COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 NOVEMBRE 2014
N°2014/482
Rôle N° 12/18544
SARL ROMY
C/
Société ROCHE ET ASSOCIES GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILIERES
Grosse délivrée
le :
à :
-SCP BADIE-SIMON-THIBAUD
-SCP COHEN-DAVAL-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 10 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F02805.
APPELANTE
SARL ROMY,
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Serge BICKERT, avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMÉE
Société ROCHE ET ASSOCIES GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILI,
demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2014,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente et Madame Charlotte COMBARET, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Le 29 mars 2007 la S.A.R.L. ROMY ayant pour gérante Madame [G] [K], propriétaire d'un fonds de commerce de traiteur situé à [Localité 3] qu'elle avait acquis le 30 mai 2006, a confié un mandat exclusif de vente de celui-ci à la S.A.R.L. ROCHE ET ASSOCIES GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES, au prix de 79 000 € 00 dont 9 000 € 00 d'honoraires.
Ce fonds a été vendu le 20 décembre 2007 à la S.A.R.L. ANTO, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés 3 jours plus tard avec pour gérant Monsieur [S] [Y], moyennant le prix de 39 000 € 00 hors marchandises payable en totalité par un crédit-vendeur (12 traites d'un montant égal de 2 000 € 00 du 30 janvier au 30 décembre 2008, puis une traite de 15 000 € 00 le 30 janvier 2009), outre stipulation d'une inscription de privilège de vendeur et d'un nantissement du fonds avec tous ses éléments à hauteur de ce prix, garanties qui seront prises à la diligence du vendeur; ce nantissement a été pris le 3 janvier 2008. Il est précisé que 'le non-paiement d'une seule échéance entraînera la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues, le vendeur se réservant le droit de reprendre possession de son fonds pour non respect des clauses de paiement ci-dessus'.
L'acheteur qui n'a réglé que 2 traites a été assigné pour le surplus le 23 septembre 2008 par le vendeur devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE, lequel selon jugement réputé contradictoire du 18 novembre 2008 a condamné la société ANTO à payer à la société ROMY, avec exécution provisoire, les sommes de :
* 35 000 € 00 en principal avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2008 date de la sommation de payer ;
* 1 690 € 64 au titre du solde du prix du stock avec les mêmes intérêts ;
* 1 000 € 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La signification de ce jugement à la société ANTO a été transformée le 3 décembre 2008 en procès-verbal de recherches infructueuses. L'extrait Kbis de cette société au 31 janvier 2011 mentionne une cessation d'activité le 8 mars 2010 et une radiation d'office le 26 août suivant.
Le 31 août 2011 la société ROMY a assigné en paiement la société ROCHE ET ASSOCIÉS devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE; un jugement du 10 septembre 2012 retenant que la seconde a accompli l'ensemble des diligences qui lui incombaient aussi bien avant la régularisation de l'acte [de vente] qu'après pour la récupération du fonds de commerce au profit de la première, a :
* débouté la société ROMY de toutes ses demandes;
* condamné la même à payer à la société ROCHE ET ASSOCIÉS la somme de 2 000 € 00 au titre des frais irrépétibles.
La S.A.R.L. ROMY a régulièrement interjeté appel le 5-8 octobre 2012. Par conclusions du 4 janvier 2013 elle soutient notamment que :
- en sa qualité de rédacteur de l'acte de vente la société ROCHE ET ASSOCIÉS agent immobilier a une obligation de résultat qu'elle n'a pas exécuté en ne faisant pas les formalités au Registre du Commerce et des Sociétés concernant le vendeur et en ne prenant pas la garantie de privilège de vendeur prévu ;
- en sa qualité de mandataire judiciaire la société ROCHE ET ASSOCIÉS a commis une faute en présentant un acquéreur manifestement insolvable et ne justifiant d'aucune garantie personnelle ou réelle sérieuse, en n'informant pas le vendeur des risques inhérents à une vente à crédit, en lui faisant accepter un crédit vendeur représentant 100 % du prix de vente sans ladite garantie, en ne matérialisant pas le privilège du vendeur, en ne finalisant pas les formalités au R.C.S. concernant le vendeur.
L'appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement et de condamner la société ROCHE ET ASSOCIÉS à lui payer les sommes de :
- 36 690 € 64 en principal au titre des prix de vente impayés du fonds de commerce et du stock ;
- 1 500 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 2-3 juillet 2013 la S.A.R.L. ROCHE ET ASSOCIÉS GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES répond notamment que :
- en octroyant un crédit vendeur la société ROMY avait nécessairement connaissance et conscience de la trésorerie de son acquéreur ;
- elle-même n'a pas d'obligation de garantie de la solvabilité future de ce dernier ; elle a constitué un important dossier attestant des garanties financières de la société ANTO, a présenté à l'organisme bancaire un dossier étoffé accompagné d'un prévisionnel établi selon les déclarations de la société ROMY, avait prévu à l'acte un nantissement du fonds de commerce + un privilège vendeur + une clause résolutoire de plein droit en cas de non paiement des échéances convenues, a régularisé le nantissement, et suite à un retard dans le paiement des frais permettant l'inscription du privilège a proposé à la société ROMY un acte réitératif que celle-ci n'a jamais régularisé ; ce privilège était pris par cette société; elle-même a procédé au nantissement;
- après l'arrêt des paiements par la société ANTO en mars 2008 elle a effectué l'ensemble des diligences qui lui incombaient au profit de la société ROMY afin qu'elle puisse récupérer dans un temps record son fonds de commerce en ayant recours à la clause résolutoire contenu dans l'acte : proposition d'un acte de résolution amiable, le 13 mai 2008 sommation de payer, les 13-19 juin reprise du fonds de commerce par la société ROMY.
L'intimée demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la société ROMY au versement des sommes de :
- 10 000 € 00 au titre du préjudice subi,
- 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2014.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
La société ROMY vendeuse du fonds de commerce est une commerçante capable d'apprécier seule la situation financière de son acheteuse la société ANTO, sans avoir besoin sur ce point du concours de sa mandataire la société ROCHE ET ASSOCIÉS ; le compte de résultat établi vis-à-vis de cette acheteuse par le Cabinet MLA pour l'année 2008 est par définition prévisionnel puisque celle-là reprend ce fonds ; enfin la société ROMY a choisi librement d'accorder un crédit vendeur pour la totalité du prix, ce qui est une décision risquée dont elle doit assumer les conséquences négatives sans pouvoir les reprocher à la société ROCHE ET ASSOCIES.
Par contre le défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de 15 jours de l'article L. 141-6 alinéa 1 du Code de Commerce, alors que cette formalité incombait au mandataire de celui-ci peu important le retard dans le paiement des frais, constitue une faute source de responsabilité, qui n'a pas pu être réparée par le projet d'acte réitératif de vente de fonds de commerce élaboré par la société ROCHE ET ASSOCIÉS ; cette dernière doit par suite indemniser sa mandante la société ROMY, à hauteur d'une perte de chance pour celle-ci d'être réglée de la totalité du prix de vente soit la somme de 8 000 € 00. Le jugement est donc infirmé pour avoir retenu retenant que la société ROCHE ET ASSOCIÉS a accompli l'ensemble des diligences qui lui incombaient au profit de la société ROMY.
Enfin ni l'équité, ni la situation économique de la société ROCHE ET ASSOCIÉS, ne permettent de rejeter la demande faite par son adversaire au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Infirme le jugement du 10 septembre 2012, et condamne la S.A.R.L. ROCHE ET ASSOCIÉS GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES à payer à la S.A.R.L. ROMY :
* la somme de 8 000 € 00 à titre de dommages et intérêts ;
* une indemnité de 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la S.A.R.L. ROCHE ET ASSOCIÉS GESTION ET TRANSACTIONS IMMOBILIERES aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.