COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 18 NOVEMBRE 2014
G.T
N°2014/
Rôle N° 13/12539
S.C.I. LES ORCHIDEES
C/
[P] [W] veuve [I]
[Y] [I]
Grosse délivrée
le :
à :ME JOURDAN
ME MAGNAN
Arrêt en date du 18 Novembre 2014 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 17/04/2013, qui a cassé et annulé l'arrêt n°668 rendu le 10/11/2011 par la Cour d'Appel d' AIX EN PROVENCE (1ère chambre B).
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
S.C.I. LES ORCHIDEES représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Carole DUNAC, avocat au barreau de NICE,
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
Madame [P] [W] veuve [I]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jean-Louis AUGEREAU, avocat au barreau de NICE
Madame [Y] [I]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jean-Louis AUGEREAU, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2014 en audience publique .Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président,
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2014
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
Par acte en date du 18 septembre 2002, par devant Maître [D] notaire à [Localité 2], les époux [I] ont vendu à la société civile immobilière des orchidées un bien immobilier situé à [Adresse 3], s'agissant d'une villa à usage d'habitation et commercial de restauration .
Par acte en date du 27 avril et du 4 mai 2004, la société les orchidées a assigné ses vendeurs sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, pour obtenir le paiement d'une somme de 1'071'030 € à titre de dommages-intérêts.
Monsieur [I] [Q] est décédé en cours de procédure, qui a été poursuivie à l'encontre de sa veuve et de sa fille héritière.
Par jugement en date du 16 février 2010, le tribunal de grande instance de grasse a débouté la société demanderesse, qui a relevé appel le 23 février 2010 de façon régulière et non contestée.
Par arrêt en date du 10 novembre 2011, la cour d'appel d'Aix a réformé en partie, considérant que le bien vendu ne pouvait être utilisé comme hôtel restaurant et qu'il s'agissait là d'un vice caché. Une somme de 76'000 € a été allouée à l'acheteur, au titre de la garantie des vices cachés.
Les dames [I] ont formé un pourvoi et par arrêt en date du 17 avril 2013, au visa de l'article 1644 du Code civil, la cour a cassé l'arrêt de la cour d'appel dans toutes ses dispositions, la réduction du prix devant être arbitrée par un expert. Les parties ont été remises en l'état ou elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour d'appel, et la présente cour autrement composée a été désignée comme cour de renvoi.
Sur saisine en date du 14 juin 2013 par la société les orchidées, la cour est saisie des conclusions de cette société en date du 26 mars 2014, par lesquelles il est demandé la condamnation solidaire des dames [I] à payer une somme de 1'071'030 € , à titre de dommages-intérêts, avec ordonnance d'une expertise avant-dire droit.
La cour constatera le caractère définitif du principe d'indemnisation.
Les dames [I] , intimées et défenderesses à la saisine, ont conclu le 27 août 2014 et demandent à la cour de confirmer le jugement de grasse, avec allocation de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts et de 10'000 € au titre des frais inéquitablement exposés.
L'ordonnance de clôture est en date du 23 septembre 2014.
SUR CE:
Attendu qu'il est essentiel de noter en droit que l'action est fondée sur les vices cachés affectant l'immeuble vendu , et non pas sur le dol ou sur l'erreur affectant le consentement ;
Attendu que la seule question juridique est donc de savoir si les vices cachés
allégués rendent impropre la chose vendue à l'usage de restauration auquel elle est destinée selon l'acte de vente, aucun élément du dossier ne remettant en cause la possibilité d'habitation;
Attendu que le premier vice serait constitué par les termites, alors qu'il n'est pas contesté que les rapports obligatoires des techniciens concernant l'amiante et les termites aient été produits lors de la vente, leurs conclusions ne permettant pas de retenir l'existence d'un vice caché de ce chef , pas plus que le rapport veritas établi en février 2005, alors que l'existence d'un vice s'évalue au jour de la vente;
Attendu que le deuxième vice allégué serait constitué par les constructions entreprises irrégulièrement par le vendeur, qui ont agrandi d'une surface évaluée à 107,90 m² le bien, référence faite aux certificat de conformités initiaux ;
Que ces constructions irrégulières empêcheraient toute régularisation, référence faite à la réglementation des établissements recevant du public, le certificat d'urbanisme produit qui est négatif en faisant foi ainsi que les études de l'architecte et de l'expert privé [O];
Attendu qu'il est constant et non sérieusement contesté que le vendeur a fait l'objet de poursuites pour édification d'une construction sans permis de construire valable (arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel en date du 22 février 80) , et pour défaut de permis de construire (tribunal correctionnel de grasse 23 mars 1981), qui se sont soldées par des condamnations pénales, mais sans que les juridictions saisies ordonnent la démolition, ainsi que cela résulte expressément de leur dispositif ;
Attendu qu'il s'agit donc là de constructions existantes et judiciairement régularisées, insusceptibles de démolition, et qui pouvaient parfaitement être vendues, de même que rien ne démontre qu'elles ne puissent être assurées, aucun document n'étant fourni en ce sens par les acheteurs ;
Attendu que le dol n'étant pas invoqué , pas plus que l'erreur ayant pu affecter le consentement, la cour n'estime pas que les vendeurs se devaient de signaler au moment de la vente le processus au terme duquel le bien vendu ne souffre plus d'aucune illégalité susceptible d'être sanctionnée par la démolition ou de lui ôter sa valeur marchande ;
Attendu que pour autant, la situation n'est pas à ce jour régularisable par l'administration au visa de la législation sur l'urbanisme, car la construction existante a déjà absorbé la totalité du coefficient d'occupation des sols disponible et même au-delà ;
Que le certificat d'urbanisme négatif produit, pas plus que l'attestation de l'architecte [H] ne répondent nonobstant à la stricte question juridique qui est posée à savoir celle de la possibilité non pas d'une « régularisation de la construction du restaurant » refusée en application des articles R 111 ' 21 et R111 ' deux du code de l'urbanisme (décision du maire en date du 18 octobre 2010), mais bien celle de travaux susceptibles de permettre de recevoir du public et donc d'exercer la restauration ;
Attendu qu'à cet égard, et s'agissant d'une construction ancienne à l'égard de laquelle aucune action pénale ou civile n'est plus possible, il n'est pas démontré qu'une demande de travaux en vue de respecter des normes des établissements recevant du public et n'aggravant pas les irrégularités initiales ferait de façon certaine l'objet d'un refus de la part du maire de la commune ; que cela vaut pour les travaux de ravalement invoqués par les acheteurs, que la mairie réclame (pièce 11 de l'intimée) et qui n'ont rien à voir avec la question soumise à la cour;
Attendu que bien mieux, par courrier en date du 5 septembre 2005 de la mairie non autrement commenté par l'intimée, le directeur général adjoint indique que la société les orchidées n'a pas, à ce jour, déposé de demande en vue de procéder à un aménagement de son établissement et que si la commune était saisie d'une demande de travaux, il serait fait application de la jurisprudence Sekler ;
Attendu qu'à la démonstration n'est donc pas rapportée d'un vice qui résulterait des constructions irrégulièrement édifiées et qui, de façon certaine et définitive, rende le bien vendu impropre à sa destination de restaurant ;
Attendu que c'est donc une confirmation du jugement de premier ressort qui s'impose, les appelantes ne justifiant pas en revanche d'un préjudice spécifique et quantifiable qui ouvre droit à des dommages-intérêts à hauteur de 15'000 €, la mise en perspective
de l'arrêt de la Cour de Cassation et du présent arrêt suffisant à constituer le titre permettant la restitution de somme versée en exécution de l'arrêt cassé ; qu'aucune sommation n'est d'ailleurs versée dans leurs pièces régulièrement communiquées;
Attendu qu'une somme de 3000 € est justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel .
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement sur renvoi de cassation :
Déclare l'appel de la SCI les orchidées infondé;
Confirme l'intégralité du jugement de premier ressort du tribunal de grande instance de grasse en date du 16 février 2010;
Condamne l'appelante les Orchidées aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile , outre le paiement aux dames [I] d'une somme unique de 3000 €au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT