COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2014
D.D-P
N° 2014/413
Rôle N° 13/13470
[Z] [G]
[V] [B]
C/
[N] [Y]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP LATIL - PENARROYA-LATIL
Me Sylvie MAYNARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 18 Juin 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/01283.
APPELANTS
Monsieur [Z] [G]
né le [Date naissance 1] 1971,
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE.
Madame [V] [B]
née le [Date naissance 3] 1947 ,
demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE.
INTIME
Monsieur [N] [Y],
né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 1] (Maroc)
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me André BERNARD, avocat au barreau de PARIS.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
M [E] [G] est décédé en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [C] [U] et leurs deux enfants M.[S] [G], et Mme [I] [G] épouse [Y].
[S] [G] est également décédé en 1994 laissant pour lui succéder :
- son épouse, Mme [B], héritière du quart en usufruit de sa succession,
- son fils, M.[Z] [G] héritier des 3/4 en nue propriété.
Le 5 septembre 1995, Mme [I] [G] épouse [Y] a fait donation à son époux de tous les biens et droits immobiliers qui composeront sa succession.
Elle est décédée au cours de l'année 2004 en laissant la totalité de ses biens en usufruit à Mme [U], 7/8èmes en nue-propriété à M.[Z] [G], 1/8ème à Mme [B].
Mme [C] [M] [U] est décédée le [Date décès 1] 2010.
Par exploit du 28 février 2011, M.[Z] [G] et Mme [V] [B] ont fait assigner M.[N] [Y] sur le fondement des articles 578 et suivants du code civil.
Par jugement contradictoire en date du 18 juin 2013, le tribunal de grande instance de Nice a :
- débouté M.[Z] [G] et Mme [V] [B] de leurs demandes formées contre M. [N] [Y],
- les a condamnés à pa yer à M.[N] [Y] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le tribunal énonce en ses motifs qu'en application des dispositions de l'article 617 du Code civil, le nu-propriétaire d'un bien a vocation la pleine propriété de ce bien, de sorte qu'il peut en léguer l'usufruit à un tiers, bien que n'en étant pas encore titulaire de ce droit ; que Mme [I] [G] ayant légué à son époux l'usufruit sur l'immeuble litigieux par testaments du 5 septembre 1995 et du 18 août 2004, M. [Y] est fondé à prétendre à des droits d'usufruitier sur le bien.
Par déclaration du 28 juin 2013, M.[Z] [G] et Mme [V] [B] ont relevé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 27 septembre 2013 ils demandent à la cour de:
- dire l'appel recevable et bien fondé,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
vu les articles 578 et suivants du code civil,
- de dire que M.[N] [Y] est irrecevable et infondé à prétendre revendiquer un usufruit portant sur l'immeuble sis à [Adresse 3],
- constater que par l'effet du décès de l'usufruitière Mme [U], intervenu le [Date décès 1] 2010, les nus- propriétaires Mme [V] [G] et M.[Z] [G] sont devenus de plein droit titulaires dans les mêmes proportions de la pleine propriété de l'immeuble à savoir des 7/8ème pour M.[Z] [G] et 1/8ème pour sa mère Mme [V] [B],
- constater que M. [Z] [G] et sa mère Mme [V] [B] sont propriétaires à concurrence de 7/8èmes et 1/8ème de l'immeuble sis à [Adresse 3] dont les références cadastrales suivent :
- un immeuble sur rue portant le numéro 8 avenue de Suède, élevé sur sous-sol, d'un rez de chaussée et de cinq étages, à usage d'hôtel,
- un immeuble sur rue portant le numéro 12 avenue de Suède, élevé sur sous sol, d'un rez
de chaussée, et de cinq étages, à usage d'habitation,
- un immeuble sur cour portant le numéro 10 avenue de Suède, auquel on accède par un porche entre les deux bâtiments ci-dessus, comprenant un bâtiment élevé sur rez-de-chaussée, de deux étages, et cour couverte à usage de garage, le tout cadastré section KT numéro [Cadastre 1] lieudit [Adresse 3] pour une contenance de 10 ares 40 centiares,
- juger qu'en tant que de besoin, le jugement à intervenir sera publié aux hypothèques et opposable aux tiers,
- et condamner M.[Y] au paiement de 5.000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'au paiement des entiers dépens distraits au profit de la SCP LATIL-ALLIGIER.
Par conclusions, déposées et notifiées le 29 novembre 2013, M. [N] [Y] demande à la cour, au visa de l'article 617 du code civil, de confirmer le jugement critiqué, et de condamner les hoiries [G] à régler les frais irrépétibles que M. [Y] à du occasionner pour la présente procédure, et au paiement d'une somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est datée du 17 avril 2014.
MOTIFS
Attendu que de son vivant M. [E] [P] [C] [G] était propriétaire d'un ensemble immobilier ; qu'il a laissé la totalité de l'usufruit à sa veuve Mme [C] [M] [U] tandis que son fils [S] héritait de la moitié de la nue-propriété ; qu'au décès de [S] [G] courant 1994 il a laissé le quart en usufruit à sa propre veuve et 3/4 en nue-propriété à son fils [Z] ; que l'ensemble immobilier [Adresse 3] était donc réparti de la manière suivante :
* la totalité en usufruit pour Mme [C] [M] [U],
*4/8 èmes en nue-propriété pour [I] [G] épouse [Y],
*3/8èmes en nue-propriété pour M. [Z] [G],
* un huitième en nue-propriété pour Mme [V] [B] ;
Attendu que par acte sous seing privé du 5 septembre 1995, [I] [G] a fait donation à son époux M. [N] [Y] 'de tous les biens et droits immobiliers qui composeront sa succession' ;
Attendu que par testament olographe du 18 août 2004, [I] [G] a confirmé sa précédente donation tout en précisant que 'j'entends que cette donation que j'ai faite à mon mari, en ce qu'elle pourrait concerner les immeubles situés avenue Suède ne puisse porter que sur l'usufruit desdits immeubles, entendant que mon mari n'ait sur ces immeubles aucun droit en pleine propriété , leur nue-propriété au contraire devant revenir à M. [Z] [G]' ;
Attendu que les consorts appelants soutiennent qu'au décès de [C] [M] [U], M [Y] a revendiqué la qualité d'usufruitier , alors que son épouse a utilisé le conditionnel ('pourrait'), ce qui signifie que l'intégration de l'usufruit dans le permis de la donation et du testament n'était que conditionnel ; qu'il présupposait que cet usufruit existât dans l'actif de la succession d'[I] [G] épouse [Y] au décès de celle-ci, ce qui n'a pas été le cas puisque le décès d'[I] [G] est survenu 6 ans avant celui de l'usufruitière, Mme [C] [M] [U] ;
Attendu que l'intimé invoque quant à lui le bénéfice de l'article 617 du Code civil ;
Mais attendu que celui-ci ne peut qu'être écarté compte tenu de la chronologie spécifique du cas d'espèce ; qu'en effet, pour qu'un nu-propriétaire puisse constituer un usufruit successif au profit de son conjoint, il doit préalable disposer de la nue-propriété du bien au jour du décès de l'usufruitier premier titulaire ; que l'usufruit n'a donc pas été intégré dans la masse successorale partageable de la donatrice, de sorte que M. [Y] ne peut revendiquer la qualité d'usufruitier ;
Attendu qu'il s'ensuit la réformation du jugement déféré ;
Attendu que l'intimé succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau et ajoutant
Dit que M. [N] [Y] ne peut pas prétendre à l'usufruit du bien immobilier sis [Adresse 3], cadastré KT n° [Cadastre 1] pour une contenance de 10 ares et 40 centiares,
Dit que M. [Z] [G] et Mme [V] [B] sont propriétaires indivis dudit bien immobilier à concurrence respectivement de sept huitièmes (7/8èmes) et un huitième (1/8èmes) en pleine propriété,
Dit que le présent arrêt sera publié à la conservation des hypothèques,
Vu l'article 700 code de procédure civile,
Disons n'y avoir lieu de faire application de ce texte,
Condamne M. [N] [Y] aux dépens et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT