COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2014
N° 2014/ 233
Rôle N° 12/21405
SA COVEA FLEET
C/
[X] [I]
[W] [T]
Grosse délivrée
le :
à :
CHERFILS
MONCHO
BREU-LABESSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 28 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F01023.
APPELANTE
SA COVEA FLEET,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [X] [I]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Estelle MONCHO de la SCP MONCHO/VOISIN MONCHO, avocat plaidant, postulant au barreau de GRASSE
Monsieur [W] [T] Transporteur exerçant sous l'enseigne commerciale 'L'ATOUT PROVENCAL',
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat plaidant, postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 2 février 2010, monsieur [X] [I] a acquis un mobil home d'occasion de marque Sun Roller auprès d'un particulier pour la somme de 10 000 euros.
Il a confié le transport du mobil home à monsieur [W] [T] exerçant une activité de transporteur en nom personnel de [Localité 2] à [Localité 4].
Au cours de ce transport réalisé le 5 février 2010, la toiture du mobil home a heurté un pont et a été endommagée.
Le 8 février 2010, monsieur [W] [T] a effectué une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d'assurance la société COVEA FLEET qui a missionné la société VERITECH en qualité d'expert.
L'expert a déposé son rapport le 21 mai 2010 en évaluant le montant du préjudice à la somme de 2 567 euros selon devis établi par la société Sun Roller..
Par acte du 3 juin 2011, monsieur [X] [I] a fait assigner monsieur [W] [T] et son assureur la société COVEA FLEET devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nice, aux fins de voir prononcer leur condamnation sous astreinte à faire procéder aux réparations utiles du mobile home et à lui payer une provision de 14 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi.
Par ordonnance du 31 septembre 2011, le juge des référés s'est déclaré incompétent en raison de contestations sérieuses soulevées par les défendeurs.
Par acte du 23 novembre 2011, monsieur [X] [I] a fait assigner monsieur [W] [T] et son assureur la société COVEA FLEET devant le Tribunal de Commerce statuant au fond aux fins de voir prononcer leur condamnation solidaire à lui payer la somme globale de 18 132 euros en réparation de son préjudice.
Par jugement contradictoire du 28 septembre 2012, le Tribunal de Commerce a :
- dit que l'action n'est pas prescrite,
- condamné solidairement monsieur [W] [T] et la société COVEA FLEET à payer à monsieur [X] [I] :
la somme de 3 132 euros correspondant au montant des travaux de réparation du mobil home endommagé, majoré par rapport à l'indice du coût de la construction applicable au jour du jugement
la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'exploitation subi de mars 2010 à avril 2011
la somme de 1 000 euros pour le préjudice d'exploitation subi de mai 2011 à la date du jugement
la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné solidairement monsieur [W] [T] et la société COVEA FLEET aux dépens.
Par déclaration au greffe du 14 novembre 2012, la société COVEA FLEET a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de monsieur [X] [I] et de monsieur [W] [T].
Dans ses dernières conclusions du 23 avril 2013, la société COVEA FLEET demande à la Cour au visa de l'article L 133-6 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que les demandes formées par monsieur [I] sont prescrites,
- dire qu'il n'existe aucune reconnaissance du droit du réclamant de nature à interrompre la prescription,
- débouter en conséquence monsieur [X] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner monsieur [X] [I] à payer à la société COVEA FLEET la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire
- constater la déchéance prévue à l'article 15 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par monsieur [T],
- dire les demandes de monsieur [X] [I] mal fondées et l'en débouter,
En tout état de cause
- dire que la société COVEA FLEET serait fondée si la cour entrait en voie de condamnation à son égard, à opposer à monsieur [X] [I] exerçant l'action directe à son encontre les clauses et conditions de la police d'assurance qui prévoient notamment une franchise contractuelle à hauteur de 15% pour les dommages matériels dans l'hypothèse du heurt d'un pont, et une franchise de contractuelle de 1 500 euros pour les dommages immatériels, franchise contractuelle restant à la charge de monsieur [T].
La société COVEA FLEET soutient :
- que l'action engagée par monsieur [X] [I] par acte du 3 juin 2011 alors que la livraison du mobil home est du 5 février 2010, est prescrite en l'absence de reconnaissance de responsabilité interruptive de la prescription de un an au sens de l'article 2240 du code civil, ne pouvant être regardée comme telle le courrier du 8 février 2010,
- que le courrier du 31 août 2011 adressée par monsieur [W] [T] à la concluante est inopérant s'agissant d'une demande de renseignement à la suite de l'assignation en référé délivrée à la requête de monsieur [X] [I] le 3 juin 2011,
- subsidiairement, qu'il y a lieu de constater la déchéance prévue par l'article 15 des conditions générales du contrat n° 118202365,
- que monsieur [X] [I] ne rapporte pas la preuve du préjudice d'exploitation qu'il allègue avoir subi,
- que la concluante est fondée à opposer à monsieur [X] [I] exerçant l'action directe à son encontre, les clauses et conditions de la police d'assurance qui prévoient notamment une franchise contractuelle à hauteur de 15% pour le préjudice matériel dans l'hypothèse du heurt d'un pont, et à hauteur de 1 500 euros pour les dommages immatériels.
Dans ses dernières conclusions du 12 mars 2013, monsieur [X] [I] demande à la Cour au visa de l'article L 133-1 du code de commerce, des articles 1147, 1148,1150 et 1784 du code civil, 2251 du code civil, de :
- confirmer le jugement déféré,
- débouter monsieur [W] [T] et la société COVEA FLEET de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner in solidum monsieur [W] [T] et la société COVEA FLEET à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur [X] [I] fait valoir :
- que l'action n'est pas prescrite par application des articles 2240 et 2251 du code civil,
dès lors que :
monsieur [W] [T] a reconnu sa responsabilité dans le courrier qu'il a adressé à la compagnie d'assurance le 8 février 2010
a renoncé à se prévaloir de la prescription par courrier du 31 août 2011 postérieur à l'expiration du délai de prescription, en mettant en demeure la compagnie d'assurance de procéder à l'indemnisation de monsieur [X] [I]
- que l'expert mandaté par la compagnie d'assurance a chiffré le préjudice sans que la compagnie d'assurance ne règle le montant de l'indemnité,
- que la responsabilité du transporteur est engagée de plein droit en ce qu'il a mal évalué la hauteur du pont, par application de l'article L 133-1 du code de commerce,
- que le concluant a acquis le mobil home pour le mettre en location et a subi une perte d'exploitation dès lors que celui-ci peut être loué 150 euros par semaine hors saison et 500 euros par semaine en saison, ainsi qu'un préjudice de jouissance,
- que la société COVEA FLEET n'est pas fondée à invoquer la déchéance de garantie dès lors qu'elle a missionné un expert qui a validé un devis de réparation.
Dans ses dernières conclusions du 7 mai 2013, monsieur [W] [T] demande à la Cour de
- réformer le jugement entrepris,
- dire que les demandes formées par monsieur [X] [I] à l'encontre de monsieur [W] [T] et de la société COVEA FLEET sont prescrites,
- en conséquence, débouter monsieur [X] [I] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- débouter monsieur [X] [I] de sa demande formée au titre de son préjudice d'exploitation en l'absence de preuve de ce préjudice,
En tout état de cause
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 15 des conditions générales de la police d'assurance,
- condamner la société COVEA FLEET à relever et garantir le concluant de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
- condamner tous succombants à payer au concluant la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tous succombants aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur [W] [T] fait observer :
- que l'action engagée par monsieur [X] [I] est prescrite dès lors que la déclaration de sinistre effectuée par lettre du 8 février 2010 ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité,
- que le courrier du 31 août 2011 ne peut être considéré comme une renonciation tacite à la prescription
- qu'à aucun moment le concluant n'a reconnu sa responsabilité mais au contraire a mentionné que la hauteur du pont n'était pas indiquée par une signalisation appropriée,
- que monsieur [X] [I] ne justifie pas du préjudice d'exploitation dont il se prévaut,
- que la société COVEA FLEET n'est pas fondée à opposer au concluant la déchéance de garantie par application de l'article 15 du contrat d'assurance dès lors qu'il n'a jamais tenté de transiger avec monsieur [X] [I].
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
Selon l'article L 133-6 du code de commerce, les actions pour avaries, pertes ou retard s auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an.
Il est constant que le mobil home a été livré le 5 février 2010, et que l'assignation en référé interruptive de prescription a été signifiée le 3 juin 2011 postérieurement à l'expiration du délai de un an.
Selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Selon l'article 2251 du code civil, la renonciation tacite à la prescription résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
Suivant jurisprudence de la Cour de Cassation, la reconnaissance de responsabilité postérieure à l'expiration du délai de prescription vaut renonciation à se prévaloir de la prescription.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2010 adressée à son courtier d'assurance, monsieur [W] [T] a effectué une déclaration de sinistre en relatant les circonstances et en indiquant 'nous vous remercions de diligenter un expert dans les plus brefs délais afin d'accélérer le règlement.'
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2011 adressée à son courtier d'assurance, monsieur [W] [T] lui a demandé de lui faire connaître ' par retour du courrier quels éléments pourraient retarder l'indemnisation'.
Ces courriers qui ont été adressés au courtier d'assurance en lui demandant de mettre en oeuvre la garantie prévue par la police d'assurance et non à monsieur [X] [I], ne constituent pas une reconnaissance de responsabilité formulée à l'égard de ce dernier.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, et monsieur [X] [I] débouté de ses demandes, fins et conclusions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [X] [I] qui succombe, n'est pas fondé en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il convient en équité de condamner Monsieur [X] [I] à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros à la société COVEA FLEET et la somme de 1 000 euros à monsieur [W] [T].
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau
Déclare prescrite l'action engagée par monsieur [X] [I] à l'encontre de la société COVEA FLEET et de monsieur [W] [T],
Déboute monsieur [X] [I] de ses demandes, fins et conclusions,
Condamne monsieur [X] [I] par application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la société COVEA FLEET la somme de 1 000 euros et à monsieur [W] [T] la somme de 1 000 euros,
Condamne monsieur [X] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,