COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2014
N° 2014/470
Rôle N° 13/03041
[O] [X]
C/
SA ALLIANZ VIE
CONSEIL GÉNÉRAL DU VAUCLUSE
LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
Association AERO-CLUB [1]
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
LE SERVICE DÉPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DU VAUCLUSE
LA COMMUNE D'[Localité 1]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
Société CABINET LAFONT
Grosse délivrée
le :
à :
Me Desombre
Me Tollinchi
Me Boulan
Me Raffaelli
Me Latil
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 07 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/01056.
APPELANT
Monsieur [O] [X]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me André PLANTEVIN, avocat au barreau d'AVIGNON,
INTIMEES
SA ALLIANZ VIE Inscrite au RCS de PARIS sous le n° B 340 234 962, anciennement dénommée AGF VIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis
[Adresse 10]
représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Xavier AUTAIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Hélène MARTIN, avocat au barreau de PARIS
CONSEIL GÉNÉRAL DU VAUCLUSE prie en la personne de son président en exercice, [Adresse 9]
défaillante
LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, y domicilié.
[Adresse 4]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Association AERO-CLUB [1] Association régie par la Loi du 1er Juillet 1901, prise en la personne de son Président en exercice
[Adresse 7]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Dominique LACAN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Loïc PIARD, avocat au barreau de PARIS
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Dominique LACAN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Loïc PIARD, avocat au barreau de PARIS
LE SERVICE DÉPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DU VAUCLUSE prise en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 3]
défaillante
LA COMMUNE D'[Localité 1] prie en la personne de son maire en exercice en exercice, [Adresse 8]
représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Vianney FOULON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Jean-Guillaume FORTUNET, avocat au barreau d'AVIGNON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE prie en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 6]
défaillante
CABINET LAFONT représentant de la PRÉSERVATRICE FONCIÈRE , prie en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 5]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2014. Le 4 Septembre 2014 le délibéré a été prorogé au 25 septembre 2014, le 25 septembre 2014 le délibéré a été prorogé au 09 Octobre 2014. Ce jour le délibéré a été prorogé au 16 Octobre 2014.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant convention du 20 février 1987 l'association Aéroclub [1] [Localité 3] (aéroclub [1]) s'est engagée envers le département du Vaucluse, dans le cadre de la lutte contre les incendies, à apporter son concours à certaines opérations de guet aérien, d'incendie ou de secours engagées par le Service Départemental d'Incendie et de Secours du Vaucluse (SDIS 84) par la mise à disposition d'un aéronef et d'un pilote confirmé pour transporter l'observateur ou le directeur de secours missionné par lui moyennant le règlement des heures de vol sous forme de subvention annuelle.
Le 20 août 1993, à l'occasion d'une mission de reconnaissance des feux de forêt sur le département du Vaucluse, un avion de l'aéroclub [1] qui transportait à son bord outre le pilote, M. [Q], deux sapeurs pompiers professionnels de la commune d'[Localité 1], M. [Z] et M. [X], s'est écrasé au sol provoquant la mort du pilote et blessant grièvement les deux passagers.
Par acte d'huissier du 23 novembre 1994 M. [X] a fait assigner l'aéroclub [1] en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis devant le tribunal de grande instance de Tarascon qui, par jugement du 19 mai 1995, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal administratif.
Le 4 novembre 2002 il a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par décision du 14 juin 2006 a sursis à statuer et renvoyé l'affaire au tribunal des conflits pour désigner l'ordre de juridiction compétent.
Par décision du 20 février 2008 le tribunal des conflits a désigné la juridiction de l'ordre judiciaire pour connaître du litige entre M. [X] et l'aéroclub [1] relatif aux conséquences dommageables de l'accident du 23 août 1993, a déclaré nulle et non avenue la procédure suivie devant le tribunal administratif de Marseille à l'exception du jugement du 14 juin 2006, a déclaré nulle et non avenue la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Tarascon et a renvoyé les parties et la cause devant cette dernière juridiction.
Parallèlement, par actes des 17, 18, 20, 24 février 2003 et 12 mars 2003 la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) avait fait assigner devant le tribunal de grande instance de Carpentras M. [X], la commune d'[Localité 1] et son assureur la Sa AGF Vie, le service départemental d'incendie et de secours du Vaucluse, la Sa Préservatrice Foncière, le conseil général du Vaucluse, l'association aéroclub [1] et son assureur la Sa Axa Corporate Solutions Assurances (Axa) ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) du Vaucluse aux fins de voir condamner solidairement l'aéroclub [1] et son assureur au remboursement de ses débours chiffrés à 94.100,91 €.
Par conclusions du 23 mai 2006 et du 9 octobre 2006 M. [X] a sollicité l'indemnisation de ses préjudices corporels.
Par ordonnance du 16 octobre 2008 le juge de la mise en état de cette juridiction s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Tarascon.
Par acte du 22 mai 2008 l'aéroclub [1] a fait assigner M. [X] devant le tribunal de grande instance de Tarascon pour, à la suite de la décision du tribunal des conflits, entendre dire que cette victime devra présenter sa demande en réparation et statuer sur les moyens de défense tirés de la déchéance biennale de cette action indemnitaire et, subsidiairement, de l'absence d'obligation à indemnisation.
Par ordonnance du 14 avril 2009 le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Tarascon a joint cette instance à l'affaire reçue de la juridiction de Carpentras.
Par ordonnance du 14 septembre 2010 il a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur [Y] qui a déposé son rapport le 14 mars 2011 et par nouvelle décision du 21 avril 2011 a rejeté la demande de provision présentée par la victime.
Par jugement du 7 décembre 2012 n° RG 08/01506 le tribunal, au visa des articles L 322-3 et suivants du code de l'aviation civile, a
- mis hors de cause le SDIS 84
- reçu la fin de non recevoir soulevée par l'aéroclub [1] et la Sa Axa
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes présentées par M. [X], la CDC, la commune d'[Localité 1] et la Sa AGF Vie devenue Allianz Vie
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné l'aéroclub [1] et la Sa Axa aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par acte du 19 novembre 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [X] a interjeté appel général de la décision.
MOYENS DES PARTIES
M. [X] demande dans ses conclusions du 4 juillet 2013 de
- infirmer le jugement
- dire son action recevable
- dire la responsabilité de l'aéroclub [1] entièrement engagée dans l'accident
- condamner solidairement l'association aéroclub [1] et la Sa Axa à indemniser son entier préjudice et à lui payer, hors débours des organismes sociaux, de son employeur et l'assureur de ce dernier, de la CDC les sommes suivantes :
* au titre de ses préjudices patrimoniaux
. 25.054,33 € avant consolidation
. 20.727 € après consolidation
* au titre de ses préjudices extra patrimoniaux
. 108.210,40 € avant consolidation
. 20.727 € après consolidation
- les condamner sous la même solidarité à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il soutient que son action est parfaitement recevable au regard des règles de prescription, que la Convention de Varsovie n'est pas applicable, l'action engagée par assignation du 23 novembre 1994 visant à mettre en cause la responsabilité civile du transporteur, l'aéroclub [1], sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil.
Il souligne que la convention conclue entre le SDIS 84 et l'aéroclub [1] le 20 février 1987 n'est pas un contrat de transport aérien puisqu'elle a pour objet 'd'apporter la participation de l'aéroclub [1] à certaines opérations de guet aérien, d'incendie et de secours engagées par le SDIS 84 et met en oeuvre un aéronef et un pilote de l'aéroclub [1]', que le code de l'aviation civile définit l'affrètement comme 'l'opération par laquelle un fréteur met à la disposition d'un affréteur un aéronef avec équipage et que sauf convention contraire, l'équipage reste sous la direction du frêteur'.
Il précise qu'il importe peu que l'opération soit à titre onéreux puisqu'il n'a de lien contractuel ni avec l'aéroclub, ni avec le SDIS du Vaucluse puisqu'il était employé municipal de la commune d'[Localité 1] en qualité de sapeur pompier professionnel, qu'il ne peut être considéré comme détenteur d'un titre de transport puisqu'il participait à un travail aérien, que le SDIS 84 affrétait l'avion pour une mission de surveillance incendie et non pour une opération normale de circulation aérienne, que l'opération matérielle de déplacement ne trouvait pas en elle-même sa propre fin mais était l'accessoire d'un autre but imprimant sa nature juridique à l'opération en cause, que le point d'origine et le point de destination étaient identiques alors que l'article L 330-1 du code de l'aviation civile considère que 'ne relève pas du transport aérien les transports de passagers effectués sans escale lorsque les points d'origine et de destination sont confondus et lorsque la capacité d'emport de l'aéronef ne dépasse pas une limite fixée par décret', que le travail aérien en cause entrait dans les prévisions de ce texte.
Il en déduit que la prescription biennale édictée par la Convention de Varsovie ne peut lui être opposée et que la prescription décennale applicable aux action extra-contractuelles a été valablement interrompue par la demande en justice formée par assignation du 23 novembre 1994 qui se prolonge jusqu'à la fin de l'instance puisque dans son arrêt du 20 février 2008 le tribunal des conflits a déclaré nulle et non avenue la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Tarascon et a renvoyé les parties devant ce même tribunal, de sorte que le jugement du 19 mai 1995 est censé n'avoir jamais existé.
Il soutient que la responsabilité de l'aéroclub [1] est engagée à son égard en raison de la conjugaison de plusieurs fautes particulièrement graves pour avoir, le jour de l'accident, d'une part mis à disposition un avion qui présentait des risques de surchauffe et de panne du moteur particulièrement accrus par la forte température extérieure et par le fait qu'il avait déjà volé 6 heures et transporté un maximum de personnes et d'autre part utilisé un carburant inapproprié et confié un tel appareil à un pilote inexpérimenté, ce qui leur confère un caractère inexcusable, compte tenu de la conscience que le transporteur aurait du avoir, au vu de l'ensemble des circonstances de la probabilité que le dommage survienne.
Il sollicite la réparation de son préjudice corporel comme suit
Préjudices patrimoniaux
avant consolidation
* dépenses de santé actuelles : 500 € non remboursés par le tiers payeur
* tierce personne temporaire : 19.440 € sur la base de 4 heures par jour pendant 6 mois et de 2 heures par jour pendant 6 mois à 18 € de l'heure
* frais de déplacement pour se rendre aux diverses consultations médicales : 3.488 €
* pertes de gains professionnels actuels : 1.626,33 € au titre de la perte de primes
après consolidation
* dépenses de santé futures : selon débours du tiers payeur
* frais divers : assistance à expertise (400 €) et frais de déplacements (327 €)
* incidence professionnelle : 20.000 € pour la perte de chance d'évolution de carrière
Préjudices extra-patrimoniaux
avant consolidation
* déficit fonctionnel temporaire : 38.210,40 € sur la base de 650 € par mois
* souffrance endurées : 40.000 €
* préjudice esthétique temporaire : 30.000 €
après consolidation
* déficit fonctionnel permanent : 64.000 €
* préjudice esthétique permanent : 20.000 €
* préjudice d'agrément : 30.000 €
* préjudice sexuel : 5.000 €
La CDC sollicite dans ses conclusions du 21 août 2013 de
Vu l'article 1384 al 1 er du Code Civil
- réformer le jugement
- dire son action non atteinte par la prescription s'agissant d'une action principale en indemnisation du préjudice corporel
- condamner in solidum M. [X] et son assureur à lui payer la somme de 129.637,22 € correspondant au capital représentatif au 1/11/2010 dans la limite de l'évaluation du préjudice patrimonial et extra patrimonial soumis à recours sous réserve de réactualisation
- dire que le remboursement s'effectuera sur les sommes accordées au titre du déficit fonctionnel permanent en l'absence de perte de gains professionnels futurs ou d'incidence professionnelle
Subsidiairement,
- dire fautive l'attitude de réticence informative de la victime mais principalement de son assureur envers elle
- dire que le préjudice résultant de cette faute civile d'abstention s'élève au montant du capital représentatif de la rente servie à M. [X]
- condamner in solidum M. [X] et son assureur à lui payer la somme de 129.637,22 € correspondant au capital représentatif au 1/11/2010 dans la limite de l'évaluation du préjudice patrimonial et extra patrimonial soumis à recours sous réserve de réactualisation
- condamner in solidum M. [X] et son assureur à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers les dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas été appelée en cause dans l'instance initiale engagée par M. [X] en 1993 devant le tribunal de grande instance de Tarascon, raison pour laquelle elle a elle-même saisi le tribunal de grande instance de Carpentras en 2003.
Elle précise qu'ayant alloué à M. [X] à compter du 17 novembre 1996 en application du décret du 24/12/1963 une pension temporaire d'invalidité des agents de collectivités locales, fonds géré par le CDC, elle est en droit d'en solliciter le remboursement à l'encontre du tiers responsable conformément aux dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'état et de certaines autres personnes publiques qui instituent à son profit un recours subrogatoire pour toutes les prestations versées à la victime à la suite de l'infirmité étant précisé que la pension a fait l'objet d'une concession définitive.
Elle s'en rapporte aux moyens développés par M. [X] relativement à la prescription de son action en déclaration de responsabilité et indemnisation engagée à l'encontre de l'aéroclub [1] et de la Sa Axa.
Elle fait remarquer que le délai de prescription applicable à sa propre action est le délai de droit commun qui n'était pas écoulé à la date de l'introduction de l'instance engagée à sa propre initiative en février et mars 2003 puisque l'accident avait eu lieu moins de dix ans auparavant, le 20 août 1993 et qui avait été interrompu valablement par cette victime par l'introduction de son action du 23 novembre 1994 puis le 4 novembre 2002 devant le tribunal administratif.
Elle estime être parfaitement recevable à solliciter le remboursement des débours exposés pour le compte de cette victime qui s'imputent sur les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et en l'absence ou, en cas d'insuffisance de ces deux postes, sur le déficit fonctionnel permanent.
Subsidiairement, elle rappelle qu'en vertu de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale lorsque la lésion dont l'assuré social est atteint est imputable à un tiers, la personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de leur survenue en vue de lui permettre de faire valoir ses droits.
Elle considère qu'en n'informant pas la juridiction de la nécessité de l'appeler en cause, en sa qualité de tiers payeur, l'aéroclub [1] et de la Sa Axa ont commis une réticence fautive qui engage leur responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil, car cette abstention est source de préjudice pour elle, égal au montant du capital représentatif de la rente servie, pour lui avoir fait perdre la possibilité de concourir au remboursement de cette prestation.
La commune d'[Localité 1] demande dans ses conclusions du 28 juin 2013 de
- infirmer le jugement
- dire qu'au visa notamment de l'arrêt de la Cour de cassation rendu dans l'instance analogue (même accident) le 18 octobre 2005 rejetant le pourvoi de l'aéroclub dans un dossier [Z], l'accident dont a également souffert M. [X] n'était pas éligible au régime juridique de la convention de Varsovie
- déclarer l'action recevable
- faire droit à sa demande de remboursement des frais qu'elle a exposés en qualité d'employeur
Très subsidiairement, pour le cas où la cour considérerait que le demande impose l'application des dispositions de l'article L 322-3 du code de l'aviation civile
- juger que la prescription biennale a été régulièrement interrompue au visa des dispositions de l'article 2241 et 2242 du code civil par la saisine du tribunal de grande instance de Tarascon le 23 octobre 1994
- dire que l'acte interruptif de prescription a conservé ses effets pendant toute la durée de la procédure et jusqu'à la solution du litige qui n'est pas encore intervenue
Plus subsidiairement,
- dire que l'action initiée antérieurement au terme du délai de prescription prévu par le code de l'aviation civile a généré la substitution du délai biennal par le délai de prescription de droit commun
Plus subsidiairement encore,
- dire que la demande formée n'est pas atteinte par la prescription au visa de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale
Faisant droit à ses demandes,
- dire que sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et au visa de la faute actée par la Cour de cassation dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 18 octobre 2005 l'aéroclub [1] est entièrement responsable du dommage résultant de l'accident
- condamner l'aéroclub [1] in solidum avec son assureur à réparer l'intégralité du dommage souffert à la suite de cet accident
- condamner l'aéroclub [1] et son assureur à lui payer la somme de 40.222,71 € au titre des frais médicaux (8.445,43 €) et charges sociales patronales (31.777,28 €) exposées, avec intérêts de droit à compter de l'assignation outre 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Elle s'en rapporte, sur la prescription, aux moyens soulevés par la victime et les autres tiers payeurs mais entend soutenir un moyen spécifique tiré de l'interversion de la prescription qui a été valablement interrompue par l'assignation délivrée par M. [X] le 23 octobre 1994, soit dans un délai inférieur au délai biennal de l'article L 322-3 du code de l'aviation civile, de sorte qu'a été rétabli pour l'avenir le régime de la prescription de droit commun.
La SA Allianz Vie demande dans ses conclusions du 12 septembre 2013 de
- infirmer le jugement
A titre liminaire,
- constater que l'action de M. [X] n'est pas prescrite et déclarer ses demandes recevables.
A titre principal,
- déclarer l'aéroclub [1] seul responsable de l'accident
- condamner l'aéroclub [1] solidairement avec son assureur la Sa Axa à réparer intégralement le préjudice subi par M. [X]
- condamner l'aéroclub [1] et son assureur à lui payer la somme de 160.751,89 € au titre des frais médicaux exposés (108.402,23 €) et indemnités journalières versées (52.349,66 €) avec intérêts de droit à compter du 9 février 2012 outre 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner l'aéroclub [1] et son assureur à supporter les entiers les dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'effet interruptif de prescription résultant d'une action en justice se prolonge à l'égard de toutes les parties jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution et estime que l'interruption de la prescription biennale de l'article L 322-3 du code de l'aviation civile par l'assignation délivrée le 23 octobre 1994 se prolonge depuis lors puisque l'annulation prononcée par le tribunal des conflits a eu pour effet de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le prononcé du jugement du 19 mai 1995 et mis fin à l'autorité de chose jugée de cette décision, de sorte qu'en l'absence de décision définitive statuant sur les demandes, l'action n'a cessé de perdurer.
Elle souligne que l'aéroclub [1] et la Sa Axa auraient du soulever cette prescription devant le tribunal administratif lors de la saisine du 7 novembre 2002 puisque, selon leur raisonnement, elle était déjà acquise, de sorte que leur abstention vaut renonciation tacite à s'en prévaloir dans le cadre de la nouvelle assignation de mai 2008, soit plus de dix ans plus tard.
L'aéroclub [1] et la Sa Axa demandent dans leurs conclusions du 19 août 2013 de
Vu l'article L 322-3 du code de l'aviation civile
- confirmer le jugement entrepris
- dire M. [X] irrecevable en ses demandes d'indemnisation en raison de l'accomplissement de la prescription extinctive
- dire pareillement irrecevables les demandes de la CDC, de la commune d'[Localité 1] et de la Sa Allianz en leurs recours à leur encontre
Y ajoutant,
- condamner in solidum M. [X] la CDC, la commune d'[Localité 1], la Sa Allianz à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens de l'instance avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl Lexavoué avocat postulant.
Ils soulèvent l'irrecevabilité des demandes de M. [X] et des appelants incidents pour cause de prescription extinctive de l'action en responsabilité présentée à leur encontre qui ne peut s'envisager que sur le fondement des règles gouvernant le transport aérien à savoir l'article L 322-3 du code de l'aviation civile, alors en vigueur, qui institue une prescription biennale à compter du jour où l'aéronef devait arriver.
Ils font valoir que si M. [X] a interrompu le délai de prescription par voie d'assignation du 23 novembre 1994 devant le tribunal de grande instance de Tarascon, un nouveau délai de deux ans à recommencé à courir à compter du 19 mai 1995, date du jugement qui s'est déclaré incompétent pour statuer et s'est trouvé définitivement éteinte puisque M. [X] s'est abstenu de toute action pendant plusieurs années, ne s'est pas constitué partie civile devant la juridiction pénale et n'a saisi le tribunal administratif d'une action en responsabilité et indemnisation à leur encontre que le 7 novembre 2002 soit plus de sept ans plus tard.
Ils soulignent que la convention conclue entre l'aéroclub [1] et le SDIS 84 est sans incidence dès lors que M. [X] n'a pas été partie à ce contrat et se trouve dans la position d'un passager transporté par un aéronef, dont l'action en responsabilité contre le transporteur a été soumise aux dispositions du code de l'aviation civile avec obligation de l'engager dans le délai de deux ans à partir du jour où l'appareil n'est pas arrivé à bon port.
Ils indiquent qu'il ne peut être prétendu que l'instance initiale de 1994 s'est poursuivie jusqu'à ce jour car le tribunal des conflits n'a pas uniquement annulé le jugement du 19 mai 1995 du tribunal de grande instance de Tarascon mais la procédure qui a abouti à cette décision déclarée nulle et non avenue, de sorte qu'en rendant son jugement du 7 décembre 2012 cette juridiction n'a pas statué dans l'instance initiale mais dans celle ouverte sur l'assignation qu'ils ont fait délivrer le 22 mai 2008 à M. [X] en exécution de l'arrêt du tribunal des conflits du 20 février 2008 qui invitait les parties à saisir à nouveau le tribunal de grande instance de Tarascon.
Ils font remarquer qu'aucun texte ne reconnait au tribunal des conflits le pouvoir de faire revivre une action en justice éteinte par la prescription avant que n'apparaisse le conflit négatif de compétence et qui donnera matière à son intervention pour le régler.
Ils ajoutent qu'aucune interversion de prescription au profit de celle de droit commun ne peut être utilement soutenue car elle ne joue que pour les courtes prescriptions fondées sur une présomption de paiement.
Ils en déduisent que M. [X] est irrecevable en son action exercée à leur encontre, tout comme le sont la CDC, la Sa Allianz et la commune d'[Localité 1] subrogées dans les droits de cette victime en leur qualité de tiers payeurs.
Subsidiairement, ils contestent avoir engagé leur responsabilité dans l'accident.
Ils rappellent que la décision judiciaire rendue dans l'instance introduite par un autre pompier occupant de l'avion est dépourvue de toute autorité de chose jugée, faute d'identité de parties et d'objet.
Le Conseil Général du Vauclusr, le SDIS 84, la Sa Préservatrice Foncière, la Cpam des Bouches du Rhône assignées par M. [X] par actes du même jour, 25 avril 2013, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'ont pas constitué avocat
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action
En vertu de l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile en vigueur lors des faits la responsabilité du transporteur aérien de personnes est régie, de façon exclusive, par les dispositions de la Convention de Varsovie dans les conditions et limites prévues aux articles L. 321-3, L. 321-4, et L. 321-5, même si le transport n'est pas international au sens de cette Convention, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir.
L'action engagée par M. [X] ne peut être exercée que sur ce fondement juridique.
En effet, au moment de l'accident M. [X] était passager transporté dans un appareil de l'aéroclub [1] piloté par l'un de ses membres, lors d'un vol réalisé à la demande et pour le compte du SDIS 84 dans le cadre d'une convention signée entre eux le 20/02/1987 moyennant rémunération, dont l'objet principal était d'effectuer le déplacement d'une ou deux personnes désignées, observateurs aériens, sur le territoire national et plus particulièrement le département du Vaucluse lors d'opérations de guet aérien d'incendie ou de secours.
L'acheminement de passagers par aéronef constitue un transport aérien, peu important que le vol soit d'un point à un autre ou circulaire, l'aéroport de départ étant alors celui d'arrivée, tout comme est indifférent son but accessoire ; l'absence de lien contractuel direct entre M. [X] et l'aéroclub est tout aussi inopérant dès lors que la responsabilité est recherchée par le passager bénéficiaire de la convention susvisée de mise à disposition de l'avion et de son pilote et qu'elle trouve sa cause dans l'indemnisation de lésions corporelles visées à l'article 17 de la Convention de Varsovie, laquelle reste applicable même si l'action a un fondement délictuel.
L'article L 330-1 du code de l'aviation civile invoqué par M. [X] qui ne concerne que le transport public aérien reste étranger au présent litige .
Aux termes de l'article 29 de la Convention de Varsovie l'action en responsabilité contre le transporteur doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver à destination, ou de l'arrêt du transport.
M. [X] a engagé son action dans le délai requis puisqu'il a délivré assignation à l'encontre de l'aéroclub [1] par acte d'huissier du 23 novembre 1994 soit 15 mois après l'accident ; l'interruption de prescription qui en résulte a produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance soit jusqu'à ce que le jugement d'incompétence rendu le 19 mai 1995 soit devenu définitif et donc quinze jours plus tard le 3 juin 1995, date d'expiration du délai de contredit, seule voie de recours ouverte qui court à compter du prononcé de la décision, étant souligné qu'en vertu de l'article 2246 ancien du code civil l'assignation en justice même donnée devant un juge incompétent interrompt la prescription.
Un nouveau délai de deux ans à donc commencé à courir à compter du 4 juin 1995 et, en l'absence de tout nouvel acte interruptif réalisé avant le 5 juin 1997 la prescription s'est trouvée acquise dès cette date.
Aucune interversion de prescription en peut être utilement invoquée dès lors que la nouvelle prescription est normalement de même durée que l'ancienne dont elle reprend tous les caractères sauf exceptions, d'interprétation stricte, étrangères à la prescription biennale en matière de transport aérien de personnes.
Aucune renonciation à la prescription acquise ne saurait davantage être retenue, puisque l'aéroclub [1] avait expressément soulevé cette fin de non recevoir devant le tribunal administratif de Marseille dans son mémoire en défense du 25 février 2005, comme mentionné à la première page du jugement du 14 juin 2006 et s'en est également prévalu dans son assignation du 22 mai 2008 portant saisine à nouveau du tribunal de grande instance de Tarascon.
La continuité de l'effet interruptif de la prescription attaché à l'assignation initiale du 23 novembre 1994 à la suite de l'annulation du jugement du 19 mai 1995 par le tribunal des conflits ne peut être admise sans dénaturation de cette décision du 20 février 2008 qui, après avoir indiqué dans son article 2 que 'la procédure suivie devant le tribunal administratif de Marseille est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement du 14 juin 2006", a clairement et précisément dit dans son article 3 que 'la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Tarascon est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal' ; cette décision, qui s'impose à toutes les juridictions, étend la nullité à la procédure elle-même ; or avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, inapplicable au présent litige, une assignation par la suite annulée n'interrompt pas la prescription.
Le délai biennal de l'article 29 de la Convention de Varsovie qui s'applique à toute action en responsabilité civile intentée contre le transporteur aérien régie par la Convention de Varsovie joue également pour les actions diligentées par les tiers payeur, subrogés dans les droits de la victime ; il atteint nécessairement l'action engagée à l'encontre de l'aéroclub [1] et de la Sa Axa devant le tribunal de grande instance de Carpentras par la CDC par voie d'assignation de mars 2003, par la commune d'[Localité 1] (au titre des prestations en nature) et par la Sa Allianz Vie par voie de conclusions au cours de cette instance ; celles-ci doivent donc être déclarées irrecevables comme tardives.
Il en va de même de l'action intentée par la commune d'[Localité 1] au titre des charges sociales patronales qui constitue un dommage personnel et distinct de celui de la victime, le délai de deux ans prescrit à peine de déchéance pour l'exercice de l'action en responsabilité contre le transporteur étant applicable même si cette action a un fondement délictuel.
Sur la demande indemnitaire spécifique de la CDC
La CDC ne peut faire grief à l'aéroclub [1] et à la Sa Axa au visa de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale de s'être abstenue de l'appeler en cause lors de l'instance initiale introduite par M. [X] en 1994, ce qui constitue, selon elle, 'une réticence fautive qui l'a privé de la faculté de faire valoir sa créance et d'exercer les actions appropriées en temps et en heure', source d'un préjudice pour elle égal au capital représentatif de la rente servie la victime.
Aux termes de ce texte, dans sa rédaction du décret D 85-1353 1985-12-17 en vigueur pendant le cours de l'instance initiale de 1994, l'obligation d'indiquer 'en tout état de la procédure la qualité d'assuré social de la victime, les caisses de sécurité sociale auxquelles il est affilié pour les divers risques' et l'obligation d' 'appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ' pèse sur 'l'intéressé ou ses ayant droits' et donc sur l'assuré social victime de l'accident et non sur le tiers responsable ou son assureur ; le non respect de cette obligation est sanctionné par la faculté de solliciter la nullité du jugement qui est ouverte aux caisses de sécurité sociale mais également au tiers responsable de l'accident s'ils y ont intérêt.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées, d'autant qu'elles ne sont, sur ce dernier point, critiquées par aucune des parties.
En raison de la nature et des circonstances de l'affaire, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement.
Y ajoutant,
- Déboute la Caisse des Dépôts et Consignations de sa demande indemnitaire vis à vis de l'association Aéroclub [1] [Localité 3] et la Sa Axa Corporate Solutions Assurances.
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties devant la cour.
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
Le présidentLe greffier