COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26 FEVRIER 2015
N°2015/126
Rôle N° 14/08624
[V] [B]
C/
[M] [H]
Grosse délivrée
le :
à :
ME KEITA
ME KLEIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Cour de Cassation de PARIS en date du 04 Juin 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° H11-27.650.
APPELANT
Monsieur [V] [B]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (MAROC),
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-louis KEITA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [M] [H]
né le [Date naissance 2] 1948 à BENEZET (Gard) (30),
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre, et Mme Anne CAMUGLI, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre
Mme Anne CAMUGLI, Conseiller
M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Février 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Février 2015.
Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat en date du 1er janvier 2000, M. [H] a donné à bail à M. [B] un logement situé [Adresse 2] moyennant un loyer mensuel de 457,35 euros.
Par arrêté du 26 décembre 2007, le Préfet a déclaré l'immeuble insalubre en considération de l'importance des désordres l'affectant, interdit de façon immédiate et définitive son habitation et son utilisation et ordonné la libération des lieux dans un délai de trois mois. Il a également rappelé au bailleur l'obligation de relogement lui incombant en application des articles L521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.
Se prévalant du trouble de jouissance consécutif aux manquements du bailleur à ses obligations, et notamment celle de donner à bail un logement décent, et de le reloger à défaut, M.[B] a saisi le tribunal d'instance d'Alès en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 30 juillet 2009, assorti de l'exécution provisoire le tribunal d'instance a condamné M.[H] à payer à M. [B] une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour statuer ainsi le premier juge a relevé l'état de danger de l'immeuble décrit dans l'arrêté préfectoral a pris en considération une attestation produite par M.[V] [B] démontrant qu'il avait été hébergé par son fils du 28 décembre 2007 au 1° août 2008, et a retenu la carence du bailleur dans son obligation de délivrance d'un logement décent et dans son obligation de relogement .
M.[H] a interjeté appel de cette décision le 21 août 2009.
Par arrêt du 25 novembre 2010, la cour d'appel de Nimes a réformé le jugement déféré et débouté M.[B] de ses demandes, en ce compris une demande de remboursement des loyers perçus par le bailleur pour les mois d'avril à octobre 2006,formée à l'occasion de la procédure d'appel.
La cour a considéré qu'il n'y avait aucune carence du bailleur dès lors que M.[V] [B] s'était maintenu dans les lieux malgré un congé pour vendre régulier en la forme délivré le 22 mars 2006 et une ordonnance de non conciliation du 6 décembre 2007 attribuant le logement à son épouse et qu'il s'était vu proposer une solution de relogement à laquelle il n'avait pas donné suite
Par arrêt du 4 juin 2013 la cour de cassation a cassé cet arrêt en toute ces dispositions en retenant
- que la cour n'avait pas caractérisé un événement de force majeure de nature à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance d'un logement décent pendant la durée du bail
- que nonobstant les termes de l' ordonnance de non conciliation M.[V] [B] restait titulaire du bail jusqu'à transcription du jugement de divorce,
- que la cour avait relevé d'office sans inviter les parties à s'expliquer le moyen tiré de la prise d'effet du congé pour vendre,
- que la cour n'avait pas recherché si la demande en restitution de trop perçu ne constituait pas le complément de la demande formée en première instance.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
M.[V] [B] a saisi la cour d' Aix-en-Provence cour de renvoi le 18 avril 2014 et demande à la cour de confirmer la décision du tribunal d'instance d'Ales sauf à porter la condamnation à la somme de 12.000 euros tenant compte notamment des loyers qu'il a versés d'avril à octobre 2006 à concurrence de 2.836,47 euros.
M.[M] [H] par conclusions déposées et signifiées le 20 août 2014 demande à la cour
- à titre principal de déclarer M.[V] [B] irrecevable à agir faute d'intérêt
- à titre subsidiaire de déclarer ses demandes infondées compte tenu des dégradation volontaires commises dans les lieux, de l'occupation illégale de l'immeuble, du congé pour vendre prenant effet le 30 juin 2007 et des propositions de relogement
Il sollicite reconventionnellement la somme de 12.000 euros de dommages et intérêts et 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il souligne que M.[B] ne dépose devant la cour aucune autre pièce que les décisions intervenues.
Il expose que le bail ne portait que sur un réduit au rez de chaussée et 4 pièces au premier étage, salle de bain et wc, que le grenier n'était pas compris dans le bail, que le locataire a entrepris d'enlever les fenêtre du 2° étage pour installer une parabole, qu'il a dégradé la toiture, entreposé dans le grenier des matériaux surchargeant dangereusement le plancher, que M.[V] [B] n'a pas obtempéré à l'injonction de vider les lieux, (garage et grenier) faite par sommation du 22 mars 2006, que le maire de [Localité 2] atteste que le relogement a été proposé.
Il fait valoir en outre que M.[V] [B] a présenté devant la cour d'appel de Nimes des quittances de loyer falsifiée et qu'il ne justifie d'aucun préjudice.
Il souligne qu'en définitive l'attitude de M.[V] [B] était uniquement destinée à paralyser un projet de vente pourtant nécessaire ne raison de la difficulté de sa situation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
En l'absence de démonstration d'une cause grave survenue depuis l' ordonnance de clôture il n'y pas lieu à rabat de cette ordonnance
Les conclusions et pièces déposées par M.[M] [H] le 22 janvier 2015 seront déclarées irrecevable.
Sur l'intérêt à agir de M.[V] [B].
Devant la cour de renvoi, M.[M] [H] se prévaut d'un congé pour vendre délivré le 22 mars 2006, toutefois celui ci est inopérant dans le litige car il vise un bail verbal du 1° juillet 1998, et ne peut donc concerner le rapport locatif liant les parties qui résulte d'un bail écrit conclu le 1° janvier 2000.
Par ailleurs nonobstant les termes de l'ordonnance de non conciliation attribuant le logement à son épouse et lui enjoignant de quitter les lieux avant le 31 décembre 2007 M.[V] [B] reste co titulaire du bail jusqu'à la transcription du jugement de divorce.
Il en ressort que M.[V] [B] était co titulaire du bail à la date de la survenance de l'arrêté de péril, et qu'il a donc intérêt à agir dans un litige concernant l'exécution par le bailleur de ses obligations ce qui ne préjuge pas du bien fondé de son action.
Sur le demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance:
Sur l'obligation de relogement
L'arrété du 26 décembre 2007 interdiait l'habitation des locaux.
En conséquence c'est à juste titre que le premier juge a considéré que M.[M] [H] était tenu d'une obligation de proposer un relogement par application de l'article L 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation.
Cette obligation qui incombe au bailleur ne peut être satisfaite par des offres de relogement faite par la mairie dans le cadre d'une opération d'urbanisme.
Toutefois M.[M] [H] justifie par la production d'une attestation de la société Villaret gestion d'une proposition de relogement concernant Mme [B] [R] (pièce 14) dont il n'est pas soutenu qu'elle a été refusée par l'intéressée.
Compte tenu de l'unicité du bail dont les deux époux étaient titulaires, ce relogement est satisfactoire et aucun manquement du bailleur sur ce point n'est démontré.
Sur l'indemnisation pour trouble de jouissance.
M.[V] [B] fait état de l'indécence du logement donné à bail; il ne produit aucune pièce pour accréditer sa demande.
Le premier juge pour statuer ainsi qu'il l'a fait a retenu l'état du logement tel qu'il résulte des énonciations de l'arrêté préfectoral intervenu le 26 décembre 2007.
Cet arrêté préfectoral dont les termes ne sont pas contestés bien qu'il ne soit pas produit aux débats fait état du mauvais état du gros et second oeuvre, de l'absence d'entretien de la bâtisse de problèmes d'humidité, de la dangerosité des installations électriques et dispositif de chauffage,
En cet état le premier juge a relevé a considéré à juste titre que l'indécence du logement était caractérisée.
Le fait que M.[M] [H] ne dispose pas de fonds lui permettant d'entretenir le logement en bon état de décence, ne constitue pas un cas de force majeure le dispensant de ses obligations de bailleur.
De même le bailleur ne peut utilement soutenir que l'état de l'immeuble est exclusivement imputable au locataire, en effet les griefs qu'il formule contre celui ci concernent principalement une extension de son occupation hors de l'emprise du bail, et l'enlèvement des volets du second étage, ils ne sont pas en lien de causalité ni de nature à expliquer l'état de dégradation du bâtiment et la dangerosité de ses équipements.
Si l'indemnisation du locataire pour trouble de jouissance n'est pas subordonnée à une mise en demeure du bailleur, encore faut il que le locataire apporte la preuve de la consistance du préjudice qu'il subi.
En l'espèce M.[V] [B] qui ne fournit aucun justificatif et qui a quitté les lieux le 28 décembre 2007 se borne à indiquer qu'il a réglé des loyers, cette affirmation ne suffit pas à fonder sa demande en restitution de loyers des lors qu'il a continué à habiter dans les lieux jusqu'à la survenue de l'arrêté préfectoral.
Au vu des pièces produites, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer l'indemnisation de M.[V] [B] la somme de 5.000 euros et la décision déférée sera confirmée de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
M.[M] [H] bailleur invoque de son côté un manquement de M.[V] [B] à ses obligations de locataire sur le quel il convient de statuer.
L'occupation par M.[V] [B] de locaux non compris dans le bail n'est pas démentie par M.[V] [B] qui se borne à revendiquer à titre d'explication l'existence d'une seule porte d'accès.
Cette occupation est confirmée par l'attestation de M.[G] et a donné lieu à une sommation de vider les lieux délivrée le 22 mars 2006 et non suivie d'effet.
Par ailleurs M.[P] [Y] et M.[W] [G] attestent que M.[V] [B] a fait disparaître les fermetures du deuxième étage pour y installer une parabole.
Ces travaux ont été faits sans autorisation du bailleur sur un étage dont M.[B] n'avait pas la jouissance et sont de nature à compromettre la fermeture des locaux.
Les mises en demeure d'y remédier en date des 22 octobre et 12 décembre 2005 sont restées sans effet.
Dans ces conditions ces fautes du locataire justifient l'octroi à M.[M] [H] de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts
Chacune des parties succombant dans une part de ses prétentions supportera les dépens qu'elle a engagés, et les demandes au titre de l'articles 700 du code de procédure civile seront rejetées
PAR CES MOTIFS
la Cour statuant contradictoirement
Confirme la décision déférée seulement en ce qu'elle a condamné M.[M] [H] à payer à M.[V] [B] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts
infirmant pour le surplus et y ajoutant
dit que M.[M] [H] n'a pas manqué à son obligation de relogement
Condamne M.[V] [B] à payer à M.[M] [H] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations de locataire
ordonne compensation entre ces deux sommes
rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
Dit que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT