COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 MARS 2015
N° 2015/121
Rôle N° 13/01787
SAS INVESTIR EN FRANCE
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
C/
Maître [S]
Grosse délivrée
le :
à :
-Me BUVAT.
-SCP ERMENEUX.
-Me JOURDAN.
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 21 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00860.
APPELANTES
SAS INVESTIR EN FRANCE,
(Appelante et intimée),
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR,
(Intimée et appelante),
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMEE
Maître BERNARDEAU,
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Claudine FOLIO, avocat au barreau de GRASSE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente et Madame Charlotte COMBARET, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société INVESTIR EN FRANCE, qui exerce une activité de courtage en assurances, de gestion et de transactions immobilières, a conclu le 12 août 2003 une convention de partenariat avec la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur.
Le 3 juin 2009, une nouvelle convention intitulée «convention partenariat prescripteur immobilier» a été signée entre les parties.
Aux termes de cette convention :
La caisse d'épargne donne au mandataire ci-dessus désigné, qui l'accepte, un mandat l'habilitant à :
« Promouvoir auprès de sa clientèle de particuliers ou de professionnels les crédits immobiliers de la caisse d'épargne,
- Mettre la clientèle intéressée en relation avec la caisse d'Epargne pour étude du dossier».
Il était spécifié dans ce contrat que :
« La commission est versée pour chaque prêt immobilier à usage privé et pour chaque prêt professionnel finançant des biens immobiliers à usage professionnel que la caisse d'épargne
accepte de consentir. Elle s'élève :
- Pour les crédits à la clientèle de particuliers et dans le cadre du respect du barème prescripteurs la commission s'élève à 1% TTC du prêt consenti,
- Pour les crédits à la clientèle de professionnels la commission s'élève à 1% TTC du montant du prêt consenti dans la limite des frais de dossier perçus selon le barème mentionné à l'article 4 (grilles barèmes des prêts immobiliers incluant les frais de dossier pour ce qui concerne les crédits aux professionnels).
La société INVESTIR EN FRANCE, estimant que la CAISSE D'EPARGNE Côte d'Azur avait méconnu les dispositions contractuelles en ne lui versant pas des commissions au titre de deux clients à savoir la SCI SCRIBAZUR et M. [E], elle fait assigner cette société devant le tribunal de commerce de Nice, au contradictoire de Me [S], notaire, pour obtenir paiement d'une somme de 45.000 euros dans le premier dossier de 115.000 euros dans le second dossier outre diverses autres indemnités.
Selon la société INVESTIR EN FRANCE, la mise en cause du notaire résultait du fait que celui-ci aurait rédigé une attestation mensongère selon laquelle la SCI SCRIBAZUR aurait directement pris attache avec la Caisse d'Epargne, alors qu'elle démontre qu'elle est bien l'apporteur du dossier SCRIBAZUR à l'établissement bancaire.
Par jugement du 21 janvier 2013, le tribunal a rejeté la demande présentée par la société INVESTIR EN FRANCE dans le dossier SCRIB'AZUR, mais a condamné la banque à lui verser une somme de 65.000 euros dans le dossier [E].
La société INVESTIR EN FRANCE et la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur ont relevé appel de cette décision.
La société INVESTIR EN FRANCE fait valoir:
Dans le dossier [E] :
- qu'elle a présenté M. [E] qui cherchait à obtenir un crédit bancaire à la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur,
- que celle-ci a indiqué le 15 octobre 2009 que le dossier n'avait pu aboutir,
- que parallèlement, elle a accordé un crédit de 6,5 millions d'euros,
- que M. [E] a confirmé son intervention pour le financement d'une société LOCAVIM dont il était le gérant,
- qu'elle produit les pièces du dossier qu'elle a constitué,
- qu'elle est fondée à demander la somme de 65.000 euros à ce titre;
Dans le dossier SCI SCRIB'AZUR :
- que la SCI SCRIB'AZUR représentée par l'étude notariale [S], cliente habituelle lui a demandé de trouver un financement de 6 millions d'euros pour financer l'achat des murs de l'étude,
- qu'elle a pris contact avec la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur ainsi que cela est reconnu, et a monté le dossier,
- que les notaires qui voulaient acquérir un local [Adresse 4] ont modifié leur choix qui s'est porté sur un bien situé [Adresse 5],
- que l'opération a été validée par la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur sans qu'elle en soit informée,
- que Me [S] a reconnu avoir donné mandat pour l'achat du local [Adresse 4],
- qu'elle était en possession d'un mandat de recherche de la SCI SCRIB'AZUR pour trouver le financement de ce local,
- qu'elle a constitué le dossier de financement,
- que la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur ne justifie pas d'un contact direct entre elle et la SCI,
- qu'elle est fondée à obtenir la somme de 49.700 euros à titre de commissions à ce titre.
La société INVESTIR EN FRANCE réclame en outre à titre de dommages et intérêts, 25.000 euros à la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur, et 25.000 euros à Me [S].
La CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur fait valoir :
Dans le dossier [E] :
-que suite à un refus de PR T du 15 octobre 2009, celui-ci a été accordé en juin 2010 et qu'il n'est pas démontré que la société INVESTIR EN FRANCE serait intervenu pour ce second PR T ;
-que la commission réclamée ne correspond pas aux dispositions contractuelles, et qu'il conviendra de tenir compte des frais de dossier d'un montant de 16.250 euros ;
-qu'elle conclut la réformation du jugement à ce titre.
Dans le dossier SCI SCRIB'AZUR :
-que Me [S] a attesté avoir contacté directement la Caisse d'épargne, dont il est client de longue date pour le financement et l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 5] ;
-que le projet initialement prévu n'a pas abouti ;
-qu' à aucun moment la société INVESTIR EN FRANCE s'est comportée en apporteur d'affaire mais comme conseil de la société notariale ;
-qu'elle conclut à la confirmation de la décision déférée.
Elle sollicite le paiement de diverses indemnités.
Me [S] demande la confirmation de la décision entreprise sauf sur le montant des frais irrépétibles accordés en première instance pour lesquels il sollicite une somme de 3.000 euros.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le dossier [E] :
Les documents produits aux débats font apparaître que Monsieur [E] cherchait en effet à obtenir un crédit bancaire d'un montant total de 6,5 Millions d'Euros afin de financer une triple opération immobilière au 6, 8 et [Adresse 1] pour le compte d'une société SMP LMP gérée par M. [E].
La société INVESTIR EN FRANCE justifie avoir monté un dossier de financement dans le cadre de cette opération pour permettre à cette société un prêt de la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur.
Le 15 octobre 2009, la CAISSE D' EPARGNE indiquait : « que le dossier avait fait l'objet d'une étude par ses services et n'avait pu aboutir à une réponse favorable ''.
Toutefois, la banque a accordé à la société LOCAVIM, dont le gérant est M. [E] un prêt de 6,5 millions d'euros, sans en informer la société INVESTIR EN FRANCE.
Ce prêt avait un objet identique à celui initialement prévu avec la société LMP à savoir l'opération immobilière précitée.
La société INVESTIR EN FRANCE produit aux débats de nombreuses pièces concernant la situation financière de société LOCAVIM et de M. [E] établissant qu'elle a participé au montage financier du prêt.
En application des dispositions contractuelles, la société INVESTIR EN FRANCE est fondée à obtenir paiement d'une commission puisqu'elle a mis : «la clientèle intéressée en relation avec la caisse d'Epargne pour étude du dossier».
Selon l'article 6 des dites dispositions, il était prévu une commission de 1% du montant du prêt accordé.
La CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur, fixe les frais de dossier à la somme de 16.250 euros, indiquée dans un document intitulé «profil complet du dossier n°...», mais ne
donne pas la moindre explication et à fortiori justification de ce que comporte ces frais.
C'est donc à juste titre que le tribunal a condamné la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur à verser à la société INVESTIR EN FRANCE la somme de 65.000 euros.
Le jugement est confirmé à ce titre.
Sur le dossier SCI SCRIB'AZUR :
Il est constant que l'étude notariale [S] s'est adressée à la société INVESTIR EN FRANCE pour procéder à l'acquisition d'un immeuble.
Un document intitulé «reçu de dossier valant mandat de recherche...» a été signé entre la société INVESTIR EN FRANCE et la SCI SCRIB'AZUR représentée par messieurs [S].
Puis les notaires, sans en référer à la société INVERTIR EN FRANCE, ont modifié leur choix qui s'est porté sur un bien situé [Adresse 5].
Dans ce document, il était indiqué : «montage et étude du financement de la SCI SCRIB'AZUR sis à [Adresse 4]. Besoin de financement, 6.000.000 euros».
La société INVESTIR EN FRANCE établit que Me [S] lui a transmis des documents permettant le montage du dossier.
La société INVESTIR verse aux débats les documents qu'elle a obtenus de l'étude notariale pour permettre le financement.
Compte tenu des dispositions contractuelles de la convention conclue entre la Caisse d'Epargne et la société INVESTIR, le rôle de cette société consiste à «Mettre la clientèle intéressée en relation avec la caisse d'Epargne pour étude du dossier».
Cette mise en relation entre la Caisse d'Epargne et la SCI SCRIB'AZUR s'est réalisée par l'intermédiaire de la société INVESTIR, et il importe peu que cette SCI après avoir envisagé d'acquérir un local [Adresse 4] ait finalement décider d'acheter un autre local [Adresse 5] dans cette même ville.
La Caisse d'Epargne ne peut sérieusement soutenir que la société INVESTIR s'est comportée comme conseil des notaires, alors qu'elle a rempli ses obligations contractuelles vis à vis de la banque.
En conséquence la Caisse d'Epargne, compte tenu du montant du prêt est condamné à verser à la société INVESTIR, la somme prévu au contrat et représentant 1 % du prêt soit 49.700 euros.
Le jugement est donc infirmé à ce titre.
Sur les mesures accessoires :
Aucuns dommages et intérêts ne peuvent être dus en sus des intérêts légaux, à la charge de la partie en retard pour l'exécution d'une obligation ayant pour objet le versement d'une somme d'argent, à moins que cette partie ait, par sa mauvaise foi causé au créancier un préjudice indépendant de celui qui résulterait du retard lui même.
La société INVESTIR ne prouvant pas que la Caisse d'EPARGNE aurait agi de mauvaise foi ou aurait commis une faute particulière à son encontre, il n'y a lieu de lui octroyer des dommages et intérêts.
La société INVESTIR EN FRANCE qui n'établit pas un comportement fautif de Me [S] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts, étant précisé qu'elle ne prouve pas avoir subi un quelconque préjudice imputable aux allégations qu'elle formule envers Me [S].
La procédure initiée par la société INVESTIR EN FRANCE n'étant nullement abusive, la demande d'indemnités présentée à ce titre par la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur est rejetée.
Les premiers juges ont parfaitement évalué la somme allouée à Me [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable, en cause d'appel, de condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur à verser à la société INVESTIR EN FRANCE une somme de 3.000 euros,
-la société INVESTIR EN FRANCE à verser à Me [S], une somme de 3.000 euros,
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur à lui verser à la société INVESTIR EN FRANCE une somme de 65.000 euros dans le dossier [E], et sur les indemnités allouées au titre des frais irrépétibles,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la Caisse d'Epargne Côte d'Azur à verser à la société INVESTIR, la somme de 49.700 euros,
Y ajoutant,
Condamne au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
-la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur à verser à la société INVESTIR EN FRANCE une somme de 3.000 euros,
-la société INVESTIR EN FRANCE à verser à Me [S], une somme de 3.000 euros,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Condamne la CAISSE D'ÉPARGNE Côte d'Azur aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE