COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2014
N° 2014/233
Rôle N° 12/22568
[X] [O]
[C] [O]
C/
SARL OLIVEIRA JOAQUIM & CO
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOLLINCHI
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/04422.
APPELANTS
Madame [X] [O],
demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Bernard HAWADIER de la SELARL HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
Monsieur [C] [O],
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Bernard HAWADIER de la SELARL HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMEE
SARL OLIVEIRA JOAQUIM & CO
prise en la personne de son représentant légal en exercice
assignée 14.12.2012 à étude d'huissier à la requête de [O],
[Adresse 2]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Brigitte FOSSAT de la SCP LABORDE FOSSAT, avocate au barreau de DRAGUIGNAN, substituée par Me Michel LABORDE de la SCP LABORDE FOSSAT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)
Monsieur Michel CABARET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014,
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Selon contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans en date du 9 mars 2007, Monsieur et Madame [O] ont confié à la société Jean Yves Lossi Architecteurs, la construction d'une maison avec piscine à [Adresse 3], moyennant un coût de 634 291,36 € TTC , outre 6202,34 € TTC pour les travaux nécessaires à l'habitabilité, non compris dans le prix susvisé, et 750 € pour la partie publique des branchements à charge de Monsieur et Madame [O].
La déclaration règlementaire d'ouverture du chantier a été faite le 26 juin 2007.
Trois avenants au contrat ont été établis dont le dernier le 12 novembre 2008, portant le coût de la construction à la somme de 645 536,36 € TTC.
La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 8 mai 2009, avec mention que Monsieur et Madame [O] consignaient la somme de 31 714,57 € jusqu'à la levée des réserves.
Un procès-verbal de levée des réserves a été établi le 12 juin 2009, avec mention que le solde du prix était réglé à cette date, hormis une somme de 27 000 € séquestrée jusqu'à levée complète des réserves, et qu'un document listant les réserves non levées était annexé.
Par actes d'huissier en date du 20 mai 2011, la société Oliveira Joaquim & co a fait assigner Monsieur et Madame [O] devant le tribunal de grande instance de Draguignan à l'effet de les voir condamnés au paiement de la somme de 41 085,67 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009, au visa de l'article 1134 du code civil, en se prévalant d'une facture émise le 18 mars 2009 et d'un devis en date du 5 octobre 2007 accepté par la société Lossi.
Par ses conclusions postérieures, la société Oliveira Joaquim & co a fondé ses demandes à titre principal sur les articles 1984 et 1998 du code civil, subsidiairement sur la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et l'action directe du sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage, plus subsidiairement sur l'article 1382 du code civil et l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Par décision en date du 6 novembre 2012, le tribunal a :
- condamné solidairement Monsieur et Madame [O] à payer à la société Oliveira Joaquim & co la somme de 41 085,67 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2011, outre la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Monsieur et Madame [O] aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
Monsieur et Madame [O] ont interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 30 novembre 2012.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2013, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, Monsieur et Madame [O] demandent à la cour :
- de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- de débouter la société Oliveira Joaquim & co de l'ensemble de ses demandes comme ne reposant sur aucun fondement juridique,
- de constater que les concluants ne peuvent voir leur responsabilité recherchée s'agissant d'une sous-traitance dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, et alors qu'ils apportent la preuve d'avoir soldé les causes du marché de construction de cette maison individuelle avant d'avoir connaissance des réclamations du sous-traitant qu'ils n'avaient pas agréé,
- de condamner la société Oliveira Joaquim & co au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'au paiement de la somme de
10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
Par ses dernières conclusions notifiées le 5 août 2013, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la société Oliveira Joaquim & co a formé appel incident et demande à la cour :
- de débouter Monsieur et Madame [O] de leurs demandes,
- à titre principal,
° de réformer la décision déférée,
° au visa des articles L 230-1, L 230-2 et L 231-6 du code de la construction et de l'habitation,
de constater que les travaux ont été exécutés avant l'obtention de la garantie de livraison,
de prononcer la nullité du contrat de construction de maison individuelle signé le 9 mars 2007,
° au visa des articles 1984 et 1998 du code civil,
de dire que la société Jean Yves Lossi Architecteurs avait la qualité de maître d'ouvrage délégué,
de dire que cette situation relève du régime du mandat,
de dire que la société Jean Yves Lossi Architecteurs représentait Monsieur et Madame [O] et agissait en leur nom et pour leur compte,
de dire que Monsieur et Madame [O] sont tenus à ce titre, d'exécuter les engagements souscrits en leur nom et pour leur compte, par la société Jean-Yves Lossi Architecteurs,
de condamner en conséquence 'conjointement et solidairement' Monsieur et Madame [O] à payer à la concluante la somme de 41 085,67 € TTC au titre du solde de sa facture n°64 du 18 mars 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009,
- à titre subsidiaire, au visa des articles 3, 5, 6, 12 de la loi du 31 décembre 1975,
° de constater que la concluante avait la qualité de sous-traitante à l'égard de Monsieur et Madame [O],
° de constater que 'la société Oliveira Joaquim & co avait accepté que la société Oliveira Joaquim & co agisse en qualité de sous-traitant',
° de dire que la concluante dispose d'une action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage,
° de condamner en conséquence 'conjointement et solidairement' Monsieur et Madame [O] à payer à la concluante la somme de 41 085,67 € TTC au titre du solde de sa facture n°64 du 18 mars 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009,
- à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1382 et suivants du code civil,
° de confirmer le jugement dont appel,
° de constater que 'les consorts' [O] avaient connaissance de l'existence d'un contrat de sous-traitance entre 'architecteurs' et la concluante,
° de dire que ' les consorts' [O] ont engagé leur responsabilité quasi-délictuelle,
° de condamner en conséquence 'les consorts' [O] à payer à la concluante la somme de
41 085,67 € TTC à titre de dommages intérêts correspondant au solde de sa facture n°64 du 18 mars 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2009,
- de condamner 'conjointement et solidairement' Monsieur et Madame [O] à payer à la concluante la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
La clôture de la procédure est en date du 18 mars 2014 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 1er avril 2014.
Le 2 avril 2014, le conseil de la société Oliveira Joaquim & co a adressé à la cour, avec copie au conseil des époux [O], une note en délibéré qu'il a motivée par le fait que lors de l'audience de plaidoirie, le conseil des 'consorts' [O] a argué de l'absence de déclaration de créance au passif de la société Lossi, et a joint à cette note une copie de sa déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Jean-Yves Lossi Architecteurs et de l'accusé de réception du mandataire liquidateur.
Par courrier du même jour, le conseil de Monsieur et Madame [O] a pris acte des pièces jointes à la note et a fait valoir que cela ne changeait rien à la problématique du dossier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Conformément à l'article 445 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de prendre en considération la note en délibéré adressée par le conseil de la société Oliveira Joaquim & co, en l'absence de toute demande du président de dépôt d'une telle note.
La société Oliveira Joaquim & co est irrecevable à solliciter la nullité du contrat de construction de maison individuelle conclu par Monsieur et Madame [O] avec la société Jean-Yves Lossi Architecteurs, dès lors que la nullité du contrat qui sanctionne le non respect des règles de formation du contrat de construction de maison individuelle, dont la nécessité de justifier d'une garantie de livraison, est une nullité relative, qui ne peut donc être invoquée par les tiers au contrat.
Elle ne peut donc utilement soutenir que la société Jean-Yves Lossi Architecteurs qui était liée avec Monsieur et Madame [O] par un contrat de construction de maison individuelle, aurait agi en tant que maître d'ouvrage délégué de ces derniers et les aurait engagés sur le fondement de l'article 1984 du code civil, en acceptant le devis daté du 5 octobre 2007 qu'elle avait établi.
Par ailleurs, si la société Oliveira Joaquim & co était liée avec la société Jean-Yves Lossi Architecteurs par un contrat de sous-traitance suite à l'acceptation du devis susvisé, elle ne peut prétendre exercer à l'encontre de Monsieur et Madame [O], l'action directe prévue par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, cette action étant subordonnée à l'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, ainsi qu'à l'agrément par celui-ci de ses conditions de paiement, acceptation et agrément qui en l'espèce ne peuvent se déduire du seul paiement à la société Oliveira Joaquim & co d'une somme de 13 000 € par Monsieur et Madame [O] le 15 décembre 2007, sur un devis initial de 146 110,73 € TTC et une facture finale de 109 085,67 € TTC ;
en effet, ce paiement, s'il peut valoir preuve de la connaissance par Monsieur et Madame [O] de l'existence de la société Oliveira Joaquim & co, ne peut en revanche caractériser une manifestation de volonté non équivoque de leur part d'agréer tacitement les conditions de paiement de cette société.
Enfin, si l'article 14-1 de la loi susvisée du 31 décembre 1975 impose au maître de l'ouvrage qui a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 (obligation pour l'entrepreneur qui entend recourir à un sous-traitant de le faire accepter par le maître de l'ouvrage et de faire agréer par celui-ci ses conditions de paiement), de mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ses obligations, la société Oliveira Joaquim & co ne peut pour autant se fonder sur ce texte pour engager la responsabilité quasi-délictuelle de Monsieur et Madame [O] qui avaient connaissance de sa présence sur le chantier, ce texte ne s'appliquant pas au maître de l'ouvrage personne physique, qui construit un logement pour l'occuper lui-même, ce qui est le cas de Monsieur et Madame [O].
Il s'ensuit que la société Oliveira Joaquim & co doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et que la décision déférée doit être infirmée, dès lors qu'elle a condamné à paiement Monsieur et Madame [O].
Monsieur et Madame [O] qui ne justifient pas que le droit d'ester en justice de la société Oliveira Joaquim & co ait dégénéré en abus, seront déboutés de leur demande de dommages intérêts.
La société Oliveira Joaquim & co succombant en ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel, et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement à payer à Monsieur et Madame [O] la somme de 4000 €.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare irrecevable la note en délibéré adressée le 2 avril 2014 par le conseil de la société Oliveira Joaquim & co.
Infirme la décision du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 6 novembre 2012.
Statuant à nouveau,
Déclare la société Oliveira Joaquim & co irrecevable à solliciter la nullité du contrat de construction de maison individuelle conclu par Monsieur et Madame [O] avec la société Jean-Yves Lossi Architecteurs.
Déboute la société Oliveira Joaquim & co de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Monsieur et Madame [O].
Déboute Monsieur et Madame [O] de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Condamne la société Oliveira Joaquim & co aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ces derniers.
Condamne la société Oliveira Joaquim & co à payer à Monsieur et Madame [O] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande présentée sur ce fondement.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE