plus de 70% et à la confirmation du jugement en ce qui concerne l'évaluation des préjudices faite par le tribunal.

Il a, par ailleurs, conclu à la condamnation du Dr [E] et des consorts [I] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 février 2013, le Dr [N], soutenant qu'il n'avait commis aucune faute, a conclu à la réformation du jugement et au débouté des demandes formées contre lui par les consorts [I] et leur condamnation à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par des écritures du 19 février 2013, la clinique a conclu à son absence de faute. Elle soutient que les fautes mises en évidence par l'expert, y inclus celle portant sur la mauvaise tenue du dossier médical, relèvent de la responsabilité des médecins exerçant à titre libéral dans son établissement et non de sa propre responsabilité qui se limite à la mise à disposition d'un personnel suffisant ainsi que des équipements et matériels nécessaires au bon fonctionnement de la clinique. Elle fait valoir, en outre, qu'il n'existe en tout état de cause pas de lien de causalité entre la tenue du dossier médical et le dommage subi par [C] [I].

A titre subsidiaire, elle soutient que les consorts [I] sollicitent l'augmentation des sommes allouées par le tribunal sans avancer d'arguments pour la justifier, que seule une perte de chance peut être indemnisée au prorata temporis de la survie de [C] [I], s'agissant de la plupart des préjudices (déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, et préjudice sexuel) et que le préjudice professionnel et l'indemnisation au titre de l'assistance d'une tierce personne cessent au jour du décès de [C] [I], de sorte qu'aucune capitalisation viagère ne peut être envisagée.

Par conclusions du 11 janvier 2013, l'agent judiciaire de l'Etat (AJE) a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de la clinique et de tout succombant à lui verser la somme de 79 008,07 euros au titre des salaires maintenus pendant les arrêts de travail de M. [I] et celle de 14 719,06 euros au titre des charges patronales payées par l'Etat français, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Il a également sollicité la condamnation des mêmes à lui verser la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM des Bouches-du-Rhône assignée à personne habilitée le 28 décembre 2012 n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'expertise :

Selon le rapport d'expertise, M. [I] fut hospitalisé à la clinique, le 1er août 1989, à la demande du Dr [N], en l'absence du Dr [E] qui était en congés, en raison d'une récidive de fibrillation auriculaire ; le 6 août a été constaté l'échec du traitement médicamenteux mis en place ; le 7 août, le Dr [E], de retour dans le service, a posé l'indication d'une cardioversion par choc électrique externe, qui fut pratiquée le 9 août ; celui-ci ayant échoué, un autre choc a été pratiqué le 14 août 1989. Dans la nuit du 14 au 15 août, M. [I] a été victime d'un infarctus cérébral aigü, par embolie artérielle à point de départ cardiaque, infarctus considéré comme de régularisation, qui intervient au moment où l'oreillette gauche a repris un fonctionnement mécanique satisfaisant.

L'expert a précisé que la cadioversion n'était pas indispensable mais pouvait être considérée comme nécessaire dans la mesure où elle était susceptible d'améliorer le débit cardiaque. Il a estimé que, dans la mesure où M. [I] avait déjà bénéficié d'une réduction médicamenteuse en 1988 lors d'un premier épisode de fibrillation cardiaque, il était possible de retenir qu'il connaissait les risques emboliques du geste envisagé.

L'embolie est une complication connue de la fibrillation auriculaire et, selon l'expert, en 1989, tout médecin cardiologue connaissait le caractère absolument nécessaire d'un traitement anticoagulant préventif en cas de tentative de régularisation du rythme cardiaque, que ce soit par traitement médical ou par cardioversion.

L'expert a noté que des contrôles de la coagulation avaient été faits le 3 août puis le 14 août 1989, mais que ce dernier bilan n'avait aucun intérêt au regard de la situation du patient s'agissant de la coagulation et était donc incomplet ; que le Dr [N] avait prescrit un traitement anticoagulant préventif le 1er août (injections de calciparine), lequel pouvait être considéré comme ayant été poursuivi de façon certaine jusqu'au 11 août, en raison des mentions portées sur la feuille de température, bien que le dossier médical ne comporte plus de mention d'injection de calciparine entre le 2 et le 15 août, étant observé que l'expert a noté l' absence d'observations dans le dossier médical, du 9 au 12 août, sauf mention des prescriptions et qu'aucun traitement n'était indiqué entre le 12 et le 15 août sur la feuille de température. L'expert a estimé qu'il pouvait être considéré que la prescription d'anticoagulants avait été poursuivie en l'absence d'indication de son arrêt sur les dossiers et de l'évidence de sa nécessité.

L'expert a constaté que les seuls résultats biologiques permettant de s'assurer que le traitement anticoagulant était adapté, témoignaient d' 'une indiscutable insuffisance du traitement par calciparine, traitement dont la posologie devait être augmentée pour être efficace'. Les traitements mis en place entre le 3 et le 6 août ainsi que les deux chocs électriques externes ont donc été effectués sous un traitement anticoagulant insuffisant, étant observé que seul le dernier choc électrique a eu des conséquences dommageables pour le patient. Selon l'expert, le Dr [E] aurait dû tenir compte des résultats biologiques, demander un bilan complémentaire et reporter la cardioversion dans l'attente des nouveaux résultats et d'une éventuelle adaptation du traitement anticoagulant, avant de pratiquer le second choc électrique.

Il a conclu à 'une indiscutable insouciance pour ne pas dire inconséquence' quant au suivi de la décoagulation du malade, que les soins donnés à M. [I] par les Dr [E], [B] et [N] n'étaient pas appropriés à son état de santé, qu'ils ne furent ni attentifs ni diligents ni conformes aux données acquises de la science médicale au moment des faits ; que le Dr [E] est responsable de la non prise en compte de l'insuffisance du traitement anticoagulant le 9 et le 14 août 1989 et que les Dr [B] et [N] avaient 'une responsabilité morale indiscutable' dans la mauvaise surveillance du traitement anticoagulant du 1er au 6 août 1989. Il a également considéré qu'il avait existé un dysfonctionnement sérieux du service de cardiologique pendant le week-end du 12 au 15 août 1989 lié à la très mauvaise tenue du dossier médical de M. [I].

Sur les responsabilités :

M. [I] sollicite la confirmation du jugement, alors que le Dr [E], qui ne conteste pas devoir l'indemniser, mais considère que le préjudice consiste en une perte de chance évaluée à 70% et non à 85% d'éviter le dommage, fait valoir que la prise en charge de M. [I] a été collective et que les trois médecins et l'établissement doivent être déclarés chacun responsable pour 25% des conséquences dommageables de l'embolie. De leur côté, les Dr [N] et [B] demandent leur mise hors de cause, de même que la clinique.

Il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 1147 du code civil, applicable aux faits de l'espèce en raison de leur date, la responsabilité du médecin est engagée lorsqu'il n'a pas donné à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits et que lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, chacun d'eux a l'obligation d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences.

En l'espèce, au vu des constatations purement médicales contenues dans le rapport d'expertise, qui ne sont contredites par aucune argumentation ou pièce médicale, il y a lieu de retenir, en premier lieu, que la responsabilité du Dr [E], cardiologue traitant de M. [I], est engagée, en ce qu'il a procédé le 14 août 1989 à un choc électrique externe au vu de résultats biologiques de coagulation incomplets, qui ne lui permettaient pas de s'assurer que le patient présentait un taux de coagulation compatible avec la réalisation de cet acte médical et qu'il a procédé à cet acte sans avoir prescrit au patient ou s'être assuré que celui-ci avait reçu le traitement préalable indispensable pour éviter la survenue du risque d'embolie, risque qui s'est réalisé, étant observé que tout cardiologue connaissait à l'époque le caractère indispensable du traitement anticoagulant préventif et que le Dr [E] en avait lui même conscience puisqu'il a indiqué à l'expert qu' 'il faudrait être fou pour arrêter les anticoagulants' dans le contexte d'une tentative de réduction de fibrillation auriculaire.

