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15/01/2015 | FRANCE | N°13/18733

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 15 janvier 2015, 13/18733


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2015



N°2015/9

JPM













Rôle N° 13/18733







[R] [K]





C/



SA RAPIDES COTE D'AZUR





























Grosse délivrée le :

à :

Me Christophe DI NATALE, avocat au barreau de GRASSE

Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 26 Août 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/926.





APPELANT



Monsieur [R] [K], demeurant [Adresse 3]



re...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2015

N°2015/9

JPM

Rôle N° 13/18733

[R] [K]

C/

SA RAPIDES COTE D'AZUR

Grosse délivrée le :

à :

Me Christophe DI NATALE, avocat au barreau de GRASSE

Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 26 Août 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/926.

APPELANT

Monsieur [R] [K], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christophe DI NATALE, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Annabelle DEGRADO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA RAPIDES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 2])

substitué par Me Vanessa MONEYRON, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2015

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [R] [K] a été embauché, en qualité de conducteur receveur, par la société STC à compter du 1er janvier 1973 suivant contrat de travail à durée indéterminée qui a été ensuite transféré, à compter du 1er avril 2005, à la société Autocars Brocil qui était le nouveau titulaire du marché de transport.

Par suite d'une fusion absorption, en date du 2 janvier 2009 avec effet rétroactif au 1er janvier 2009, le contrat de travail de Monsieur [K] a été transféré à la Sas Rapides Côte d'Azur laquelle est donc devenue le nouvel employeur.

Par lettre du 13 mars 2012, l'employeur lui a notifié un blâme pour s'être , le 9 février 2012, fait remplacer dans son service par un autre salarié en violation de la note de service n° 9/12 qui énonçait qu'à compter du 2 février 2012 tous les changements de services entre conducteurs étaient suspendus et sans avoir prévenu sa hiérarchie.

Le 23 juillet 2012, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nice aux fins, d'une part, de voir prononcer l'annulation de ce blâme, et d'autre part, obtenir le rappel de paiement de primes, pour les années 2010 à 2012, calculées sur la base d'une ancienneté à compter de 1973.

Par jugement du 26 août 2013, le conseil de prud'hommes de Nice l'a débouté de ses demandes et a laissé les dépens à sa charge.

C'est le jugement dont Monsieur [R] [K] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [R] [K] demande à la cour de réformer le jugement attaqué, annuler le blâme du 13 mars 2012, condamner la Sas Les Rapides Côtes d'Azur à lui payer les sommes de:

-1916€ au titre de la prime spéciale avec les intérêts légaux à compter du 1er juillet 2010;

-509,21€ au titre de la prime d'ancienneté avec les intérêts légaux à compter du 1er juillet 2010;

-2000€ à titre de dommages-intérêts pour le comportement fautif de la Sas Les Rapides Côtes d'Azur;

-2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Il expose, s'agissant du blâme, que l'employeur ne justifiait pas avoir consulté préalablement le comité d'entreprise sur la note de service du 2 février 2012, l'avoir communiquée à l'inspection du travail et déposée au greffe le conseil de prud'hommes de Nice de sorte que l'inobservation de cette note ne saurait lui être reprochée; qu'au demeurant, il n'avait pas violé cette note de service qui, datée du 9 décembre 2011, n'avait été affichée dans l'entreprise que le 2 février 2012; que cette note ne pouvait pas concerner sa demande de changement de service qui avait été présentée le 20 janvier 2012 soit antérieurement à l'affichage; que d'ailleurs, le 4 février 2012, des agents de maîtrise lui avaient indiqué que toutes les demandes faites avant le 2 février 2012 étaient validées; que postérieurement à cet affichage, il s'était conformé à la note de service et n'avait plus présenté de demande de changement de service ni effectué aucun changement ; que le service pour lequel il s'était fait remplacer le 9 février 2012 avait été correctement effectué sans que l'employeur n'ait la moindre doléance à émettre à ce sujet; que s'agissant des primes dite spéciale et d'ancienneté, il ne les avait pas perçues en 2010, 2011 et 2012, alors qu'il remplissait les conditions d'ancienneté requises de 30 et 40 ans d'ancienneté; que l'employeur l'avait donc discriminé par rapport aux autres salariés et n'avait pas respecté le principe 'à travail égal, salaire égal'

La Sas Rapides Côtes d'Azur demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté les prétentions de son salarié et condamner ce dernier à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Elle fait valoir, sur le blâme, que la note de service affichée le 2 février 2012 avait été délibérément violé par le salarié qui s'était fait remplacer le 9 février 2012 par un autre salarié lequel avait été aussi sanctionné par un blâme; que cette note de service n'avait pas à être soumise à un formalisme particulier ne s'agissant pas d'une modification du règlement intérieur;

que s'agissant de la prime spéciale instaurée par la NAO 2010 et reprise en 2011, elle n'était attribuée qu'aux agents comptabilisant 30 et 40 ans d'ancienneté ce qui n'était pas le cas de Monsieur [K] dont le contrat n'avait été repris qu' à compter du 1er janvier 2009 dans le cadre d'une fusion absorption; que l' ancienneté à prendre en compte était celle dans l'entreprise et non une ancienneté groupe; que s'agissant de la prime d'ancienneté, il ne pouvait pas davantage bénéficier d'une valorisation de son coefficient laquelle ne pouvait être accordée qu'aux seuls salariés ayant 38 ans d'ancienneté 'RCA' ce qui n'était pas son cas.

SUR CE

Sur l'annulation du blâme

Il est produit aux débats par l'employeur la note de service, datée du 2 février 2012, dont Monsieur [K] reconnaît qu'elle avait été affichée dans l'entreprise le même jour , énonçant très clairement 'devant la recrudescence de demandes de changements de services et d'abus constatés, à partir de ce jour tous les changements de services entre conducteurs sont suspendus'. Cette note de service, qui visait seulement à suspendre une tolérance de l'employeur dans la faculté donnée à deux conducteurs de permuter un jour de service, et alors qu'il n'est pas justifié qu'elle aurait entraîné une quelconque incidence ou modification du règlement intérieur de l'entreprise concernant les mesures et règles prévues par les articles L 1321-1 et suivants du code du travail, n'avait pas à être soumise au formalisme de l'article L 1321-5 du code du travail. Monsieur [K] reconnaît avoir eu connaissance de la teneur de cette note dès son affichage. Il produit aux débats la demande de changement de service qu'il avait présentée, le 20 janvier 2012, comprenant l'accord de l'autre salarié devant le remplacer le 9 février 2012. Même si cette demande était antérieure au 2 février 2012, elle était concernée par la note de service puisque celle-ci avait pour objet de suspendre tous les changements de service ce qui induisait aussi les demandes antérieures. Il est également produit aux débats la demande présentée par Monsieur [K] et remise en main propre à l'employeur, le 3 février 2012, aux fins d'être autorisé à prendre un jour de congés pour le 9 février 2012. Il n'est pas contesté que cette journée de congés avait été accordée par l'employeur et prise par le salarié. Dans ces conditions, en donnant cette autorisation de s'absenter pour toute le journée du 9 février 2012, l'employeur avait implicitement mais nécessairement validé la demande présentée le 20 janvier 2012 pour le changement de service du 9 février 2012. Le blâme motivé par la violation de la note de service et par l'absence d'autorisation de la hiérarchie n'était donc pas justifié. Il sera annulé et le jugement réformé. La demande de dommages-intérêts, telle qu'elle a été présentée par l'appelant, ne concerne pas cette annulation.

Sur l'ancienneté

En cas de transfert de plein droit du contrat de travail, l'ancienneté acquise chez l'ancien employeur est conservée par le salarié. En l'espèce, il n'est pas discuté que le contrat de travail de Monsieur [K], conclu le 1er janvier 1973 avec la société STC, avait été transféré de plein droit, à compter du 1er avril 2005, à la société Autocars Brocil nouveau titulaire du marché de transport puis, à compter du 1er janvier 2009, à la Sas Rapides Côtes d'Azur par suite d'une fusion absorption ce qui aurait du avoir pour effet de maintenir au salarié l'ancienneté qu'il avait acquise au service des employeurs précédents.

L'accord d'entreprise de la société Rapides Côtes d'Azur ,conclu le 26 avril 2010, avait prévu qu'à partir du 1er juin 2010, il serait payé une prime annuelle dite 'prime spéciale' de 472€ aux salariés ayant 30 ans d'ancienneté dans l'entreprise, cette prime étant portée à 500€ pour ceux ayant 40 ans d'ancienneté dans l'entreprise. Par ailleurs, l'accord d'entreprise de la société Rapides Côtes d'Azur, conclu le 31 mars 2011, avait maintenu pour l'année 2011,le principe, les montants et les conditions d'ancienneté de cette prime spéciale. La Sas Rapides Côtes d'Azur ne conteste pas que pour les années suivantes, cette prime avait été maintenue dans des termes et conditions similaires. En outre, les mêmes accords d'entreprise avaient prévu le paiement d'une prime distincte dite d'ancienneté représentant, en 2010, 30% du salaire de base pour 30 ans d'ancienneté, 35% en 2011, 37% en 2012.

Pour refuser néanmoins à Monsieur [K] le paiement de ces primes, la Sas Rapides Côtes d'Azur invoque exclusivement que cette ancienneté devait s'entendre au sens des ces accords susvisés comme étant l'ancienneté effectuée dans l'entreprise, c'est à dire chez elle, et non pas l'ancienneté totale acquise antérieurement dans le groupe et que le salarié ne remplissait pas les conditions requises puisqu'il était entré dans l'entreprise au jour du transfert de son contrat de travail, le 1er janvier 2009. Elle ajoute que l'accord d'entreprise, applicable à compter du 1er octobre 2012 pour le calcul de la prime d'ancienneté, avait même expressément visé 'l'ancienneté RCA'

Il sera néanmoins relevé qu'hormis l'accord du 1er octobre 2012, la rédaction dans des termes généraux des autres accords d'entreprise, qui font seulement référence sans autre indication à une ancienneté de 30 ou 40 ans dans l'entreprise, ne permet pas de retenir qu'ils auraient clairement exclu, pour les salariés dont le contrat de travail avait été transféré de plein droit à la Sas Rapides Côtes d'Azur, la période de temps passée chez les précédents employeurs. Il sera ajouté que la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, applicable ici aux trois employeurs successifs, ne donne aucune définition de l'ancienneté à prendre en compte en matière de primes.

Si le moyen tiré de la discrimination ne peut pas être utilement invoqué par Monsieur [K], qui ne se trouve pas dans l'un des cas prévus par la loi, en revanche, le moyen tiré de la violation du principe ' à travail égal, salaire égal' est fondé. En effet, les accords d'entreprise sur lesquels la Sas Rapides Côtes d'Azur se base, ont en réalité créé une inégalité de traitement entre les salariés exerçant des fonctions identiques en retenant comme point de départ du calcul de l'ancienneté, la date à laquelle cette société était devenue juridiquement l'employeur alors qu'un tel critère ne repose pas sur une raison objective pertinente mais fait au contraire échec au principe d'ordre public, en cas du transfert de plein droit du contrat de travail, du maintien de l'ancienneté acquise chez les précédents employeurs.

Le jugement qui a débouté Monsieur [K] sera dès lors réformé.

En prenant en compte l'ancienneté totale du salarié et en se basant sur les modalités de calcul visées dans les accords d'entreprise, le rappel de salaire s'élève à la somme de 1916€ au titre de la prime spéciale et à celle de 509,21€ au titre de la majoration du salaire de base.

Le comportement fautif de l'employeur a causé au salarié un préjudice distinct non réparé par l'allocation du rappel de salaire de sorte que la société intimée sera condamnée à lui payer la somme de 1000€ à titre de dommages-intérêts..

Sur l'article 700 du code procédure civile

L'équité commande d'allouer à l'appelant une somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit Monsieur [R] [K] en son appel.

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 26 août 2013 en toutes ses dispositions .

Statuant à nouveau, annule le blâme du 13 mars 2012 et dit que l'employeur a manqué au principe d'égalité de traitement entre ses salariés, en conséquence, condamne la Sas Rapides Côtes d'Azur à payer à Monsieur [R] [K] les sommes de

-1916€ au titre de la prime spéciale;

-509,21€ au titre de la majoration du salaire de base;

-1000€ à titre de dommages-intérêts;

-1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Condamne ladite société aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/18733
Date de la décision : 15/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°13/18733 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-15;13.18733 ?
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