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18/12/2014 | FRANCE | N°12/09898

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 18 décembre 2014, 12/09898


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND ET AVANT DIRE DROIT

DU 18 DECEMBRE 2014



N° 2014/599













Rôle N° 12/09898







SA LA CLINIQUE [1]

SCA DALKIA FRANCE

SCP [F] [J] ET [D] [S]





C/



[O] [P]

[I], [Q] [V]

SA AXA FRANCE IARD EN QUALITE D'ASSUREUR DE LA CLINIQUE [1] JUSQU'AU 31.12.1996

SA SOCOTEC

SA ACTE IARD

SA GAN ASSURANCES IARD

SA AXA FRANCE IARD

Organism

e CPAM DES BOUCHES DU RHONE





















Grosse délivrée

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 10 Mai 2012 enregistré au répertoire général so...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND ET AVANT DIRE DROIT

DU 18 DECEMBRE 2014

N° 2014/599

Rôle N° 12/09898

SA LA CLINIQUE [1]

SCA DALKIA FRANCE

SCP [F] [J] ET [D] [S]

C/

[O] [P]

[I], [Q] [V]

SA AXA FRANCE IARD EN QUALITE D'ASSUREUR DE LA CLINIQUE [1] JUSQU'AU 31.12.1996

SA SOCOTEC

SA ACTE IARD

SA GAN ASSURANCES IARD

SA AXA FRANCE IARD

Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 10 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/10851.

APPELANTES

SA LA CLINIQUE [1] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice [Adresse 9]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE,

SCA DALKIA FRANCE , (venant aux droits de la COMPAGNIE D'EXPLOITATION THERMIQUE COMETHERM SA), immatriculée au RCS de LILLE sous le N° 456 500 537, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Gilles GASSENBACH, avocat au barreau de PARIS

SCP OLIVIER RIGAL ET CHRISTIAN BARGAS agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social [Adresse 10]

représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean-Paul DAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Maître [O] [P] pris en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SOCIETE ACE [Adresse 1]

défaillant

Monsieur [I], [Q] [V]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (Liban), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Florent HERNECQ, avocat au barreau de MARSEILLE

SA AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la CLINIQUE [1] jusqu'au 31.12.1996, [Adresse 4]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE,

SA SOCOTEC, [Adresse 5]

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Ahmed-Cherif HAMDI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA ACTE IARD au capital de 11.433.676 euros, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège., [Adresse 3]

représentée par Me Myriam HABART-MELKI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Charlotte SIGNOURET, avocat au barreau de MARSEILLE

SA GAN ASSURANCES IARD (en qualité d'assureur de la Clinique [1] à compter du 01.01.1997 ), S.A. à Directoire et Conseil de Surveillance, inscrite au RCS de PARI S sous le N° B 542 063 797, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 8]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Olivier BAYLOT, avocat au barreau de MARSEILLE,

AXA FRANCE IARD SA au capital de 214 799 030 euros immatriculée au RCSde PARIS sous le numéro B 722 057 460 es qualité d'assureur de la société GÉNÉRALE FRIGORIFIQUE PROVENÇALE prise en la personne

de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 7]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2014. A cette date, le délibéré a été prorogé au 18 Décembre 2014.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Imputant l'hépatite qui a été diagnostiquée chez lui en mai 1997 à un dysfonctionnement du système d'extraction des gaz de la salle d'anesthésie dans laquelle il exerçait en qualité d'anesthésiste depuis le mois de septembre 1996, au sein de la clinique [1] (la clinique), le Dr [V] a obtenu :

- sur ordonnance de référé d'heure à heure rendue au contradictoire de la clinique et de la société Générale de santé clinique, le 7 novembre 1997, une expertise technique, destinée à mesurer la concentration en gaz halothane et le taux de renouvellement d'air de la salle d'induction, confiée à M. [R] du laboratoire national d'essais,

- en référé, le 8 septembre 1999,

* une expertise médicale confiée à un collègue d'experts afin de déterminer la pathologie dont il est atteint et si celle-ci peut être en lien de causalité avec les gaz anesthésiants qu'il utilise dans sa pratique professionnelle,

* une expertise technique confiée à un architecte, M. [G], qui s'est adjoint un sapiteur, ingénieur spécialisé en ventilation chauffage et climatisation. Cette ordonnance a été infirmée en ce qu'elle avait alloué à M. [V] une provision de 800 000 francs, la cour d'appel ayant jugé qu'il existait une contestation sérieuse sur la responsabilité des personnes mises en cause.

Par acte du 1er août 2008, M. [V] a assigné la clinique au fond en indemnisation de ses préjudices et celle-ci, par plusieurs actes d'octobre 2009, a appelé en garantie :

- la société Gan Incendie accident (le GAN), son assureur responsabilité civile à compter du 1er janvier 1997,

- La SCP d'architectes Rigal-Bargas (la SCP), maître d'oeuvre des travaux d'agrandissement réalisés dans la clinique et réceptionnés en novembre 1996,

- la société Dalkia, venant aux droits de la société Cometherm, chargée de la maintenance du système de ventilation,

- la société Axa France Iard (Axa), assureur de la société GFP, installatrice du système de ventilation,

- la société SOCOTEC, qu'elle avait chargée d'une mission de contrôle.

Par acte du 1er avril 2010, la société Axa France Iard, a appelé dans la cause Me [P], mandataire liquidateur de la société ACE, bureau d'étude chargé des fluides médicaux et son assureur la société ACTE Iard.

La société Axa France Iard (Axa) est également présente aux débats en qualité d'assureur de la clinique jusqu'au 31 décembre 1996.

Par jugement du 10 mai 2012, le tribunal de grande instance de Marseille a statué en ces termes :

- déclare la clinique tenue de réparer les conséquences de l'hépatite contractée par M. [V] alors qu'il exerçait au sein de l'établissement,

- fixe le préjudice subi par M. [V] aux sommes de :

* 221, 28 € au titre des dépenses de santé actuelles,

* 209 523 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,

* 3 521 586,45 € au titre des pertes de gains professionnels futurs,

* 373 561,12 € au titre des points de retraite,

* 26 464 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- condamne la clinique à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 221,28€ au titre de ses débours,

- condamne la clinique à verser à M. [V] la somme de 4 131 134,57 € au titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et à lui verser celle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Gan assurances à garantir la clinique de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre,

- condamne in solidum la société d'architecte Rigal-Bargas et la société Dalkia à garantir la clinique et la société Gan assurances de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre,

- met l'intégralité des dépens à la charge de la clinique.

Le tribunal a retenu qu'en application du contrat d'exercice libéral liant la clinique à M. [V], celle-ci devait mettre à sa disposition des locaux et des installations conformes à leur destination et ne présentant pas de danger tant pour les professionnels de santé que pour les patients, et qu'il résultait des lettres produites au dossier et des rapports d'expertise que tel n'avait pas été le cas, des mesures de concentration d'halothane dans la salle d'induction très supérieures à la valeur limite prescrite et une insuffisance du système de renouvellement de l'air ayant été mis en évidence ; qu'il existait un lien de causalité direct et certain entre l'hépatite contractée par le Dr [V] et l'exposition à l'halothane, de sorte que la clinique devait indemniser celui-ci de son entier préjudice, lequel consistait notamment en une incapacité définitive à reprendre son travail.

Sur les appels en garantie, le tribunal, retenant que les faits étaient antérieurs à la loi du 3 novembre 2003, a jugé que l'assurance devant prendre en charge le sinistre était celle en vigueur au moment de la survenance du fait générateur du dommage, lequel a été analysé comme étant l'impossibilité de travailler médicalement constatée, soit le 7 novembre 1997, date du premier arrêt de travail, de sorte que la garantie était due par le Gan.

Il a retenu qu'en concevant un système de renouvellement de l'air inférieur à 15 volumes par heure, recommandé pour ces locaux, la SCP d'architectes avait commis une faute ayant contribué au dommage de M. [V] ; que ce défaut de conception ne constituant pas une violation de règles techniques applicables, la responsabilité de la SOCOTEC ne pouvait être engagée pour ne pas avoir signalé l'insuffisance de la ventilation ; qu'aucune faute n'avait été mise en évidence à l'encontre du bureau d'étude ACE et de la société GFP, les installations ayant même permis une meilleure performance du renouvellement d'air par rapport aux préconisations du maître d'oeuvre ; que l'expert ayant retenu que le taux anormalement bas de renouvellement d'air constaté épisodiquement pouvait s'expliquer par un défaut d'entretien, de sorte que la société Cometherm, aux droits de laquelle vient la société Dalkia, devait garantir le clinique et son assureur des condamnations prononcées contre eux.

Trois appels principaux ont été interjetés contre cette décision :

1°) La société Dalkia, par déclaration du 1er juin 2012, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, a formé un appel général contre cette décision, en intimant M. [V], la clinique, le Gan, la SCP d'architectes, la société Axa en qualité d'assureur de la société GFP et la CPAM des Bouches-du-Rhône,(RG 12/19 898).

2°) La clinique, par déclaration du 4 juin 2012, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, a formé un appel général en intimant Me [P], en qualité de liquidateur de la société ACE, M. [V], la société Dalkia, la société ACTE iard, la société Axa en sa double qualité d'assureur de la société GFP et de la clinique, le Gan, la CPAM des Bouches-du-Rhône, la SCP d'architectes et la SOCOTEC, en présence de la société Axa, son assureur (RG 12/09 987).

3°) La SCP Rigal-Bargas, par déclaration du 27 juin 2012, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, a formé un appel général en intimant M. [V], la clinique, la société Dalkia, la société Axa, en sa double qualité d'assureur de la société GFP et de la clinique, la société SOCOTEC, la société ACTE, le Gan et la CPAM des Bouches-du-Rhône (RG 12/11 863).

Les trois déclarations d'appel ont été jointes le 4 juin 2013, par le conseiller de la mise en état. La clôture de la mise en état a été fixée au 1er octobre 2014, après report de sa date.

La CPAM et le mandataire judiciaire de la société ACE assignés à personne habilitée respectivement les 6 et 20 septembre 2012 n'ont pas constitué avocat. La CPAM des Bouches-du-Rhône a fait connaître le montant de sa créance, constituée de frais médicaux et assimilés pour un montant de 221, 28 euros.

L'arrêt sera réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.

Prétentions et moyens des parties :

La clinique, par ses conclusions du 5 décembre 2012 et du 26 septembre 2013 (dernières conclusions du dossier RG 12/09898), a conclu, en substance, en ces termes :

A titre principal,

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes, à défaut de preuve d'une faute et de lien de causalité entre l'hépatite et l'exposition à l'halothane,

A titre subsidiaire,

- le débouter en raison de son comportement fautif qui constitue 1'origine exclusive des dommages allégués.

A titre très subsidiaire,

- Condamner la compagnie le GAN à relever et garantir indemne la clinique des sommes qui pourraient être mises à sa charge, l'origine du dommage étant postérieure au 31 décembre 1996,

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la SCP d'architectes, la société Dalkia, la société AXA ès qualité d'assureur de la société GFP, la société Socotec et la Société Acte à relever et garantir la Clinique de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

- Sous cette réserve, ramener à de plus justes proportions, les sommes sollicitées par

Monsieur [V],

A titre très infiniment subsidiaire,

- Dire que seule une indemnisation au prorata temporis pourra intervenir, dans le cadre de l'application de la règle en cas de coassurance ou d'assurances cumulatives.

- Débouter l'ensemble des parties des demandes qu'elles pourraient formuler à l'encontre de la Clinique tant en principal, frais et intérêts et au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner le Docteur [V] et/ou tout succombant au paiement d'une somme

de 3.500 euros au titre des dispositions de cet article ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction.

La clinique, qui ne conteste pas avoir des liens contractuels avec M. [V] bien que celui-ci ne produise pas le contrat qui les lie, soutient que sa responsabilité ne peut être engagée que pour faute et qu'elle n'est tenue envers les médecins ayant un contrat d'exercice libéral en son sein que d'une obligation de moyens. A ce titre, elle fait valoir qu'aucune faute n'est caractérisée par M. [V] à son encontre et invoque qu'elle a fait appel pour les travaux à des professionnels parfaitement compétents et qu'elle a fait preuve de réactivité lorsque le Dr [V] lui a signalé les problèmes d'évacuation des gaz dans la salle d'induction. S'appuyant sur le rapport de M. [G], elle soutient que l'installation était conforme dans sa conception et dans sa réalisation, dès lors qu'il n'existe pas de norme, mais de simples recommandations, en matière de ventilation des salles d'anesthésie et que le taux de renouvellement de 10vol/heure prévu a été respecté et même amélioré par l'installation mise en place, et que des mesures avaient été effectuées lors de la mise en service. Elle fait également valoir qu'un système local de ventilation par prises SEGA avait été installé par la société Air Liquide et réceptionné le 22 août 1996, ce que confirme l'expert judiciaire [R], les plans établis et l'expertise [L], et que ce système n'a pas été utilisé par le Dr [V].

A titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de lien de causalité démontré entre l'hépatite dont souffre le Dr [V] et l'exposition au gaz Halothane qu'il utilisait, le collège d'experts ayant qualifié la probabilité du lien de 'douteuse'. Elle souligne le caractère bénin des troubles hépatiques présentés par le Dr [V], et que l'altération psychique qu'il présente est due à sa décision non médicalement justifiée d'arrêter sa pratique professionnelle.

A titre très subsidiaire, elle invoque la faute du Dr [V] ayant consisté à ne pas utiliser le système SEGA de ventilation locale.

En ce qui concerne les appels en garantie, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le Gan à la garantir des condamnations prononcées contre elle, M. [V] ayant ressenti les premières gênes en mai 1997.

M. [V], par conclusions du 29 octobre 2012 (RG : 12/09987 et RG 12/09863) et du 23 septembre 2014, a conclu ainsi :

A titre principal, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil,

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 10 mai 2012 dans

toutes ses dispositions, sauf en ce qu'i1 a rejeté sa demande à hauteur de 150000 euros en ce qui concerne la réparation de son déficit fonctionnel temporaire et d'agrément, celle à hauteur de 15 000 euros en ce qui concerne la réparation de ses souffrances endurées, et en ce qu'il a limité à la somme de 26 464 euros seulement la réparation de son déficit fonctionnel permanent,

En conséquence,

- Condamner la Clinique à lui verser la somme de 4 298 270,98 euros en réparation de ses divers chefs de préjudice,

A titre infiniment subsidiaire,

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil

- Dire et juger que la Clinique est responsable de l'hépatite toxique qu'il a contractée à l'époque ou il travaillait dans son établissement,

En conséquence,

- Condamner la Clinique à lui verser la somme de 4 298 270,98 euros en réparation de ses divers chefs de préjudice et la somme de 30 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- Condamner en outre la Clinique aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il précise qu'il était lié à la clinique par un contrat d'exercice libéral, même si aucun écrit n'avait encore été formalisé, et qu'à titre subsidiaire il demande son indemnisation sur le fondement délictuel.

Il fait valoir que la clinique est tenue d'une obligation de résultat quand à la sécurité des installations qu'elle met à la disposition des praticiens exerçant dans ses locaux, et que les dysfonctionnement sont en l'espèce avérés par divers éléments. Il soutient que diverses obligations légales en matière de sécurité des locaux ont été violées par la clinique (article L. 230-2, R.231-54-5 et R.232-5-9 du code du travail) et invoque plusieurs textes prévoyant que les locaux médicaux doivent présenter un taux de renouvellement d'air de 15 vol par heure, notamment le décret n°84-1093 du 7 décembre 2984 et l'arrêté du 25 juillet 1980, et que l'installation prévoyait dès l'origine un renouvellement limité à 10 vol/heure, de sorte que l'expert ne pouvait considérer qu'elle ne présentait pas de non conformité. Il fait également valoir que la clinique n'a pas mis en place de commission locale de surveillance de la distribution de gaz à usage médical, contrairement à la circulaire DGS/3A/667 bis du 10 octobre 1985 relative à la distribution de gaz à usage médical ou de comité technique d'établissement ou de comité d'hygiène ou de sécurité.

S'agissant de la faute qui lui est reprochée, il soutient que les prises SEGA n'avaient pas été mises en place dans la salle d'induction. Il allègue encore que la présence de ce type de prises ne modifiait pas l'obligation d'assurer un renouvellement de l'air et, en tout état de cause, qu'à supposer que des prises SEGA aient été en place lorsqu'il utilisait la salle d'induction, aucune preuve n'est fournie de leur bon fonctionnement et de la mise à disposition par la clinique des matériels nécessaires à leur fonctionnement (masques à double enveloppe). Enfin, il soutient que la technique d'anesthésie qu'il utilisait était tout à fait conforme aux pratiques médicales.

La SCP Rigal-Bargas, par conclusions du 26 septembre 2012, a demandé de :

- juger que le Docteur [V] ne rapporte pas la preuve d'une faute en relation de

causalité avec le préjudice qu'il invoque à l'encontre de la Clinique

- réformer, en conséquence, le jugement en ce qu'il a condamné la Clinique à payer différentes sommes au Docteur [V],

- déclarer l'appel en garantie formé par la Clinique à l'encontre de la SCP sans objet.

Subsidiairement,

- juger que la SCP ne peut se voir reprocher de faute par son maître de l'ouvrage, notoirement compétent, pour avoir conçu un ouvrage conforme au programme et aux spécifications techniques de celui-ci,

- juger que le défaut de maintenance de l'installation exonère l'architecte de sa responsabilité en supprimant tout rôle causal de la faute alléguée,

- juger qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'affection invoquée par le Docteur [V] et la mission effectuée pour le compte de la Clinique et de la Société Générale de Santé par la SCP,

- débouter, en conséquence, la Clinique de son appel en garantie à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire

- réduire dans de notables proportions le montant des dommages et intérêts alloués au

Docteur [V], le chiffre d'affaires ne pouvant être considéré et assimilé à un résultat,

- ordonner, en tant que de besoin une mesure d'instruction pour définir l'éventuel préjudice économique subi l'intéressé,

En toute hypothèse,

- condamner la Clinique à payer à la SCP la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance et celle de 4 000 € pour la procédure d'appel, et la condamner aux dépens avec distraction.

Elle sollicite donc la réformation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la clinique, d'une part, en ce qu'il l'a condamnée à garantir cette dernière, d'autre part.

S'agissant de la responsabilité de la clinique, la SCP fait valoir qu'il résulte du rapport [G] et des documents fournis que les risques de pollution aux gaz résultaient de la technique d'anesthésies à 'masque en circuit ouvert' choisie par le Dr [V], alors qu'il aurait pu utiliser une technique avec masque double assurant une meilleure ventilation des locaux. Faisant valoir que les mesures effectuées par l'expert [R], par l'intermédiaire d'une autre personne, en contradiction avec l'obligation qui est la sienne de procéder lui-même aux opérations d'expertise, ont été non contradictoires et n'ont été que ponctuelles, et qu'aucune faute n'est établie à l'égard de la clinique. La SCP estime par ailleurs que les experts médicaux n'ont pas retenu l'imputabilité de la pathologie présentée par le Dr [V] aux gaz incriminés.

S'agissant de l'appel en garantie, la SCP fait valoir que la clinique, filiale de la société générale de Santé, propriétaire de plusieurs cliniques en France, avait élaboré un cahier des charges précis, définissant les principes du conditionnement de l'air dans les zones techniques, remis par M. [E], qu'il s'agissait donc d'un maître de l'ouvrage spécialisé et que la SCP devait se conformer à ses exigences et n'a pas commis de faute contractuelle, étant observé que ni la SOCOTEC ni le bureau d'étude spécialisé dans la ventilation n'ont formulé d'observations sur le dimensionnement de l'installation.

La société Dalkia, dans ses écritures du 8 septembre 2014, a conclu, en substance, ainsi qu'il suit :

- juger irrecevable le Docteur [V] en 1'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la clinique,

- infirmer le jugement rendu par Ie Tribunal de Grande Instance de Marseille en toutes ses dispositions.

Subsidiairement,

- juger irrecevable le Docteur [V] en toutes ses demandes dirigées contre la clinique et subsidiairement mal fondé.

Très subsidiairement,

Dans l'hypothèse où par impossible la Cour croirait devoir reconnaître la clinique responsable des dommages subis par le Docteur [V],

- juger la clinique et la société Acte Iard mal fondées en leurs appels en garantie dirigés à l'encontre de la société Dalkia France, et confirmer le jugement en ce qu'i1 a retenu la responsabilité du cabinet d'architectes SCP Rigal et Bargas

En conséquence, les en débouter et les condamner au paiement d'une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, avec distraction.

Elle rappelle qu'elle a signé un contrat le 8 octobre 1996, à effet au 1er novembre 1996, avec la clinique, qui, bien qu'intitulé contrat de maintenance, ne portait que sur des opérations de contrôle épisodiques de certains équipements et de dépannage, mais que la clinique conservait la conduite et la maintenance des installation, même après l'extension du contrat à compter du 7 novembre 1997.

En premier lieu, cette société conteste la recevabilité de l'action de M. [V] à l'encontre de la clinique, au motif que, membre d'une SCP de Médecins, ce serait la SCP qui aurait conclu un contrat avec la clinique et non lui.

En second lieu, elle conteste tout lien de causalité entre l'affection hépatique et l'exposition à l'halothane.

S'agissant de sa propre responsabilité, elle fait valoir que les mesures de M. [R] lui sont inopposables car la société Dalkia n'avait pas été mise en cause au stade de cette expertise.

Elle soutient qu'elle n'était pas en charge de la maintenance mais d'effectuer des contrôles techniques et qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, que l'entretien des installations est sans lien avec l'hépatite dont les symptômes sont apparus avant le début du contrat.

La société Axa iard, en tant qu'assureur de la société GFP, en charge de l'installation du système de ventilation, par écritures du 24 octobre 2012, a demandé de :

- juger que l'appel en garantie de la clinique à son encontre est dépourvu de tout fondement en fait et en droit,

- qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'une éventuelle non-conformité de conception de la Société G.F.P. serait en relation de causalité directe et certaine avec la pathologie présentée par le Docteur [V] et les préjudices allégués,

- En conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- Condamner la clinique à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- La condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Elle conteste la fiabilité des analyses biologiques et de l'expertise comptable réalisées par des membres de la famille de M. [V] et souligne qu'aucun autre membre de l'équipe médicale n'a été malade, ni les infirmières anesthésiques, ni l'associé de M. [V].

La Société Gan, a conclu le 18 janvier 2013 à sa mise hors de cause, en ces termes :

-Infirmer le jugement

En conséquence, à titre principal,

- juger que la SA AXA FRANCE IARD était, au moment de la survenance du fait générateur, l'assureur RC de la clinique,

- juger que le contrat souscrit entre la clinique [1] et le GAN (janvier 1997) est postérieur au fait générateur du sinistre,

En conséquence, à titre principal,

Mettre hors de cause la SA GAN ASSURANCES

A titre subsidiaire, et pour le cas où le GAN ASSURANCES ne serait pas mise hors de cause,

- 'Venir la SA AXA FRANCE IARD concourir au déboutement des demandes formées tant par M. [V] que par les autres parties, en ce qu'elles sont dirigées contre le GAN ASSURANCES, ou à concourir à réduire à de plus justes proportions, les sommes sollicitées par Monsieur [V] et le débouter de celles qui ne sont pas justifiées'.

- Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en

l'absence de faute prouvée de la clinique et de lien de causalité rapporté.

A titre encore plus subsidiaire,

- juger que la société Axa France iard prise en sa qualité d'assureur 'fait générateur' de la Clinique, la société DALKIA France venant au droit de la société COMETHERM, la société Axa en qualité d`assureur de la société GFP et la SCP RIGAL ET BARGAS devront relever et garantir le GAN indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire, liquider l'entier préjudice de Monsieur [V] ainsi qu'il a été indiqué dans les motifs,

Reconventionnellement et en tout état de cause,

- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 3.000 € par application de I'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appe1.

Précisant n'avoir assuré la responsabilité civile de la clinique qu'à compter du 1er janvier 1997, elle soutient que le fait dommageable est constitué par la cause génératrice du dommage c'est-à-dire les travaux, réceptionnés à une époque où la société Axa était l'assureur de la clinique. En tout état de cause, si le fait dommageable était constitué par la première manifestation du dommage, il faudrait prendre en compte de la date de la première manifestation de la maladie dont M. [V] souffre, soit novembre 1996, de sorte que la garantie de la société Gan n'est pas due.

Subsidiairement, la société fait valoir que le contrat liant la clinique et M. [V] n'est pas produit et qu'aucune faute n'est prouvée à l'encontre de la clinique qui n'est tenue que d'une obligation de moyens. Elle soutient que M. [V] a commis une faute en n'utilisant pas le système de ventilation SEGA et qu'il ne prouve pas le lien de causalité entre la ventilation des locaux de la clinique, alors qu'il a travaillé 26 ans dans d'autres cliniques.

A titre très subsidiaire, elle a sollicité la garantie de la société Dalkia et de la SCP d'architectes.

La SOCOTEC, par des écritures du 23 septembre 2014 (RG 12/09898) et du 6 septembre 2012 (RG 12/09987), a conclu en substance à la confirmation du jugement, en ce qu'il l'a mise hors de cause, le défaut de conception du système de renouvellement d'air ne constituant pas une violation des règles techniques au sens du droit de la construction et que l'appel en garantie formé contre elle par la clinique n'est aucunement étayé en fait et en droit, qu'elle s'est bien conformée et a respecté sa mission, laquelle a trait à la seule vérification de la conformité de l'ouvrage à la réglementation, qu'elle n'a commis aucune faute en lien de causalité directe et certaine avec les préjudices allégués.

Elle demande la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la clinique à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sollicite la condamnation de la clinique à lui verser cette somme au titre de la première instance et la même somme au titre de l'instance d'appel et à supporter les dépens. Elle a conclu, également à la condamnation 'de tous contestants in solidum avec la clinique à l'indemniser de ses frais irrépétibles et de ses dépens de première instance et d'appel'.

Elle fait valoir que seule la qualité de la maintenance est en cause et qu'aucune faute n'est articulée contre elle, de sorte que la clinique aurait du se désister de sa demande contre elle.

La société ACTE iard, assureur de la société ACE en liquidation judiciaire, bureau d'étude chargé des fluides médicaux, a conclu le 26 octobre 2012 (RG 12/09987 et RG 12/09863) et le 15 septembre 2014, en substance :

Constater que l'appel de la société Dalkia ne vise pas la société Acte iard et statuer ce que de droit sur le mérite et le bien-fondé de ce recours,

- Vu les écritures d'appelante de la SCP RIGAL et BARGAS,

- Constater que la SCP RIGAL et BARGAS ont intimé à tort la société Acte iard sur leur appel,

- Les condamner à lui rembourser les dépens exposés à cette occasion et en particulier le timbre fiscal qu'elle a du payer à l'occasion de sa constitution

- Vu l'appel régularisé par la clinique et son appel en garantie à l'encontre de la société Acte Iard,

- Rejeter les prétentions du Docteur [V] et déclarer subséquemment les appels en garantie irrecevables et mal fondés,

- Infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli les demandes présentées par Monsieur [V],

- Juger en tout état de cause qu'il n'est pas établi de manquement de la société ACE à ses obligations et qu'en toute hypothèse l'ouvrage incriminé est conforme à sa destination et aux règles de l'art.

- Débouter en conséquence la clinique ou tout autre contestant de toute demande de condamnation formée à son l'encontre, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité du bureau d'études A.C.E,

- Confirmer ainsi le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de manquement de la société A.C.E.

A titre infiniment subsidiaire.

- Condamner la Société Dalkia, à la relever et garantir de toute condamnation éventuelle, au visa de l'article 1382 du Code Civil,

- Déclarer en tout état de cause la société Acte Iard recevable et bien fondée, en cas de condamnation, à faire valoir les termes et limites du contrat d'assurance souscrit, plafonds de garantie et franchise conventionnelle comprise.

En toute hypothèse,

- Condamner la clinique ou tout succombant à payer à la société Acte Iard la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

Elle souligne que la société Dalkia ne l'a pas intimée, que la SCP d'architecte, qui l'a intimée, ne formule aucune demande contre elle, de sorte qu'elle doit être condamnée à supporter ses dépens et que la clinique ne présente de demande contre elle qu'à titre infiniment subsidiaire, au terme d'une analyse très succincte. Elle indique que la société ACE n'était en charge que des études préalables mais non de la réalisation des travaux et qu'aucune observation n'avait été faite sur le dimensionnement de l'installation projetée.

La société AXA, en sa qualité d'assureur de la clinique [1] a conclu le 5 décembre 2012, dans les instances enregistrées sous les numéros 12/11863 et 12/09987, à la confirmation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu sa responsabilité en qualité d'assureur de la clinique et s'est associée aux demandes formulées par la clinique, sollicitant la réformation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de cet établissement et à titre subsidiaire la garantie de tous les intervenants à la conception la réalisation et l'entretien du système de ventilation.

Elle a sollicité la condamnation de M. [V] et de tout succombant à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Les faits à l'origine du litige :

La clinique [1], filiale de la société Générale de santé, a procédé à une opération de rénovation et d'extension de ses locaux et, en qualité de maître de l'ouvrage, a confié une mission complète d'architecte à la SCP Rigal et Bargas (la SCP), selon contrat du 8 décembre 1995.

Sur la base du projet établi par la SCP, un permis de construire a été délivré en mars 1996, les travaux ont commencé le 15 avril 1996 (déclaration d'ouverture de chantier établie par la clinique). La SCP avait sous-traité une mission d'étude des fluides à la société ACE.

La clinique avait confié une mission de contrôle technique au bureau SOCOTEC et avait passé plusieurs contrats pour la réalisation des travaux, notamment un marché de travaux de rénovation de chauffage-ventilation avec la société Générale frigorifique provençale (GFP), assurée par la société Axa pour la garantie décennale, ainsi qu'un marché de rénovation des fluides médicaux avec la société Air liquide santé.

La première tranche des travaux a été réalisée entre le printemps et l'automne 1996. La déclaration d'achèvement des travaux a été établie le 17 novembre 1996. Le service d'ophtalmologie, dans lequel a travaillé M. [V], était concerné par cette tranche et a ouvert en septembre 1996.

La clinique a passé un contrat avec la société Cometherm, devenue Dalkia, pour l'assistance technique et le dépannage des installations de chauffage, de climatisation, de production d'eau chaude sanitaire, de traitement d'eau, de traitement d'air et de filtration, le 8 octobre 1996.

Sur la procédure :

Il y a lieu de constater, à titre préalable, qu'aucune partie n'invoque d'irrégularité affectant la procédure d'appel et qu'aucune irrecevabilité n'est invoquée, en ce qui concerne les appels principaux ou les appels incidents.

Sur l'action en responsabilité dirigée par M. [V] contre la clinique :

M. [V], qui a dirigé son action indemnitaire à titre principal contre la seule clinique, sollicite la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de celle-ci.

Il fonde son action, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de la clinique au titre d'un contrat d'exercice libéral. La clinique admet que des liens contractuels la liaient à M. [V]. La société Dalkia soutient que l'action dirigée par le Dr [V] contre la clinique est irrecevable, dès lors que c'est la seule société civile professionnelle dont il était membre qui aurait pu agir sur le terrain contractuel.

Le Dr [V] qui invoque un préjudice propre, et non un préjudice subi par la société civile professionnelle dont il était membre jusqu'au 30 juin 1999, date de son retrait volontaire de la société en raison de ses problèmes de santé, dispose d'un intérêt direct et certain à agir contre la clinique, son action est donc recevable. Le choix du fondement juridique de son action, contractuel plutôt que délictuel, ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de la demande mais de son mal fondé éventuel, que la société a intérêt à invoquer.

Or, c'est à juste titre que la société Dalkia fait valoir que celui-ci n'a pas contracté avec la clinique, dès lors qu'il a fait apport de son activité libérale à la société civile professionnelle dont il est membre, ce qui n'est pas contesté par ce praticien. En effet, selon les articles 48 et 49 du décret n°77-636 du 14 juin 1977, alors applicables, dont le contenu a été partiellement repris à l'article R. 4113-72 du code de la santé publique, le médecin, membre d'une société civile professionnelle de médecins, ne peut exercer sa profession à titre individuel sous forme libérale sauf à titre gratuit et les associés doivent consacrer à la société toute leur activité professionnelle libérale de médecin.

L'action que M. [V] a engagée contre la clinique, faute pour lui d'établir qu'il aurait également conclu un contrat avec la clinique, ne peut donc qu'être de nature délictuelle, ainsi qu'il le soutient à titre subsidiaire. Sur ce terrain, il peut cependant se prévaloir de la violation par la clinique de ses obligations contractuelles à l'égard de la société civile professionnelle, dès lors que cette violation lui a causé un préjudice personnel et que l'obligation en cause était destinée non seulement à préserver les intérêts de la société mais aussi de ses membres et lui a causé un préjudice distinct.

Faute de production d'un contrat écrit, les engagements auxquels la clinique et la société civile entendaient se soumettre peuvent être déduits de la nature même du contrat d'exercice libéral mais aussi du projet de contrat qui avait été élaboré par la clinique et qui est produit par M. [V] (pièce 88).

Ainsi, il doit être considéré que ce contrat comportait la mise à disposition par la clinique de locaux, de matériels et, le cas échéant, de personnel permettant à chacun des médecins d'exercer leur art en contrepartie d'un dédommagement financier au profit de la clinique, comme le confirme le projet de contrat (article 3 et 4).

La mise à disposition de locaux impliquait nécessairement, dans la commune intention des parties, que ceux-ci soient, en tout temps, conformes à leur destination, c'est à dire à l'exercice de l'activité médicale, ce qui suppose qu'ils soient tels qu'ils répondent aux conditions d'habilitation de l'activité en cause par les autorités réglementaires de santé, mais aussi qu'ils ne présentent pas de danger pour les personnes s'y trouvant, qu'il s'agisse des patients du médecin, des salariés éventuels de celui-ci, et de lui-même.

S'agissant d'une obligation contractuelle, sa violation constitue par elle-même une cause d'engagement de la responsabilité de la clinique vis à vis de son cocontractant et constitue une une faute que les tiers peuvent invoquer, sauf la possibilité pour la clinique de s'en exonérer par la preuve d'une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure ou de voir celle-ci limitée par la faute du co-contractant. En conséquence, la preuve que la clinique a fait appel à tous les corps de métiers adaptés et à des professionnels qualifiés pour concevoir et réaliser les installations ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité, non plus que le fait allégué qu'elle ait fait preuve de réactivité lorsque des problèmes de fonctionnement lui ont été signalés.

Il appartient, cependant, au Dr [V] de prouver que les locaux dans lesquels il a exercé ne présentaient pas la sécurité attendue par les contractants et que ce manquement lui a causé une préjudice direct et certain. De son côté, la clinique, dans un cadre délictuel, peut s'exonérer de sa responsabilité vis à vis de la victime, tiers au contrat, en invoquant le fait de celle-ci, à condition qu'il présente les caractères de la force majeure, ou voir son obligation à réparation limitée à raison de la faute de celle-ci qui a contribué à la réalisation du dommage.

Sur la sécurité des installations :

M. [V] soutient que les installations de ventilation et de renouvellement d'air étaient insuffisantes pour évacuer les gaz d'anesthésie, ce qui lui a fait courir un risque qui s'est réalisé sous la forme d'une hépatite toxique.

Si l'expert [G], désigné au contradictoire de toutes les parties, a constaté qu'il n'existait pas, en matière de ventilation des salles d'induction, de norme réglementaire obligatoire et en a conclu que l'installation ne comportait pas de non conformité par rapport aux normes et aux dispositions réglementaires en vigueur, il a cependant constaté que diverses recommandations émanant d'autorités de santé préconisaient un renouvellement de l'air de 15 vol/h, de sorte que la performance de l'installation le jour où il avait procédé aux mesures était 17% inférieure à cette préconisation.

Ainsi, il résulte de l'expertise et du dossier 'qu'à titre préventif, tous les blocs opératoires correctement épuipés devraient comporter un système de ventilation général permettant le renouvellement de l'air de l'ensemble des locaux' (Document de la Caisse régionale d'assurance maladie d'île de France sur la prévention des risques professionnels, octobre 1992, pièce 32), qu'une circulaire du 10 octobre 1985 du ministère de la santé s'appuyant sur les recommandations de la commission nationale d'anesthésie, stipule que les salles où se font des anesthésies doivent être équipées de dispositifs assurant l'évacuation des gaz et vapeurs anesthésiques, et que 'ces dispositifs doivent permettre, durant la phase d'entretien de l'anesthésie d'abaisser à proximité du malade et du personnel, les concentrations à moins de 25 ppm pour le protoxyde d'azote et à moins de 2ppm pour les halogénés' (les anesthésies associent du protoxyde d'azote, gaz inodore à un autre produit, généralement halogéné), que cette circulaire met à la charge des directeurs d'établissement l'obligation de veiller à l'exécution de ces dispositions (p.4 de la circulaire), que les spécifications publiées par l'O.M.S. préconisent pour les salles d'opération un renouvellement minimum d'air des locaux de 15 vol/h., que, par ailleurs, un guide édité par la CRAM d'île de France en 1996 relatif à la prévention des expositions professionnelles aux gaz et vapeurs anesthésiques indique que pour être efficace les taux de renouvellement horaire de l'air généralement retenus sont d'environ 15 à 25 vol/h.

Or, il résulte tant du rapport de M. [R], du Laboratoire national d'essai (LNE), établi au contradictoire de la clinique, que de celui de M. [G], que l'installation n'assurait pas un taux de renouvellement de l'air de 15 vol/h et que la concentration en gaz halothane a pu être, durant l'exercice professionnel du Dr [V], bien supérieure à 2 ppm.

En effet, la visite des lieux et les prélèvements pratiqués le 13 novembre 1997 par la technicienne du LNE, qui pouvait procéder à de simples mesures pour l'expert désigné, ont permis d'établir les éléments suivants :

- Dans la salle d'induction il a été constaté la présence au plafond d'une bouche centrale de soufflage et de 4 bouches disposées aléatoirement autour. Le directeur de la clinique a indiqué qu'il s'agissait de bouches d'extraction. Le débit de soufflage à la bouche centrale a été mesuré à 331m3/h soit 8,3 volumes/heure. Aux 4 autres bouches, le débit mesuré était non significatif. 'Il n'a pas été possible en l'absence de plan de déterminer le rôle de ces bouches'note le rapport. Une forte odeur de gaz anesthésiants était perceptible dans l'air.

- La simulation d'induction faite par le LNE (une seule simulation, de 10 mn) a montré, après 1 heure, une concentration en halothane à la tête du patient, de 33 ppm.

L'expert a conclu que :

1°/ à la suite d'une seule simulation d'une durée de 10 mn, la concentration moyenne pendant 1 heure est très largement supérieure à la valeur limite prescrite (2ppm). Dans les conditions normales (plusieurs inductions les unes à la suite des autres en début de matinée) la concentration atteinte devait être encore bien supérieure,

- le taux de renouvellement d'air dans la pièce est faible (8 vol/h au lieu de 15 vol généralement recommandé),

- le système est très peu efficace puisqu'il n'y a pas d'extraction et que l'évacuation se l'air se fait par la porte donnant dans les locaux du bloc opératoire,

- une concentration moyenne de 30 ppm sur une heure conduit à une concentration instantanée maximum de 80 ppm, soit pour 4 inductions successives à 10 mn d'intervalle une concentration maximum de l'ordre de 115 ppm.

2°/ Il existe dans la salle d'induction des systèmes d'évacuation de gaz anesthésiques de la société Dräger mis en place par la société Air liquide santé qui sont conformes aux normes de sécurité et leur bon fonctionnement a été vérifié par la société de maintenance.

L'absence de ventilation adaptée dans la pièce d'induction est par ailleurs confirmée par

* la lettre adressée par Mme [N], responsable du bloc opératoire, et le Dr [V] au directeur de la clinique le 12 mai 1997 indiquant que la climatisation est inexistante, notamment dans la salle d'induction 'où les gaz ne sont pas évacués',

* les témoignages de Mme [N], de Mme [X], infirmière et du Dr [C] (anesthésiste-réanimateur), personnes qui travaillaient dans cette salle, qui indiquent qu'avant le 13 novembre 1997, date à laquelle la technicienne du LNE est passée dans l'établissement, il n'existait pas de système de ventilation dans la salle d'induction (pièces 35, 36 et 37 du Dr [V]),

* le compte rendu de réunion et de visite du 8 octobre 1998, de M. [E], indiquant qu'il a effectivement constaté, à l'issue d'une visite des lieux (point 5.3 faisant partie de la section 5 intitulée 'visite bloc (hors réunion)'), le manque d'air soufflé dans la salle d'induction et d'air neuf total entraînant une stagnation de gaz d'anesthésie et précisant qu'il fallait 'vérifier l'installation et remettre les débits soufflés aux valeurs prévues (8 à 10 vol/h)'.

Par ailleurs, l'expert M. [G], qui s'est fait assister d'un sapiteur, M. [Z] ingénieur, a constaté le 26 mars 1999, quelques mois après les relevés du LNE, que la moyenne de débit de soufflage mini/maxi était de 479 m3/h ce qui correspond à un renouvellement d'air de l'ordre de 12,48 vol/h, taux de 17% inférieur au taux recommandé (rapport p. 22).

Il a relevé que les documents contractuels relatifs à la conception de l'installation indiquaient qu'il était prévu, pour la salle d'induction, un taux de renouvellement de l'air de 10 vol/h, et que l'installation effectivement réalisée avait en réalité une capacité supérieure, comme en témoignaient les mesures réalisées qui indiquaient en 1999 un taux de 12,48 vol/h.

Ces constatations de l'expert sont confirmées par les pièces produites au dossier. Le document de travail descriptif des travaux à réaliser établi par M. [E], représentant de la clinique, en date du 12 février 1996, relatif au conditionnement d'air (pièce 9 produite par la SCP d'architectes pages 7 et 17) indique que pour 'les zones à taux de renouvellement modéré (5 à 10 vol/h) et de faible surface, le recyclage n'est pas intéressant : on utilisera alors uniquement de l'air neuf (salle d'induction, salle de réveil, zone ambulatoire, couloirs propres...).' La mention d'un volume d'air de 10vol/h figure également dans le descriptif du 18 mars 1996 et le document de suivi général d'exécution et synthèse du 19 avril 1996, s'agissant de la salle d'induction, documents établis par la SCP d'architectes (pièce 10 produite par la SCP d'architectes et pièce 4 produite par la clinique). Ces chiffres sont confirmés par le compte rendu de réunion et de visite du 8 octobre 1998, précédemment cité.

Enfin, il doit être relevé que, malgré les injonctions de M. [V], la clinique n'a pas produit les comptes rendus de réunion de la commission locale de surveillance des gaz à usage médical dont la circulaire de 1985, précitée, recommandait la mise en place. Elle n'a produit aucun relevé, fait par ses soins, des concentrations en gaz ni du taux de renouvellement d'air dans la salle d'induction, alors même qu'elle avait été saisie par le personnel du bloc opératoire des problèmes de ventilation et était informée du phénomène de stagnation des gaz anesthésiques dans la salle d'induction, comme en témoigne le compte rendu de réunion du 1er octobre 1997, ayant donné lieu au compte rendu du 8 octobre 1997, précité. A cet égard, l'expert, s'appuyant sur ce document, note que les différents intervenants, dont M. [E], représentant de la clinique ayant supervisé pour elle les travaux d'agrandissement, semblaient ignorer les performances de l'installation. Si la note technique du 27 août 2012 produite par la clinique indique (pièce 17) que la société GFP avait mesuré les débits de renouvellement d'air lors de la mise en service des installations (p. 10 de ce document) et mentionne un courrier établi le 18 novembre 1996 figurant en annexe, celui-ci n'est pas produit aux débats, non plus que 'le procès-verbal d'essais et de vérification des installations de fonctionnement de conditionnement d'air' qui aurait été dressé le 13 septembre 1996, selon ce même document.

Il est donc établi que l'installation n'avait pas été conçue pour assurer un taux de renouvellement de l'air de 15 vol/h et ne le permettait effectivement pas et qu'elle a occasionné une concentration en gaz halogéné bien supérieure à 2 ppm dans la pièce. Elle ne présentait donc pas les conditions de sécurité recommandées par les pouvoirs publics et généralement admises par la profession, quand bien même il ne s'agit que de recommandations non sanctionnées.

Dans ces conditions, il doit être considéré qu'elle a violé son obligation contractuelle de mettre à la disposition de son praticien des installations présentant le degré de sécurité normalement attendu. Elle doit donc indemniser M. [V] du préjudice qui est résulté directement de cette violation contractuelle.

Cependant, il convient de souligner aussi que l'expert [G], s'appuyant sur divers travaux, dont ceux précités de la Caisse régionale d'assurance maladie d'île de France (Cramif) de 1992 et 1996, a indiqué qu'en tout état de cause, le système de ventilation et de renouvellement d'air d'une salle d'induction ne concourrait que partiellement à l'élimination des gaz d'anesthésie nécessairement présents dans un salle d'induction et ne pouvait suffire à leur élimination ; que la technique d'anesthésie entrait pour une grande part dans la concentration en gaz anesthésique à proximité du patient et donc du personnel médical ; que l'utilisation de système d'évacuation des gaz anesthésique (SEGA), destiné à évacuer le gaz non inhalé par le patient directement en dehors de la pièce se révélait plus efficace et que l'anesthésie en circuit ouvert, telle que pratiquée par le Dr [V], sans utilisation d'un système SEGA et/ou de doubles masques entraînait une diffusion des gaz non absorbés dans l'air ambiant. Le Dr [V], anesthésiste d'expérience, qui ne pouvait ignorer cet état des connaissances en matière d'anesthésie, aurait dû en tirer les conséquence au plan de sa pratique professionnelle.

Or, en l'espèce, il est établi par le procès-verbal de réception d'installation des distributions de gaz par canalisation, travaux réalisés par la société Air Liquide Santé, le 22 août 1996, que la salle d'induction était équipée de prises SEGA, dont la technicienne du LNE a constaté la présence lors de sa visite (p. 3 du rapport), de même qu'ultérieurement l'expert [G] (p. 22 du rapport). Par ailleurs, il est produit un courrier de la clinique en date du 20 novembre 1997, adressé aux médecins anesthésistes de la clinique leur 'signalant' que la salle était équipée, à leur demande et depuis son ouverture, de prises d'évacuation des gaz anesthésiques de type 'SEGA'. Il est donc établi que la clinique avait mis à la disposition de M. [V] un dispositif complémentaire du système de ventilation, permettant de limiter la pollution de l'air ambiant par les gaz, sans que la simple affirmation de M. [V] puisse permettre, en l'absence d'autres témoignages d'utilisateurs de la salle, de remettre en cause la présence de ces prises dès le mois de septembre 1996. L'indication du conseil de la société Dalkia, selon laquelle de telles prises n'auraient jamais été installées, ne peut davantage contredire les constatations de l'expert, la société Dalkia, en charge de la maintenance des systèmes de ventilation et de conditionnement d'air, n'ayant pas nécessairement eu connaissance des installations liées aux modalités d'anesthésie.

Le fait que le rapport [R] indique que le bon fonctionnement de ces prises avait été vérifié par la société de maintenance ne peut suffire à établir que tel avait bien été le cas, la société de maintenance n'ayant pas été présente lors de la visite de la technicienne et celle-ci n'ayant pas elle-même vérifié leur fonctionnement. Cependant, il appartient à M. [V] qui prétend que le système d'évacuation des gaz n'était pas opérationnel de l'établir, ce qu'il ne fait pas. De même, il n'indique pas avoir tenté d'utiliser ce système ou toute autre technique d'anesthésie qui lui aurait permis de réduire sensiblement la concentration en air pollué dans sa salle de travail, alors qu'il était maître de la technique qu'il utilisait et était en mesure de solliciter, en tant que de besoin, auprès de la clinique la fourniture des matériels lui permettant d'assurer sa propre sécurité, au-delà du système de ventilation de la salle d'induction. M. [V] ne démontre pas que le recours à une technique d'anesthésie utilisant les prises SEGA était incompatible ou déconseillé s'agissant de jeunes patients dans un service d'ophtalmologie.

Ainsi, si la clinique a violé ses obligations contractuelles, le Dr [V], qui pratiquait des anesthésies au masque en circuit ouvert sans prendre les précautions qui lui auraient permis de réduire la présence de gaz anesthésiques dans sa salle de travail, a commis une faute ayant contribué pour partie à la stagnation anormale de ces gaz dans la salle d'induction. Les prises SEGA mises à sa disposition jouant un rôle aussi important que les systèmes de ventilation générale de la pièce dans l'évacuation optimale des gaz, selon l'expert et les rapports de la Cramif, la responsabilité du Dr [V] dans la trop grande concentration de gaz dans l'air ambiant sera fixée à 50%. La clinique ne devra donc réparer le dommage qui en est résulté qu'à hauteur de ce même pourcentage.

Sur l'origine de l'hépatite présentée par le Dr [V] :

Le Dr [V] soutient que l'hépatite qu'il a présentée est liée à l'inhalation de gaz halogéné dont la concentration était excessive dans sa salle de travail.

Il ressort du dossier qu'anesthésiste depuis 1975, il a travaillé à compter de 1990, principalement en chirurgie ophtalmologique infantile et qu'il a intégré en septembre 1996 la clinique [1], pour être le principal anesthésiste de l'équipe de chirurgie ophtalmologique, travaillant 5 jours sur 7 avec environ trois demi journées par semaine consacrées à l'anesthésiologie d'enfants, opérés exclusivement à l'aide de Fluothane (soit 15 à 20 inductions par semaine).

Selon le rapport des Dr [T], [U] et [K], déposé le 8 mars 2000, la chronologie du développement de la pathologie de M. [V] a été la suivante :

- octobre 1996 : premiers inconforts ressentis dans la salle d'induction, avec chaleur importante et forte odeur de gaz (alors que le début d'activité a eu lieu en septembre 1996),

- novembre 1996 : sentiment d'asthénie en fin de journée, de somnolence, d'irritabilité,

- début 1997, douleurs à type de pesanteur et de lourdeur sous-costales et au niveau du creux épigastrique, associées à des migraines,

- mai 1997 : consultation d'un spécialiste de l'appareil digestif, le Dr [M], qui constate 'une hépato-splénomégalie avec sténose très importante et début d'hypertension portale échographique'

- été 1997 : une cure d'amaigrissement est suivie. Le Dr [V] va mieux,

- septembre 1997 : reprise des symptômes avec la reprise du travail,

- le 24 octobre 1997 : nouvelle consultation médicale. Une biopsie confirme l'existence d'une lésion hépatique.

Les experts, qui ont examiné M. [V] en septembre 1999, ont recherché l'imputabilité de la pathologie à l'halothane selon les méthodes utilisées en pharmaco-vigilance et ont conclu que l'imputabilité de l'affection hépatique à l'halothane était douteuse, 'mais que la séquence chronologique des troubles digestifs et des perturbations biologiques hépatiques, une notion d'exposition documentée et une amélioration clinique lors de la suppression de l'exposition ont convaincu le malade et ses médecins de la causalité'. Ils ont indiqué :

- que M. [V] présentait une stéatose hépatique modérée et un état anxio-dépressif important ne pouvant être pris en charge pharmacologiquement en raison des lésions hépatiques,

- que la réapparition des troubles digestifs, hélas non documentés, lors de la reprise du travail ont été interprétés, de même que l'histologie, comme une preuve formelle de causalité,

- que l'exposition précédente prolongée à l'halothane sans manifestation ne permet pas d'exclure la survenue ultérieure d'une atteinte hépatique liée à ce produit, les conditions d'exposition ayant été modifiées et le patient ayant pu modifier son état somatique,

- que toutes les autres causes connues de la pathologie ont été éliminées.

En réponse aux dires (p.9/12 du rapport), les experts ont précisé, pour clarifier l'expression 'imputabilité douteuse' : 'une preuve formelle ne peut être apportée ni dans un sens ni dans l'autre (...) ; il est vrai qu'il n'y a pas par ailleurs d'explication alternative identifiée aux perturbations observées'.

Ainsi, si la certitude médicale de l'existence d'un lien de causalité direct ne peut être acquise en l'espèce, notamment en raison de l'absence de réalisation 'd'examen spécifique fiable permettant de confirmer une hépatite à l'halothane (recherche d'anticorps spécifiques)', un ensemble d'indices permet de retenir qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de l'existence de ce lien de causalité.

Ces indices sont constitués par le fait que la toxicité hépatique des gaz halogénés est médicalement reconnue (l'hépatite toxique à l'halothane est inscrite dans la liste des maladies professionnelles de la sécurité sociale, depuis 1989, RG89), que le Dr [V] a pratiqué des inductions à l'aide de tels gaz, en circuit ouvert, laissant s'échapper ces gaz dans l'air ambiant, par la chronologie des symptômes ci-dessus décrite, notamment par le fait que M. [V] était exempt de toute atteinte hépatique en juillet 1996 et que les symptômes ont disparu pendant l'arrêt estival de l'activité en août 1997 et sont réapparus à la reprise du travail ainsi que par l'importance de leur régression, puis leur disparition, après l'arrêt de l'activité, enfin, par l'absence d'autre cause possible, étant observé que l'alcoolisme a été éliminé faute de stigmate biologique pouvant l'évoquer, ainsi que la contamination virale, et que le sur poids de M. [V] était modéré.

Cette imputabilité est également fondée sur les avis des divers hépatogastroentérologues, les Dr [W], [A] et [P], consultés par M. [V], qui ne peuvent être écartés. Ces spécialistes, dont la compétence est reconnue, ont considéré que l'origine toxique de l'hépatite était hautement vraisemblable ( pièces 42,46 et 56, pour le Dr [P], pièce 54 pour le Dr [W] et 69 pour le Dr [A]).

Par ailleurs, la circonstance que M. [V] aurait été le seul membre du personnel médical ou paramédical à présenter une telle atteinte, alors qu'il n'était pas seul à travailler dans la salle d'induction, à la supposer établie, ne peut suffire à contredire ces présomptions d'imputabilité, la sensibilité de chaque personne à l'exposition à ces gaz étant différente et pouvant évoluer au fil du temps et le degré d'exposition au gaz des autres membres du personnel n'étant pas déterminé, en l'absence de donnée concernant leur travail exact.

Enfin, le très faible nombre de cas rapportés par la littérature médicale concernant la contamination des professionnels de santé par les gaz anesthésiques ne peut, en soi, constituer un élément déterminant de la réalité du lien entre ces gaz et l'hépatite développée par le Dr [V].

Il sera donc retenu que l'hépatite qu'il a présentée est en lien de causalité direct avec son travail au sein de la clinique et la concentration excessive en gaz halogénés dans sa salle de travail.

Il y a donc lieu de condamner la clinique à réparer les conséquences dommageables de l'hépatite pour M. [V] à hauteur de 50%.

Sur la garantie du GAN :

Au cas où sa responsabilité serait retenue, la clinique sollicite, à titre principal, la garantie du GAN, son assureur à compter du 1er janvier 1997.

Elle soutient, à titre infiniment subsisdiaire, qu'elle doit être garantie dans le cadre d'une co-assurance ou d'assurances cumulatives, faisant valoir que le fait générateur, l'exposition au gaz, 'a été continu dans le temps alors que deux assurances 'fait générateur' se sont succédé et que les effets de cette exposition se sont révélés après que le contrat avec le Gan ait été souscrit'. Dans ses conclusions du 26 septembre 2013, qui semblent prises partiellement pour la société AXA, son assureur, plutôt qu'en son seul nom en ce qui concerne le paragraphe F (p. 23 des conclusions), elle conclut que 'seule une indemnisation au 'prorata temporis' pourra intervenir et seule l'indemnisation d'une part infime du préjudice pourra être supportée par la concluante, la durée d'exposition couverte par le contrat Gan étant bien plus importante que celle couverte par le contrat souscrit auprès de la concluante'. Il sera donc retenu qu'à titre subsidiaire, la clinique sollicite la garantie de la société Axa, son assureur jusqu'au 31 décembre 1996, et que les deux assureurs devraient se répartir la charge de la réparation au prorata temporis de l'exposition de M. [V] au gaz.

Cependant, la clinique ne caractérise pas que les conditions d'une co-assurance ou d'une assurance cumulative seraient réunies. En effet, il n'est invoqué l'existence d'aucune clause de co-assurance liant les deux assureurs par laquelle ils s'engageraient à assurer ensemble les sinistres pouvant survenir. Par ailleurs, il n'est pas indiqué en quoi il existerait un cumul d'assurance, les dates de prise d'effet du contrat de chaque assureur, chacun sur la base du fait dommageable, étant différentes et successives.

Les contrats d'assurance, tant du Gan que d'Axa ont été conclus avant la loi du 1er août 2003, de sorte que l'article L. 124-5 du code des assurances n'est pas applicable en l'espèce.

Aux termes du contrat Gan, la garantie 's'applique aux réclamations notifiées à l'assureur et afférentes aux faits ou événements dommageables survenus entre les dates de prise d'effet et de cessation des effets' de la convention (p.2 du contrat). Les notions de fait ou événement dommageable n'étant pas définies au contrat, elles doivent s'entendre comme la cause génératrice du dommage qui ne peut se confondre avec le dommage lui-même.

En l'espèce, le dommage consiste dans l'hépatite toxique et ses conséquences de toute nature (médicales, professionnelles et morales). La cause génératrice de ce dommage réside dans l'installation de ventilation dont les insuffisances, tant de conception que de fonctionnement, ont été retenues et ne peut consister dans les manifestations de la maladie présentée par le Dr [V], ni dans ses conséquences, notamment les arrêts de travail qui lui ont été prescrits, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

L'installation ayant été mise en fonctionnement en septembre 1996 et les travaux achevés en novembre 1996 et les problèmes de fonctionnement ayant été constatés dès la mise en service de la salle d'induction (cf : Compte rendu de la réunion du 1er octobre 1997 indiquant 'depuis le démarrage de la clinique (1996) elle se trouve confrontée à une série de problèmes techniques liés au conditionnement d'air' et les premiers symptômes ressentis par le Dr [V] en octobre 1996 - rapport [T], [K] et [U] p. 7), le fait dommageable est antérieur à la prise d'effet du contrat Gan le 1er janvier 1997. Cette société n'a donc pas à le garantir.

Bien que la société Axa n'ait pas produit le contrat qui la liait à la clinique, elle ne conteste pas que celui-ci prévoyait une garantie pour tout fait dommageable survenu durant la période d'effet du contrat, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1996. Cette société doit donc sa garantie à la clinique.

Sur les actions récursoires de la clinique et de son assureur.

La clinique sollicite en premier lieu la garantie de la SCP d'architectes ou à défaut, celle de la société Dalkia, s'il devait être retenu que l'insuffisance du système de ventilation était imputable à un défaut de maintenance.

* Sur l'action dirigée contre la SCP d'architectes

Il ressort de la lecture du contrat, signé le 8 décembre 1995, liant la clinique à la SCP que cette dernière était investie d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, depuis la réalisation des études préliminaires, avec analyse du programme proposé par le maître de l'ouvrage, en passant par la direction et l'exécution des marchés de travaux et jusqu'à la réception de ceux-ci.

La responsabilité de la SCP est recherchée par la clinique tant sur le fondement de l'article 1792 que sur celui de l'article 1147 du code civil. Cependant, la clinique ne rapporte pas la preuve que les conditions d'application du premier de ces textes soient réunies et ne fournit aucune explication sur les conditions de mise en oeuvre de cette garantie au cas d'espèce (la date de la réception n'est notamment pas précisée ni le procès-verbal produit). Elle invoque qu'il appartenait à l'architecte de s'assurer des normes applicables en matière de renouvellement de l'air et que la SCP était tenue d'un devoir de conseil renforcé à son égard puisqu'elle-même n'est pas un professionnel. C'est donc sur le terrain de l'article 1147 du code civil que sera examinée la demande de garantie dirigée contre la SCP.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède que le système de ventilation n'a pas été conçu pour respecter les normes conseillées en matière d'évacuation des gaz d'anesthésie et avait une performance inférieure de 17% à ces normes, le jour à M. [G] l'a mesurée, et encore bien inférieure en novembre 1997. Si, en principe, le maître de l'ouvrage est seul responsable de l'expression de ses souhaits au regard de la construction, il ressort de la mission de maîtrise d'oeuvre complète qui avait été confiée à la SCP qu'il appartient à cette dernière d'examiner le programme élaboré par le maître de l'ouvrage. Par ailleurs, s'il peut être considéré que le maître de l'ouvrage était notoirement compétent dans le domaine de la construction de clinique, pour appartenir à un groupe propriétaire de nombreux établissements de santé et avoir été conseillé par un représentant de ce groupe lors des travaux de rénovation, cette circonstance ne dispensait pas l'architecte de remplir son devoir d'information et de conseil, en l'avertissant de l'insuffisance de l'installation de renouvellement de l'air prévue au regard de recommandations unanimement admises dans la profession. La SCP ne rapporte pas la preuve d'avoir mis en garde le maître de l'ouvrage quant aux débits de renouvellement d'air qu'il prévoyait pour la salle d'induction. Elle devra donc garantir la clinique des réparations qu'elles devra à M. [V].

Le fait que le bureau d'étude des fluides que la SCP avait engagé, la société ACE, n'ait formulé aucune réserve est sans incidence sur la responsabilité de la SCP à l'égard de la clinique, le maître d'oeuvre étant garant des entreprises auxquelles il a fait appel, étant relevé que la SCP ne formule aucune demande contre cette société et que le bureau d'étude, en l'absence de stipulation contractuelle particulière, n'est pas responsable de la conception.

Enfin, le fait qu'un défaut d'entretien ait pu accroître les insuffisances de l'installation ne constitue pas davantage une cause de limitation de sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage, dès lors que le défaut de conception a contribué à la réalisation de l'entier dommage subi par M. [V] que la clinique doit indemniser.

* Sur l'action dirigée contre la société Dalkia

Se fondant sur les conclusions de l'expert [G], qui a indiqué que les dysfonctionnements épisodiques constatés dans l'installation pourraient être imputables à l'entretien de celle-ci, la clinique invoque la responsabilité de la société Cometherm, aux droits de laquelle vient la société Dalkia, dont elle soutient qu'elle était chargée de la maintenance de cette installation.

Si les opérations réalisées par l'expert [R], en l'absence de la société Cometherm, ne peuvent servir d'unique base à une condamnation de cette société, il convient de constater que la preuve des défaillances de l'installation de ventilation ne repose pas uniquement sur ce rapport mais sur d'autres pièces produites au dossier, notamment le rapport de l'expert [G], qui a mesuré un taux de renouvellement d'air inférieur à la capacité théorique de l'installation de ventilation, et les compte rendus de réunions et témoignages de personnes ayant travaillé dans la clinique. Dès lors, la société Dalkia ne peut sérieusement soutenir que l'installation n'a pas présenté d'insuffisance ayant entraîné une stagnation anormale de gaz anesthésiques.

Le contrat signé par la société Cometherm avec la clinique le 8 octobre 1996, avec effet au 1er novembre 1996, malgré sa rédaction elliptique, s'analyse à l'évidence en un contrat de maintenance, contrairement à ce que soutient la société Dalkia. En effet, il s'intitule 'Entretien des installations de chauffage, de climatisation, de production d'eau chaude sanitaire, de traitement d'eau, de traitement d'air et de filtration' et avait pour objet 'l'assistance technique et les dépannages dans des conditions limitativement définies au contrat', portant sur ces installations (art. 1 du contrat). Il prévoyait des visites 'd'entretien préventif', selon une fréquence indicative, ainsi que des interventions de dépannage. Par ailleurs, au terme d'une analyse détaillée du contrat, l'expert [G] a conclu qu'il s'agissait bien d'un contrat de maintenance et que les installations de ventilation de la salle d'induction étaient couvertes par ce contrat, sans que la société Dalkia n'articule aucun argument permettant de réfuter cette analyse.

Or, l'expert a noté que 'l'analyse des attachements édités par la société Cometherm pour justifier des tâches accomplies dans le cadre de la maintenance et/ou de l'entretien des installations révèle qu'à l'exception d'un contrôle des équipements et d'un relevé de mesures effectué le 22 mars 1997, aucune intervention particulière et spécifique aux installations de la salle d'induction n'a été accomplie jusqu'au 12 novembre 1997, date à laquelle elle est intervenue sur un appel relatif à un manque de débit dans les salles de réveil et d'induction'. La société Dalkia ne s'appuie sur aucun fait précis pour réfuter ces indications, étant observé qu'elle n'a produit aux débats aucun rapport de ses interventions et qu'un seul rapport de visite figure au dossier, produit par le Dr [V] (pièce 113), relatif aux interventions des 12 et 14 novembre 1997, contemporaines des opérations du LNE. Si la société Dalkia fait valoir qu'elle établit ainsi avoir satisfait à son obligation de contrôle annuel, il faut rappeler que le contrat stipule, s'agissant du plan d'entretien préventif, que 'la fréquence des interventions est donnée à titre indicatif et sera adaptée aux conditions de fonctionnement' et qu'aucun élément ne permet de retenir, comme cette entreprise le soutient, que les visites périodiques consistaient en de simples 'contrôles visuels'.

Enfin, il résulte d'un courrier du 26 juin 1997de la société Billis adressée à la clinique que cette société, qui avait procédé à une vérification générale du conditionnement d'air au Bloc opératoire, avait mis en cause la qualité de l'entretien des centrales de traitement d'air (pièce n°13 produite par la clinique).

Dès lors qu'il est acquis que la ventilation générale de la salle n'avait pas un débit conforme aux possibilités de l'installation et qu'à certains moments, elle avait pu être gravement insuffisante, la responsabilité de l'entreprise de maintenance de l'installation, au vu de ce qui précède, est engagée. Cette société, qui a participé à la réalisation de l'entier dommage subi par M. [V], comme la SCP d'architectes, sera condamnée in solidum avec celle-ci à garantir la clinique de l'ensemble des condamnations prononcées contre la clinique.

Sur la responsabilité des autres intervenants :

La clinique invoque également la garantie de la société GFP, assurée par la société Axa France Iard, qui a installé le système de ventilation de la salle d'induction. Cependant, elle n'allègue aucune faute contractuelle à l'encontre de cette société et l'expert ne note aucun vice dans la réalisation de l'installation. Cette société sera donc mise hors de cause.

La clinique recherche encore la garantie de la société Acte iard, assureur de la société ACE, bureau d'étude fluides. Cependant, cette dernière société était un sous-traitant du cabinet d'architectes qui ne formule aucune demande contre elle et n'était pas en lien contractuel avec la clinique. En outre, cette dernière n'invoque aucune faute à l'encontre de la société ACE. Sa demande dirigée contre la société Acte iard sera donc rejetée.

Enfin, la clinique sollicite la garantie de la Socotec, contrôleur technique, avec laquelle elle avait passé un contrat, sans toutefois produire celui-ci, le contrat n'étant pas davantage produit par la Socotec. La preuve de l'étendue des engagements pris par celle-ci n'est donc pas rapportée, étant relevé que l'activité de contrôle exclut toute participation à la conception des installations et qu'il n'est pas soutenu que la Socotec aurait contrevenu à l'interdiction faite aux organismes de contrôle de s'immiscer dans la conception des ouvrages. Dans ces conditions, la clinique ne rapporte pas la preuve que cette société aurait méconnu ses obligations contractuelles. Cette société sera donc mise hors de cause.

Sur le préjudice du Dr [V] :

Les experts ont quantifié ainsi le préjudice lié à l'atteinte hépatique :

- incapacité temporaire totale : 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998, date de consolidation,

- pas de souffrances endurées ou de préjudice esthétique,

- pas d'altération du fonctionnement physiologique du foie, sans évolution à prévoir, mais syndrome dépressif modéré avec épisodes hypocondriaques intermittents entraînant un déficit pouvant être quantifié de 15 à 20%.

- compte tenu de l'état anxio-dépressif, de l'âge et des avis multiples concordants et répétés des diverses autorités médicales, il ne paraît pas envisageable que M. [V] reprenne son activité dans les conditions antérieures ou dans d'autres conditions.

Ces constatations médico-légales ne sont pas critiquées par les parties, sauf sur certains points par M. [V] qui seront évoqués plus loin, et serviront de base à l'évaluation du préjudice de ce dernier, sous réserve de ce qui sera précisé poste par poste.

Compte tenu de ces éléments et de l'âge de M. [V], né le [Date naissance 1] 1948, il y a lieu de fixer ainsi qu'il suit son préjudice, en tenant compte de la limitation de la responsabilité de la clinique précédemment retenue.

A titre préalable, il est relevé d'office par la cour que la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale auquel est affilié M. [V], qui lui verse depuis le 20 juillet 1999, une pension d'invalidité (attestation de cet organisme, pièce 68 du Dr [V]) et lui a versé des indemnités journalières, n'a pas été appelée à la cause alors qu'en vertu des articles 29, 30 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, ces indemnités ouvrent droit à un recours subrogatoire, malgré les indications contraires données à l'expert [G] par cet organisme (p. 17 du rapport).

Les indemnités journalières et la pension d'invalidé ayant vocation à s'imputer respectivement, d'une part, sur le poste de pertes de gains professionnels actuels, d'autre part, sur les postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle et, au besoin, en cas d'excédent, sur le poste de déficit fonctionnel permanent, la juridiction ne peut statuer sur le préjudice de M. [V] au titre de ces postes en ignorant le montant définitif de la créance de cet organisme.

La réouverture des débats s'impose donc en ce qui concerne les préjudices professionnels de M. [V] avant et après consolidation et le déficit fonctionnel permanent ce qui permettra, en outre, de recueillir les observations des parties sur cette imputation.

1. Préjudices patrimoniaux :

a. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

. Dépenses de santé :Sursis

Ces dépenses sont constituées des prestations prises en charge par la CPAM des Alpes maritimes, selon l'état qu'elle a produit et qui n'est pas contesté, la victime n'invoquant pas de frais médicaux ou assimilés restés à charge. Selon cet état, les dépenses de santé se sont élevées à la somme de 221,28 euros, pour la période du 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998.

Cependant, la victime étant affiliée à un autre régime obligatoire, la CARMF, il y a lieu d'enjoindre à M. [V] de produite l'état des dépenses de santé éventuellement prises en charge par celle-ci, de sorte qu'il sera sursis à statuer sur ce poste de préjudice.

. Perte de gains professionnels actuels :Sursis

Ce préjudice résulte de la perte ou de la réduction de revenus au cours de l'arrêt temporaire des activités professionnelles en lien direct et certain avec l'accident, dont l'expert indique qu'il a été total du 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998, date de consolidation.

Le Dr [V] soutient qu'à cette époque il réalisait un résultat annuel moyen de 246 582,17 euros et que sa perte de redevenus, sur 11 mois, est donc de 226 033,65 euros, dont il convient de déduire les indemnités journalières qu'il a perçues de la CARMF pour un montant de 16 510,24 euros. La clinique s'oppose à cette demande dans son principe et dans son montant, faisant valoir que le chiffre avancé n'est attesté par aucune pièce. La société Dalkia et la SCP s'opposent également à cette demande, cette dernière soutenant que M. [V] a continué à percevoir des revenus pendant cette période.

M. [V] produit au soutien de sa demande un 'rapport d'évaluation rectificatif du préjudice' le concernant établi par la société d'expertise comptable Tetra fiduciaire, de trois pages, relatif à l'ensemble du préjudice patrimonial invoqué par M. [V], y inclus la perte de droits à la retraite. Cependant, ce document très succinct n'indique pas à partir de quels documents il a été établi, ceux-ci n'étant pas annexés, et n'a pas été dressé contradictoirement.

En outre, il paraît en contradiction avec certaines pièces produites aux débats qui permettent de penser que le Dr [V] a continué à percevoir sa quote-part dans la société civile professionnelle jusqu'en 1998.

En effet, il résulte du protocole d'accord signé le 29 juin 1999, destiné à régler les modalités du retrait de M [V] de la société, que 'pendant les absences du Dr [V], ses associés ont continué d'exercer et les revenus du Dr [V] ont été maintenus de sorte que pour l'année 98 la répartition du résultat a été la suivante : [V] : 1 040 999 F (158 699,27€), [C] : 1 591 577 F (242 634,34€) et [O] 1 591 577 F (242 634,34€)'. Ce document précise encore que 'cette répartition a été faite d'accord express entre les associés pour tenir compte d'un certain nombre de paramètres, par dérogation aux statuts et pour préserver le Dr [V]. Les associés donnent quitus de cette répartition'.

Cet accord a été confirmé lors de l'assemblée générale de la société du 30 juin 1999, lors de laquelle une rémunération de 240 000 F (36 587,76€) a encore été versée à M. [V] au titre de sa gérance pour l'année 1999.

Enfin, sont produites aux débats, les lettres émanant de la clinique adressées au Dr [V] lui notifiant le versement d'honoraires entre les mois de Novembre 1997 et de février 1999. Il est donc établi qu'il a perçu des revenus, au moins partiels, durant la période d'arrêt de travail.

Ces éléments permettent de douter de la réalité de la perte de gains alléguée par le Dr [V] durant la période avant consolidation. Par ailleurs, le Dr [V] n'a produit aucun document fiscal. La cour n'est donc pas en mesure d'évaluer l'existence d'une perte de gains professionnels durant la période avant consolidation.

Il sera donc sursis à statuer sur la demande formée de ce chef et enjoint au Dr [V] de produire ses avis d'imposition au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998 et de s'expliquer sur l'incidence des mentions du protocole d'accord sur ses pertes de gains.

b. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

. Dépenses de santé futuresSursis

M. [V] indique qu'il subit toujours régulièrement des examens médicaux et bénéficie également d'un suivi psychothérapique toutes dépenses prises en charge par la sécurité sociale. Aucun état de ces dépenses engagées depuis la date de consolidation et de celles prévisibles n'étant produit, la juridiction n'est pas en mesure de statuer sur ce poste. Il y a lieu de surseoir à statuer de ce chef, dans les termes du dispositif ci-après.

. Pertes de gains professionnels futurs et Incidence professionnelle : Il sera sursis à statuer ainsi qu'indiqué précédemment.

2. Préjudices extra-patrimoniaux :

a. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

. Déficit fonctionnel temporaire :7 700 €

Ce poste de préjudice cherche à indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle, dégagée de toute incidence sur les revenus professionnels, pendant la période avant la consolidation de ses blessures.

Les troubles ressentis par le Dr [V] durant la période avant consolidation ont été de nature hépatique, entraînant une asthénie, une pesanteur dans la région sous costale, sans nausée ni vomissement. En conséquence, le déficit fonctionnel temporaire sera évalué sur la base d'une somme d'environ 700 euros par mois, soit à la somme de 7 700 euros pour les 11 mois s'étant écoulés entre le diagnostic et la consolidation.

Compte tenu de la limitation à 50% de la responsabilité incombant à la clinique, il lui revient la somme de 3 850 euros de ce chef.

. Souffrances endurées : 8 000 €

Doivent être indemnisées à ce titre toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique.

Si les experts ont indiqué que ce poste de préjudice n'existait pas en ce qui concerne M. [V], cette conclusion, qu'il conteste, ne peut être retenue. En effet, ce poste doit inclure, non seulement les souffrances physiques, mais aussi celles de nature psychique liées à l'inquiétude du Dr [V] quant à la gravité potentielle de sa pathologie et à la réalisation de ce qu'il ne pourrait plus exercer sa profession en raison des risques que lui feraient courir de nouvelles expositions aux gaz d'anesthésie.

Les souffrances subies par M. [V] avant consolidation seront évaluées à la somme de 8 000 euros.

Compte tenu de la limitation à 50% de la responsabilité incombant à la clinique, il lui revient la somme de 4 000 euros de ce chef.

b. Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

. Déficit fonctionnel permanent : pour les raisons précédemment invoquées, il sera sursis à statuer de ce chef.

La clinique, au titre des postes de préjudice liquidés, sera condamnée à verser à M. [V] la somme de 7 850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en application de l'article 1153-1 du code civil.

Il est sursis à statuer sur l'ensemble des postes de nature patrimoniale (dépenses de santé actuelles, pertes de gains professionnels actuels, pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle) ainsi que sur le poste de déficit fonctionnel permanent, dans les conditions du dispositif ci-après.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu du sursis à statuer ordonnée, les dépens seront réservés.

L'équité ne commande pas d'accueillir les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par les sociétés Gan, Acte Iard, Socotec et GFP qui sont mises hors de cause.

Il est sursis à statuer sur les demandes formées sur le même fondement par M. [V] et par la clinique, la SCP d'architectes et la société Dalkia.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement,

- Dit que la clinique [1] est responsable à hauteur de 50% des préjudice subis par M. [V],

- Condamne la société Axa France Iard à garantir le sinistre en qualité d'assureur de la clinique [1],

- Condamne, in solidum, la SCP Rigal et Bargas et la société Dalkia à garantir la clinique [1] de toutes les condamnations prononcées contre elle,

- Fixe le préjudice de M. [V] au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées à la somme de 15 700 euros,

- Condamne la clinique à lui verser au titre de ces deux postes, la somme de 7 850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2012,

- Sursoit à statuer sur tous les autres postes et enjoint à M. [V] :

* de mettre en cause la Caisse autonome de retraite des médecins de France et de produire l'état des sommes perçues ou à percevoir de cet organisme au titre des dépenses de santé, actuelles et futures, des indemnités journalières et de la pension d'invalidité (arrérages perçus et capital représentatif), avant le 16 février 2015,

* de produire ses avis d'imposition au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998, avant le 31 mars 2015,

* de s'expliquer sur les mentions du protocole d'accord signé avec ses associés le 29 juin 1999 concernant le maintien de ses revenus et de la distribution de sa part dans les résultats de la société civile professionnelle entre le 7 novembre 1997 et le 12 octobre 1998, avant le 31 mars 2015,

- Met hors de cause les sociétés Gan Assurances, ACTE iard, Socotec et Axa France iard en sa qualité d'assureur de la société Générale Frigorifique de Provence ainsi que Me [P] représentant la société ACE,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de ces parties,

- Sursoit à statuer sur toute autre demande et renvoie à la mise en état sur ces points,

- Réserve les dépens.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/09898
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/09898 : Décision tranchant pour partie le principal


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;12.09898 ?
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