COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 15 JANVIER 2015
N° 2015/ 26
Rôle N° 13/16050
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
[V] [C]
[T] [D] épouse [C]
Grosse délivrée
le :
à :LAMBERT
CZUB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Juillet 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/07176.
APPELANTE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE anciennement dénommée CETELEM, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [V] [C]
né le [Date naissance 2] 1935, demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté de Me Joseph CZUB, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Madame [T] [D] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1] (ITALIE), demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée de Me Joseph CZUB, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Décembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2015
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon offre préalable de crédit en date du 12 février 2003, la société CETELEM a consenti à Monsieur [V] [C] et à Madame [T] [D] épouse [C] un prêt personnel d'un montant de 53 478 € moyennant un intérêt selon TEG annuel de 10,80 % remboursable en 116 mensualités de 861,17 € à titre de regroupement de crédits.
La première échéance de remboursement était contractuellement fixée au 15 avril 2003.
Les emprunteurs ont cessé de régler les échéances mensuelles malgré mise en demeure réceptionnée le 18 juillet 2011.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui vient aux droits de la société CETELEM, a assigné en paiement les époux [C].
*
Par jugement rendu le 1er juillet 2013, le tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE a :
constaté que l'action de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE était atteinte par la prescription,
condamné la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens.
Le tribunal a retenu qu'en vertu de l'article L. 137-2 du code de la consommation l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, que cet article s'applique bien au contrat de prêt lequel peut être considéré comme un service fourni par un établissement bancaire à un consommateur, que le point de départ du délai de prescription est l'événement qui a donné naissance à la demande, soit le premier incident de paiement non régularisé et qu'en l'espèce le non-paiement dès le 15 mai 2003 constitue bien un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur étant précisé qu'aucun nouvel échéancier de régularisation n'a été signé ou convenu entre les parties et que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait délivrer son assignation le 17 novembre 2011 soit plus de deux ans après l'échéance impayée du mois de mai 2003.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 1er août 2013.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2014.
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Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 2 décembre 2013, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré l'action prescrite et de :
condamner Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] à lui payer la somme de 23 945,95 € avec intérêts au taux contractuel de 10,30 % l'an à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2011,
condamner Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les intimés aux dépens.
***
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 21 novembre 2013, Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] demandent à la cour de :
à titre liminaire
enjoindre à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de produire conformément à la sommation de communiquer qui lui a été signifiée le 29 juin 2012 la demande de prêt initiale comprenant le formulaire de renseignement,
dire autant irrecevable que mal fondé l'appel interjeté par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
débouter la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de toutes ses demandes,
à titre principal
constater que l'action de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est atteinte par la prescription,
dire que l'article L. 137-2 du code de la consommation est bien applicable en l'espèce,
condamner en conséquence la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser aux époux [C] toutes les sommes réglées depuis la date d'acquisition de la prescription,
débouter la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire
dire que les époux [C] ne sont redevables que de la somme de 10 659,30 € au titre des mensualités échues impayées, du capital restant dû et de l'indemnité légale de 8 %,
dire qu'il convient en l'espèce d'user du pouvoir de modération prévu à l'article 1152 alinéa 2 du code civil et de réduire en conséquence la somme correspondant à la clause pénale,
dire que Monsieur et Madame [C] sont débiteurs malheureux et de bonne foi,
accorder à Monsieur et Madame [C] des délais de paiement par échelonnement de la dette sur 24 mois,
dire que les sommes rééchelonnées ou reportées porteront intérêts à un taux réduit,
dire que pendant le cours des délais ainsi accordés les effets des procédures d'exécution diligentées à leur encontre seront suspendus,
en tout état de cause
débouter la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
MOTIFS
1/ Sur la recevabilité de l'appel
Les époux [C] demandent à la cour de déclarer irrecevable l'appel interjeté par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE mais ils n'articulent aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel à l'appui de leur demande.
En conséquence il convient de déclarer recevable l'appel interjeté par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.
2/ Sur la demande d'injonction
L'article 770 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces.
Les époux [C] demandent à la cour, à titre liminaire, d'enjoindre à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de produire conformément à la sommation de communiquer qui lui a été signifiée le 29 juin 2012 la demande de prêt initiale comprenant le formulaire de renseignement.
Mais l'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2014, en sorte que cette demande de production de pièce n'est plus d'actualité, la cour devant se prononcer au vu des pièces effectivement produites par les parties.
3/ Sur la prescription
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir que l'article L. 137-2 du code de la consommation, qui a été créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, est inapplicable au contrat en cause qui a été conclu le 12 février 2003 et qu'à supposer que la prescription biennale s'applique en l'espèce elle n'est pas acquise puisque les emprunteurs ont réglé la somme de 70 967,56 € soit l'équivalent de 82 échéances de 861,17 € en sorte que la première échéance mensuelle non régularisée se situe au 15 mars 2010.
La prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation est bien applicable au prêt en cause qui constitue un service financier fourni par un professionnel à un consommateur. Elle est encore applicable au présent litige à raison du droit transitoire prévu à l'article 2222 du code civil qui dispose en son second alinéa qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Mais en l'espèce la prescription biennale n'est pas acquise car son point de départ ne doit pas être fixé à la première échéance impayée mais à la première échéance non régularisée. Dès lors que les emprunteurs ont réglé la somme de 70 967,56 €, soit l'équivalent de 82 échéances de 861,17 €, la première échéance mensuelle non régularisée se situe au 15 mars 2010 comme le fait valoir la banque dont l'action n'est en conséquence pas prescrite.
4/Sur les sommes dues
Les intimés demandent à la cour de dire qu'ils ne sont redevables que de la somme de 10 659,30 € au titre des mensualités échus impayées, du capital restant dû et de l'indemnité légale de 8 %. Mais ils ne discutent pas précisément le décompte détaillé fourni par la banque.
Selon ce dernier, établi à la date du 6 septembre 2013, les emprunteurs restent devoir les sommes suivantes :
montant échu : 74 599,03 €
règlements reçus avant contentieux : 70 967,56 €
mensualités échues impayées : 3 631,47 €,
mensualités échues impayées reportées : 12 494,37 €
capital restant dû non échu : 11 500,11 €
indemnité contentieuse 8 % : 920 €
règlements reçus au contentieux : 4 600 €
créance due : 23 945,95 € outre les intérêts de retard au taux d'entrée du contrat.
La cour retiendra ce décompte précis.
5/ Sur la demande de réduction de la clause pénale
Les intimés sollicitent la réduction de la clause pénale, mais cette dernière, qui se monte à 8 % et en l'espèce à la somme de 920 € comme il vient d'être dit, n'est nullement manifestement excessive au sens de l'article 1152 alinéa 2 du code civil et dès lors elle ne sera pas réduite.
6/ Sur la demande de délais de paiement
L'article 1244-1 du code civil dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, et que par décision spéciale et motivée il peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Les emprunteurs justifient de leurs difficultés par la production de leurs avis d'imposition. Les paiements qu'ils ont effectués démontrent leur bonne foi. Dès lors, il y a lieu de leur accorder des délais de paiement de 2 ans en 24 mensualités d'égal montant, étant relevé qu'en cas de défaut de paiement d'une mensualité le solde redeviendra de ce simple fait immédiatement exigible.
L'emprunt étant ancien et conclu à un taux d'intérêt sans rapport avec l'inflation actuelle, il y a lieu de prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal et que les paiement s'imputeront d'abord sur la capital.
L'incidence des délais de paiement accordés sur les procédures d'exécution relèvent du droit commun de l'exécution des décisions de justice sur lequel le juge du fond n'a pas le pouvoir de se prononcer.
7/ Sur les autres demandes
Les époux [C] qui succombent verseront à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, publiquement et contradictoirement
Déclare l'appel recevable.
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Rejette la demande de réduction de la clause pénale.
Condamne Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] à payer à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 23 945,95 € avec intérêts au taux contractuel de 10,30 % l'an à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2011.
Dit que Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] pourront valablement se libérer de leur dette en 24 mensualités d'un montant égal.
Dit qu'en cas de défaut de paiement d'une seule échéance à son terme le solde redeviendra exigible immédiatement de ce seul fait.
Dit que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal et que les paiement s'imputeront d'abord sur la capital.
Condamne Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] à payer à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [V] [C] et Madame [T] [D] épouse [C] aux dépens.
Le GreffierLe Président