COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 DECEMBRE 2014
N° 2014/875
Rôle N° 13/11723
[K] [N]
C/
SAS ROCH SERVICE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Monique BONNABEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 22 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/761.
APPELANTE
Madame [K] [N], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS ROCH SERVICE, représentée par Monsieur [O] [S] (président), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Monique BONNABEL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre
Madame Pascale MARTIN, Conseiller
Madame Annick CORONA, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2014 prorogé au 31 Octobre 2014, au 12 Décembre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2014.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
[K] [N] a été engagée par la société Roch Service selon contrat à durée indéterminée du 6 juin 2008 prenant effet le 16 juin 2008, en qualité de responsable régionale des ventes, moyennant une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 3200 €, soit 38.400 € bruts par an, les relations contractuelles étant régies par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le 16 mars 2011, elle a été placée en arrêt maladie, lequel a fait l'objet de plusieurs prolongations successives, la dernière en date étant délivrée jusqu'au 31 décembre 2011.
Par lettre recommandée du 8 décembre 2011, elle s'est vue notifier son licenciement en raison de son absence entraînant la désorganisation de l'entreprise et la nécessité de procéder à son remplacement définitif .
Contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi le 27 mars 2012 le conseil de prud'hommes de Marseille, lequel, par jugement rendu le 22 mai 2013, l'a déboutée de toutes ses demandes, a débouté la société Roch Service de toutes ses demandes et a dit que les dépens seraient partagés.
[K] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 juin 2011 et, aux termes de ses dernières conclusions oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :
« Infirmer le jugement du 22 mai 2013.
Dire et juger que le licenciement est nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, condamner la société Roch Service à la somme de 60 000 €, nets de CGG ' CGRS, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, outre la somme de 10 800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1080 € de congés payés afférents.
Condamner la société Roch Service à une somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat caractérisée par la violation par l'employeur de ses obligations dans le cadre d'un contrat de travail suspendu.
Condamner l'employeur à une somme de 60 000 € de dommages et intérêts pour attitude discriminante et les violations constatées du statut protecteur.
Condamner la société Roch Service à une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dire que les sommes allouées produiront des intérêts de droit capitalisés depuis la saisine du conseil de prud'hommes. »
Aux termes de ses dernières conclusions oralement développées à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample informé sur ses moyens et ses prétentions, la société Roch Service demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter Madame [K] [N] de toutes ses demandes et de la condamner reconventionnellement au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance. »
MOTIFS DE L'ARRET
I Sur la demande de dommages et intérêts pour « violations des règles protectrices d'un salarié bénéficiant d'un statut protecteur et attitude discriminante »
Attendu qu'invoquant les dispositions des articles L5212 ' 13 et L5213 ' 6 du code du travail, [K] [N] fait valoir que la société Roch Service ne lui a pas fait bénéficier de la surveillance médicale renforcée prévue pour les salariés victimes d'un accident du travail ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d'une rente au titre du régime général de sécurité sociale, alors qu'elle avait connaissance qu'elle jouissait de ce statut protecteur en vertu d'une décision de la sécurité sociale du 7 février 1997 lui attribuant un taux d'incapacité permanente de 25 % ;
Qu'elle ajoute que la société Roch Service était informée de cet état de fait a minima depuis le mail qu'elle lui avait adressé le 9 janvier 2011, mais qu'aucune visite n'a pourtant été organisée par l'employeur ;
Qu'elle considère qu'au-delà de la réparation financière inhérente à la nullité de la rupture de son contrat de travail qu'elle invoque par ailleurs, elle est également fondée à solliciter des dommages-intérêts, à hauteur de 60 000 €, « pour violation du statut protecteur, non prise en compte par l'employeur des obligations de surveillance médicale renforcée liée à son état de santé, violation de l'obligation de sécurité et donc pour attitude discriminante à son égard au sens des dispositions des articles L 1132 ' 1 et suivants et L 1133 ' 2 et suivants » ;
Attendu que l'article R4624 ' 16 du code du travail dispose que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé et que le premier de ces examens a lieu dans les 24 mois qui suivent l'examen d'embauche;
Que l'article R4624 ' 17 du même code prévoit que les examens périodiques pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée définie à l'article R4624 ' 19 sont renouvelées au moins une fois par an ;
Que l'article R4624 ' 19 qui énumère les personnes bénéficiant d'une surveillance médicale renforcée mentionne notamment les travailleurs handicapés;
Attendu que [K] [N] verse aux débats un document en date du 7 février 1997 par lequel la sécurité sociale , faisant référence à un accident du travail ou une maladie professionnelle du 9 février 1991, lui a notifié la révision de sa rente et la fixation de son taux d'incapacité à 25 % à partir du 3 octobre 1996, les conclusions médicales y figurant faisant état d'un « traumatisme du rachis lombaire sur rachis présentant un état antérieur. Rechute pour sciatalgie gauche opérée en urgence puis arthrodèse secondaire. Séquelles : raideur importante. Douleur lombaire et sciatique gauche. » ;
Qu'il résulte des pièces produites que [K] [N], qui a bénéficié d'une visite médicale d'embauche le 24 juin 2008, n'a pas informé la société Roch Service au moment de son embauche qu'un taux d'incapacité ainsi qu'une rente lui avaient été ainsi attribués ;
Que par la suite et alors que par mail du 17 décembre 2009, l'ensemble du personnel, y compris Madame [K] [N], a été informé qu'une visite annuelle auprès de la médecine du travail devait être programmée pour certains salariés et que, par note du 4 mars 2010, il était demandé aux salariés qui pourraient justifier du statut de personne handicapée de se faire connaître, [K] [N] n'a fourni aucune réponse et ne s'est pas manifestée ;
Qu'interrogé par courrier du 23 novembre 2012 par la société Roch Service qui souhaitait savoir si [K] [N] lui avait déclaré son incapacité, le service de médecine du travail (AMETIF ) lui a répondu que cette information était couverte par le secret professionnel ;
Que la société, qui produit le règlement intérieur de ce service de médecine du travail prévoyant, notamment, en son article 16 que « les convocations sont effectuées à l'initiative de l'AMETIF en concertation avec l'adhérent », fait à juste titre observer que ce service n'a, cependant, pas mis en place de surveillance médicale renforcée ;
Qu'elle fait ainsi valoir qu'ignorant elle-même la situation de travailleur handicapé de Madame [K] [N], il ne peut lui être reproché le défaut de mise en 'uvre de la surveillance médicale renforcée, tout en faisant observer que [K] [N] avait elle-même la possibilité de réclamer une visite médicale renforcée en vertu des dispositions de l'article R4624 ' 18 du code du travail ;
Que l'examen des pièces versées aux débats fait apparaître qu'en réalité la société Roch Service n'a su que [K] [N] bénéficiait d'un taux d'incapacité et ce, de 25 %, que le 9 janvier 2011, date à laquelle celle-ci lui a transmis par mail la notification précitée du 7 février 1997 ;
Qu'il peut ,dès lors, seulement être reproché à la société Roch Service, de ne pas avoir pris, à partir du 9 janvier 2011, les dispositions nécessaires pour soumettre [K] [N] à un examen médical périodique , étant, en outre, souligné que , dès le 16 mars suivant, [K] [N] s'est trouvée en arrêt maladie et le restera jusqu'à une date postérieure à son licenciement ;
Que , dans ces conditions, si la demande de dommages-intérêts de [K] [N] doit être accueillie en son principe, il n'est pas justifié de lui accorder une indemnisation à hauteur de ce qu'elle réclame et que celle-ci doit être évaluée à la somme de 3000 € ;
Que la cour relève, par ailleurs, que [K] [N] ne s'explique nullement sur l' « attitude discriminante » qu'elle ne fait qu'évoquer dans les termes précités et dont aucune conséquence ne peut dès lors être tirée ;
II Sur la demande de dommages-intérêts pour « violation de l'obligation de l'employeur dans le cadre d'un contrat de travail suspendu »
Attendu que, pour réclamer l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 €, [K] [N] fait valoir que, nonobstant le fait qu'elle était en arrêt de travail, elle a été contrainte de continuer à travailler pour la société et à tout le moins de collaborer avec les clients et les collaborateurs de l'entreprise alors que par principe, un salarié placé en arrêt de travail est en droit de refuser d'accomplir une véritable prestation de travail et que l'employeur ne peut le placer dans une situation l'obligeant à travailler pendant son congé maladie ;
Qu'elle produit à l'appui de sa demande divers mails ou échanges de mails entre elle-même et le président et plusieurs collaborateurs de la société ou même des clients de celle-ci, plusieurs devis qu'elle indique avoir été contrainte de réaliser et d'éditer ainsi que les attestations de cinq clients ;
Que la société soutient , quant à elle , que [K] [N] n'a subi aucune contrainte pour maintenir ses activités pendant ses arrêts de travail et qu'aucune des pièces produites par ses soins ne correspond à des ordres donnés mais sont des réponses à ses mails ou des informations sans nécessité d'action ;
Qu'il invoque et produit divers mails à l'appui de ses dires ;
Attendu que les mails produits par [K] [N], reçus ou adressés par elle sur une période durant laquelle elle était en arrêt maladie, soit à partir du 16 mars 2011, font ressortir qu'elle a ,alors, effectivement continué à exercer une certaine activité pour la société à son domicile et sur son ordinateur ;
Qu' en effet, notamment et à titre d'exemple, elle a été sollicitée par différents collaborateurs de la société pour connaître l'avancée d'un marché en cours , pour valider un tableau Excel relatif au suivi de sa clientèle , pour examiner une réponse à donner à une commune concernant un marché en cours, qu'il lui a également été demandé de se rapprocher d'un client de la société, de communiquer sa liste de dossiers prioritaires et qu'elle a dû répondre à diverses autres sollicitations sur des questions concernant des dossiers et des clients précis ;
Qu'il ressort , en outre, de ces mails que le responsable informatique avait prévu de la contacter pour planifier une présentation et que le président avait , quant à lui, programmé de passer en revue avec elle les prévisions de son secteur et avait même écrit à un client qu'il se tenait, avec [K] [N], à sa disposition pour toute information complémentaire ;
Que [K] [N] fait, à juste titre, observer qu'aux termes d'un mail, le président a même demandé à son mari, non salarié de la société, d'aller chercher un commande et qu'aux termes d'un autre mail , il lui a demandé de bien vouloir respecter les procédures de fonctionnement de l'entreprise en adressant son mail à la personne concernée ;
Que les devis annexés à des mails ,également communiqués, font ressortir qu'elle a effectivement réalisé ou au moins participé à la réalisation de quelques devis ;
Que si quatre des cinq personnes ayant rédigé une attestation témoignent du professionnalisme de [K] [N] et non pas de son activité pendant son arrêt maladie, l'une d'entre elles certifie que durant cet arrêt , elle a répondu à ses différentes demandes ;
Que la société Roch Service verse le mail du président en date du 27 septembre 2011 déclarant à [K] [N] vouloir apporter quelques corrections à ses écrits , libellé notamment dans les termes suivants : « Dans la mesure où un salarié est en arrêt de travail, je m'interdis de le déranger. Contrairement à ce que vous écrivez, je ne vous ai pas sollicité au cours de votre arrêt de travail, tout au plus ai- je pris le temps de vous informer par politesse d'informations vous concernant, de vous répondre quand vous me sollicitiez ou de prendre de vos nouvelles après votre opération » ;
Que plusieurs des lettres et mails versés par la société Roch Service font apparaître que [K] [N] avait elle-même décidé de « traiter les urgences, devis ou divers » , que dans l'un de ses mails, elle indique à une collaboratrice de ne pas hésiter à l'appeler et que, dans un autre, elle précise « continuer à traiter les appels et les demandes pour garder le moral » ;
Que la société fait valoir et justifie que le 16 juin 2011, [K] [N] avait écrit qu'elle avait modifié son accueil téléphonique afin de prévenir les personnes de son absence jusqu'à la fin du mois d'août, ce qui est confirmé par le message d'absence également communiqué ;
Qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des mails versés de part et d'autre que s'il n'est pas établi que [K] [N], qui a, comme elle l'indique elle-même dans l'un de ces mails, souhaité assurer une certaine continuité , a sous la contrainte de son employeur, continué à exercer à partir de son domicile une certaine activité , il appartenait toutefois à celui-ci de respecter le congé maladie de sa salariée et de ne pas la laisser travailler, voire de lui imposer de ne pas travailler, durant cette période, et ce, même si son absence a duré de nombreux mois ;
Que ce manquement de l'employeur, qui a nécessairement causé un préjudice à la salariée, justifie l'allocation à cette dernière de dommages-intérêts, d'un montant toutefois limité à la somme de 5000 € ;
Que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;
III Sur la nullité du licenciement « pour licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail »
Attendu que [K] [N] fait valoir que « la caisse primaire d'assurance-maladie a requalifié l'origine de son arrêt de travail du 22 mars 2011 en rechute d'accident de travail », de sorte qu'en vertu des dispositions de l'article L 1226 ' 9 du code du travail , elle ne pouvait pas être licenciée tant que son contrat de travail était suspendu du fait de cet arrêt de travail ;
Qu'elle ajoute que la société Roch Service était parfaitement informée de l'arrêt de travail initial qui avait été requalifié en rechute d'accident du travail et en déduit que son licenciement est nul ;
Attendu que l'article L 1226 ' 9 du code du travail concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles, dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ;
Que toutefois, l'article L 1226 ' 6 du code du travail exclut l'application de la législation protectrice des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, en particulier celle prévue par l'article précité , aux rapports entre un employeur et un salarié victime d'un accident du travail survenu ou d'une maladie professionnelle contractée au service d'un autre employeur ;
Qu'il n'est pas contesté qu'en l'espèce l'accident de travail dont a été victime [K] [N] le 9 février 1991, est survenu alors que celle-ci travaillait pour un autre employeur ;
Que, cependant, il est constant qu'en cas de rechute d'un accident du travail, le salarié peut prétendre au bénéfice de la protection prévue à l'article L 1226 ' 9 précité dès lors qu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident du travail initial et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à cette fonction au service du nouvel employeur ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats que [K] [N] a, par mail du 5 août 2011, indiqué à la société Roch Service qu'à la suite de sa visite chez le chirurgien, son « opération du 22 juin 2011 a un lien direct avec l'accident du travail initial du 9 février 1991 » et qu'« il faut le prendre en tant que rechute de l'accident du travail initial et donc comme une formalité purement administrative » ;
Que, par mail du 17 octobre 2011, [K] [N] a communiqué à son employeur la notification du 30 septembre 2011 de prise en charge par la sécurité sociale de la rechute du 22 mars 2011;
Que [K] [N] soutient qu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident de travail initial et ses conditions de travail au service de la société Roch Service ;
Qu'elle soutient qu'elle était « contrainte de travailler selon un rythme de travail intenable en raison d'un management totalement incohérent » ;
Que pour en justifier, elle verse un mail adressé le 17 juillet 2009 au directeur commercial de la société dont l'objet était une demande de clarification sur les objectifs fixés par celui-ci et de mise de cette question à l'ordre du jour d'une réunion commerciale prévue le 11 septembre suivant ;
Qu'il résulte des explications et des pièces fournies par la société Roch Service que cette question a effectivement été discutée lors de la réunion précitée et que les salariés ont, non seulement été consultés sur la mise en place d'un processus de mesure de l'activité commerciale, mais ont été largement associés à son élaboration ;
Que le rythme de travail intenable invoqué par [K] [N], qui ne produit pas d'autres pièces à cet égard et qui ne justifie pas avoir dénoncé un tel rythme avant l'instance prud'homale , n'est nullement établi ;
Que, par ailleurs, contrairement à ce que prétend [K] [N] , il ne résulte pas du certificat médical établi par le Docteur [M] le 17 décembre 2010, qu'elle verse au débat ,qu'elle travaillait dans des conditions qui avaient des répercussions directes sur son état de santé et que ce médecin « avait pu notamment souligner les stigmates physiques qu'elle subissait »;
Que [K] [N], qui, au demeurant, ne produit même pas le certificat médical de son arrêt de travail initial du 16 mars 2011 , ne verse aucune pièce médicale faisant état d'un lien de causalité entre la rechute et ses conditions de travail ;
Qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet de considérer que [K] [N] s'est prévalue avant la rupture de son contrat de travail d'un lien de causalité entre sa rechute et ses conditions de travail ;
Qu'en considération de ces éléments, le conseil de prud'hommes a, à bon droit, jugé qu'un lien de causalité entre la rechute de l'accident de travail initial survenu chez le précédent employeur et les conditions de travail de [K] [N] n'était pas établi, de sorte que celle-ci ne pouvait prétendre au bénéfice de la protection des victimes d'accidents du travail et que son licenciement n'était pas nul ;
IV Sur le bien-fondé du licenciement
Attendu qu'en préliminaire , [K] [N] prétend, sans au demeurant en tirer une conséquence précise, qu'elle n'a pas pu bénéficier de l'assistance pleine et entière d'un représentant du personnel , le délégué du personnel ayant refusé de l'assister , « sans doute en raison des pressions de son employeur» ;
Que, cependant, s'il résulte des mails qu'elle produit que l'un des deux délégués du personnel élus n'a pas, pour des raisons qui lui appartiennent, souhaité l'assister, il ressort du compte rendu d'entretien préalable et des mails versés par la société Roch Service que [K] [N] a été assistée par l'autre délégué du personnel, sans que rien ne permette de considérer que l'employeur ait exercé une quelconque pression ;
Attendu, au fond, que, si l'article L 1132 ' 1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement ;
Attendu que [K] [N] soutient tout d'abord qu'aucune désorganisation de la société ne peut sérieusement être avancée par l'employeur en faisant valoir qu'elle a été contrainte de continuer à fournir sa prestation de travail pendant son arrêt de travail,de sorte que ni la société ni les clients n'ont été troublés par son absence temporaire, qu'elle a proposé de travailler en mi-temps thérapeutique à son employeur qui a refusé et que la société a mis en place une remplaçante temporaire en la personne de Madame [Z] ;
Attendu ,cependant ,que ainsi que le rappelle justement l'employeur dans la lettre de licenciement, [K] [N] a eu 11 arrêts de travail, représentant 290 jours consécutifs d'absence entre le 16 mars 2011 et le 14 novembre 2011 (ce dernier arrêt étant prévu jusqu'au 31 décembre ), soit plus de 9 mois d'absence, et que l'entreprise n'a pas eu de visibilité concernant la reconduction de ces arrêts de travail ou leur durée, laquelle variait de quelques jours à deux mois ;
Que si cette dernière a, comme précédemment exposé, effectué durant ses arrêts maladie un travail sur ordinateur à son domicile , ce travail est resté limité dans la mesure où d'une part, ainsi qu'elle l'a indiqué elle-même à son employeur et à ses collègues, elle avait modifié son accueil téléphonique pour prévenir les personnes de son absence et d'autre part, dans un certain nombre de cas, elle se contentait de transmettre les messages reçus ou d'orienter les personnes vers un autre collègue ;
Qu'en outre, elle n'a pu effectuer les déplacements nécessités par ses fonctions et prévus par son contrat de travail en fonction de la localisation des clients et des chantiers du secteur qui lui était attribué ;
Que, par ailleurs, l'employeur conteste la réalité de la proposition d'un travail à mi-temps invoquée par [K] [N], lequel n'aurait en tout état de cause pas été possible au regard des arrêts de travail de celle-ci ;
Que la mise en place de son remplacement par Madame [Z], également invoquée par [K] [N], n'était , comme elle l'indique elle-même, que temporaire et qu'il résulte des pièces versées que cette solution a été mise en 'uvre lorsque son arrêt de travail a été à nouveau prolongé, alors qu'elle devait reprendre son travail le 15 septembre 2011;
Que, pour le surplus, la cour adopte les motifs pertinents du jugement entrepris relatifs à la désorganisation de la société générée par la maladie prolongée de [K] [N] ;
Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu que cette désorganisation de la société était bien établie ;
Attendu que [K] [N] soutient en outre que son employeur ne démontre pas qu'elle a bien été remplacée à son poste de travail dans un délai raisonnable , ce que réfute la société Roch Service ;
Attendu que la société Roch Service fait valoir qu'avant le licenciement de [K] [N], l'entreprise comptait 26 salariés en contrat à durée indéterminée et qu'elle en comptait 25 suite au départ de celle-ci, que fin janvier 2012, elle comprenait 26 salariés en contrat à durée indéterminée puis 27 fin mars 2012 ;
Qu'elle explique qu'à la suite de la démission ,le 14 septembre 2011, de Monsieur [I], responsable régional du secteur est, Monsieur L'héritier qui connaissait ce secteur pour l'avoir géré pendant de nombreuses années, a décidé de le gérer lui-même mais que ,lorsque les arrêts de travail de [K] [N], dont le retour était alors prévu le 16 septembre 2011, ont été prolongés à plusieurs reprises, du 5 septembre au 15 novembre puis du 14 novembre au 31 décembre, il a décidé de recruter une personne sur le secteur est pour pouvoir faire face à la désorganisation du secteur sud de [K] [N] et que Monsieur [H] a ainsi été recruté et a rejoint la société janvier 2012 ;
Que la société Roch Service ajoute que le 10 janvier 2012 , soit moins de 20 jours après l'envoi de la lettre de licenciement de [K] [N], Madame [Y] a été promue et transférée du service technique au service commercial du secteur sud sous la responsabilité de Madame [Z] et a été remplacée le 5 mars 2012 par Monsieur [T] -[X] ;
Qu'elle justifie de ses dires par la production du registre d'entrée et de sortie du personnel, de l'attestation du commissaire aux comptes de la société relative aux effectifs salariés de celle-ci, sur la période d'octobre 2011 à septembre 2012, à laquelle est annexé un tableau de l'évolution des effectifs sur cette période, de la lettre du 10 janvier 2012 adressée à Madame [Y] valant avenant à son contrat de travail et du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [T] ' [X];
Que la société Roch Service fait justement valoir que la différence de qualification professionnelle et des emplois comparés de responsable régional des ventes et de la fonction d'attachée commerciale chargée de l'administration des ventes n'empêche pas Madame [Y] d'exercer les tâches prépondérantes du poste précédemment occupé par [K] [N] relative à la partie commerciale, prospection, établissement et relance des devis, même si la partie déplacements clientèle est désormais assurée par Monsieur L'héritier lui-même ;
Qu'en considération de ces éléments, le remplacement définitif de [K] [N] et ce, dans un délai raisonnable est avéré ;
Que, dès lors, le licenciement de [K] [N] en raison de la désorganisation de l'entreprise générée par son absence prolongée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Que, par voie de conséquence, [K] [N] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que, comme l'a également à bon droit retenu le conseil de prud'hommes, [K] [N] était dans l'impossibilité d'exécuter son préavis en raison de son état de santé puisqu'elle se trouvait en arrêt maladie, de sorte que sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents doit être rejetée ;
V Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que la société Roch Service, qui succombe pour partie en ses demandes, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de ses prétentions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu de faire application de ce texte au profit de [K] [N] qui succombe partiellement en ses demandes ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [K] [N] de ses demandes tirées, au principal ,de la nullité du licenciement et subsidiairemen , de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ,
Infirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Roch Service à payer à Madame [K] [N] les sommes suivantes :
- 5000 € pour exécution fautive du contrat de travail
- 3000 € pour défaut de visite médicale périodique ,
Dit que les intérêts sur ces sommes à caractère indemnitaire courront à compter du présent arrêt et seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Roch Service aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT