COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 20 JANVIER 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 13/18042
SARL INTERSERVICES JMD
C/
[R] [J]
[K] [O] épouse [M]
Grosse délivrée
le :
à :me Ermeneux
me Simoni
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Juillet 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/5684.
APPELANTE
SARL INTERSERVICES JMD immatriculée au RCS de CANNES sous le N° 378 351 456, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Julien DARRAS, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [R] [J]
né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 2] (ITALIE), demeurant [Adresse 3] (ITALIE)
représenté par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Michèle ROCCA, avocat au barreau de GRASSE,
Madame [K] [O] épouse [M]
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2015
ARRÊT
Par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
La société interservices JMD est constituée de trois associés , à savoir [T] [M] qui est gérant , son père [V] [M] et sa belle-mère [K] [O] épouse [M] ;
Monsieur [J] est propriétaire de deux appartements à [Localité 1] , ce qui a donné lieu à un mandat général de gestion immobilière consentie à interservices JMD le 25 novembre 96 , et un mandat de gestion immobilière consenti à la même société le 21 mai 2007.
Par ailleurs, M. [J] a consenti procuration au bénéfice de Madame [K] [O] , pour faire fonctionner un compte ouvert au Crédit Agricole de Cannes , en date du 11 juin 2001.
Par acte en date du 17 octobre 2011, Monsieur [J] a fait assigner la société interservices J M.D. et Madame [O]- [M] au visa de la théorie du mandat apparent , pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer 63'010,61 euros , au titre des retraits effectués sur son compte par Madame [O] et dont elle ne peut rendre compte .
Par jugement réputé contradictoire en date du 9 juillet 2013, Madame [O] n'ayant pas comparu, le tribunal de grande instance de Grasse a prononcé condamnation in solidum à hauteur du montant sollicité.
La société interservices J M.D. a relevé appel le 6 septembre 2013 de façon régulière et non contestée. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile.
Mme [O] , quoique régulièrement assigné le 10 décembre 2013, n'a pas constitue avocat.
Il sera statué par défaut.
L'appelante a conclu le 10 novembre 2014 et demande à la cour d'infirmer le jugement de premier ressort.
À titre principal, il sera sursis à statuer jusqu'à complet achèvement de la procédure pénale.
À titre subsidiaire, Monsieur [J] est mal fondé à évoquer la théorie du mandat apparent à son profit , [K] [O] qui était son mandataire direct ayant effectué de son propre chef des retraits sur son compte bancaire.
La responsabilité de l'appelante n'est pas engagée, Monsieur [J] devant être débouté de l'ensemble de ses demandes, avec condamnation à payer une somme de 5000 €
au titre des frais inéquitablement exposés.
Monsieur [J], intimé , a conclu le 20 novembre 2014 à la confirmation, avec allocation d'une somme de 5000 € au titre des frais inéquitablement exposés.
Avant l'ouverture des débats, les parties ont convenu d'une cause grave tenant au respect du contradictoire et justifiant le rapport à l'ordonnance de clôture au 2 décembre 2014 , les parties acceptant expressément l'admission aux débats des écritures précitées.
SUR CE:
Sur le sursis à statuer :
Attendu qu'il est pour le moins audacieux de solliciter sursis à statuer dans l'attente du sort de la procédure pénale, en ne versant au débat que la plainte de Monsieur [T] [M] devant les services de police en date du 22 février 2008 (bientôt sept ans) , tout en évoquant une mise en examen et l'ordonnance de renvoi de de Madame [O] , sans pour autant éclairer la cour sur ces éléments qui ne sont pas communiqués , sans autre explication ni précision.
Que la demande de sursis à statuer sera donc rejetée , étant au surplus précisé qu'il n'est pas sérieusement contesté dans le présent débat que la procuration consentie à [K] [O] par Monsieur [J] le 11 juin 2001 a permis à cette dernière de disposer des sommes dont elle est au plan civil incapable de rendre compte, ce qui suffit à rejeter la demande de sursis à statuer puisque l'instance pénale sera sans incidence sur cette impossibilité de rendre compte, qui suffit à engager la responsabilité civile du mandataire, sur la seule base de la procuration bancaire.
Sur le mandat apparent :
Attendu qu'il suffit de se référer aux propres écritures de Monsieur [J] pour y relever les éléments suivants dont il fait état lui-même et qui lui sont donc opposables ;
Attendu qu'un premier mandat de gestion a été confié à JMD interservices le 25 novembre 1996, dont l'exécution n'est pas litigieuse dans le présent débat ;
Attendu que la procuration bancaire litigieuse a été consentie à Madame [O] le 11 juin 2001, ce qui démontre à tout le moins que depuis 1996 et sur plus de quatre ans, aucune procuration bancaire n'a été consentie et n'était donc nécessaire pour mener à bien le premier mandat de gestion ;
Attendu que d'ailleurs et de façon plus générale, la cour ne discerne pas l'utilité pour un mandant ,désirant faire gérer ses appartements en location , de consentir à son mandataire une procuration bancaire sur son propre compte , étant précisé que le premier mandat stipulait une reddition de compte tous les mois, et une modalité de règlement par chèque le 10 du mois suivant ;
Attendu que la suite des conclusions de Monsieur [J] indique que les retraits litigieux dont il se plaint pour un montant de 63'010,61 euros , opérés à la faveur de la procuration bancaire, ont eu lieu entre le 14 juin 2001 et le 8 avril 2003 , le dernier retrait de 1600 € intervenant le 8 avril 2003, soit plus de 8 ans avant l'assignation initiale ;
Attendu que la première opération en date du 14 juin 2001 , trois jours après la procuration et plus de 10 ans avant l'assignation initiale, ne laisse pas d'interroger puisqu'il s'agit d'un retrait de 36'587,76 euros, dont la cour ne discerne pas le lien avec la gestion d'un studio, d'un appartement et d'un parking , dont ni le rendement locatif ni les frais de de copropriété ou de gestion, ou autres taxes, ne sont susceptibles d'expliquer pareille ponction en une seule opération ;
Attendu que la suite des conclusions de Monsieur [J] ajoute aux interrogations, puisque le 21 mai 2007, quatre ans après le dernier retrait litigieux dont il se plaint, il consent toujours à JMD interservices de un nouveau mandat de gestion immobilière prévoyant là aussi une reddition des compte mensuelle et des modalités de règlement par chèque ou virement , la cour s'interrogeant là aussi sur la nécessité d'une procuration bancaire, sachant qu'en toute hypothèse et ainsi que relevé ci dessus, le dernier retrait litigieux est largement antérieur à ce deuxième mandat ;
Attendu que l'examen des pièces de Monsieur [J] n'est d'aucune utilité pour déterminer de façon suffisamment précise les conditions dans lesquelles la procuration bancaire a été consentie, s'agissant des comptes de gestions depuis 1996 , qui d'ailleurs font tous état de « solde en votre faveur payé/virement », et de trois courriers de JMD interservices présentant les v'ux pour 2005 et 2003 , selon courrier non personnalisé adressé au « cher propriétaire », et une note importante en date du 28 août 2002 rappelant les horaires d'ouverture et de prise des appels téléphoniques , ces derniers éléments étant postérieurs à la procuration et insusceptibles de l'expliquer ;
Attendu que le nom de [K] [M] qui apparaît au bas de ces documents ne démontre donc rien des conditions exactes dans lesquelles la procuration du 11 juin 2001 a été consentie , et ne suffit nullement à admettre que :
' l'intimée n'aurait jamais eu le moindre rapport personnel avec [K] [O], cette derniére agissant toujours en qualité de représentante de l'agence ;
' cette dernière était officiellement active dans l'agence à l'époque des détournements et ne s'est jamais présenté autrement que comme la représentant de l'agence ,ainsi que le soutient l'intimé dans ses conclusions , mettant à profit l'adresse ([Adresse 1]) qui apparaît sur la procuration et qui est la même que celle de JMD , sans commenter la réponse de l'appelante sur ce volet, selon laquelle ses locaux étaient totalement séparés de ceux d'une activité de marchand de biens de Madame [O] , un extrait K bis d'une société civile immobilière [Adresse 2] , créée en mars 2000 et gérée par Madame [O] , étant régulièrement communiqué qui comporte comme adresse le [Adresse 1], là aussi sans commentaires de l'intimé ;
Attendu que dans ce contexte reprécisé , la théorie du mandat apparent, selon laquelle M. [J] aurait pu croire que [K] [O] sollicitait une procuration bancaire dans le cadre d'un mandat apparent que lui aurait confié JMD interservices , ne résiste pas à l'examen du mandat incontestable accordé à JMD en 1996 (mais aussi en 2007) , dont les modalités ou le modes d'exécution ne nécessitaient ni ne prévoyaient aucune procuration bancaire , ainsi que des seules pièces concrètes versées ( postérieures à la procuration) dont l'indigence probatoire est manifeste, ce qui ne permet pas de retenir que les circonstances de la délivrance de la procuration en juin 2001 , au demeurant non autrement précisées ou démontrées , autorisaient Monsieur [J] à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de Madame [O] ;
Attendu que la mise en perspective des dates du dernier retrait litigieux, du renouvellement du mandat en 2007 et de l'assignation initiale en 2011 ne milite pas en faveur de la découverte soudaine des retraits opérés pour un tel montant, ni surtout d'un lien entre ces retraits et la nécessité de la gestion des biens immobiliers ;
Attendu que c'est donc une infirmation du jugement de premier ressort qui s'impose, en ce qu'il a prononcé condamnation de JMD interservices , la cour confirmant s'agissant de la condamnation prononcée contre Madame [O] qui ne rend aucun compte des sommes dont elle a disposé au titre de la procuration bancaire ;
Attendu que la cour n'estime pas que les conditions sont réunies qui permettent en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel , au profit de l'une ou l'autre des parties .
PAR CES MOTIFS , LA COUR statuant par défaut :
Déclare l'appel principal de JMD interservices partiellement fondé ;
Réforme pour partie le jugement de premier ressort et statuant à nouveau de ce seul chef,
Déboute Monsieur [J] de toutes ses demandes à l'égard de JMD interservices ;
Confirme pour le surplus le jugement de premier ressort ;
Condamne l'intimé Monsieur [J] aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT