COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2014
N° 2014/ 442
Rôle N° 12/08650
[W] [H]
C/
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
Me AMRAM
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 12 Avril 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2011F01102.
APPELANT
Monsieur [W] [H],
dont le siége social est [Adresse 1]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Philippe AMRAM, avocat au barreau de MARSEILLE,
assisté par Me Victor CHETRIT, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller rapporteur
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAIT PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 7 février 2002 Monsieur [H] a souscrit auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse, dite la Caisse, 349 parts d'un fonds de placement dit Double'Ô Monde 2 pour 53.397 euros. Une notice d'information agréée par la COB sur les modalités de rémunération du placement lui a été remise à la signature de ce contrat, précisant notamment qu'aucune action ne devait perdre plus de 40 % de sa valeur pour que le capital placé soit doublé à l'issue de la période.
A l'issue de la période l'évolution des marchés n'a pas permis de verser aux souscripteurs et donc à Monsieur [H] en sus de la restitution du capital de performance additionnelle, une action du panier ayant chuté de plus de 40 % sur la période de référence.
Le conseil de Monsieur [H] par courrier du 12 novembre 2008 a sollicité le versement par la Caisse d'une indemnisation équivalente au doublement du capital escompté.
Le médiateur saisi ensuite du refus opposé par la Caisse a classé cette affaire en raison du refus opposé par la Caisse à cette médiation.
Par exploit du 18 février 2011 Monsieur [H] a assigné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE en paiement de la somme de 53.397 euros, outre celle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 12 avril 2012 le Tribunal de commerce de MARSEILLE l'a débouté de ses demandes et condamné au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal a dit qu'en matière de placements financiers et de fonds communs de placements risqués, les performances passées ne peuvent préjuger des performances futures et que Monsieur [H], investisseur averti, avait pris un risque dont il avait connaissance et ne pouvait prétendre au doublement de son capital.
Par acte du 11 mai 2012 Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 6 août 2012, tenues pour intégralement reprises, il demande à la Cour de :
Vu l'article 1116 du code civil,
Vu l'article L 121-1 du code de la consommation,
Vu les articles 700 et 515 du code de procédure civile,
Infirmer la décision attaquée,
Condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse au paiement des sommes de 53.397 euros, outre celle de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Il soutient que le placement lui a été présenté comme étant sûr au niveau de son résultat, à savoir le doublement du capital, notamment au regard d'une notice d'information de la Caisse, fait valoir avoir été trompé par cette fausse information et que d'ailleurs la DGCCRF a saisi le parquet d'une infraction à l'encontre de la Caisse d'épargne au motif que ce FCP qui s'est avéré désastreux avait fait l'objet d'une publicité effectuée auprès des souscripteurs potentiels au début des années 2000 qui n'était pas cohérente avec la notice validée par la COB.
Il expose que le rapport [U] qu'il a fait réaliser et a été communiqué à la Caisse qui le discute contradictoirement lui est opposable.
Il précise être en possession d'un document interne à la Caisse vantant les performances passées du produit qui lui a été remis par un employé de la Caisse lors de sa souscription, document reposant sur des simulations passées fausses car les cotations étaient erronées et que son capital pendant la période de référence ne pouvait être doublé.
Il indique que la Caisse soutient contradictoirement que ce document n'était qu'à usage interne non destiné aux clients, présentant les arguments de vente pour ses commerciaux, et non une garantie pour les investisseurs, alors que cet argumentaire erroné et mensonger qui lui a été présenté par le commercial de la Caisse et a été déterminant dans son choix.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 octobre 2012, tenues pour intégralement reprises, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur [H] de ses demandes,
Le condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle soutient que l'investisseur était sûr dans tous les cas de récupérer 100 % de son investissement le rendement complémentaire éventuel étant calculé sur la base d'un panier de 12 valeurs et précise qu'aucun souscripteur du FCP doubl'o monde 2 n'a reçu de rendement supplémentaire.
Elle fait valoir que les demandes de Monsieur [H] sont mal fondées alors que le rapport établi de manière non contradictoire par Monsieur [U] lui est inopposable et contient des conclusions très contestables l'expert faisant une application erronée du mécanisme du FCP la comparaison des cours des actions aux différentes dates de constatation se faisant par rapport au cours constaté à la date de souscription et non de celle de constatation précédente.
Elle précise avoir remis à Monsieur [H] la notice d'information visée par la COB (devenue AMF)et avoir ainsi satisfait à son obligation d'information que le contenu du dépliant publicitaire était cohérent avec l'investissement proposé et que le placement était sans risque dès lors que le capital était garanti. Elle ajoute qu'aucun doublement du capital n'était assuré.
Elle ajoute que Monsieur [H] ne peut exciper d'un document à usage interne téléchargeable sur internet dont il ne produit que des bribes et non l'original qui lui aurait remis pour soutenir avoir été trompé. Elle précise que ce document à vocation interne n'a pu lui être remis, que Monsieur [H] en a tronqué des passages et a procédé à un montage, ce qui constitue une tentative d'escroquerie au jugement.
Elle fait valoir qu'en tout état de cause ce document à usage interne qu'elle produit en intégralité n'était pas trompeur et n'a pu vicier le consentement du souscripteur.
Elle soutient que Monsieur [H], qui a retrouvé son capital sans que ne lui soit garantie l'automaticité du doublement de celui-ci, ne démontre aucun préjudice et ne rapporte pas la preuve du dol qu'il invoque.
L'affaire a été clôturée en l'état le 23 avril 2014.
MOTIFS
Attendu que Monsieur [H] soutient avoir souscrit 349 FCP Double'Ô Monde 2 au prix de 153 euros pour un montant total de 53.397 euros auprès de la Caisse à la suite de manoeuvres dolosives du cocontractant qui lui a donné de fausses informations ;
Attendu qu'en signant le 23 janvier 2002 le bulletin de souscription Monsieur [H] a reconnu avoir pris connaissance de la notice d'information 'relative à l'émission susvisée, objet du présent ordre' ;
Attendu que cette notice éditée le 21 décembre 2001 indique que le placement d'une durée minimum recommandée de 6 ans a pour objectif de garantir une valeur de remboursement minimum au 7 février 2008, que le produit financier repose sur des actions et titres assimilés éligibles au PEA, précisant au niveau des modalités que si à chaque fin de trimestre aux dates de constatations entre le 6 février 2006 et le 6 février 2008 aucune action du panier n'enregistre une baisse d'au moins 40 % par rapport à son cours du 2 février 2002 le porteur ayant souscrit avant le 7 février 2002 percevra au 2 février 2008 au titre de la garantie, le meilleur remboursement entre 200 % de son investissement initial hors commission de souscription soit un rendement annuel de 12, 25 % ou 100 % de son investissement initial toujours hors commission de souscription, multiplié par l'évolution du panier calculé à l'échéance ;
Qu'il était indiqué également que si aux mêmes dates il était constaté qu'une action du panier enregistrait une baisse d'au moins 40 % par rapport à son cours du 2 février 2002, alors le souscripteur percevra le 2 février 2008 au titre de la garantie le meilleur remboursement entre 100 % de son investissement initial, hors commission de souscription, majoré d'un coupon progressant de 12,5 % par trimestre échu à compter du 6 mai 2006 jusqu'à la date de constatation où la baisse d'au moins 40 % d'une action du panier est observé, ou 100 % de son investissement initial hors commission de souscription multiplié par un pourcentage compris entre 60 % et 95 % de l'évolution du panier calculé à distance ;
Attendu par ailleurs qu'un tableau détaillait les coupons et les pourcentages qui pourraient être retenus pour le calcul des deux montants possibles de remboursement précisant chacune des dates auxquelles sera vérifié si une des actions du panier enregistre une baisse d'au moins 40 %
Attendu que la notice d'information expose le mécanisme du placement et fait état d'aléa selon l'évolution des actions du panier d'actions quant aux rendements attendus ;
Attendu qu'il en résultait clairement que le souscripteur était garanti de recouvrer son placement hors commission de souscription et n'encourait pas de risque de perte en capital ;
Attendu qu'ayant souscrit des parts dans un fonds de placement composé d'actions et de titre éligibles au PEA Monsieur [H] ne peut prétendre ne pas avoir été informé sur les risques liés aux aléas boursiers quant aux gains espérés, lesquels ressortaient de la notice d'information ;
Attendu que la notice publicitaire que Monsieur [H] dit avoir reçu afin de l'inciter à contracter précise également que le capital initial est garanti et, de manière lisible et compréhensible, sous l'annonce d'un doublement du capital 'en toute sérénité' 'sous réserve des conditions indiquées dans la notice COB disponible dans votre agence Caisse d'Epargne' et sous l'annonce d'un placement performant 'si aucune d'entre elles (12 valeurs sélectionnées) n'a enregistré une baisse de 40 % ou plus par rapport à sa valeur initiale lors des dates d'arrêté de chacun des 8 derniers trimestres (Cf notice COB disponible dans votre agence Caisse d'Epargne) et ajoute que le placement est sans risque, le souscripteur étant assuré de retrouver au minimum la valeur initiale du capital investi, hors droit d'entrée, quelle que soit l'évolution du panier d'actions ;
Attendu que cette notice publicitaire est cohérente avec la notice d'information exigée par la COB dont il a reconnu avoir pris connaissance et l'investissement proposé ;
Attendu qu'il ne peut utilement soutenir que la notice pièce n° 2 qu'il produit aux débats, lui aurait été remise par un préposé de la Caisse, alors que ce document normalement à usage interne de la Caisse était téléchargeable sur internet depuis le site d'une association de consommateurs, et que l'exemplaire qu'il verse aux débats est un montage tronqué de l'original produit par la Caisse d'Epargne ;
Attendu qu'il ne peut donc faire valoir avoir été trompé par les simulations y indiquées entre 1989 et 2001, les performances passées étant en tout état de cause ne pouvant garantir celles à venir en matière d'actions et de titres boursiers ;
Attendu que le communiqué de la DGCCRF qu'il produit vise un FCP commercialisé en 2001 et non celui en cause, des publicités établies en 2000 autres que celles relatives au FCP souscrit en 2002 et la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche et non celle en cause ;
Attendu que le rapport établi par Monsieur [U] à la demande de l'appelant, retenu comme élément d'information versé aux débats et discuté contradictoirement par les deux parties, ne démontre pas le dol allégué alors qu'il ne retient pas les mêmes dates de constatation que celles visées contractuellement dans la notice d'information, l'évolution du cours des actions du panier étant appréciée par rapport à leurs cours au 2 février 2002 aux 8 dates de constations de 2006 à 2008 précisées et que les considérations sur les variations antérieures sont sans intérêt pour l'application des modalités de fonctionnement du FCP souscrit par Monsieur [H] ;
Attendu par ailleurs que Monsieur [H] connaissait les 12 actions du Panier énumérées dans la notice et savait donc qu'y figurait une action de l'industrie automobile américaine FORD soumise aux aléas des difficultés rencontrées dans ce secteur de l'activité économique ;
Attendu que Monsieur [H] qui a eu connaissance de la notice d'information ne pouvait se méprendre sur le fait que la seule garantie était le remboursement du capital investi, le doublement, seulement espéré, objectif du placement, n'étant nullement garanti mais expressément conditionné par les variations des cours des 12 actions du panier telles que détaillées dans ladite notice d'information ;
Attendu qu'il s'ensuit que Monsieur [H] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de manoeuvres dolosives commises par la Caisse d'Epargne à la date de la souscription du PEA par la remise de fausses informations ayant vicié son consentement ;
Attendu que Monsieur [H] qui a récupéré le capital investi, hors frais d'ouverture de dossier, n'est pas fondé à demander la condamnation de la Caisse d'Epargne Provence Alpes Corse au paiement de la somme de 53.397 euros au titre du doublement du capital et de celle de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que le jugement attaqué sera en conséquence confirmé ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur [H], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qui concerne la condamnation au paiement de frais irrépétibles,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [W] [H] de ses demandes, fins et conclusions,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [W] [H] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.