COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 22 JANVIER 2015
N° 2015/29
Rôle N° 13/17157
[G] [Y]
C/
[M] [V]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR
Grosse délivrée
le :
à :Me DE VILLEPIN
Me BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 23 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02291.
APPELANTE
Madame [G] [Y]
née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (83), demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [M] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, sise [Adresse 2]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Priscilla BOSIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014. Le 18 Décembre 2015 le délibéré a été prorogé au 22 Janvier 2015.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2015,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [Y], qui présentait une édentation unilatérale supérieure gauche associée à l'absence d'une molaire supérieure droite et inférieure gauche et avait perdu un implant (dent 13) entraînant une communication bucco-sinusienne, a consulté le Dr [V], chirurgien dentiste, en juin 2006 . Celui procédait à divers soins dont la pose de cinq implants (13-14-15-16 et 36) et a la restauration des implants des dents 34 et 3. En février 2007, le médecin a procédé à la pose des prothèses provisoires sur ces implants, puis, en mars 2008, à celle des prothèses définitives, en céramique. Mme [Y] a alors présenté des morsures linguales et de la lèvre supérieure qui a conduit le Dr [V], qui avait constaté une aggravation du bruxisme et une modification de l'occlusion, à lui prescrire en juin 2008 des séances d'orthophonie et à poser en décembre 2009 une prothèse de recouvrement.
En l'absence d'amélioration, Mme [Y] a consulté un autre médecin, le Dr [I] qui a préconisé un démontage des céramiques des deux bridges et de la dent 46, la pose de prothèses provisoires, solution qui ne sera pas mise en oeuvre.
Par ordonnance de référé du 16 mars 2010, le Dr [X] a été désigné afin de procéder à une expertise médicale de Mme [Y]. Il a déposé son rapport le 19 juillet 2010.
Le 2 mai 2012, Mme [Y] a assigné le Dr [V] devant le tribunal de grande instance de Nice, qui, par jugement du 23 mai 2013, sur le fondement de l'art L. 1142-1 du code de la santé publique et en présence de la CPAM du Var, a :
- Débouté Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre le Dr [V],
- Débouté toutes les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [Y] aux dépens.
Se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, le tribunal a retenu qu'aucune faute n'avait été caractérisée contre le Dr [V], qu'aucun dire n'avait été déposé devant l'expert et que le rapport du Dr [J], produit par Mme [Y], non contradictoire et établi plus d'un an après l'expertise, ne permettait pas de remettre en cause les conclusions de l'expert.
Par déclaration du 20 août 2003, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, Mme [Y] a formé un appel général contre cette décision.
Prétentions et moyens des parties
Par des conclusions du 9 octobre 2014, Mme [Y] a conclu à la réformation du jugement, à la condamnation du Dr [V] à lui verser la somme de 15 816,72 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel et à la désignation d'un expert médical afin d'établir l'étendue de son préjudice corporel. A titre subsidiaire, elle a sollicité la condamnation du Dr [V] à lui verser un indemnité forfaitaire en réparation de préjudice corporel de 30 000 euros. Elle demande en tout état de cause, la condamnation du médecin à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que ses troubles sont apparus dès la pose des prothèses définitives et que l'expert a préconisé la dépose de la restauration prothétique et à sa reprise en résine, ce qui établit que les prothèses définitives posées par le Dr [V] n'étaient pas adaptées à son cas et devait conduire le tribunal a retenir la responsabilité du celui-ci. Elle invoque, en outre, les conclusions du Dr [J] qui indique que l'occlusion des prothèses réalisées par le Dr [V] n'est pas conforme aux règles de l'art et que le suivi post soins du Dr [V] avait été inefficace. Elle s'appuie également sur les avis émis par cinq spécialistes qu'elle a consultés par la suite.
Elle critique le rapport du Dr [X] qui n'a pas procédé à un contrôle de l'occlusion et comporterait des carences au niveau de l'évaluation du préjudice.
Le Dr [V], par des écritures du 10 juillet 2014, a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de Mme [Y] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire mais aussi sur celui du Dr [J] et sur le certificat du Dr [Q] consulté en dernier lieu par Mme [Y], il soutient qu'aucun de ces professionnels n'a constaté de faute dans l'indication et la réalisation des soins. Il estime que, si les prothèses définitives en céramique se sont révélées inconfortables pour Mme [Y], ceci est indépendant de toute faute, cette inadaptation ne pouvant être constatée qu'après la pose. Il s'oppose au versement de toute provision et à la désignation d'un expert pour établir la consistance du préjudice corporel de Mme [Y].
La CPAM du Var, assignée à personne habilitée le 8 novembre 2012, n'a pas constitué avocat mais a fait connaître que le montant provisoire de ses prestations, fixé à 999,36 euros.
L'arrêt sera réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs de la décision :
Il résulte de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, applicable en l'espèce, que hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. L'obligation de démontrer l'existence d'une faute du praticien vaut également lorsque les soins ont consisté en la pose d'un matériel, implant ou bridge en l'espèce, aucune obligation de résultat ne pesant sur lui.
En l'espèce, il est constant que les troubles ressentis par Mme [Y], qui sont à l'origine de son action contre le Dr [V], sont apparus exclusivement après la pose des prothèses définitives en céramique et sont en lien avec celles-ci. L'expert a conclu que le traitement implanto-porté était indiqué et Mme [Y] ne conteste pas l'indication de la pose d'implants, compte tenu de son état bucco-dentaire initial.
L'expert a indiqué que les prothèses fixées étaient conformes aux données de la science et a constaté qu'au jour de son examen les implants posés étaient asymptomatiques et présentaient des images radiologiques de contrôle d'ostéointégration satisfaisantes. Il a cependant ajouté que 'le tableau clinique particulier de Mme [Y] (bruxisme, interposition linguale et hyposialie) a perturbé le port des prothèses définitives'. L'expert n'a relevé aucun manquement du Dr [V] aux règles de l'art dans les soins qu'il a donnés à Mme [Y].
Il a, par ailleurs, conclu que les troubles de morsures répétées n'étaient pas imputables de façon directe, certaine et exclusive aux implants posés.
Ainsi, il apparaît que le Dr [V] a donné à Mme [Y], jusqu'au jour où elle a cessé de le consulter, des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.
Si Mme [Y] soutient que la solution choisie consistant en la pose de prothèses définitives céramo-métalliques n'était pas adaptée à son cas, l'expert judiciaire ne donne aucun élément permettant de considérer qu'un examen plus approfondi de la part du Dr [V] aurait dû le conduire à exclure cette solution ou que celle-ci était en tout état de cause contraire aux données acquises de la science. En effet, s'il a constaté que 'la patiente se sentait plus efficiente et confortable avec les prothèses provisoires en résine' et que 'la dépose de la restauration prothétique et sa reprise en résine était nécessaire', il n'indique pas que la pose de telles prothèses n'était pas indiquée ou ait été fautive dans le cas de Mme [Y]. Par ailleurs, le Dr [J], chirurgien dentiste qui a examiné Mme [Y] à sa demande dans le cadre d'une expertise unilatérale, qui précise que la pose de prothèses céramiques est parfois très inconfortable en position postérieure, n'indique pas davantage que le Dr [V] aurait dû éviter la pose de telles prothèses chez cette patiente. Enfin, les autres certificats médicaux produits par Mme [Y] ne mentionnent pas que les prothèses définitives auraient été mal posées ou contre indiquées, mais se bornent, pour la plupart, à constater les problèmes d'occlusion molaire dont souffre Mme [Y].
Le choix de procéder à la pose de prothèses céramo-métallique n'était donc pas fautif, étant observé que le Dr [J] indique que les prothèses en résine cuite, qui constituent une alternative sont moins durables.
Par ailleurs, l'expert [X] a précisé que le suivi des soins avait été respecté par le Dr [V], notant que celui-ci avait pris en compte les morsures et les problèmes de mastication de Mme [Y], en lui prescrivant des séances d'orthophonie et en posant une prothèse de recouvrement en mars 2009. S'il indique que la dépose des prothèses en céramique était nécessaire, il précise qu'elle n'avait pu être réalisée par le Dr [V], en raison de la rupture de soins par la patiente.
Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du Dr [V] dans les soins qu'ils a donnés à Mme [Y], ce qui conduit à confirmer le jugement qui l'a déboutée de son action.
Sur les demandes annexes :
Mme [Y] étant déboutée, elle sera condamnée aux dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande de ne pas accueillir la demande formée par le Dr [V] sur le fondement du même article.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme le jugement,
Y ajoutant,
- Rejette toutes les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [Y] aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,