COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 03 AVRIL 2014
N°2014/180
Rôle N° 12/14743
[W] [F]
C/
SARL COTON BLANC
Grosse délivrée le :
à :
Me Myrtho BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Sylvie MARTIN, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 13 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/180.
APPELANT
Monsieur [W] [F],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Myrtho BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL COTON BLANC, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sylvie MARTIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans le délai légal et par déclaration écrite régulière en la forme reçue le 27 juillet 2012 au greffe de la juridiction, M. [W] [F] a relevé appel du jugement rendu le 13 juillet 2012 par le conseil de prud'hommes de Toulon qui l'a débouté de toutes ses demandes pécuniaires à l'encontre de son ancien employeur la société SARL Coton Blanc ;
Selon ses écritures déposées le 4 mars 2014, visées par la greffière, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, M. [F] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, déclarer son licenciement nul, donc sans cause réelle et sérieuse, condamner la société Coton Blanc à lui payer 27 711 € à titre de rappel de commissions de 2007 à 2011, 12 900 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, 6 000 € d'indemnité pour non remise des bulletins de paie de janvier 2008 à janvier 2010 et non affiliation à la caisse des cadres, 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, 35 000 € à titre d'indemnité de clientèle, 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et ordonner en outre sous astreinte à celle-ci de lui remettre des bulletins de paie de janvier 2008 à janvier 2010 ;
La société Coton Blanc, selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens, sollicite pour sa part la confirmation du jugement rendu et la condamnation de M. [F] à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce :
La société SARL Coton Blanc, fabricant en linge de maison et autres articles textiles, a embauché M. [W] [F] suivant contrat écrit du 2 janvier 2008 pour une durée indéterminée, en qualité de représentant de commerce, VRP multicartes, chargé de prospecter la clientèle dans les départements métropolitains 07, 26, 42, 43, 63, 69 et 71, en contrepartie de commissions égales à 8 % du chiffre d'affaires par lui réalisé ;
Convoqué par lettre du 24 février 2011 à un entretien préalable à son licenciement envisagé, il a été licencié par lettre du 10 mars 2011 avec préavis assorti d'une dispense d'exécution pour motif personnel en raison de l'insuffisance de ses résultats comparés aux chiffres d'affaires prévisionnels stipulés au contrat de travail liant les parties ;
Sur la demande de rappel de commissions :
M. [F] qui prétend au paiement de rappel de commissions de 2007 à 2011 se limite à produire des tableaux chiffrés établis par ses soins, certes accompagnés de divers doubles de projets de bon de commandes, mais tous non signés et pour la plupart dépourvus de la mention du prix des marchandises y désignées ;
Il revendique en outre un droit à commission sur des ventes à une clientèle implantée hors de son secteur géographique de prospection défini contractuellement, et que la société Coton Blanc a par suite légitimement refusé de satisfaire par lettre du 24 février 2011 ;
M. [F] doit en conséquence être débouté de ses prétentions de ce premier chef, et à cet égard le jugement confirmé ;
Sur les demandes afférentes à la non remise de bulletins de paie, la non affiliation à la caisse des cadres, et à titre d'indemnité pour travail dissimulé :
Il est établi et non contesté par la société Coton Blanc que celle-ci a seulement régularisé en février 2010 par l'établissement d'un unique bulletin de paie récapitulatif l'état des rémunérations dues et des acomptes versés à M. [F] depuis son embauche, et procédé aussi à cette date seulement aux paiements des cotisations dues pour le compte de celui-ci aux divers organismes sociaux, dont les caisses de retraite IRPVRP et INRP ;
La société Coton Blanc attribue cette régularisation tardive à l'inexpérience de son gérant, de nationalité turque, mais dément toute volonté délibérée de dissimulation du travail de son préposé ;
Il est effectivement constaté qu'avec retard mais spontanément, sans mise en demeure préalable d'aucun organisme social ni du salarié, l'entreprise a déclaré son embauche et acquitté les retenues sociales correspondantes ;
M. [F] n'établit pas dans ces conditions que la société Coton Blanc se soit intentionnellement soustraite à ses obligations, au sens de l'article L. 8221-3 du Code du travail ;
Il ne démontre pas non plus que, cette régularisation opérée, ait subsisté pour lui un quelconque préjudice ;
Il y a lieu en conséquence de confirmer également le jugement entrepris ayant débouté l'intéressé de ces chefs ;
Sur les demandes afférentes à la rupture :
M. [F] a été licencié par lettre en date du 10 mars 2011 signée de « Melle [B] », secrétaire comptable salariée de l'entreprise ;
Eu égard à la qualification de simple employée de Mlle [B], celle-ci ne disposait comme telle par ses fonctions d'aucune délégation tacite de l'employeur ;
Or il est constaté que la lettre de licenciement ne fait état d'aucune délégation de pouvoir de Mlle [B], et que la signature de celle-ci n'est elle-même précédée d'aucune mention d'un mandat quelconque ayant pu lui être donné à cet effet ;
Dans ces conditions particulièrement vexatoires à l'égard de M. [F], le licenciement litigieux émanant d'un préposé non habilité pour y procéder, est nécessairement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Le fait que dans la présente instance et à posteriori, la société Coton Blanc produise par acte sous seing privé daté du 9 février 2011 une « délégation de pouvoir » écrite spéciale donnée par le gérant de l'entreprise à Mlle [B], doit en effet être considéré comme inopérant, faute d'information du salarié dans la lettre de licenciement elle-même et dans des conditions lui permettant de mesurer la portée ;
L'effectif du personnel de l'entreprise étant inférieur à 11 salariés, en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail, par référence à un salaire mensuel brut moyen de 1 203,25 € à la date du licenciement, eu égard à son ancienneté de 3 ans et 2 mois dans l'entreprise et à son âge de 58 ans à la date de la rupture, il y a lieu d'allouer 9 000 € à M. [F] à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Le jugement déféré doit en revanche être confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande d'indemnité de clientèle sur le fondement de l'article L. 7313-13 du Code du travail, à défaut par l'intéressé de la preuve rapportée, ni d'un développement de clientèle par rapport à l'état des clients existants énumérés à l'annexe 1 de son contrat de travail, ni d'une augmentation du chiffre d'affaires réalisé avec ceux-là ;
Il est enfin équitable d'allouer 1 000 € à M. [F] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau ;
Déclare nul, donc sans cause réelle et sérieuse, le licenciement de M. [W] [F] ;
Condamne la société Coton Blanc à lui payer 9 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit M. [F] mal fondé en ses autres demandes et l'en déboute ;
Condamne la société Coton Blanc aux dépens.
LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.