COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 AVRIL 2014
N°2014/
MR/FP-D
Rôle N° 13/11713
[Z] [A]
C/
SA [S] [X] [N]
Grosse délivrée le :
à :
Me Yassine BONNARD, avocat au barreau de GRASSE
Me Mathilde DE CASTRO, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section I - en date du 15 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/390.
APPELANT
Monsieur [Z] [A], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, ayant constitué Me Yassine BONNARD, avocat au barreau de GRASSE , absent
INTIMEE
SA [S] [X] [N], pris en son établissement en FRANCE sis à [Adresse 1], demeurant [Adresse 5] - 99 PORTUGAL
représentée par Me Mathilde DE CASTRO, avocat au barreau de PARIS
([Adresse 3])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786, 910 et 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2014, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Mesdames Martine VERHAEGHE et Martine ROS, Conseillers, chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Martine ROS, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2014
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Soutenant avoir été le salarié de la société [S] [X] [N], ci après dénommée ABB, Monsieur [Z] [A] a saisi la formation des référés du conseil des prud'hommes de Cannes le 6 juillet 2012 pour solliciter le paiement de ses salaires des mois d'avril mai et juin 2012 ainsi que la remise des bulletins de salaire correspondant outre une indemnité de procédure de 2500 €.
Débouté par le conseil des prud'hommes, il a saisi cette juridiction, au fond, le 25 septembre 2012, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société [S] [X] [N], pour manquement à ses obligations contractuelles et solliciter le paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis et les congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation ainsi que de diverses aux autres demandes.
La société ABB a soulevé l'incompétence du conseil des prud'hommes invoquant l'absence totale de lien de subordination et de relation salariale avec Monsieur [Z] [A].
PROCEDURE
Par déclaration au greffe enregistrée le 28 mai 2013, Monsieur [Z] [A] a formé contredit contre la décision rendue le 15 mai 2013 par le conseil des prud'hommes de Cannes, à lui notifiée le 17 mai 2013 qui a :
constaté l'absence totale de liens de subordination et de relation salariale entre lui et la société ABB SA,
et s'est déclaré incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal de commerce de Cannes.
Il demande à la cour :
de constater l'existence d'un contrat de travail, d'une subordination juridique et d'une relation salariale entre lui et la société ABB au titre de ses fonctions de directeur délégué pour la France,
de déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige qui l'oppose la société ABB au titre de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ABB et de paiement des différentes sommes, pour dire que la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
pour prononcer l'annulation du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Cannes le 15 mai 2013 déclinant à tort sa compétence au profit du tribunal de commerce,
et de renvoyer l'affaire dans le conseil de prud'hommes de Cannes,
À défaut,
d'évoquer l'affaire au fond si la cour estime de bonne justice,
en tout état de cause,
de condamner la société ABB à lui payer la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ABB demande à la cour de constater l'absence totale de lien de subordination et de relation salariale avec Monsieur [Z] [A] ,
de constater que le conseil de prud'hommes de Cannes est incompétent pour statuer sur toutes les demandes de Monsieur [Z] [A] ,
de déclarer le contredit mal fondé,
de débouter Monsieur [Z] [A] de ses demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 12 février 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions des articles L 1411 ' 1 et L 1411 ' 4 du code du travail : « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. »
« Il est seul compétent quelque soit le montant de la demande pour connaître des différents mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite. »
Il appartient à celui qui se prévaut d'une relation de travail , et ce en l'absence de tout contrat écrit permettant de faire présumer l'existence d'une relation salariée , d'établir l'existence d'une telle relation se caractérisant par l'exercice d'une activité effective et rémunérée pour le compte et sous la subordination d'une autre personne qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.
Monsieur [Z] [A] indique avoir été recruté le 16 mai 2011 par la société ABB, société anonyme portugaise inscrite au conservatoire des registres du commerce de Barcelos - Portugal, ayant un établissement immatriculé en France le 30 septembre 2008 ayant son siège à [Localité 1], en qualité de directeur délégué pour la France avec pour mission de rechercher des marchés en France.
Il précise que le contrat de travail à durée indéterminée prévoyait un salaire annuel de 130 000 € nets sur 13 mois soit 10 000 € nets par mois, le 13e mois devant être versé en décembre et en juin ou, à défaut, au prorata temporis. Il bénéficiait également d'un véhicule de fonction, d'une indemnité de logement de 1200 € par mois ainsi que du remboursement des frais professionnels sur présentation de justificatifs.
Il a produit un contrat de travail daté du 28 mai 2011 mais ce document ne porte que sa propre signature et ne peut en conséquence rapporter la preuve du lien contractuel invoqué.
Il n'a produit aucun bulletin de salaire.
Il a produit la proposition commerciale du garage Peugeot Azur en date du 16 mai 2011,
un courrier de réclamation de cet organisme de crédit en date du 17 mars 2012 pour une somme en capital de 32 292,4 euros,
un contrat location de locaux meublés, pour un appartement de trois pièces, signé le 1er septembre 2011 pour 10 mois au nom de ABB parking [Localité 2] Monsieur [A],
et une carte Visa au nom de Monsieur [Y] [A] [S] [X],
Il a justifié d'un pouvoir permanent pour « présentation, négociation et approbation d'offres et signature de marchés publics et privés » établi le 1er septembre 2011 par la société ABB, ainsi libellé :
« donne pouvoir permanent à Monsieur [Z] [A] notre directeur Général France, aux fins d'entreprendre la présentation et l'approbation d'offres dans le cadre de tout concours public ou privé et signer tous les actes de gestion nécessaires ainsi que de signer les marchés de travaux tant en entreprise générale qu'en corps d'états séparés, seul, sans limitation de montant »,
et d' un pouvoir établi le 7 septembre 2011 ainsi libellé : « donne pouvoir à Monsieur [Z] [A] notre directeur Général France aux fins de régulariser la négociation et la ratification de l'acquisition de son véhicule de fonction Peugeot 508 conforme à l'offre signée auprès du concessionnaire Peugeot incluant la remise exceptionnelle pour flottes et le financement crédit-bail respectif auprès de la banque Crédipar .
Cependant l'ensemble de ces éléments reste compatible avec une activité exercée dans le cadre de relations d'affaires ou de partenariat exclusives de tout lien de subordination.
Sur ses relevés de compte apparait le virement mensuel d'une somme de 10 000 euros (à l'exception du premier virement effectué le 15 juin 2011 qui s'élève à 5 000 euros).
Ces virements se sont interrompus après le 8 février 2012, date du dernier virement effectué par ABB, et ont été suivis de deux virements de 10 000 € le 30 avril et le 15 mai 2012 en provenance d'un [M] [R].
La périodicité et la fixité de ces virements ne suffit pas à leur conférer le caractère de salaire au sens de l'article L3221 ' 3 du code du travail, aucune preuve n'étant rapportée de ce que ces versements étaient effectués en contrepartie d'un emploi.
Certes, Monsieur [A] indique avoir été le responsable du projet de construction du parking [Localité 2] à [Localité 1] pour le compte de la société ABB ainsi qu'en attestent :
-un procès-verbal de réception des travaux du parking en date du 27 octobre 2011 sur lequel il apparaît en qualité de directeur général représentant de la société BBA, maître d''uvre concessionnaire, étant précisé que l'une des entreprises adjudicataires est également la société ABB prise en son établissement en France et représentée par Monsieur [B] [O],
-des procès-verbaux de réunions de chantier du parking [Localité 2] en date des 11,18 et 31 août 2011 sur lesquels son nom apparaît aux côtés de ceux de Messieurs [T] [A] et [J] en qualité de « responsables » pour le maître d'ouvrage ABB,
-le procès-verbal de levée des réserves en date du 15 décembre 2011 ne mentionnant pas son nom,
-un courrier adressé au député-maire de [Localité 1] pour solliciter l'autorisation d'ouverture au public du parc de stationnement pour le 27 janvier 2012 signé de Monsieur [Z] [A] « directeur Général France » de ABB,
-deux articles de presse rédigés à l'occasion de l'inauguration du parking dans lequel son nom est mentionné comme « responsable du projet chez ABB » et aussi « patron d'ABB ».
-diverses attestations desquelles il ressort qu'il était le directeur pour la France de la société ABB (Monsieur [P] technicien principal territorial à la mairie de [Localité 1], Monsieur [H] ingénieur géotechnicien), qu'il avait dirigé les travaux du parking depuis le mois de mai 2011, qu'il travaillait et faisait les réunions de chantier dans son bureau, qu'il a validé le décompte définitif, (Monsieur [I] président de la société SBE) qu'il était l'interlocuteur de référence de la société auprès de la ville de [Localité 1] (Monsieur[K] deuxième adjoint au maire de la ville de [Localité 1]), qu'il avait remis son bail de location à Monsieur [E] pour un emplacement de parking, qu'il dépendait des instructions de son PDG au Portugal, et que le bail était signé du PDG de la société (Monsieur [E] gérant de société), qu'il avait formé les agents d'exploitation du parking aux premières procédures d'exploitation de ce parking (Madame [E] agent d'exploitation),
cependant ces éléments ne rapportent pas la preuve de ce qu'il aurait appliqué des directives ou des consignes émanant de la direction de la société ABB SA relatives à ce chantier.
-Monsieur [F], conducteur de travaux indique dans une attestation : « en ma présence Monsieur [V] [X] [N] avait donné l'ordre à Monsieur [A] de ne pas exécuter la peinture au sol du parking malgré les obligations contractuelles », toutefois faute de rapporter les termes dans lesquels le directeur de la société se serait adressé à Monsieur [A], la cour n'est pas en mesure d'apprécier s'il s'agissait effectivement d'une directive traduisant la subordination de Monsieur [A],
-de même, Monsieur [C], gérant de la société H2O, indique que Monsieur [A] a sollicité des travaux non compris dans le cahier des charges contractuelles mais qu'il se serait heurté à un contre ordre du PDG, ce dont il n'a pas été le témoin direct, ce qui retire toute portée à ce dernier témoignage.
Les 2 courriels que Monsieur [A] a adressés les 11 mai et 12 juin 2012 au PDG de la société ABB pour réclamer le paiement de son salaire, ne sont que des preuves qu'il s'est constituées à lui-même qui n'ont de ce fait aucune portée, alors au surplus que dans un courrier que lui adresse le président du conseil d'administration de la société ABB CONSTRUCTIONS le 4 juillet 2012, il lui est reproché sa mauvaise foi en ces termes :
« vous prétendez avoir été empêché d'assumer votre mandat alors que nous n'avons jamais reçu la moindre correspondance en ce sens au cours des nombreux mois qui se sont écoulés depuis votre nomination. La même remarque peut être faite en ce qui concerne votre prétendu contrat de travail et vos prétendus arriérés de salaire dont vous faites état pour la première fois. » (')
« La réalité est que vous avez depuis l'origine toujours été en mesure d'assumer la direction générale de la société ABB CONSTRUCTIONS qui vous avait été confiée mais que vous n'avez accompli aucune des diligences ni assumé les responsabilités qui vous incombaient en cette qualité ».
Par ailleurs, plusieurs documents relatifs à une société ABB CONSTRUCTIONS SA, filiale de ABB immatriculée au registre du commerce le 22 décembre 2011 ayant son siège à [Adresse 4] dont Monsieur [Z] [A] est directeur général, donc mandataire social, non salarié, contribuent à entretenir le doute sur le statut de salarié revendiqué par Monsieur [A] en créant un amalgame entre la société ABB SA et la société ABB CONSTRUCTIONS SA dont il était mandataire social :
-un extrait K bis
-un courrier adressé le 16 juin 2012 au président du conseil d'administration de la société ABB pour réclamer le retour de son contrat de travail, et se plaindre d'avoir engagé des frais dans l'intérêt économique des sociétés qui restent impayés,
-un courrier que lui adresse le 4 juillet 2012 la société ABB CONSTRUCTIONS pour lui reprocher de ne pas avoir justifié l'accomplissement des diligences afférentes à son mandat de directeur général de nature à favoriser et développer l'activité de la société, d'avoir mis des obstacles à ce développement et lui signifiant la révocation de son mandat de direction générale ainsi que le procès-verbal de délibération du conseil d'administration en date du 26 juin 2012 révoquant son mandat.
En définitive, aucune des pièces produites ne démontre que Monsieur [A] a exercé son activité de développement et de suivi du chantier [Localité 2] de [Localité 1] dans un lien de subordination avec la société ABB.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître du litige l'opposant à la société ABB, et le jugement déféré sera confirmé en ce sens.
L'indemnité de procédure :
Il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties conserver la charge de ses frais irrépétibles.
Les dépens :
Monsieur [Z] [A] supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire sur contredit, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Rejette le contredit,
Dit n'y avoir lieu à évocation,
Confirme le jugement d'incompétence rendu le 15 mai 2013 par le conseil des prud'hommes de CANNES,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [Z] [A] aux dépens.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS