COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2014
N° 2014/248
Rôle N° 13/23520
[V] [L] [M] [E] veuve [F]
C/
[O] [F]
Syndicat des copropriétaires DE L'IMMEUBLE [Adresse 4]
Grosse délivrée
le :
à : Me Joseph-Paul MAGNAN
Me Maxime ROUILLOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00009.
APPELANTE
Madame [V] [L] [M] [E] veuve [F]
née le [Date naissance 1] 1923 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN- PROVENCE, plaidant par Me Philippe SCARZELLA, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [O] [F] pris en sa qualité de mandataire spécial désigné par ordonnance du Juge des Tutelles de Paris 1er du 30 mai 2013, demeurant [Adresse 2]
assigné en intervention forcée
défaillant
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé '[Adresse 4], pris en la personne de son Syndic en exercice, la SA FONCIA MASSENA, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SCP ROUILLOT/GAMBINI, avocat au barreau de NICE substituée par Me Serge YAZMACIYAN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Madame Françoise BEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2014
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2014,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement d'orientation dont appel du 14 novembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi dans l'exercice de son droit de suite par le syndicat des copropriétaires pour recouvrement d'une créance mentionnée pour 15.624,09 € due en vertu d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 décembre 2006 rendu contre [U] [I] dont les droits sur l'immeuble ont été anéantis par jugement du 20 janvier 2004 portant résolution de la vente en viager à son profit par [V] [E] veuve [F], jugement publié le 26 août 2004,
considérant que la décision prononçant la résolution d'une vente équivaut pour les tiers, qui sont étrangers à l'exécution ou la mauvaise exécution du contrat, à un transfert de propriété qui ne leur est opposable qu'à compter de sa publication,
que la dette à hauteur de 15.624,09 € correspond à des sommes dues par Madame [I] pour une période antérieure à la publication du jugement de résolution,
que Madame [E] est donc bien un tiers à la dette auquel la propriété du bien a été transmise, et ainsi un tiers détenteur auquel le commandement a été régulièrement signifié.
Vu la remise faite au greffe le 19 décembre 2013 de l'assignation à jour fixe délivrée en vertu de l'autorisation présidentielle donnée par ordonnance du 10 décembre 2013 sur une requête déposée le 9 décembre 2013 après déclaration d'appel du 6 décembre 2013,
Vu les dernières conclusions déposées le 28 janvier 2014 par [V] [E] veuve [F] représentée par son tuteur [O] [F] tendant à l'infirmation de cette décision et à la nullité du commandement valant saisie à tiers détenteur du 12 octobre 2012 dès lors qu'elle ne peut être déclarée tiers détenteur et réclamant 7.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, s'agissant de la deuxième saisie immobilière engagée à son encontre,
soutenant notamment qu'elle n'a pas été déclarée débitrice des charges de copropriété dues par Mme [I] avant la résolution judiciaire de la vente, que le tiers détenteur est le tiers à la dette à qui la propriété du bien a été transmise et qu'il n'y a pas ici transmission, seules les aliénations volontaires étant susceptibles de générer un droit de suite et non pas lorsque le transfert de propriété intervient de manière forcée comme c'est le cas d'une résolution judiciaire, que la résolution de la vente était opposable au syndicat des copropriétaires qui l'avait lui-même fait publier le 26 août 2004, que le syndicat des copropriétaires a inscrit une hypothèque le 16 septembre 2011 sur un bien dont elle était juridiquement propriétaire, qu'elle ne peut être considérée comme tiers détenteur de l'immeuble dont elle est réputée être demeurée propriétaire par l'effet de la résolution judiciaire de la vente, que l'effet rétroactif de la résolution n'empêche pas que Madame [I] a conservé à l'égard du syndicat des copropriétaires la qualité de copropriétaire jusqu'à notification du transfert consécutif à la résolution, et ainsi qu'il a été jugé, l'effet rétroactif de la résolution ne saurait avoir pour conséquence de rendre débiteur des charges le vendeur dont la vente a été résolue, que la créance de charges est personnelle et non réelle,
Vu les dernières conclusions déposées le 31 janvier 2014 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] tendant à la confirmation du jugement dont appel sauf en ce qu'il a fixé à 15.624,09 € le montant de sa créance et demandant à la Cour de mentionner celle-ci à hauteur de 18.462 €, montant du bordereau de l'inscription d'hypothèque,
soutenant notamment :
que Madame [I], propriétaire selon acte du 3 novembre 1992, a été condamnée par jugement du 3 septembre 2001 au paiement d'une somme de 17.242,35 € outre intérêts au taux légal au titre de charges de copropriété, outre deux indemnités, jugement qui a été confirmé en appel par un arrêt du 7 décembre 2006 qui a porté la condamnation à 29.128,27 €,
que la copropriété a inscrit une hypothèque judiciaire le 19 février 2002 en vertu du jugement pour sûreté d'une somme de 18.462 €, qui a été renouvelée,
que la résolution de la vente ne fait pas partie des aliénations qui aux termes de la loi emportent purge des hypothèques,
que les droits de la copropriété au titre de son hypothèque ne peuvent être cantonnés qu'au montant indiqué sur le bordereau d'inscription d'hypothèque outre les trois ans d'intérêts dont la loi conserve le rang,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu, sur le droit de suite, qu'il résulte de l'article 2393 du code civil que l'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation qui les suit dans quelques mains qu'ils passent, et de l'article 2461 du code civil que les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble le suivent en quelques mains qu'il passe pour être payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions ;
Attendu que l'appelante est fondée à soutenir que le droit de suite ainsi défini n'a lieu qu'à l'occasion de la translation du droit de propriété de l'immeuble, et que le jugement de résolution n'est pas un titre opérant une telle translation mais au contraire la résolution d'un acte translatif ;
qu'il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que le droit de suite ne se produit pas contre elle puisqu'elle n'est pas un tiers détenteur, mais le propriétaire rétabli dans ses droits depuis l'origine par l'effet rétroactif de la résolution de la vente prononcée par application de l'article 1184 du code civil, laquelle entraîne l'anéantissement du contrat et la remise des choses en leur état antérieur ;
que tous les droits consentis sur l'immeuble par celui dont le droit a ensuite été résolu de même que tous ceux constitués sur l'immeuble de son chef se trouvent anéantis par l'effet rétroactif de la résolution prononcée par application de l'article 1184 du code civil;
Attendu que le syndicat des copropriétaires, qui se borne à se prévaloir du titre de propriété dont Madame [I] a été un temps investie, ne s'est pas attaché à démontrer qu'il avait pu légitimement ignorer la précarité des droits de celle-ci alors que l'assignation en résolution, délivrée le 11 janvier 2001, a précédé le jugement de condamnation au paiement de charges, prononcé le 3 septembre 2001, ainsi que l'inscription d'hypothèque le 19 février 2002, et alors que les décisions de justice rendues font apparaître que Madame [I], qui ne payait pas plus ses charges de copropriété que les termes de la rente viagère, n'hésitait pas à se prévaloir de la précarité de ses droits sur l'immeuble en vue d'éluder le paiement des premières ;
Attendu en conséquence que l'infirmation du jugement est à bon droit demandée ;
Attendu en revanche que le caractère fautif de l'action du syndicat des copropriétaires n'est pas démontré ;
que la demande de dommages-intérêts formée par [V] [E] veuve [F] est en conséquence rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel et, statuant à nouveau,
Juge que [V] [E] veuve [F] n'est pas un tiers détenteur de l'immeuble saisi et que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRANDS CEDRES n'est pas recevable à prétendre exercer un droit de suite à son encontre ;
En conséquence, annule le commandement de payer valant saisie à tiers détenteur délivré à [V] [E] veuve [F] le 12 octobre 2012 ainsi que la procédure subséquente ;
Déclare [V] [E] veuve [F] mal fondée en sa demande de dommages-intérêts et l'en déboute ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4];
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à payer à [V] [E] veuve [F] la somme de 3.500 € ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,