En second lieu, il y a lieu de retenir également des fautes à l'origine du dommage à l'encontre des Dr [B] et [N], qui du 1er août au 14 août 1989, ont été associés à la prise en charge du patient en raison des congés du Dr [E] et des gardes qu'ils ont assurées. En effet, la chronologie des faits détaillée par l'expert (p. 23 du rapport) et non contestée par les parties, fait apparaître que les Dr [N] et [B] ont été informés au fur et à mesure des décisions prises par le Dr [E] pour son patient et ont assuré son suivi médical : le 6 août, le Dr [N] constate l'échec du traitement donné et préconise un choc électrique externe ; le 8 août, le Dr [B] indique dans le dossier médical 'le choc électrique aura lieu demain' ; le 10 août, le Dr [B] prescrit un médicament ; le 11 août il en est de même du Dr [N] qui indique au surplus qu'un nouveau choc est prévu pour le lundi 14 août ; le 12 août le Dr [B] fait une autre prescription médicamenteuse. Durant toutes ces périodes, alors qu'ils savent que le Dr [E] va pratiquer des chocs électriques, notamment celui du 14 août, aucun de ces deux médecins ne prescrit d'analyse susceptible de vérifier l'efficacité du traitement anticoagulant, dont il n'est d'ailleurs par certain qu'il ait été prescrit. Ce n'est que le 13 août, qu'un autre médecin remplaçant du Dr [E], prescrira des analyses, lesquelles n'étaient d'ailleurs par pertinentes au regard de la prévention de l'embolie, selon l'expert.

Ces médecins n'ont donc pas apporté à M. [I] les soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits qui auraient permis de prévenir le risque d'embolie qui s'est réalisé.

Cependant, ainsi que l'a jugé le tribunal, et que ne le conteste pas les consorts [I], il sera retenu que les fautes commises par les médecins ont fait perdre à [C] [I] une chance, évaluée à 85%, d'éviter la survenue d'une embolie, celle-ci étant un risque connu de la fibrillation auriculaire qu'il présentait et que la prescription d'un traitement anticoagulant adapté ne permet pas toujours d'éviter. Il n'y a pas lieu de retenir que cette perte de chance n'était que de 70%, dès lors que l'expert a considéré qu'elle pouvait être de 100% et que les médecins ne donnent aucun élément médical permettant de retenir le chiffre qu'ils avancent. En effet, le rapport du Dr [V], non contradictoire, produit par le Dr [E], indique que le traitement anticoagulant permet de réduire le risque thromboembolique de 84% en cas de cardioversion réussie, étant observé qu'en l'espèce, le second choc électrique a eu une efficacité au moins transitoire.

S'agissant de la clinique, dont le jugement a retenu la responsabilité pour 1/6ème, le Dr [E], qui considère que la responsabilité de l'établissement de soin est engagée, s'appuie sur le fait qu'il y aurait un doute sur le bon fonctionnement de l'établissement lié à un dysfonctionnement, relevé par l'expert, dans l'organisation du service de cardiologie.

Cependant, si le rapport d'expertise met en évidence une tenue très sommaire du dossier médical entre le 9 et le 12 août 1989 et une absence de mention de traitement sur la feuille de température pendant le week-end du 15 août, ces négligences, dont il n'est pas démontré qu'elles seraient toutes imputables à du personnel salarié de l'établissement de soins, sont sans lien avec le dommage survenu, dès lors que c'est le défaut de prescription d'un traitement anticoagulant adapté aux soins et d'analyse appropriées permettant d'adapter le traitement anticoagulant qui a été la cause du dommage.

La responsabilité de la clinique n'est donc pas établie, de sorte que seuls les médecins seront tenus in solidum de réparer les conséquences dommageables de l'accident pour M. [I]. En ce qui concerne la répartition de la charge finale de la réparation entre les médecins, il sera jugé que le Dr [E], qui était le cardiologue traitant de M. [I] et a pris la responsabilité de l'acte à l'origine directe du préjudice, supportera 50% de la dette et les Dr [B] et [N], chacun 25%.

Sur le dommage

Il résulte du rapport d'expertise du Dr [W] du 18 novembre 2006 et de son rapport complémentaire déposé le 6 mai 2009, que l'accident a entraîné un syndrome cérébelleux et protubérantiel sévère entraînant des séquelles neurologiques sévères, tenant à une difficulté à la station debout et tendance à la chute, une incoordination de l'hémicorps droit, des troubles de la déglutition et une diplopie. En 2001, M. [I] pouvait marcher avec une canne, puis à partir de 2004 il a dû utiliser un fauteuil roulant manuel compte tenu de la fréquence de ses chutes, puis, à partir de 2005, un fauteuil roulant électrique à l'extérieur. L'expert a noté qu'à la suite de son accident, M. [I] avait besoin de l'aide d'une tierce personne pour la plupart des actes essentiels de la vie courante et il évalue ce besoin à 5 heures par jour, dont 1 heure de personne spécialisée (infirmière), 7 jours sur 7.

Ses conclusions sont les suivantes :

- ITT du 15 août 1989 au 23 février 1993

- Consolidation le 23 février 1993

- IPP : 80%

- Souffrances endurées 5/7

- Préjudice esthétique 3,5/7

- Préjudice d'agrément certain

- Préjudice professionnel certain, les séquelles interdisant absolument et définitivement toute reprise de l'activité antérieure.

- Préjudice sexuel certain.

Au vu de ces constatations médicales contre lesquelles aucune critique médicalement fondée n'est formulée, de l'âge de [C] [I], de la date de la consolidation, il y a lieu de fixer l'indemnisation revenant au titre de leurs droits successoraux à son épouse et ses enfants, ainsi que le préjudice par ricochet de ces derniers, selon les modalités suivantes.

Il convient d'ajouter que, pour tous les postes de préjudices permanents éprouvés par [C] [I], ainsi que pour l'assistance par une tierce personne, il sera tenu compte du fait que ces préjudices n'ont été éprouvés que jusqu'au décès de celui-ci. L'indemnisation ne se fera donc que jusqu'à la date de son décès survenu en mars 2010 et sur la base de son espérance de vie à l'âge qu'il avait au moment de la consolidation, soit 21,86 ans (selon la table espérance de vie détaillée 1993/1995 publiée par l'INSEE) et du nombre d'années qu'il a effectivement vécues après la consolidation, soit 17 ans.

Enfin, il doit être noté que la CPAM des Bouches-du-Rhône qui n'a pas constitué avocat, n'a pas communiqué à la cour l'état de ses débours, malgré plusieurs demandes. Néanmoins, les consorts [I] mentionnent, comme le jugement, la pension d'invalidité perçue par M. [I], dont il sera tenu compte (notification du 2 décembre 1998, pièce n° 24).

Préjudice de [C] [I]

1 - Préjudices patrimoniaux temporaires

- Dépenses de santé actuelles :

La victime n'invoque aucun frais médical resté à sa charge.

- Frais divers :

Assistance à l'expertise, 9220,50 €

Selon les pièces (37 à 40) produites par les consorts [I], ces dépenses liées à l'expertise se sont élevées à la somme de 9220,50 euros, et sont indemnisables, compte tenu de la perte de chance retenue, à hauteur de 7837,42 euros.

- Pertes de gains professionnels actuels : 79 538,83 €

Les consorts [I] font valoir que [C] [I] a été placé en mi traitement à compter du 1er novembre 1990 et sollicitent jusqu'au 23 février 1993 la somme de 28 385,98 euros en procédant à un calcul prenant pour base un salaire mensuel de 2027 euros.

Cependant, au vu des bulletins de paie produits et en prenant l'année 1989 au titre de laquelle ils n'invoquent pas que [C] [I] aurait vu son salaire amputé, il percevait un salaire net imposable de 1878,87 euros, de sorte qu'il aurait dû percevoir pour la période d'ITT (42 mois et 10 jours) la somme de 79 538,83 euros. L'Agent judiciaire de l'Etat justifiant des dépenses de salaires, pour la même période de 79 008,07 euros, la perte de salaire de M. [I] n'a été que de 530,76 euros.

Compte tenu de la perte de chance retenue, les responsables ne sont tenus d'indemniser que la somme de 67 608 euros (79 538,83 x 85%), de sorte qu'ils seront condamnés à verser aux consorts [I] la somme de 530,76 euros, en vertu de la priorité accordée à la victime et à l'Agent judiciaire de l'Etat celle de 67 077,24 euros.

2 - Préjudices extra patrimoniaux temporaires :

- Souffrances endurées : 5/7 30 000€

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que ce préjudice devait être évalué à la somme de 30 000 euros dont 25 500 euros sont à la charge des responsables compte tenu de la perte de chance retenue.

3 - Préjudices patrimoniaux permanents :

- Préjudice professionnel : 62 441,11€

M. [I], qui était agent contractuel du ministère de l'intérieur, a été placé en invalidité à compter du 1er août 1992 ; il a été licencié le 23 février 1993 et placé à la retraite le 1er décembre 1995 à 60 ans.

Les consorts [I] soutiennent qu'il a subi un préjudice financier tenant à la perte de primes, au fait qu'il n'a perçu qu'une pension d'invalidité à compter d'août 1992 de 5076,25 francs (773,83 euros), puis une pension de retraite de 5089,70 francs (775,83 euros) par mois ainsi qu'une retraite complémentaire de 2 510,72 francs (382,64 euros) par mois et estiment sa perte de revenus depuis son licenciement à 2 027,57 euros par mois soit une perte capitalisée de 388 247,21 à laquelle doit être ajoutée la perte de jours de congés pour 40 551,40 euros.

Cependant, la perte de gains professionnels futurs ne peut concerner que la période postérieure à la consolidation du 23 février 1993 et jusqu'à la date de la retraite de M. [I], le 1er décembre 1995, soit 2 ans, 9 mois et 7 jours, étant observé qu'aucun élément n'est produit permettant d'établir que M. [I] aurait pris sa retraite après 60 ans, en l'absence de l'accident. Pour cette période, M. [I] aurait du toucher un salaire net 1878,87 euros, soit 62 441,11 euros, indemnisable à hauteur de 53 074,94 euros par les responsables. Les consorts [I] n'explicitant pas les éléments qu'ils estiment constituer une perte de congés payés, étant observé qu'ils produisent un décompte d'heures daté de 1992, soit avant consolidation, période qui a été prise en compte dans l'indemnisation des pertes de gains actuels, cette demande sera rejetée. De même sera écartée la demande relative à la retraite, aucun élément ne permettant d'établir une perte de droits à la retraite.

Pendant toute la période considérée, M. [I] a perçu une pension d'invalidité devant s'imputer sur ce poste, d'un montant mensuel de 773,83 euros, soit un total perçu de 25 716,95euros. La perte de gains effective de M. [I] est donc de 36 724,16 euros (62 441,11 - 25 716,95).

Le préjudice professionnel futur indemnisable de M. [I] étant évalué à la somme de 53 074,94euros, les responsables seront condamnés à payer la somme de 36 724,16 euros au titre de l'indemnité revenant à M. [I], qui bénéficie de la priorité accordée à la victime par rapport au recours de l'organisme social, réduit au solde de 16 350,78 euros, de sorte que celui-ci n'est que partiellement désintéressé.

- Tierce personne : 465 375 €

L'appréciation faite par l'expert des besoins de M. [I] d'assistance par une tierce personne n'est pas discutée par les parties. Les consorts [I] sollicitent cette indemnisation au titre des préjudices permanents uniquement.

Elle sera donc évaluée, compte tenu de la perte de chance et du nombre d'années durant lesquelles cette aide a été nécessaire (17 ans), sur la base d'un coût horaire moyen de cette prestation par un prestataire extérieur de 15 euros de l'heure et pour 365 jours par an, soit un coût de 27 375 euros par an. Le préjudice durant la vie de M. [I] a donc été de 465 375 (27 375 x 17), imputable à 85% aux responsables, soit 395 568,75 euros.

4 - Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

- Déficit fonctionnel permanent : 80 % 232 680,68 €

Compte tenu de l'âge de M. [I] au moment de la consolidation et de la nature de ses séquelles, telles que décrites précédemment, son préjudice sera évalué à la somme de 299 200 euros, soit au prorata temporis de la vie de M. [I], la somme de 232 680,68 (299 200/21,86 x 17) dont seulement 197 778,59 euros sont à la charge des responsables. Sur cette somme s'impute l'excédent de la pension d'invalidité versée par la CPAM , soit la somme de 9366,17 euros (25 716,95 - 16 350,78), de sorte que l'indemnité revenant à la victime de ce chef s'établit à la somme de 188 412,42 euros (197 778,59 - 9366,17).

- Préjudice esthétique (3,5/7) : 10 887,46 €

Le montant de ce préjudice tel qu'évalué à 14 000 euros par le tribunal n'est pas discuté par les consorts [I], et sera confirmé, soit, au prorata temporis de la vie de M. [I], la somme de 10 887,46 (14 000/21,86 x 17) dont 9 254,34 euros sont à la charge des responsables.

- Préjudice d'agrément : 19 441,90 €

Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer l'impossibilité ou la difficulté pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

En l'espèce, [C] [I], à la suite de l'accident médical, s'est vu contraint de ne plus conduire et de se déplacer à l'extérieur en fauteuil roulant électrique. Toute activité sportive ou même de loisir familial nécessitant des déplacements lui ont donc été en grande partie interdits. Cependant, en l'absence de preuve de la pratique régulière d'un sport ou d'une activité de loisir régulier, ce préjudice ne peut être indemnisé à la hauteur de ce qui est sollicité et la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a fixé ce préjudice à la somme de 25 000 euros, soit, au prorata temporis de la vie de M. [I], la somme de 19 441,90 euros (25 000/21,86 x 17), dont 16 525,61 euros sont à la charge des responsables.

- Préjudice sexuel : 19 441,90 €

Ce poste de préjudice n'est pas discuté et doit prendre en compte l'âge de M. [I] au moment de la consolidation. Le premier juge en a fait une juste évaluation en le fixant à la somme de 25 000 euros, de sorte que la somme revenant aux consorts [I] sera la suivante ainsi calculée : 25 000 euros, soit, au prorata temporis de la vie de M. [I], la somme de 19 441,90 euros (25 000/21,86 x 17), dont 16 525,61 euros sont à la charge des responsables.

Le préjudice total de M. [I] s'établit donc à la somme de 929 027,38 euros indemnisable à hauteur de 789 673,27 euros , dont 696 879,08 euros reviennent à ses ayants droits après imputation des créances de l'Agent judiciaire de l'Etat (67 077, 24€) et de l'organisme social (25 716,95€), sauf à déduire les provisions versées, somme à laquelle MM [E], [N] et [B], seront condamnés in solidum, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 405 476,80 euros et du présent arrêt pour le surplus, en application de l'article 1153-1 du code civil et non de l'accident comme demandé.

MM [E], [N] et [B], seront condamnés in solidum, à verser à l'Agent judiciaire de l'Etat, en qu laité de tiers payeur, la somme de 67 077,24 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012, comme demandé.

Sur le préjudice des proches de M. [I]

Mme [I], qui a souffert de la douleur de voir son conjoint gravement handicapé, a en outre subi directement les conséquences de ce handicap dans sa vie personnelle au plan de la vie quotidienne, affective et sexuelle. Ce préjudice subi pendant 21 ans justifie l'octroi de la somme de 30 000 euros allouée par le premier juge, ramenée à 25 500 en raison de la limitation à 85% de l'imputabilité du dommage aux fautes des médecins déclarés responsables, le préjudice de Mme [I] étant affecté de la même perte de chance que le préjudice de M. [I].

Chacun des enfants de M. [I], qui avaient entre 19 et 7 ans au moment de l'accident de leur père ont nécessairement souffert de l'état de santé de celui-ci et justifient d'un préjudice moral indemnisable à hauteur de 20 000 euros chacun, soit 17 000 euros après application de la limitation de l'imputabilité.

Sur les demandes de l'Agent judiciaire de l'Etat

En application de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, l'employeur est admis à poursuivre directement contre le responsable le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues à la victime durant la durée de son indisponibilité. L'Agent judiciaire de l'Etat justifie en l'espèce, avoir versé à ce titre la somme totale de 14 719,06 euros, dont le montant n'est pas discuté par les responsables. Ceux-ci seront donc condamnés à verser à l'Agent judiciaire de l'Etat 85% de cette somme, soit 12 511,20 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur les demandes annexes :

Les consorts [I] sollicitent la capitalisation des intérêts des sommes dues à compter de l'accident. Cependant, en application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation ne peut prendre effet qu'à compter de la demande. Il y a donc lieu de dire que les intérêts échus des sommes allouées porteront intérêt dans les conditions de cet article, à compter du 21 décembre 2012, date des conclusions formulant la demande.

Les consorts [I] sollicitent chacun la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Cependant, ayant adopté une défense commune il y a lieu de leur allouer à chacun la somme 1000 euros. Les docteurs [E], [B] et [N] seront également condamnés à verser la somme de 1200 euros à l'Agent judiciaire de l'Etat.

Il y a lieu de rejeter toute autre demande formulée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de la clinique et procédé à la répartition de la charge finale de la responsabilité entre les responsables et à l'évaluation des préjudices,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- Rejette la demande à l'encontre de la clinique

- Déclare les docteurs [E], [N] et [B] responsables de 85% des conséquences dommageables de l'accident médical dont a été victime [C] [I],

- Fixe le préjudice subi par M. [I] à la somme de 929 027,38 euros,

- Dit qu'il est indemnisable à hauteur de 789 673,27 euros,

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser la somme de 696 879,08 euros à Mme [R] [I] et à MM [X] et [A] [I] et Mmes [K] et [Q] [I], avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012, à hauteur de 405 476,80 euros et du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à Mme [R] [I] la somme de 25 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012 ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à M. [X] [I], M. [A] [I], Mme [Q] [I] et Mme [K] [I] la somme de 17 000 euros chacun avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012 ;

- Dit que les intérêts échus des sommes allouées ci-dessus porteront intérêt dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 21 décembre 2012 ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 67 077,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012 ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 12 511,20 euros au titre des charges sociales patronales avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012 ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à Mme [R] [I], MM [X] et [A] [I] et Mmes [K] et [Q] [I] la somme de 1000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] à verser à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 1200 euros sur le même fondement ;

- Condamne in solidum les docteurs [E], [N] et [B] aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Dit que dans leurs rapports entre eux, le Dr [E] assumera 50% de la responsabilité et les docteurs [N] et [B] chacun 25%.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/17972
Date de la décision : 20/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/17972 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-20;12.17972 ?
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