COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 09 JANVIER 2015
N° 2015/
Rôle N° 13/12578
[O] [S] [M] [K] [P] [N]
C/
SAS STANLEY SECURITY FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE GENERALE DE PROTECTION
Grosse délivrée
le :
à :
Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section EN - en date du 31 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 06/465.
APPELANT
Monsieur [O] [S] [M] [K] [P] [N], demeurant [Adresse 3]
comparant en personne assisté de Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS STANLEY SECURITY FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE GENERALE DE PROTECTION, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2014, prorogé au 19 Décembre 2014 puis au 09 Janvier 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2015.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[O] [K] [P] [N] ( dit ci après [O] [P] ) a été engagé par la société Compagnie Européenne de Télésurveillance ( CET) dénommée postérieurement la société Protection One France puis à partir de 2007 la Société Générale de Protection, en dernier lieu la société Stanley Sécurity France ayant pour activité la surveillance à distance des biens et des personnes, suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er février 1992 en qualité de directeur national clients, la convention collective applicable étant celle nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Par avenant régularisé le 3 octobre 2003, il a été nommé au poste de directeur grands comptes, statut cadre, position supérieure, coefficient 800 C 3, position 3, pour une rémunération pour partie fixe de 6706,46 € et pour partie variable assise notamment sur le chiffre d'affaires réalisé par le service grands comptes.
Après convocation par remise en main propre le 27 mars 2006 à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, par lettre recommandée du 11 avril 2006 avec avis de réception, la Société Générale de Protection, employeur, a licencié le salarié en ces termes :
« Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les raisons que nous vous avons exposées lors de notre entretien du 4 avril dernier, et qui sont les suivantes :
1) En premier lieu, nous avons récemment découvert que vous participiez à un détournement de la clientèle de l'entreprise, détournement portant notamment sur la clientèle grands comptes qui vous est directement confiée en qualité de directeur grands comptes .
Votre comportement concernant le client grands comptes NICOLLIN à [Adresse 2] (78) constitue un exemple de ces détournements.
Ainsi, courant février 2006, Monsieur [J], un de vos collaborateurs récemment entré dans l'entreprise, contacte la société NICOLLIN pour préparer le renouvellement de trois contrats qui allaient arriver à échéance.
Le client, surpris de la démarche de Monsieur [J], lui répond que la société PROTECTION ONE avait quelques temps auparavant renouvelé les équipements - ce qui n'apparaissait pas sur notre système d'information interne - , et qu'un certain Monsieur [B], directeur du développement de la société PROTECTION ONE, au CHESNAY (78) suivait le dossier.
Le client transmet alors le numéro de téléphone de Monsieur [B] à Monsieur [J] qui l'appelle. .
Monsieur [J], s' étant fait rabrouer par Monsieur [B], se rapproche alors de vous, qui lui indiquez être au courant de cette affaire et en contact avec Monsieur [B].
Vous lui précisez que NICOLLIN a lancé un appel d'offres au printemps 2005 qui a été remporté par un courtier et que vous rediscuterez avec lui de ce dossier sur lequel il était inutile d'insister.
Comme vous le savez, Monsieur [B] travaille en réalité au sein de la société FIRM PROTECTION ( dont votre fils est dirigeant) que est courtier de notre entreprise.
En tant que directeur grands comptes, quand vous avez eu l'information qu'un courtier avait remporté l'appel d'offres sur un client grands comptes en cours de contrat, vous auriez dû transmettre immédiatement cette information à votre hiérarchie, à la direction générale et à la direction des ventes indirectes (DVI).
En effet, nos procédures internes proscrivent formellement que des courtiers interviennent sur les clients du « réseau ''' PROTECTION ONE et, a fortiori, sur les clients grands comptes (avec lesquels le service grands comptes bénéficie d'une exclusivité).
En l'absence de nouvelles de votre part, Monsieur [J], qui s'était engagé auprès du client à le rappeler, vous a téléphoné le 15 mars dernier et vous lui avez alors fermement interdit de travailler sur ce dossier. .
Vous avez sciemment donné ordre à votre collaborateur de ne pas s'intéresser à cette société dont il avait la charge, c'est-à-dire de ne pas faire son travail.
L'objectif évident de votre démarche auprès de Monsieur [J] est de cacher le détournement au profit de FIRM PROTECTION agissant pour le compte d'une société concurrente.
Le 23 mars dernier, Monsieur [W] (responsable de la division des ventes indirectes) et Monsieur [Q] (directeur commercial international et des réseaux spécialisés) se sont déplacés chez le client NICOLLIN à [Adresse 2] et ont rencontré Monsieur [I].
Celui-ci leur a indiqué qu'aucun appel d'offres n'avait été lancé et qu' ils avaient simplement pris contact avec PROTECTION ONE au printemps 2005 pour faire évoluer leur système de vidéo surveillance. .
Il leur a confirmé penser toujours travailler avec PROTECTION ONE et avoir été trompé sur I'identité de la société que prétendaient représenter Monsieur [B] et Monsieur [Q] (ancien ingénieur grands comptes de PROTECTION ONE).
Cet exemple illustre vos agissements déloyaux constitués par ce détournement de clientèle, vos manquements graves aux procédures internes et à votre contrat de travail, et l'abus de votre pouvoir hiérarchique visant à écarter vos subordonnés des clients détournés.
Dans ce contexte, nous avons opéré diverses vérifications concernant votre activité.
2)Ainsi l'examen de vos notes de frais démontre qu'un nombre important d'entre elles comporte de fausses déclarations. En effet vous indiquiez avoir déjeuné avec certaines personnes et notamment, vos collaborateurs; or à de nombreuses reprises, vos collaborateurs démentent vos dires en nous affirmant ne pas avoir déjeuné avec vous, contrairement à ce que vous mentionné sur vos notes de frais afin d'en obtenir le remboursement;
Vos notes de frais témoignent de déplacements réguliers, notamment en région parisienne; nous pensions jusqu'alors légitimement que vous rencontriez vos équipes et les accompagniez en clientèle, ce qui apparaissait comme le motif de vos déplacements sur les ordres de mission communiqués à votre hiérarchie.
Or, nous nous sommes rendu compte du peu d'accompagnements avec les vendeurs grands comptes parisiens (5 rendez-vous de septembre 2005 à mars 2006) et de l'annulation non justifiée de la quasi-totalité des réunions individuelles.
En revanche, nous constatons, sur cette même période, un nombre important de déjeuners avec Monsieur [M] [Q] (au CHESNAY) qui a pourtant quitté la division grands comptes de l'entreprise en septembre 2005.
3) Enfin, nous avons découvert, qu'un de nos clients grands comptes, la société HILTI (78), vous a adressé le 21 mars 2006 un courrier recommandé avec AR faisant état de réclamations importantes et urgentes (4 effractions chez ce client en 3 semaines et aucun déclenchement des équipements fumigènes).
Malgré l'importance de ce dossier (préjudice du client de 29.577 € et PV de police joints), vous ne l'avez pas évoqué lors de la réunion mensuelle du 27 mars 2006 et n'avez pas non plus procédé à son enregistrement, au mépris total de nos procédures et de vos obligations contractuelles.
Vos agissements déloyaux et vos manquements répétés à vos obligations contractuelles, qui mettent en cause le fonctionnement et la pérennité de l'entreprise (préjudice d'environ 103 000 € pour le seul dossier NICOLLIN à [Localité 1]), sont, d'une telle gravité que votre maintien dans l'entreprise, fût-ce pendant la durée de votre préavis, s'avère impossible ; la période non travaillée du 28 mars 2006 à la date de présentation de cette lettre, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.
En effet, les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de présentation de cette lettre par les services postaux, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Vous pourrez dès lors vous présenter au service des ressources humaines pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et d'indemnités de congés payés retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC. ».
Le 13 avril 2006, la Société Générale de Protection a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles pour abus de confiance, la dite plainte visant [M] [Q], ( associé et gérant de la société Proveo, courtier de la société Générale de Protection), [V] [B], associé de la société Firm Protection directeur du développement de la société Firm Protection ainsi que la société Firm Protection. Par courrier du 26 février 2007, la Société Générale de Protection a demandé au magistrat instructeur qu'il étende ses investigations la personne de [O] [P].
Par lettre du 25 avril 2006, le salarié a contesté les griefs reprochés ainsi que son solde de tout compte.
Le 31 mai 2006, [O] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues lequel section encadrement a par jugement du 12 décembre 2007 prononcé un sursis à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale saisie par la Société Générale de Protection.
Le 1er octobre 2009, [O] [P] né le [Date naissance 1] 1949, a fait valoir ses droits à la retraite.
Après remise au rôle à la demande du conseil du salarié, la juridiction prud'homale a maintenu par jugement du 2 février 2011 sa décision de sursis à statuer.
Le 16 janvier 2012, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non lieu confirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles le 22 juin 2012.
Après une nouvelle remise au rôle le 30 janvier 2012, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.
Par jugement en date du 31 mai 2013, en formation de départage, le conseil de prud'hommes a:
*dit le licenciement pour faute grave est justifié,
*débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes relative à la rupture de la relation contractuelle,
*débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire,
*condamné le salarié à rembourser à la Société Générale de Protection la somme de 1485,90 € au titre des notes de frais,
*rejet le surplus des demandes reconventionnelles de la Société Générale de Protection,
*dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire et à l'application de l'article 700 du code de procdure civile,
* condamné le salarié aux dépens.
[O] [P] a le 17 juin 2013 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l'appelant demande à la cour par voie d'infirmation partielle de:
* condamner la société Générale de Protection aux droits de laquelle se trouve la sociéé Stanley Security France à lui payer les sommes suivantes:
-575 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-20 382,53 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-35 933,94 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3593,39 € pour les congés payés afférents
-5 988,99 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et 598,89 € pour les congés payés afférents,
-18 178,26 € correspondant au variable afférent au troisième trimestre 2003 et aux années 2004 à 2006
prévu par l'avenant à contrat régularisé le 17 octobre 2003,
-25 000 € à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires, ( réclamation mentionnée seulement dans les motifs des écritures)
-10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*dire que la totalité des condamnations prononcées l'encontre de la société intimée seront assorties des intérêts légaux à compter de sa saisine du conseil de prud'hommes de Martigues le 3 mai 2006.
Il critique la décision déféré qui a selon lui fait une mauvaise appréciation des faits de l'espèce et des règles de droit applicables.
Il invoque l'absence de légitimité du licenciement.
Il fait valoir sur le premier grief:
-que la société Firm Protection est distributeur non exclusif de la société Générale de Protection, que tous les distributeurs disposent d'aides importantes de la société Générale de Protection, en terme de formation et même d'appui technique, que son fils n'était pas à l'époque dirigeant de Firm Protection, -qu'aucun détournement de clientèle sur le seul client grands comptes Nicollin site de [Localité 1] ( 78) cité dans la lettre de licenciement ne lui est imputable,
-que les accusations de l'employeur ne reposent que sur la retranscription des allégations fallacieuses de M [J] qui avait intégré l'entreprise 6 mois auparavant et qui avait des résultats décevants,
- que les affirmations de ce dernier non étayées par des éléments objectifs ne sont pas de nature à établir sa participation à un détournement de clientèle que de plus elles sont:
- fausses, que bien au contraire, il a chargé pour monter un accord cadre M [J] de travailler avec le client Nicollin, client à développer et qui ne faisait pas encore partie des clients grands comptes, de sorte qu'il n'a pu être informé de la résiliation parvenue à [Localité 3] et non à [Localité 4], qu'il a par contre eu des contacts au sein de ce groupe et permis de signer des contrats avec 7 sociétés du groupe pour la seule année 2005,
-pas crédibles puisque tous les contrats Nicollin site de Buc ont été résiliés le 2 février 2005 ainsi qu'il en justifie, que le contrat venant à échéance en décembre 2005, la reprise de contact aurait du intervenir en septembre 2005 et non en février 2006 comme l'affirme M [J],
-qu'il n'est pas démontré que son fils aurait été intéressé sur le marché Nicollin, qu'il conteste avoir interdit à M [J] de travailler sur ce dossier,
- que les autres attestations de messieurs [W] et [H] ( le premier faisant partie de la direction de la société intimée laquelle ne peut se constituer de preuve à soi-même) ne sont de nature à établir une quelconque participation de sa part à un détournement de clientèle, que le procès verbal de constat du 8 février 2007 réalisé 11 mois après le licenciement à partir de son prétendu ordinateur portable de façon non contradictoire ne lui est pas opposable et n'a aucune valeur probante,
-que la plainte avec constitution de partie civile a abouti à un non-lieu, confirmée en appel, que même si cette décision n'a pas autorité de la chose jugée au civil, il n'en demeure pas moins que les constatations tant du juge d'instruction que de la chambre d'instruction et les déclarations faites dans ce cadre sont de nature à éclairer la cour, qu'il n'a été jamais mis en examen ce qu'il suffit à démontrer qu'il n'a jamais été considéré comme l'instigateur d'un détournement de clientèle, au préjudice de son employeur, messsieurs [Q] et [B] ayant tous les deux agi dans le cadre des contrats de courtiers qu'ils avaient signés avec la société Générale de Protection, leur ancien employeur sans que lui-même n'intervienne,
-qu'en toute hypothèse, le doute doit lui profiter.
Il argue sur le second grief:
- que les notes de frais mensuelles sont systématiquement adressées à M [Q] responsable hiérarchique pour contrôle et acceptation selon la procédure en vigueur dans l'entreprise, ce dernier ne les ayant jamais contestées et les ayant toutes validées, rappelant que la mention du convive ne ressortait que d'un simple formalisme comptable et fiscal, qu'il ne s'agit pas de fausses notes de frais, ces dernières se rattachant toutes à l'exercice de son activité professionnelle,
-que le reproche sur ses déplacements fréquents à [Localité 2] est totalement ubuesque, ces déplacements ayant été faits dans l'intérêt et conformément à la politique de la société, d'autant que le montant des notes des frais critiquées totalisent une somme dérisoire de 1400 €, ce qui exclut toute volonté de fraude.
Il souligne que le troisième grief est particulièrement significatif du simple prétexte pris pour rompre le lien contractuel, que le fait de ne pas avoir transmis le courrier reçu le 25 mars 2006 dans les 48 heures soit le 27 mars 2006, date de sa mise à pied ne peut être constitutif d'une faute grave, la procédure en vigueur au sein de la société exigeant que le directeur grands comptes n'interviennent commercialement qu'après avoir reçu le rapport des services techniques.
Il prétend que le véritable motif de son licenciement est en rapport au fait qu'il bénéficiait de la deuxième plus importante rémunération de l'entreprise, qu'il n'a jamais été remplacé, son licenciement correspondant ainsi à la suppression de son poste.
Il insiste sur son préjudice, n'ayant jamais pu retrouver du travail et ayant vu sa villa, ses meubles et véhicules saisis ainsi que sur le caractère particulièrement vexatoire de la procédure de licenciement, ( remise de la convocation à l'entretien préalable en présence d'un huissier et s'étant vu retirer immédiatement lors de la mise à pied l'intégralité du matériel professionnel et couper sa ligne téléphonique, comportement abusif lors de l'entretien préalable, méthodes dénoncées par la CGT).
Il s'oppose aux demandes reconventionnelles y compris celle à laquelle la juridiction prud'homale a fait droit.
Aux termes de ses écritures, la société Stanley Sécurity France venant aux droits de la Société Générale de Protection conclut:
* à la confirmation du jugement déféré,
*à ce qu'il soit dit que le licenciement repose sur une faute grave,
*en conséquence, au débouté de l'ensemble des demandes de l'appelant et sa condamnation à lui payer:
-61 010,28 € à titre de préjudice direct consécutif au détournement du client Nicollin à [Localité 1],
-40 480,79 € en remboursement de l'indemnité de non concurrence dûment versée,
-1680,85 € en remboursement des notes de frais indument remboursés,
-3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge par l'appelant des dépens.
Elle évoque à titre liminaire la procédure pénale et relève que l'ordonnance de non lieu rendue au pénal n'a aucune influence sur la légitimité du licenciement.
Elle invoque la réalité des griefs motivant le licenciement et relève:
- s'agissant du premier grief que non seulement le salarié a violé ses obligations contractuelles mais a en outre organisé un détournement de clientèle et participé activement à la création et au développement de la société Firm Protection et ce pendant son travail, sur son lieu de travail et avec les moyens matériels et humains mis à sa disposition par son employeur pour réaliser les missions de son contrat de travail, réfutant l'argumentation adverse et invoquant la recevabilité de la production des deux constats d'huissier,
-en ce qui concerne le deuxième grief que les fausses notes de frais et le défaut d'accompagnement constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles,
-quant au troisième grief, que le salarié n'a pas respecté les procédures internes.
Elle considère que le salarié a été rempli de ses droits au titre de la rémunération variable et au subsidiaire réfute le préjudice invoqué par l'appelant relevant que sa situation actuelle n'est que la conséquence de ses choix de dépenses et de crédit à la consommation depuis près de 20 ans et ne résulte nullement du licenciement, que l'appelant a exercé d'autres activités que celle de salarié et ce au sein de différentes sociétés comme gérant depuis avril 1999 ou agent commercial depuis 2012, que le prétendu préjudice lié à la perte de la possibilité de travailler jusqu'à 65 ans n'est pas établi et celui lié à la perte de retraite est purement hypothétique reposant sur des calculs aléatoire.
Elle insiste sur sa demande reconventionnelle.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
A l'audience, la société intimée par la voix de son conseil a demandé à ce que les pièces adverses numérotées 78 à 91 communiquées la veille de l'audience soient écartées des débats, ce à quoi s'est opposé l'appelant.
SUR CE
I sur l'incident de pièces
En l'état, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces de l'appelant n° 78 à 91 dans la mesure où la procédure en matière sociale y compris devant la cour est orale et où la société intimée a eu la possibilité de prendre connaissance de ses pièces avant l'audience et présenter si elle l'estimait utiles ses observations oralement.
II sur le rappel de salairé au titre de la partie variable,
En l'état, les pièces invoquées par l'appelant qu'il n'a nullement commenté dans ses écritures sont utilement combattues par celles communiquées par l'employeur, notamment les tableaux établis par ce dernier pièces 60 et 61, pièces non critiquées au demeurant par l'appelant desquelles il ressort ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge que sur la période en litige à savoir le troisième trimestre 2003 et les années 2004 à 2006 , aucune somme liée à la prime de marge et au coefficient d'exploitation telle que prévue par l'avenant du 17 octobre 2003, n'est due.
En conséquence, le jugement déféré qui a rejeté la demande faite à ce titre mérite confirmation.
III sur le licenciement
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement qui fixe la limite du litige vise trois motifs:
- l'organisation d'un détournement de clientèle (notamment le cas du client grand compte Nicollin à [Localité 1]) et ses manquements graves à ses obligations contractuelles ( manquements graves aux procédures internes et au contrat de travail, abus de pouvoir hiérarchique visant de détourner ses subordonnés des clients détournés),
-l'établissement de fausses notes de frais ainsi qu'un faible accompagnement des vendeurs,
-le défaut de traitement d'un courrier de client urgent lié à un sinistre.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte application des faits de la cause et du droit des parties; le jugement déféré qui a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses réclamations au titre de la rupture doit en conséquence être confirmé.
Il convient d'ajouter que c'est à juste titre que le premier juge a rappelé que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions définitives des juridictions de jugement, que l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction et confirmée en appel n' a dés lors aucune incidence sur le bien fondé du licenciement, d'autant que seule une partie du premier grief ( le détournement de clientèle ) a été soumise à une instruction pénale.
Si le troisième grief ne peut être considéré comme établi en raison du bref délai existant entre la réception du courrier mis en cause et la mesure de mise à pied conservatoire dont il a fait l'objet, c'est à bon droit par contre que les deux autres griefs doivent être retenus et ont été considérés comme justifiant la faute grave, dès lors que le comportement du salarié rendait bien impossible son maintien dans l'entreprise aux risques de cette dernière.
Concernant le premier grief, les multiples pièces versées au débat par l'employeur qui ont été analysées de façon scrupuleuse par le premier juge permettent de l'établir dans l'ensemble de ses branches.
Il doit être relevé que les pièces produites par le salarié y compris celles nouvelles en appel ne permettent pas de combattre utilement celles versées par l'employeur.
Sur ce point, il doit être précisé:
-que le courrier du 2 février 2005 mis en avant par l'appelant qui porte curieusement une date de transmission par télécopie Firm Protection du 26 juillet 2006 est contraire aux éléments apportés par l'employeur qui justifie que les contrats Protection One/Nicollin avaient un terme irrévocable de 48 mois soit une échéance au mois de septembre 2006 et qu'en juillet 2005, ces contrats étaient encore en cours,
-que si au moment de la constitution de la société la SAS Firm Protection en décembre 2004 [U] [K] [P] [N] n'apparaissait pas à cette date comme dirigeant, il l'était depuis octobre 2005 et à l'époque du licenciement de son père [O] [P] par la société Générale de Protection,
- que l'attestation de [V] [B] pièce 80 produite en appel n'est pas conforme aux règles édictées par l'article 202 du code de procédure civile ( pas de carte d'identité jointe ni de mention de sa production en justice et de la connaissance par son auteur des conséquences pénales d'une fausse attestation) mais est surtout tardive puisqu'elle a été établie le 30 novembre 2013 pour des faits remontant à 2005 de sorte qu'en l'état de son absence de valeur probante, elle ne permet pas de disculper [O] [P],
-que de plus les constats d'huissier produits par la société adverses certes établis postérieurement au licenciement mais qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats, l'employeur ayant parfaitement le droit d'ouvrir les fichiers non identifiés comme personnel par [O] [P] sur l'outil professionnel qui avait été mis à sa disposition, de vérifier sa messagerie professionnelle également de faire appel à un huissier de justice pour formaliser les constatations, révelent l'existence de nombreux documents sur ces fichiers ou messagerie concernant la SAS Firm Protection ce qui dénote les liens particuliers que l'appelant entretenait avec cette société qu'il a en fait mis en place et piloté et ce qui corrobore les éléments produits sur le détournement de clientèle visé dans la lettre de rupture.
Quant au deuxième grief, les pièces 30,32 , 34 35, 37, 83 de l'employeur constituées notamment par les attestations de M [R], Mme [Y] , Mme [A] , de [L] [J], M [G] , M [H] et autres documents établissent sans contestation possible que [O] [P] a bien effectué de fausses déclarations en mentionnant des personnes qui n'ont pas déjeuné ou dîné avec lui à certaines dates indiquées. Il importe peu que le montant de ces fausses notes ne s'élève qu'à la seule somme de 1485,80 €. En outre, la mention des personnes invitées doit correspondre à la réalité, surtout si c'est pour des raisons comptables et fiscales, étant observé que les frais professionnels donnent lieu dans les entreprises à un contrôle des URSSAF .Au demeurant, l'appelant ne démontre pas que son comportement correspondrait à un usage mise en place dans l'entreprise, le rapport de l'entretien préalable de Mme [C] [E] qui l'a assisté, rapport qui n'est même pas signé n'étant pas suffisant à établir les caractères de fixité, de généralité et de constance exigé pour tout usage.
De même, il ressort des témoignages de ingénieurs grands comptes collaborateurs de [O] [P], pièces 30, 31, 32, 33, 36 produits par l'appelante que ce dernier n'assumait qu'un faible accompagnement des ingénieurs commerciaux dont il avait la charge, annulant régulièrement les réunions programmées.
En conséquence, dès lors que la faute grave est déclarée justifiée et que contrairement à ses dires, le salarié ne rapporte pas la preuve par la moindre pièce que son licenciement correspondait à la suppression de son poste, l'ensemble des ses demandes au titre de la rupture doit être rejeté.
III Sur la demande reconventionnelle
En droit, le salarié ne répond pas à l'égard de l'employeur des risques de l'exploitation et sa responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
Dès lors, s'agissant des notes de frais indûment remboursées et du préjudice commercial consécutif au détournement de clientèle, ces demandes faites à ce titre par la société intimée ne peuvent être accueillies dans la mesure où l'employeur s'est placé dans le cadre de la seule faute grave.
En conséquence, la réformation du jugement déféré sera prononcé en ce que le premier juge fait droit à la demande de remboursement de notes de frais.
Quant à l'indemnité de non concurrence qui au demeurant a été payée en cours de procèdure, alors même que l'employeur a voulu postérieurement au licenciement dispenser le salarié de son obligation sans son accord, le jugement déféré qui a rejeté cette demande doit être confirmé.
En effet, l'employeur ne démontre pas postérieurement au licenciement l'activité concurrentielle du salarié.
IV sur les demandes annexes
Aucune condamnation n'étant prononcée au profit de l'appelant, la demande au titre des intérêts n'a plus d'objet.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d'appel.
L' appelant qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette l'incident de procédure formalisé par l'intimée et concernant les pièces 78 à 90 communiquées par l'appelant,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné [O] [P] à payer à la Société Générale de Protection la somme de 1485,90 € au titre de la note de frais.
Statuant à nouveau sur ce point, et y ajoutant,
Rejette la demande de la société Stanley Sécurity France venant aux droits de la Société Générale de Protection aux fins de remboursement de notes de frais indûment remboursées
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Stanley Sécurity France venant aux droits de la Société Générale de Protection aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT