COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 DECEMBRE 2014
N°2014/ 724
Rôle N° 12/13596
SARL COBIS MARKET
C/
Société GROUPAMA MEDITERRANEE
Etablissement EUROMEDITERRANEE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SELARL BOULAN
SCP MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Juillet 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2011F03188.
APPELANTE
SARL COBIS MARKET,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Société GROUPAMA MEDITERRANEE
(venant aux droits de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE ALPES MEDITERRANEE - GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE)
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Jean-pierre TERTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
substitué par Me Joël MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
Etablissement EUROMEDITERRANEE,
dont le siége social est [Adresse 4]
représentée par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Xavier BLANC de la SCP BERENGER M/BLANC X/ BURTEZ DOUCEDE OLIVIER, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine DURAND, Président, et Madame Anne CHALBOS, Conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine DURAND, Président
Madame Anne CHALBOS, Conseiller rapporteur
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014.
Signé par Madame Catherine DURAND, Président, et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société COBIS MARKET exploitait un fonds de commerce de produits textiles dans un local situé [Adresse 3] sur lequel elle bénéficiait d'un bail commercial.
L'immeuble de la bailleresse a fait l'objet d'une procédure d'expropriation au profit de l'EPIC EUROMÉDITERRANÉE.
Par jugement du 15 janvier 2009, le juge de l'expropriation du département des BOUCHES-DU-RHÔNE a fixé le montant des indemnités dues à la société COBIS MARKET, occupante de l'immeuble, du fait de son éviction.
EUROMÉDITERRANÉE et la société COBIS MARKET ont fait appel de cette décision.
Selon convention signée le 10 juin 2010, exposant que l'expropriant avait procédé à la consignation de l'indemnité le 29 mars 2010 et à la notification de cette consignation le 6 avril 2010, EUROMÉDITERRANÉE a accordé à la société COBIS MARKET l'autorisation de se maintenir dans les lieux jusqu'au 15 août 2010, moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation de 1060,50 € par mois jusqu'au 31 juillet 2010. La société COBIS MARKET a libéré les lieux à la date convenue.
Par acte en date du 16 septembre 2011, la société COBIS MARKET a fait assigner devant le tribunal de commerce de MARSEILLE l'établissement public EUROMÉDITERRANÉE et l'assureur de ce dernier aux fins d'obtenir l'indemnisation des conséquences de deux sinistres par infiltration d'eaux pluviales qu'elle déclarait avoir subis les 15 et 17 juin 2010.
Par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de commerce de commerce a :
- déclaré valable l'assignation introductive d'instance,
- débouté la société COBIS MARKET de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société COBIS MARKET à payer à chacune des défenderesses la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal a notamment considéré qu'au moment du sinistre, la société COBIS MARKET était occupante sans droit ni titre depuis le 7 mai 2010 et ne pouvait plus se prévaloir des obligations résultant du bail.
La société COBIS MARKET a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 17 juillet 2012.
Par conclusions déposées et notifiées le 29 octobre 2014 elle demande à la cour, vu les articles 1719 et 1720 du code civil, de :
- réformer intégralement la décision rendue le 5 juillet 2012 par le tribunal de commerce de MARSEILLE,
- débouter l'EPIC EUROMÉDITERRANÉE et son assureur de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner solidairement à lui régler :
- 21572,45 € au titre de la réparation des conséquences d'un sinistre du 15 juin 2010,
- 19446,40 € au titre de la réparation des conséquences d'un sinistre du 17 juin 2010,
- 30000 € de dommages et intérêts,
- 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON.
Elle soutient qu'au moment du sinistre elle n'était pas occupante sans droit ni titre mais bénéficiait d'un bail commercial et d'une convention signée entre les parties l'autorisant à rester dans les lieux jusqu'au 16 août 2010, de sorte que le bailleur était tenu d'assumer ses obligations jusqu'à cette date.
Elle invoque les dispositions de l'article L145-28 du code de commerce aux termes duquel aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue.
Elle fait valoir que la responsabilité du bailleur a été retenue dans de précédentes instances relatives à des sinistres de même origine, la cour d'appel ayant relevé que l'expropriant avait laissé pendant plusieurs années son occupant avec une toiture fuyarde sans effectuer la moindre réparation.
Par conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2014, portant demande de révocation de l'ordonnance de clôture, l'EPIC EUROMÉDITERRANÉE demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter purement et simplement la société COBIS MARKET de toutes ses demandes, fins et actions,
- subsidiairement, condamner GROUPAMA MÉDITERRANÉE à le relever et garantir intégralement de toutes condamnations,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Paul et Joseph MAGNAN.
Il prétend que la société COBIS MARKET était occupante sans droit ni titre en application des articles L15-1 et L15-2 du code de l'expropriation,
que le protocole du 10 juin 2010 ne crée d'obligation à EUROMÉDITERRANÉE que d'accorder un délai de grâce, que la société COBIS a sollicité en connaissance de cause.
Il conteste l'étendue et la réalité du préjudice allégué.
Par conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2012, la compagnie GROUPAMA MÉDITERRANÉE demande à la cour, vu les articles 1104 et 1984 du code civil, de :
- confirmer la décision rendue le 5 juillet 2012,
- constater que les sinistres survenus les 14 et 17 juin 2010 ne revêtent pas un caractère aléatoire susceptible de mettre en jeu les garanties dont bénéficiait EUROMÉDITERRANÉE auprès de GROUPAMA MÉDITERRANÉE,
- débouter la société COBIS MARKET et l'établissement EUROMÉDITERRANÉE de toutes demandes dirigées à l'encontre de GROUPAMA MÉDITERRANÉE,
- les condamner au paiement de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître CHERFILS.
Elle prétend qu'en s'abstenant de procéder, après plusieurs précédents sinistres de même origine, aux travaux d'entretien et de réparation, EUROMÉDITERRANÉE a privé de tout aléa le contrat d'assurance, en rendant inéluctable par fortes pluies le sinistre dégâts des eaux objet de la présente procédure.
La procédure a été clôturée le 29 octobre 2014.
Par conclusions de procédure déposées et notifiées le 10 novembre 2014, la compagnie GROUPAMA MÉDITERRANÉE demande le rejet des conclusions notifiées pour le compte de la SARL COBIS MARKET le 29 octobre 2014 et pour le compte de la société EUROMÉDITERRANÉE le 31 octobre 2014.
Par conclusions de procédure déposées et notifiées le 10 novembre 2014, la SARL COBIS MARKET demande à la cour de déclarer recevables ses conclusions signifiées le 29 octobre 2014 et subsidiairement, d'ordonner le renvoi de l'affaire.
MOTIFS :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Aux termes de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
La signification, le jour de la clôture, de nouvelles conclusions par la SARL COBIS MARKET, dont le rejet est par ailleurs demandé par la compagnie GROUPAMA MÉDITERRANÉE, ne constitue pas en soi une cause grave au sens du texte précité.
La demande de révocation de la clôture sera rejetée, ce rejet entraînant l'irrecevabilité des conclusions au fond notifiées le 31 octobre 2014 par EUROMÉDITERRANÉE.
Il sera donc statué sur les conclusions précédemment notifiées par EUROMÉDITERRANÉE le 3 décembre 2012 aux fins d'entendre :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter purement et simplement la société COBIS MARKET de toutes ses demandes, fins et actions,
- subsidiairement, condamner GROUPAMA MÉDITERRANÉE à le relever et garantir intégralement de toutes condamnations,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Paul et Joseph MAGNAN.
Sur la recevabilité des conclusions notifiées le jour de la clôture :
Les conclusions notifiées le 29 octobre 2014 par la SARL COBIS MARKET ne comportent aucune prétention nouvelle par rapport aux conclusions précédemment notifiées le 17 octobre 2012.
Elles soulèvent toutefois un moyen nouveau tiré de l'inconstitutionnalité des articles L15-1 et L15-2 du code de l'expropriation.
Le fait de notifier ces conclusions le jour même de la clôture, alors que les parties étaient informées depuis le 29 avril 2014 de la date de plaidoirie et de clôture, et que le moyen se fonde sur des éléments connus de longue date, à savoir une décision du conseil constitutionnel du 6 avril 2012 et une loi du 28 mai 2013, porte atteinte à la loyauté des débats et place les intimés dans l'impossibilité de répliquer.
Ces dernières conclusions seront donc rejetées sur le fondement des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, comme portant atteinte au principe du contradictoire, et il sera statué sur les précédentes conclusions notifiées le 17 octobre 2012 par la société COBIS MARKET aux fins d'entendre :
- réformer intégralement la décision rendue le 5 juillet 2012 par le tribunal de commerce de MARSEILLE,
- débouter l'EPIC EUROMÉDITERRANÉE et son assureur de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner solidairement à lui régler :
- 21572,45 € au titre de la réparation des conséquences d'un sinistre du 15 juin 2010,
- 19446,40 € au titre de la réparation des conséquences d'un sinistre du 17 juin 2010,
- 30000 € de dommages et intérêts,
- 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON.
Au fond :
Il résulte des termes d'un arrêt rendu par cette cour le 19 avril 2012 entre les mêmes parties qu'à la suite de l'ordonnance d'expropriation rendue le 3 septembre 2004, entraînant, en application de l'article L12-2 du code de l'expropriation, l'extinction du droit réel conféré par le bail, l'établissement EUROMÉDITERRANÉE a proposé à la société COBIS MARKET, en application des dispositions de l'article L314-4 du code de l'urbanisme, un nouveau bail d'occupation précaire jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, tacitement accepté par la société COBIS MARKET conformément aux dispositions de l'article L314-7 du même code.
Aux termes des articles L15-1 et L15-2 du code de l'expropriation, dans leur rédaction antérieure à la décision du conseil constitutionnel du 6 avril 2012 qui n'a pris effet qu'au 1er juillet 2013, et à l'entrée en vigueur de la loi du 28 mai 2013, dans le délai d'un mois du paiement ou de la consignation de l'indemnité, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut en aucun cas être modifié même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants. L'expropriant peut prendre possession, moyennant le versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge.
L'article R 13-65 du même code prévoit d'autre part qu'en cas d'obstacle au paiement tels que notamment l'inscription de privilèges, hypothèques ou nantissements grevant le bien, ou en cas de refus de l'exproprié de recevoir l'indemnité, l'expropriant peut prendre possession en consignant le montant de l'indemnité.
En l'espèce, la SARL COBIS MARKET ne conteste pas que la consignation de l'indemnité allouée par le premier juge a été effectuée le 29 mars 2010 par EUROMÉDITERRANÉE et notifiée le 6 avril 2010.
En application des dispositions précitées, dérogatoires au droit commun, la consignation valant paiement a mis fin aux effet du bail précaire liant les parties le 7 mai 2010, date à compter de laquelle la SARL COBIS MARKET est devenue occupante sans droit ni titre.
Le protocole d'accord signé entre les parties le 10 juin 2010 rappelle l'effet extinctif de la consignation au 7 mai 2010 et précise expressément qu'il ne régit que les conditions de libération des lieux.
Ce délai accordé par l'expropriant n'a pas eu pour effet de faire renaître les effets du bail qui avaient pris fin le 7 mai 2010, de sorte que la SARL COBIS MARKET doit être déboutée de sa demande d'indemnisation, sur le fondement des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil, d'un sinistre survenu postérieurement au 7 mai 2010.
Le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société COBIS MARKET de toutes ses demandes, fins et conclusions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
- REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- DÉCLARE irrecevables les conclusions et pièces communiquées postérieurement à la clôture par EUROMÉDITERRANÉE,
- DÉCLARE irrecevables les conclusions déposées et notifiées par la SARL COBIS MARKET le 29 octobre 2014,
- CONFIRME le jugement rendu le 5 juillet 2012 par le tribunal de commerce de MARSEILLE en ce qu'il a débouté la société COBIS MARKET de toutes ses demandes, fins et conclusions, y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile :
- CONDAMNE la SARL COBIS MARKET à payer à chacun des intimés la somme de 1500 € d'indemnités pour frais irrépétibles d'appel, en sus des indemnités allouées en première instance,
- CONDAMNE la SARL COBIS MARKET aux dépens, ceux d'appel recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président