COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2014
N° 2014/ 373
Rôle N° 13/04909
[D] [R]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
[G] [N]
Grosse délivrée
le :
à :SIMONI
VIRY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 17 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012005343.
APPELANT
Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Michèle GRUGNARDI, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIME
Monsieur [G] [N] agissant en sa qualité de mandataire à la liquidation de la Société M&C MARKETING TERRAIN ANIMATIONS, Société Anonyme, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD / ROCHAS / VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me ROCHAS, avocat
Monsieur le Procureur Général, demeurant Palais de JusticeCour d'Appel - Place Verdun - 13100 AIX EN PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014,
Rédigé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La Société M&C MARKETING TERRAIN ANIMATIONS, inscrite au RCS de Salon-de-Provence sous le numéro B 420 297 228, avait pour activité la réalisation de prestations de merchandisage, de promotion commerciales, de gestion de linéaires, d'animations commerciales et de points de vente, et la réalisation d'enquêtes commerciales et d'études de marché.
Monsieur [D] [R] a été élu président du conseil d'administration de la société le 8 septembre 1998.
Par jugement du 21 mars 2003 le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, a prononcé le redressement judiciaire de la société M&C MARKETING TERRAIN ANIMATIONS et par jugement du 26 septembre 2003, il a arrêté un plan de redressement par voie de continuation et d'apurement du passif à 100% sur 8 ans, Maître [N] étant commis aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 26 octobre 2009, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a prononcé la liquidation judiciaire sur la demande de la débitrice et du commissaire à l'exécution du plan.
Par acte d'huissier en date du 27 juillet 2012, Maître [N] ès qualités de mandataire liquidateur a saisi le tribunal de commerce de Salon-de-Provence aux fins d'obtenir la condamnation de Monsieur [D] [R] à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la Société M&C MARKETING chiffrée à la somme de 2 159 274,70 euros et à tout le moins, une part significative de celle-ci.
Par jugement du 17 janvier 2013, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a partiellement fait droit aux demandes et condamné Monsieur [D] [R] à payer la somme de 500 000 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif ainsi que la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 7 mars 2013, Monsieur [D] [R] a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 7 juin 2013, par lesquelles il demande à la cour de juger qu'il n'a pas commis de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société dont il était le dirigeant, d'infirmer le jugement entrepris qui l'a condamné à payer une somme de 500 000 € à titre de comblement de passif et de condamner le mandataire liquidateur à lui payer la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
Monsieur [R] fait valoir que l'activité de la société M&C MARKETING TERRAIN ANIMATIONS consistait à organiser pour le compte de clients industriels, des manifestations à l'intérieur des grandes surfaces et à veiller à ce que leurs marques soient représentées, et les produits régulièrement approvisionnés afin de maintenir l'importance de ces marques à l'intérieur de ces grandes surfaces ; que les clients étaient donc principalement des sociétés internationales comme Unilever, Ferrero, Pernod, Campbell et Nutrition et Santé ; qu'il a créé cette société en 1998 ; qu'elle a employé jusqu'à 3000 salariés, dont 1500 à 1800 dans le cadre de contrats à durée indéterminée.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 24 juillet 2013 par lesquelles Maître [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de le condamner à lui payer également la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront déclarés frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
Maître [N] indique que la société a eu des difficultés à respecter le plan adopté en 2003 ; que par ordonnances des 27 et 28 novembre 2008, le président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence a ordonné une conciliation et désigné à cet effet Maître [Y] [L] en vue d'obtenir un accord d'échelonnement des dettes des organismes sociaux et fiscaux, qui n'a pu être recueilli ; que par ordonnance du 1er décembre 2008, le président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, sur la demande de la Société M&C MARKETING, a suspendu les effets des avis à tiers détenteurs notifiés à la requête de la direction générale des finances publiques pour un montant de 361 075 € et a autorisé l'entreprise à se libérer de sa dette sur un délai de 24 mois; que par jugement du 3 août 2009, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a approuvé la demande de modification du plan de continuation présentée par la société prévoyant l'allongement de deux ans du délai initialement fixé et le règlement du passif sur une durée de 10 ans, compte tenu de l'accord exprimé par le principal créancier URSSAF ; que le passif admis s'élève selon l'état des créances définitif déposé au greffe le 10 septembre 2010 à la somme de 2 450 986.18 euros et l'actif à 291 711,47 euros, soit une insuffisance d'actif de 2 159 274,70 euros.
Vu l'avis du procureur général en date du 28 janvier 2014, par lequel il déclare demander l'application de la loi et s'en rapporter à la décision de la cour.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 avril 2014.
SUR CE, LA COUR,
1. Le mandataire liquidateur fait valoir qu'en vertu de l'article L631-4 du Code de commerce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire aurait dû être demandée dans les 45 jours qui suivent la cessation de paiement ; que, le retard dans la déclaration de cessation des paiements constitue traditionnellement une faute de gestion engageant la responsabilité du gérant et justifiant l'application de l'article L. 651-2 du Code de Commerce ; que Monsieur [D] [R] a commis une première faute de gestion en omettant de déclarer la cessation des paiements dans ce délai; qu'en effet, par jugement du 26 octobre 2009 le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 2 octobre 2009, date du rapport du commissaire à l'exécution du plan ; qu'or, il résulte tant de l'analyse des documents comptables de la Société M&C MARKETING, que de l'examen des déclarations de créances, l'état des inscriptions et des rapports du commissaire aux comptes que les difficultés de la société, traduisant un état de cessation des paiements, sont très antérieures au 2 octobre 2009 et permettent de fixer la réalité de la date de cessation des paiements au 31 décembre 2006.
Au vu des chiffres extraits des bilans de la société pour les exercices de fin d'année 2005, 2006, 2007 et 2008, il fait valoir que si l'actif disponible était en progression modérée entre le 31 décembre 2005 (582 231 €) et le 31 décembre 2008 (1 062 692 €), le passif exigible à augmenté de manière plus importante durant la même période, soit 632 416 € au 31 décembre 2005 et 2 115 620 € au 31 décembre 2008 et que la balance actif disponible/passif exigible révèle des chiffres négatifs de 50 185 € au 31 décembre 2005, de 506 420 € au 31 décembre 2006, de 222 989 € au 31 décembre 2007 et de 1 052 928 € au 31 décembre 2008, ce dont il conclut qu'à partir du 31 décembre 2006 l'entreprise ne pouvait plus faire face avec son actif disponible au passif exigible, notamment compte tenu des pertes d'exploitation importantes enregistrées, comme en atteste le compte de résultat sur quatre exercices successifs où la société a enregistré une perte de 430 561 € au 31 décembre 2006 et une perte de 510 417 € au 31 décembre 2008, le tout sur un fond de sous-capitalisation de l'entreprise ; que l'examen des disponibilités de l'entreprise révèle également que les bilans enregistrent ce poste à zéro exceptée la situation correspondant à l'exercice 2009, quelques semaines avant la liquidation ; que l'analyse des déclarations de créance révèle une fragilité ancienne ; que le service des impôts des entreprises de Salon-de-Provence a déclaré une créance à titre privilégié d'un montant total de 316 191,50 € qui révèle que l'entreprise ne réglait pas la TVA dès juin 2008 (Pièce 14) ; que l'URSSAF a déclaré une créance à titre privilégié d'un montant total de 673 497,85 € au titre des cotisations impayées depuis avril 2003 à cette date pour 15 938 €, c'est-à-dire postérieurement au jugement arrêtant le plan mais également en 2008 et 2009 et à titre chirographaire pour 27 042,80 € pour les cotisations du mois d'août 2008 ; que le Groupe MORNAY a déclaré une créance d'un montant de 719 651,87 € à titre privilégié correspondant à des cotisations de retraite complémentaire impayées correspondant notamment aux soldes des exercices 2003 ainsi que 2005 à 2008 (Pièce 16) ; que le RSI a déclaré une créance d'un montant de 8 228 € à titre chirographaire correspondant à des cotisations de sécurité sociale impayées correspondant aux chiffres d'affaires 2007 et 2008. (Pièce 17) ; que l'état des inscriptions prises au greffe tant au titre des privilèges généraux de sécurité sociale que du Trésor sont également révélatrices des difficultés de l'entreprise et de son état de cessation des paiements au 31 décembre 2006, puisque l'URSSAF a commencé d'inscrire son privilège tous les trimestres à partir d'avril 2007, pour des cotisations impayées antérieurement ; que, de même, le GROUPE MORNAY pour le compte de la CGIS a procédé à des inscriptions de privilège dès juillet 2007 pour des cotisations trimestrielles impayées en 2006 ; que, dans le même sens, le rapport du commissaire aux comptes du 17 juin 2007 relatif à l'exercice clos au 31 décembre 2006 mentionne : « Nous attirons votre attention sur l'incertitude significative relative à la continuité de l'exploitation exposée dans la note d'évènements significatifs de l'exercice » ; que la Société M&C MARKETING, qui a fait l'objet d'avis à tiers détenteurs signifiés le 27 novembre 2008 pour une dette de 361 075 € a certes obtenu du juge des référés du tribunal de Salon-de-Provence la suspension de leurs effets ainsi que des délais de paiement ; qu'il n'en demeure pas moins que l'état de la trésorerie de la Société M&C MARKETING était désespéré ; que Monsieur [D] [R] tente vainement de s'exonérer de sa responsabilité en prétendant avoir agi sous le contrôle des organes de la procédure.
2. Le mandataire liquidateur fait valoir que constitue également une faute de gestion, justifiant que le dirigeant social soit condamné à régler tout ou partie du passif social, le fait de poursuivre en toute connaissance de cause une activité structurellement ou manifestement déficitaire ; qu'en l'espèce, le plan de redressement présenté par la société et adopté par le tribunal le 26 septembre 2003 n'a pas été exécuté jusqu'à son terme et n'a pas permis à la société de créer des conditions lui permettant de dégager des profits au cours des années suivantes ; que les données résultant du compte de résultat font apparaître que l'entreprise a enregistré quasiment chaque année à partir de 2004 des pertes d'exploitation ou des résultats déficitaires, à l'exception de trois années où elle a enregistré des bénéfices si faibles et peu significatifs qu'ils ne lui ont pas permis d'éviter la cessation des paiements et de résorber le passif concerné par le plan de continuation ; qu'ainsi, la société a enregistré , pour l'exercice 2004, un résultat net de 4 000 € pour un résultat d'exploitation d'à peine 36.000 €, (Pièce 20), en 2005, un résultat net de 4 088 € pour un résultat d'exploitation de 42.333 €, en 2006, un résultat net de - 430 561 € pour un résultat d'exploitation de ' 385.450 €, pour l'exercice 2007 , un résultat net de 78 589 € pour un résultat d'exploitation de 113 052 €, pour l'exercice 2008 un résultat net de - 510 417 € pour un résultat d'exploitation de 389 816 € et pour l'exercice 2009 un résultat net de ' 608 882 € pour un résultat d'exploitation de - 529 271 €, (Pièce 21) ; que ces chiffres montrent que l'entreprise était incapable de couvrir ses charges d'exploitation, et donc , a fortiori, de rembourser les dettes objet du plan de redressement sur 8 ans ; qu'en plus de cela, année après année depuis au moins 2004, la société a enregistré des reports à nouveau négatifs qui impactent les capitaux propres, jusqu'à atteindre 1 273 904 € au 4 novembre 2009, à une époque contemporaine de la liquidation judiciaire ; que le caractère récurrent des pertes qui traduit une exploitation structurellement déficitaire n'est que l'écho de l'insuffisance de fonds propres de l'entreprise, dont les capitaux propres ainsi que le révèlent les documents comptables montrent qu'ils sont constamment négatifs ; que l'insuffisance de fonds propres est telle, qu'elle aurait pu contraindre l'assemblée générale des actionnaires à se prononcer par un vote sur la poursuite ou la cessation de l'activité de l'entreprise du fait que les capitaux propres soient très inférieurs à plus de la moitié du capital ; qu'ainsi, de 2006 à 2008, les capitaux propres sont de 50 à près de 80 fois inférieurs à la moitié du capital social ; qu'en s'abstenant de procéder à la déclaration de cessation des paiements au 31 décembre 2006 et en poursuivant une activité structurellement déficitaire, Monsieur [D] [R] a permis un accroissement de l'insuffisance d'actif de 546 508 €; qu'il ne peut justifier la poursuite d'activité par la saisine du tribunal de commerce de Salon-de-Provenc de requêtes successives dès novembre 2008 pour obtenir des délais supplémentaires, puisqu'à cette date le sort de l'entreprise était déjà scellé ; qu'il ne peut davantage associer les organes de la procédure à son abstention fautive ; que s'il est vrai que la Société M&C MARKETING exécutait son plan, elle s'abstenait parallèlement de payer ses dettes d'exploitation au quotidien ce qui était étranger à la mission de Maître [N], lequel ne recevait les documents de gestion de l'entreprise permettant de la contrôler.
3. Mais, ainsi que le soutient Monsieur [R], qui ne conteste pas ces chiffres, il a obtenu du président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, auquel il s'est adressé le 17 novembre 2008, soit bien après la clôture de l'exercice 2006, l'ouverture d'une procédure de conciliation, sous l'égide de Maître [Y] [L], ce qui montre, en dépit de la sévérité des chiffres rappelés par Me [N], que tout espoir de redressement n'était pas écarté, observation étant faite que la situation de l'entreprise pouvait aussi apparaître en lien avec une conjoncture de crise internationale dont la durée pouvait difficilement être appréciée à l'époque.
L'espoir d'un redressement a été également entretenu par le fait que, sur décision de justice, les effets des avis à tiers détenteur délivrés le 27 novembre 2008, par la Direction Générale des Finances Publiques pour un montant 261 075 €, ont été suspendus ce qui a ôté l'hypothèque qui pesait alors sur la trésorerie de la société, au point que la paie des salaires du mois de novembre était menacée.
Le tribunal de commerce a également donné à la société un délai de grâce de 24 mois, par jugement du 1er décembre 2008 (pièce 7), afin qu'elle puisse faire face à la dette.
Si le mandataire judiciaire reproche aujourd'hui à M. [R] une faute de gestion, force est de constater qu'à l'époque il n'a guère été émis de réserves sur les moratoires et que la décision prise par le tribunal de commerce le 3 août 2009 d'accorder à la société la possibilité de régler son passif sur dix ans par un allongement de deux années du plan initial (pièce 10), a été précédée par un rapport du 20 juillet 2009 dans lequel Me [N] s'est limité à faire connaître au tribunal que l'URSSAF et le RSI avaient donné leur accord à cette modification (pièce 9).
Dans de telles circonstances où l'activité de la société a pu se poursuivre sur décision judiciaire et sans l'opposition des divers protagonistes à la procédure collective qui a abouti à la résolution du plan de redressement et à la mise en liquidation de la société le 26 octobre 2009, à l'initiative de cette dernière, il n'est en rien établi que Monsieur [R] a omis fautivement de déclarer l'état de cessation des paiements ainsi que cela lui est reproché, le grief pris de l'absence de reconstitution des capitaux propres, ne pouvant fonder une condamnation, M. [R] indiquant à cet égard sans être contredit que les dispositions légales relatives à l'obligation de convoquer une assemblée générale pour décider de la continuation de la société malgré la perte de plus de moitié du capital social ne sont pas applicables aux sociétés en redressement judiciaire, ce qui était le cas de la SA M&C MARKETING TERRAIN ANIMATIONS.
4. Maître [N] fait valoir que la Société M&C MARKETING a totalisé auprès de ses créanciers sociaux et fiscaux (SIE de SALON, URSSAF, GROUPE MORNAY, RSI), une dette de plus de 1 744 611 € correspondant à des cotisations et impôts impayés depuis avril 2003 et ensuite de façon massive à partir du premier trimestre 2007; que les créanciers ont inscrit à de nombreuses reprises leurs privilèges, à compter d'avril 2007 ; que ce faisant, Monsieur [D] [R] a permis à l'entreprise de financer sa poursuite d'activité par le non-paiement de ses dettes sociales et fiscales, y compris sur des sommes que l'entreprise collectait pour le compte de l'Etat (TVA) ; qu'il s'agit non seulement d'un acte de concurrence déloyale à l'égard des entreprises du même secteur d'activité mais également d'une fraude indirecte au préjudice des assurés et des contribuables dont le préjudice s'accroît par le même phénomène.
5. Mais, ainsi qu'il a été dit précédemment, c'est le tribunal de commerce qui a décidé de donner vingt-quatre mois de délai à la société, le 1er décembre 2008, ceci en suspendant les effets des avis à tiers détenteur qui avaient été notifiés par l'administration fiscale. Comme l'indique Monsieur [R], cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours. De plus, elle n'était pas isolée puisque par deux fois il a saisi le tribunal de commerce des difficultés que la société traversait, obtenant la décision du 1er décembre 2008 et celle du 3 août 2009, ce qui témoigne de la confiance qui était mise dans les possibilités de redressement de la société et fait la preuve de la légitimité de la poursuite de l'exploitation.
6. Maître [N] fait valoir qu'alors que l'entreprise était en grande difficulté avec une perte de 510 417 € et qu'elle ne payait pas ses créanciers, Monsieur [D] [R], ès qualités, a conclu le 8 octobre 2008 avec la Société CONSULTING ENTREPRISE STRATEGIE ENTREPRISE FORMATION (CESEF), représentée par son dirigeant en exercice, Monsieur [D] [R], lui-même ; que cette convention mentionnait que le dirigeant de CESEF « dispose d'une expertise reconnue en matière commerciale et marketing, d'un réseau relationnel développé, d'un savoir faire en matière de recherche et de réalisation d'opérations de croissance externe (il a d'ores et déjà établi des contacts avec des nouveaux clients potentiels) et de compétences en matière de pilotage et de coordination du développement des activités de la société M&C MARKETING TERRAIN ANIMATION. » ; que, par ce contrat, M&C MARKETING a confié à CESEF une mission d'assistance commerciale et technique pour la recherche de nouveaux clients et le développement de son activité auprès de ces derniers ainsi que de ses partenaires actuels ; que pourtant, Monsieur [R] aurait pu faire directement pour M&C MARKETING ce qu'il projetait de faire, mais pour le compte de CESEF ; qu'en réalité, cette convention n'avait aucun intérêt pour M&C MARKETING ; que d'autre part, la convention liant les deux entreprises stipulait que la rémunération de la Société CESEF pour la prestation de cette dernière était fixée à 3% du chiffre d'affaires HT, appelée par provisions de 10 000 € par mois ; que contrairement à ce que soutient Monsieur [D] [R], cette convention est loin d'avoir diminué les frais pesant sur la Société M&C MARKETING ; qu'il est le seul à y avoir trouvé avantage, pour avoir perçu des sommes importantes en contrepartie de prestations qu'il effectuait déjà en sa qualité de PDG de la Société M&C DIFFUSION ; qu'il s'agit donc d'un contrat ruineux et contraire à l'objet social de cette société, constituant une nouvelle faute de gestion.
7. Mais la raison d'être de la convention incriminée doit être appréciée eu égard aux éléments développés par ailleurs, dont il résulte que dans la perspective de son départ imminent en retraite, Monsieur [R] a souhaité continuer à maintenir au profit de la société son expertise en matière de relations avec la clientèle constituée par des exploitants de grande surfaces comme Géant Casino, Carrefour, Leclerc, Auchan, Sephora, Monsieur Bricolage, Castorama , etc.
De la sorte, la signature de cette convention n'apparaît guère être un artifice ou ne pas répondre à l'intérêt de la société qui conservait les compétences de Monsieur [R], après son départ en retraite, en contrepartie du paiement de la prestation réalisée, telle que prévue par le contrat en cause.
8. Maître [N] fait valoir que l'examen des rapports spéciaux et sur les conventions réglementées du commissaire aux comptes, du 8 juin 2009 relatif à l'exercice clos le 31/12/2008, (Pièce 23), du 13 juin 2008 relatif à l'exercice clos le 31/12/2007, (Pièce 24) et du 15 juin 2007 relatif à l'exercice clos le 31/12/2006, (Pièce 25), révèle que si la rémunération attribuée à Monsieur [D] [R] a diminué en 2008, c'est de façon minime, car elle représentait la somme totale de 184 528 € fin 2008, contre 189 623 € fin 2007 et 176 229 € fin 2006 ; qu'à cette rémunération très excessive au regard des difficultés que connaissait la société qui a enregistré des pertes importantes durant ces exercices et était en redressement et à la recherche de moratoires, s'ajoutait de Monsieur [D] [R] , le 30 octobre 2008, la mise à disposition d'un véhicule JAGUAR S-TYPE pour usage privé et professionnel, ayant un coût annuel de location de 10 540 €, puis à partir du 1er novembre 2008, d'un véhicule JAGUAR XF ; que l'usage mixte, dont professionnel, de ce dernier véhicule résulte du rapport établi par le commissaire aux comptes et n'est contredit par aucun élément probant (Pièce 23) ; que Monsieur [R] avait ainsi intérêt à ce que l'activité soit poursuivie alors qu'elle était déficitaire ; que, si la rémunération du dirigeant social est libre par principe, elle doit être néanmoins proportionnée aux résultats et capacités de l'entreprise et à défaut, comme c'est le cas ici, la rémunération excessive peut caractériser une faute de gestion.
9. Mais, ainsi que l'indique M. [R], depuis 2003 le tribunal de commerce, l'administrateur et les représentants des créanciers étaient au courant du montant de sa rémunération. Ils en avaient connaissance tant par la communication des bilans annuels que par les rapports du commissaire aux comptes sans qu'aucune remarque n'ait été formulée. En réalité, il ne résulte d'aucun élément de comparaison probant que cette rémunération et les avantages dont il est question étaient hors de proportion avec les salaires versées aux cadres de l'entreprise et qu'elles n'étaient pas en adéquation avec les responsabilités exercées par M. [R] au sein de cette importante société, observation étant faite qu'après 2007 sa rémunération a baissé.
En conséquence, les demandes dirigées contre M. [R] seront rejetées et Me [N], ès qualités, sera condamné aux dépens, l'équité imposant qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant le jugement entrepris,
Rejette les demandes dirigées contre M. [D] [R], ainsi que toute autre demande,
Laisse les dépens à la charge de Me [N], ès qualités, qui seront pris en frais de la procédure collective,
Le GreffierLe Président