COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 22 JANVIER 2015
N° 2015/43
L. B.
Rôle N° 14/02334
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[O] [U]
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
C.P.A.M. DE L'INDRE
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN
Maître LIBERAS
Maître TUILLIER
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Toulon en date du 28 janvier 2014 enregistrée au répertoire général sous le N° 13/01517.
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD
dont le siège est [Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Maître Nathalie CENAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS :
Monsieur [O] [U],
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Maître Pierre LIBERAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Maître Thierry CABELLO, avocat au barreau de TOULON
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES,
dont le siège est [Adresse 3]
représenté et plaidant par Maître Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Maître David GERBAUD-EYRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
C.P.A.M. DE L'INDRE
dont le siège est [Adresse 4]
[Localité 1]
non représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 décembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Laure BOURREL, conseiller
Madame Dominique KLOTZ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2015.
ARRÊT :
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2015,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Le 2 avril 2013 à [Localité 3]), le poids-lourd conduit par M. [O] [U], appartenant à la société Cluzel et assuré par la SA Axa France IARD, s'est couché dans un rond-point.
Par exploits des 20 et 21 novembre 2013, M. [O] [U] qui a été grièvement blessé dans cet accident, a assigné la SA Axa France IARD, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et la CPAM de l'Indre afin que soit ordonnée une expertise médicale, que lui soient allouées une provision de 100'000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et une provision ad litem de 10'000 €.
Par ordonnance de référé du 28 janvier 2014, le président du tribunal de grande instance de Toulon a :
' déclaré irrecevable l'action de M. [U] à l'égard du Fonds de garantie,
' ordonné une expertise médicale de M. [O] [U] confiée au docteur [N] [S],
' condamné la SA Axa France IARD à payer à M. [O] [U] une indemnité provisionnelle de 50'000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, matériels et financiers,
' débouté M. [O] [U] du surplus de ses demandes,
' condamné la SA Axa France IARD à payer à M. [O] [U] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la SA Axa France IARD aux dépens.
La SA Axa France IARD a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 4 février 2014.
Par conclusions récapitulatives n° 3 du 24 octobre 2014, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SA Axa France IARD demande à la cour de :
« Vu les articles 145 et 809 du code de procédure civile,
Vu les conditions générales et particulières de la police n° 0030790411286 souscrite par la société Cluzel auprès de la compagnie Axa France,
Vu l'article R. 211 ' 8 du code des assurances,
Constater qu'aucune garantie des dommages du conducteur du véhicule assuré n'a été souscrite.
Dire et juger que M. [U] n'établit pas d'obligation d'indemnisation non sérieusement contestable à l'encontre de la compagnie Axa France au titre de l'assurance obligatoire du fait de sa qualité de conducteur.
En conséquence,
Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Débouter M. [U] de son appel incident.
Subsidiairement,
Vu l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985,
Constater que le droit à indemnisation est sérieusement contestable en présence d'un défaut de maîtrise, d'une manoeuvre fautive du conducteur victime et d'un défaut de port de la ceinture de sécurité.
Décharger la compagnie Axa France de toute condamnation provisionnelle.
Condamner M. [U] à rembourser à la compagnie Axa France la somme de 51'000 € réglée en exécution de l'ordonnance entreprise.
Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Romain Cherfils conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »
Par conclusions du 6 novembre 2014, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [O] [U] demande à la cour de :
« Vu l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale,
Vu l'article L. 421 ' 1 du code des assurances,
Vu la loi n° 85 ' 677 du 5 juillet 1985,
1°) Confirmer l'ordonnance du 28 janvier 2014 en ce qu'elle a :
- dit et jugé que le droit à indemnisation de [O] [U] n'est pas sérieusement contestable en vertu des dispositions des articles L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale et de la loi du 5 juillet 1985,
- ordonné une expertise médicale,
- condamné Axa France au paiement de la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
2°) Infirmer l'ordonnance du 28 janvier 2014 sur le montant de la provision, et statuant de nouveau, condamner la compagnie Axa France au paiement provisionnel de la somme de 100'000 € à valoir sur le préjudice corporel, matériel et financier de M. [U].
3°) Infirmer l'ordonnance du 28 janvier 2014 en ce qu'elle a débouté M. [U] de sa demande de provision ad litem et statuant de nouveau, condamner la compagnie Axa France au paiement de la somme de 10'000 € à titre de provision ad litem.
4°) Condamner la compagnie Axa France au paiement de la somme de 2500 € TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
5°) Condamner la compagnie Axa France au paiement des entiers dépens distraits au bénéfice de la Selarl Libéras, avocat, sur sa due affirmation de droit. »
Par conclusions n° 3 du 22 septembre 2014, qui sont tenues pour entièrement reprises, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages demande à la cour de :
« Écarter des débats toutes les pièces qui n'auront pas été effectivement communiquées sous bordereau devant la cour.
Confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que lors de l'accident litigieux, M. [O] [U] conduisait dans le cadre de son activité professionnelle pour la société Cluzel un véhicule terrestre à moteur dont l'employeur était demeuré le gardien.
La confirmer encore en ce qu'elle a retenu que sur le fondement de l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale, M. [U] devait être indemnisé par la compagnie, assureur du véhicule qu'il conduisait.
Dire et juger que les stipulations contractuelles excluant la garantie du conducteur doivent être réputées non écrites à en ce qu'elles sont contraires aux dispositions d'ordre public des articles R. 211 ' 3 et R. 211 ' 8, paragraphe d, du code des assurances.
Confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a mis à la charge de la compagnie Axa l'indemnité provisionnelle allouée à M. [U].
Dire n'y avoir lieu à condamnation du Fonds de garantie aux dépens ou au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la compagnie Axa aux entiers dépens, avec distraction en ce qui concerne ceux d'appel, au profit de Me Alain Tuillier, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile. »
Régulièrement assignée le 26 mai 2014 à personne habilitée à recevoir l'acte, la CPAM de l'Indre n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
M. [O] [U] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il conduisait l'ensemble routier qui appartient à son employeur, la société Cluzel, et qui est assuré par la SA Axa France IARD en vertu d'un contrat de flotte dénommé ' Parc Entreprise'.
M. [O] [U] explique, ainsi que M. [Y] [F], témoin des faits, qu'alors que l'ensemble routier était dans un rond-point, deux véhicules lui ont coupé la route, qu'il a donné un coup de volant à gauche, et que l'ensemble routier qui transportait de la ferraille, s'est alors couché à droite sur la chaussée.
Les parties ne contestent pas que M. [O] [U] étant dans l'exercice de ses fonctions, il s'agit d'un accident du travail et que la société Cluzel est le gardien de l'ensemble routier.
La SA Axa France IARD soutient qu'il existerait une contestation sérieuse à son obligation d'indemniser M. [O] [U] aux motifs que celui-ci était le conducteur du seul véhicule impliqué et que dans le contrat d'assurance dont s'agit, il est stipulé que la garantie responsabilité civile ne garantit pas les dommages subis par le conducteur.
Cependant, l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident du travail survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime, celle-ci ou ses ayants droit et la caisse peuvent obtenir une réparation complémentaire sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
En l'absence de distinction, ce texte s'applique aussi lorsque la victime est le conducteur du véhicule terrestre moteur.
Cette disposition est reprise mot à mot dans l'article R. 211 ' 8 du code des assurances qui énonce les cas où l'assurance n'est pas obligatoire, mais mentionne au 1° d) que n'est pas comprise dans cette exclusion la couverture de la réparation complémentaire prévue à l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale pour les dommages consécutifs à un accident défini à l'article L. 411 ' 1 du même code, subis par une personne salariée ou travaillant pour un employeur, et qui est victime d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur conduit par cet employeur, un de ses préposés ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime, et survenu sur une voie ouverte à la circulation publique.
La rédaction de ces deux textes étant strictement identique, d'évidence, leur analyse est nécessairement la même.
Surtout, il suit de là que la SA Axa France IARD, en sa qualité d'assureur responsabilité civile de l'employeur, a l'obligation réglementaire de couvrir la réparation complémentaire prévue à l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale.
Elle a d'ailleurs intégré cette obligation dans les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Cluzel.
Bien que dans ses écritures, la SA Axa France IARD soit muette sur cette disposition contenue dans les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Cluzel, à l'article 2.1 'L'assurance de votre responsabilité civile', paragraphe ' Lorsque le souscripteur est employeur' est ainsi rédigée :
' En cas de dommages subis par un de ses préposés pendant son service, si l'accident dans lequel est impliqué le véhicule assuré est survenu sur une voie ouverte à la circulation publique et si le véhicule est conduit par l'employeur, un de ses préposés ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime, nous garantissons la réparation complémentaire prévue à l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale pour les dommages consécutifs à un accident du travail défini à l'article L. 411 ' 1 du même code.'
En conséquence, nonobstant l'exclusion de la garantie responsabilité civile pour les dommages subis par le conducteur contenue au contrat d'assurance, comme il s'agit d'un accident du travail, il n'est pas sérieusement contestable que la SA Axa France IARD a l'obligation d'indemniser M. [O] [U] de son préjudice corporel sur le fondement de l'article L. 455 ' 1 ' 1 du code de la sécurité sociale, repris par l'article R. 211 ' 8 1°) d du code des assurances et comme stipulé dans le contrat d'assurance souscrit par la société Cluzel, employeur de la victime et propriétaire du véhicule impliqué.
La SA Axa France IARD invoque ensuite sur le fondement de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, que M. [O] [U] aurait commis deux fautes, soit un défaut de maîtrise et un défaut de port de la ceinture de sécurité, qui seraient de nature à exclure son droit à indemnisation.
Le défaut de maîtrise serait constitué par le coup de volant à gauche donné par M. [O] [U] afin d'éviter deux véhicules qui lui ont coupé la route, ce qui a déstabilisé l'ensemble routier lequel s'est renversé. Mais cette mesure de sauvetage ne pourra être qualifiée de fautive qu'après une discussion du fond.
En ce qui concerne le défaut du port de la ceinture de sécurité, une lecture attentive du procès-verbal établi par les militaires de la gendarmerie révèle une contrariété importante dans la mesure où les enquêteurs n'ont effectué aucune constatation matérielle sur les lieux, ont noté qu'ils n'avaient relevé aucune infraction, alors que dans la rubrique 'Infraction (s) susceptible (s) d'être relevée (s)', ils ont mentionné cette infraction de conduite sans port de la ceinture de sécurité.
La réalité de cette deuxième faute relève aussi nécessairement d'une discussion au fond.
En tout état de cause, d'évidence ces deux fautes, à les supposer établies, ne sont pas de nature à exclure le droit à indemnisation de la victime mais uniquement à le limiter.
M. [O] [U] a présenté une atteinte de la moelle épinière avec paraplégie de niveau L1 avec un déficit moteur complet depuis la racine des cuisses et un déficit sensitif incomplet avec une hypoesthésie jusqu'aux genoux et une anesthésie complète au niveau des pieds.
Le scanner crânio-cervical a mis en évidence une petite fracture non déplacée du massif articulaire C6 gauche.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien a quant à lui mis en évidence une fracture luxation en D12 L1 avec compression du cône terminal.
Il a dû être opéré en urgence afin de réduire cette luxation fracture.
Après son hospitalisation en neurochirurgie au CHR d'[1], début avril 2013 il a été transféré au centre de rééducation [2] à [Localité 4] où il serait toujours hospitalisé.
Nonobstant la gravité de l'état de M. [O] [U], eu égard aux développements qui précèdent, le premier juge a fait une exacte appréciation de la provision à lui allouer.
L'ordonnance de référé qui lui a octroyé une provision de 50'000 € sera confirmée.
En ce qui concerne la provision ad litem, à défaut d'avoir produit un quelconque justificatif sur sa situation financière actuelle, M. [O] [U] sera débouté de cette demande, et l'ordonnance de référé entreprise sera confirmée aussi sur ce point.
L'équité commande de faire bénéficier M. [O] [U] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exclusion de toute autre partie.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance de référé entreprise,
Y ajoutant,
Condamne la SA Axa France IARD à payer à M. [O] [U] la somme de 1500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Condamne la SA Axa France IARD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,