COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 04 MARS 2015
N°2015/149
Rôle N° 14/06334
[W] [E]
C/
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Cyril MICHEL de la SARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 24 Janvier 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21000172.
APPELANT
Monsieur [W] [E], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Cyril MICHEL de la SARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [H] [I] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2015
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[W] [E] a fait opposition le 4 janvier 2010 devant le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône à une contrainte du 8 décembre 2009 signifiée par l'URSSAF d'un montant de 82 725 € représentant les cotisations et majorations de retard pour les années 2006 à 2008.
Le Tribunal par jugement en date du 24 janvier 2012, a rejeté son recours et validé la contrainte.
[W] [E] a relevé appel de cette décision, et l'affaire a été ré enrôlée après arrêt de radiation en date du 12 mars 2014.
Le conseil de l'appelant expose que les indemnités transactionnelles versées à des collaborateurs Mrs [U] et [Z] n'ont pas à être assujetties aux cotisations du régime général de sécurité sociale et à la contribution CSG CRDS ; que les sommes versées n'avaient aucunement les caractéristiques de salaires, en l'absence de tout contrat de travail.
Il sollicite la réformation en ce sens du jugement déféré, l'annulation de la contrainte du 8 décembre 2009, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté l'URSSAF entend obtenir la confirmation de la décision et faire constater que l'appelant n'est pas en mesure de démontrer l'absence de situation de salariat avec rémunération et lien de subordination ; qu'ainsi les sommes versées aux personnes concernées par le contrôle doivent être assujetties à cotisations, ainsi qu'au paiement de la CSG CRDS.
Elle sollicite également une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement avisée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que le 8 décembre 2009 l'URSSAF a délivré une contrainte à l'encontre de [W] [E] d'un montant de 82 725 € représentant les cotisations et majorations de retard pour les années 2006 à 2008 ;
Qu'elle était fondée sur une lettre d'observations notifiée le 10 août 2009 et procédant à trois chefs de redressements, l'assujettissement au régime général, l'assujettissement à la CSG CRDS des sommes correspondantes au premier chef d'assujettissement, et la retraite à cotisations définies ; que les deux premiers chefs sont contestés ;
Attendu que [W] [E], architecte urbaniste, expose s'être entouré dans le cadre de l'exploitation de son activité d'architecte, des services d'architectes libéraux avec lesquels il a conclu une convention de collaboration libérale dans les conditions définies par l'Ordre des architectes ;
Que dans ce cadre contractuel il a eu ainsi recours à des architectes libéraux dont notamment Mrs [Z] et [U] ;
Que la cessation de la collaboration a eu lieu, avec Madame [U] par signature d'un protocole transactionnel le 8 février 2007 lui allouant la somme de 45 000 €, et avec Monsieur [Z] par signature d'un accord transactionnel le 14 février 2008 lui allouant la somme de 57 500 € ; que ces sommes étaient qualifiées comme indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive ;
Attendu que par lettre d'observations et contrainte susvisées, l'URSSAF a relevé que l'analyse de ces documents transactionnels permettait d'établir que les deux collaborateurs en question avaient le statut de salarié, conformément aux dispositions de l'article L 311-2 du code de la sécurité sociale, et devaient en conséquence être affiliés au régime général de la sécurité sociale, avec réintégration dans l'assiette des cotisations, des sommes qui leur ont été versées ;
Attendu en effet que les cotisations du régime général de sécurité sociale sont dues pour l'emploi des travailleurs salariés et assimilés ;
Attendu que les personnes assujetties au régime général sont énumérées aux articles L 311-2 et L 311-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que les conditions d'application de l'article L 311-2 ont été précisées par une jurisprudence constante ayant permis l'élaboration des critères généraux de l'assujettissement au régime général et de dégager ainsi trois éléments qui caractérisent le travail dépendant :
- l'existence d'un lien de subordination ;
- le versement d'une rémunération, qui s'explique par le fait que les cotisations sont assises sur la rémunération ;
- l'existence d'un contrat ;
Attendu que le lien de subordination est entendu comme la situation dans laquelle le travailleur est susceptible de recevoir des ordres ou d'être surveillé au moment de l'exécution de ses prestations, de manière telle qu'il est lié par une obligation de moyens et que ses manquements peuvent être sanctionnés ;
Qu'en l'espèce les documents concernant Madame [U], notamment la demande de conciliation du 30 novembre 2006, et concernant Monsieur [Z], soit la demande de conciliation du 15 novembre 2007, font ressortir les conditions de fait suivantes :
- des répartitions d'horaires très précises, avec chiffrages du nombre d'heures hebdomadaires,
- une nature de travail dépendant des instructions données par Monsieur [E],
- un lieu de travail fixé dans les locaux de l'entreprise ;
Que de même la rémunération, même si elle était qualifiée d'honoraires, était parfaitement garantie et sans risque économique, puisque établie mensuellement et en fonction d'un taux horaire ;
Que les éléments qui viennent d'être rappelés caractérisent le travail dépendant ;
Attendu par ailleurs que la preuve de l'existence d'une clientèle personnelle de Mrs [U] et [Z] n'est pas rapportée ; que tout au contraire, une correspondance de Monsieur [Z] du 27 février 2014 précise que « la clientèle était celle de Monsieur [E] » ;
Attendu qu'il est à rappeler que l'existence d'une relation de travail, et sa nature, ne dépend pas de la qualification donnée par les parties au contrat, le juge devant requalifier celui-ci en fonction des conditions de fait de son exécution ;
Qu'ainsi des éléments supplémentaires sont à relever au dossier, notamment des propos tenus par écrit par Monsieur [E], tels que « je les contrôlais ' je t'invite à reprendre ton poste ' » ;
Qu'il échet de constater qu'en l'espèce la totalité des conditions sont réunies, et que la réunion de l'ensemble de ces indices fait ressortir que Mrs [U] et [Z] se trouvaient dans une situation de salariat ; que les sommes versées au titre d'indemnités transactionnelles par Monsieur [E] devaient donc être intégrées dans l'assiette des cotisations ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de [W] [E],
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT