COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2014
N° 2014/242
Rôle N° 13/08457
[I] [R]
[D] [R]
C/
SA SURAVENIR
SARL AZUR CONSEIL FINANCE
Grosse délivrée
le :
à :
Me D. LODS
SELARL BOULAN
Me O. ARNAUBEC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/02068.
APPELANTS
Madame [I] [R]
née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 1] (92),
demeurant [Adresse 2]
représenté et plaidant par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
SA SURAVENIR Société Anonyme à directoire, venant aux droits de VIE PLUS, à la suite de la fusion absorption actée par AG du 3.05.2007, Immatriculée au RCS de BREST sous le n° 330 033 127,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de PARIS
SARL AZUR CONSEIL FINANCE,
la petite [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Olivier ARNAUBEC de la SCP BIANCOTTO ARNAUBEC FERRAN, avocat au barreau de NICE, constitué aux lieu et place de Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocate au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Mars 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel CABARET, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère
Monsieur Michel CABARET, Conseiller (rédacteur)
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014,
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] ont souscrit auprès de la SA VIE PLUS devenue SOCIÉTÉ SURAVENIR, par l'intermédiaire de la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE, divers contrats d'assurance-vie adossés à des produits financiers mis sur le marché par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et par la SA BNP PARIBAS.
Suite à différentes pertes enregistrées par leurs placements, par exploit d'huissier du 29 mars 2011, Monsieur et Madame [R] ont fait assigner la société SURAVENIR ainsi que leur courtier, la société AZUR CONSEIL FINANCE, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice afin d'obtenir, à titre principal, la nullité des contrats souscrits auprès de SURAVENIR et la restitution consécutive des sommes investies sur les contrats, augmentées des intérêts au taux de 7,5 % depuis la date de la souscription.
A titre subsidiaire, ils ont sollicité la condamnation de la société SURAVENIR et de la société AZUR CONSEIL FINANCE à leur verser des dommages-intérêts à hauteur des "pertes subies, arrêtées au 15 novembre 2010" sur les différents contrats.
Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, rendu le 15 janvier 2013 le Tribunal de Grande Instance de NICE a :
- révoqué l'ordonnance de clôture, admis les pièces et conclusions déposées ultérieurement à celle-ci et clôturé de nouveau la procédure à l'ouverture des débats, le tout en application de l'article 784 du code de procédure civile.
- débouté Madame [I] [R] et Monsieur [D] [R] de leurs demandes tendant à faire dire nuls les contrats conclus le 14 février 2007 et le 19 avril 2007 avec la SOCIÉTÉ SURAVENIR par l'intermédiaire de la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE.
- dit que la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil à l'égard de Madame [I] [R] et de Monsieur [D] [R] lors de la souscription des contrats du 14 février 2007 et du 19 avril 2007.
- condamné la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE à verser à Madame [I] [R] et à Monsieur [D] [R] à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'échapper aux pertes des capitaux investis les sommes de 40.898,14 euros pour le contrat n° 314202295, 36.604,21 euros pour le contrat n° 314200638 et 37.076,45 euros pour le contrat n° 314702077.
- dit que ces sommes produiront intérêts légaux à compter de ce jour.
- débouté Madame [I] [R] et Monsieur [D] [R] de leurs demandes de dommages et intérêts supplémentaires.
- débouté Madame [I] [R] et Monsieur [D] [R] de leurs demandes de dommages et intérêts formées contre la SOCIETE SURAVENIR.
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE aux dépens et autorisé la SCP KARCENTY-LODS & ASSOCIES à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux [R] ont interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions déposées le 14 février 2014 par les époux [R] ;
Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2013 par la Société AZUR CONSEIL ;
Vu les conclusions déposées le 11 décembre 2013 par la SA SURAVENIR ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 mars 2014 ;
Sur ce ;
En cause d'appel, les époux [R] forment une nouvelle demande en sollicitant de la cour qu'elle constate l'exercice de leur faculté de renonciation en invoquant le fait que le délai de 30 jours qui leur est ouvert par l'article L 132-5-1 du code des assurances, n'aurait pas couru en l'absence de remise de la note d'information concernant les conditions d'exercice de cette faculté.
Au soutien de cette prétention, ils précisent avoir exercé cette faculté de renonciation par courrier du 7 novembre 2012 et que la réponse défavorable de l'assureur est intervenue le 7 décembre 2012, alors que la clôture de la procédure de première instance est intervenue le 20 novembre 2012 et que l'audience de plaidoirie a eu lieu le 4 décembre 2012.
En l'état de ces éléments, ils entendent combattre la prétention de la SA SURAVENIR tirée de la demande nouvelle formulée pour la première fois en cause d'appel en ce qu'ils estiment que la réponse de l'assureur survenue postérieurement à l'audience de plaidoiries constitue un fait nouveau les autorisant à formuler des prétentions nouvelles, étant précisé qu'ils invoquent le fait que cette demande tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge.
Si la demande relative à la faculté de renonciation est différente de celle tendant à la nullité des contrats, il convient de constater que cette faculté a été envisagée par le premier juge qui a posé le principe de cette faculté en page 4 du jugement.
Il s'évince de cette constatation que la faculté de renonciation faisait partie du débat et qu'elle tend, sur un fondement juridique distinct de celui de la nullité, à la restitution des fonds investis dans les contrats d'assurance vie.
Sur la faculté de renonciation.
En droit.
Selon l'article L.132-5-2 du Code des assurances applicable aux faits de l'espèce, avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie ou d'un contrat de capitalisation, par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte.
Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat.
L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires.
Il résulte de l'examen des documents régulièrement produits aux débats, que contrairement à l'appréciation du tribunal, les projets de contrat remis aux époux [R] comportent un encadré conforme aux exigences du Code des assurances, permettant ainsi à l'assureur de s'exonérer de la remise d'une note d'information distincte des conditions générales.
Relevant que les contrats comportent une valeur de rachat, étant précisé que lors de chaque demande de souscription signée par les époux [R], il est précisé dans un tableau la somme à chacune des 8 premières dates anniversaire des primes brutes et nettes versées sur des supports en unités de compte et sur le fonds en euros.
Les souscripteurs ont également déclaré avoir reçu un exemplaire et pris connaissance des Conditions générales valant note d'information du contrat PATRIMOINE VIE PLUS sur lesquelles figurent les valeurs de rachat.
Les conditions générales valant note d'information remises aux époux [R] indiquent les valeurs minimales de rachat et expliquent le mécanisme de calcul des valeurs de rachat, comme le permet l'alinéa 3 de l'article L132-5-2 du Code des assurances, lorsque les valeurs de rachat ne peuvent être établies, avant leur investissement. Elles contiennent également mention de la faculté de renonciation et des conditions de son exercice.
Il s'ensuit que l'assureur s'est conformé aux dispositions légales et que les époux [R] ne sont pas fondés à prétendre au fait que le délai de 30 jours, qui leur était ouvert pour l'exercice de la faculté de renonciation, n'a pas couru, et sont irrecevables à exercer cette faculté.
Sur la demande de nullité des contrats.
En relevant, après avoir analysé les bulletins de souscription, après avoir mis en évidence le fait qu'ils avaient été informés que les valeurs n'étaient pas garanties, mais qu'elles étaient sujettes à des fluctuations à la baisse et à la hausse en fonction de l'évolution des marchés financiers, après avoir constaté qu'ils avaient signé des annexes de souscription, relatifs à un placement, qui attirait leur attention sur les caractéristiques des risques afférents aux obligations souscrites et à l'absence de garantie en capital, le souscripteur acceptant de recevoir une valeur de remboursement inférieure à celle de ses montants initiaux et après avoir constaté qu'ils avaient reçu un livret financier contenant la composition et la nature des différents placements, c'est par des motifs adoptés, sans qu'il soit besoin de paraphraser l'intégralité des motifs du premier juge, que le tribunal a très justement débouté les époux [R] de leur demande fondée sur la nullité des contrats, après avoir écarté leur moyen tiré de la publicité mensongère et de la prétention tirée des clauses abusives.
Sur la responsabilité de l'assureur et du courtier.
Les époux [R] recherchent la responsabilité contractuelle de l'assureur et de leur courtier.
Au soutien de leur action, ils invoquent l'article L 132-27-1 du code des assurances, qui édictent les dispositions suivantes : 'Avant conclusion d'un contrat d'assurance individuel comportant des valeurs de rachat, d'un contrat de capitalisation, ou avant l'adhésion à un contrat mentionné à l'article L. 132-5-3 ou à l'article L. 441-1, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation précise les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur ou l'adhérent ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un contrat déterminé. Ces précisions qui reposent en particulier sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur ou l'adhérent concernant sa situation financière et ses objectifs à souscription, sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance ou de capitalisation proposé.
Pour l'application du premier alinéa, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation s'enquiert auprès du souscripteur ou de l'adhérent de ses connaissances et de son expérience en matière financière.
Lorsque le souscripteur ou l'adhérent ne donne pas les informations mentionnées aux premier et deuxième alinéas, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation le met en garde préalablement à la conclusion du contrat.'
Ils invoquent également les dispositions de l'article L 520-1 du code des assurances qui reprennent ces dispositions au titre des devoirs des intermédiaires en matière d'assurance.
Ces dispositions légales sont inopérantes, comme n'étant pas applicables aux contrats conclus en 2007, par les époux [R], en ce que l'ordonnance N° 2009-106 du 30 janvier 2009, prévoit en son article 3-II, leur application à compter du 1er juillet 2010, et excluant d'ailleurs une telle obligation pour l'assureur, en présence d'un intermédiaire mentionné à l'article 511-1.
Il s'ensuit, que le tribunal ne pouvait, sur ce fondement et après avoir constaté que l'assureur et le courtier avaient rempli leur devoir d'information et sans se contredire, retenir la perte de chance des époux [R] d'échapper aux baisses de capitaux investis.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la Société AZUR CONSEIL FINANCE au paiement de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant :
- condamné la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE à verser à Madame [I] [R] et à Monsieur [D] [R] à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'échapper aux pertes des capitaux investis les sommes de 40.898,14 euros pour le contrat n° 314202295, 36.604,21 euros pour le contrat n° 314200638 et 37.076,45 euros pour le contrat n° 314702077.
- dit que ces sommes produiront intérêts légaux à compter de ce jour.
- condamné la SOCIÉTÉ AZUR CONSEIL FINANCE aux dépens et autorise la SCP KARCENTY-LODS & ASSOCIES à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute les époux [R] de leurs demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de la Société SURAVENIR et de la Société AZUR CONSEIL FINANCE ;
Y ajoutant,
Déclare les époux [R] irrecevables à exercer leur faculté de renonciation ;
Condamne les époux [R] aux dépens de la procédure, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE