COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 11 FÉVRIER 2015
N°2015/81
Rôle N° 13/18983
[D] [N]
C/
SAS PONTICELLI FRERES
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Philippe louis RULLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 27 Mars 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21200561.
APPELANT
Monsieur [D] [N], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES
SAS PONTICELLI FRERES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe louis RULLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Aïda VARTANIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 3]
représenté par Mme [V] [R] (Inspectrice Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Février 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Février 2015
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[D] [N] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, société PONTICELLI, dans le cadre de l'accident survenu le 13 mars 2007.
Le Tribunal par jugement en date du 27 mars 2013, a rejeté son recours.
[D] [N] a relevé appel de cette décision, le 24 septembre 2013.
Le conseil de l'appelant expose que [D] [N] était embauché sous contrat à durée déterminée, que la faute inexcusable est ainsi présumée, et qu'en tout état de cause cette faute inexcusable est constituée matériellement en l'espèce comme ayant conduit à l'accident du travail du 13 mars 2007.
Il sollicite la réformation en ce sens du jugement déféré, la majoration à son taux maximum de la rente versée, la mise en place d'une expertise aux fins de déterminer les préjudices complémentaires, l'allocation d'une provision de 30 000 €, et demande une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société PONTICELLI expose être un grand groupe dans divers domaines de l'industrie, avoir mis en place une importante politique de sécurité avec sensibilisation des salariés, soutient que la présomption de faute inexcusable ne saurait en l'espèce être mise en 'uvre, que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont par ailleurs pas réunis, demande la confirmation du jugement entrepris, et sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté la Caisse s'en rapporte à justice sur la détermination éventuelle de la faute inexcusable, et dans cette hypothèse, demande que l'employeur soit condamné à lui rembourser les sommes dont elle serait amenée à faire l'avance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que [D] [N] a été engagé par la société PONTICELLI par contrat à durée déterminée pour huit semaines à compter du 12 février 2007 afin de participer au renfort des équipes du centre sud-est de [Localité 1] ;
Attendu que le 13 mars 2007 il a été victime d'un accident du travail et la déclaration d'accident de travail du même jour mentionne « lors de la manutention d'une pièce au sol à l'aide d'une grue, la charge s'est subitement déportée en heurtant violemment la victime au bras » ;
Que le certificat médical du 14 mars 2007 précise une fracture luxation du coude et une fracture bifocale du radius droit ;
Que par la suite [D] [N] a subi plusieurs interventions chirurgicales ; qu'un taux d'IPP de 36 % lui a initialement été attribué, puis après décision du Tribunal du contentieux de l'incapacité du 20 mars 2012, un taux de 42 % d'IPP était fixé ;
Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;
Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;
Attendu toutefois que selon les dispositions de l'article L 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable est présumée établie si des salariés sous contrat à durée déterminée ou des travailleurs intérimaires, ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L 4141-2 du code du travail ;
Que cette présomption est toutefois simple, l'employeur pouvant la renverser en rapportant la preuve que les éléments permettant de retenir l'existence d'une faute inexcusable, ne sont pas réunis ;
Attendu qu'en l'espèce, le premier juge a relevé à juste titre que le requérant n'avait pas été engagé sur un poste présentant des risques particuliers ; qu'en son emploi est celui de « tuyauteur » ; qu'une formation à la sécurité renforcée n'était donc pas nécessaire ;
Attendu qu'en tout état de cause, il est également à rappeler que si la loi impose à l'employeur la nécessité de réaliser une formation spécifique, lorsqu'un poste de travail présente des risques particuliers sur le plan de la sécurité, le mode d'administration de cette formation ne suit pas un processus obligatoirement déterminé ;
Qu'il ressort ainsi, surabondamment, des éléments du dossier que [D] [N] reconnaît avoir reçu les consignes générales de sécurité, et avoir suivi une formation à son arrivée dans l'entreprise, tel qu'en attestent deux documents signés par lui le 11 janvier 2007, soit peu de temps avant la prise d'effet de son contrat de travail en date du 12 février 2007 ;
Qu'il en résulte que la présomption visée ci-dessus sera écartée ;
Attendu, concernant l'exposition au risque, qu'en l'espèce l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein de l'entreprise n'est pas contestée, l'employeur fondant précisément ses démonstrations sur les circonstances mêmes du déroulement de l'accident, et les mesures prises préalablement à celui ci ;
Attendu, sur la conscience du danger, par contre, qu'il doit être rappelé que lorsque les circonstances de l'espèce démontrent que l'entreprise utilisatrice pouvait ne pas avoir conscience du danger, par référence à ce qui peut être attendu d'un employeur normalement diligent, la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
Qu'en l'espèce, trois ensembles d'éléments doivent être pris en considération ;
Qu'en premier lieu, un « arbre des causes » a été établi, non contesté par les parties, lequel fait apparaître comme « cause racine : l'interposition de la victime entre le tuyau en mouvement et le tuyau fixe », et comme l'une des deux causes contributives, « la victime pose ses deux mains sur le tuyau pour stopper le mouvement » ;
Qu'en second lieu, les mesures mises en place préalablement à la manutention sont attestées notamment par deux documents, l'un établi la veille de la manutention soit le 12 mars 2007 intitulé « permis de base autorisant les travaux à chaud », et l'autre intitulé « examen d'adéquation du levage », tous deux validant la manutention en question après énumération des caractéristiques de l'opération, et portant les signatures du chef de man'uvre, du grutier et du surperviseur ;
Qu'en dernier lieu, il n'est pas inintéressant de relever que le CHSCT de la société employeur n'a pas été alerté par l'inspection du travail, laquelle n'a pas dressé de procès verbal d'infraction ;
Attendu ainsi que ne peut être retenue la faute inexcusable de l'employeur à partir du moment où est apportée la preuve que les protections et mesures mises en place pouvaient légitimement lui sembler suffisantes au regard tout à la fois, et selon les contentieux, des données scientifiques, de la législation en vigueur, ou des exigences sans cesse actualisées par les nécessités de protection des salariés au sein de contextes professionnels spécifiques ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de [D] [N],
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT