COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 26 MARS 2015
DD
N° 2015/169
Rôle N° 14/01675
[F] [L]
C/
[K] [H]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ
Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 25 septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le N°P 12-22.531lequel a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 3 mai 2012 par la 1ère chambre section AO1 de la cour d'appel de Montpellier à l'encontre du jugement rendu le 7 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Montpellier(RG 08/2469)
DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [F] [L]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON avocat au barreau d'Aix en Provence, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Jean Claude ALLE, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER.
DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Madame [K] [H]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ avocat au barreau d'Aix en Provence, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Florence BLONDEL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Shéhérazade BENGUERRAICHE, avocat plaidant au barreau d'Aix en Provence.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015.
.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS
M. [F] [L] et Mme [K] [H], concubins, ont acquis le 26 novembre 1992 un terrain sis [Localité 2] sur lequel ils ont fait édifier une maison, le tout en indivision.
Cette opération a été financée à l'aide d'apports personnels et d'emprunts contractés par chacun des indivisaires et par un emprunt contracté à leurs deux noms auprès du Crédit Foncier.
Par acte authentique en date du 18 août 2003, M. [L] et Mme [H] ont acquis ensuite en indivision, à concurrence d`une moitié chacun, une maison d'habitation sise [Adresse 2] au prix principal de 396.367 €, financé à l'aide d'un emprunt contracté à leurs deux noms auprès du Crédit agricole et d'un emprunt contracté également à leurs deux noms auprès de la Parnassienne de Crédit, les mensualités de ces deux crédits étant prélevées sur un compte commun ouvert dans les livres du Crédit agricole d'Ile de France.
La villa de [Localité 2] a été vendue le 16 juin 2004, vente qui a permis le remboursement du solde du crédit contracté auprès du Crédit Foncier de France pour cette acquisition, le solde du prix de vente a été versé sur le compte commun ouvert auprès du Crédit Agricole d'Ile de France.
Le couple s'est séparé et M. [L] a quitté le domicile commun le 1er septembre 2004, demeuré occupé par Mme [H].
Le 16 septembre 2005, Mme [K] [H] a fait assigner M. [F] [L] devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir ordonner la cessation de l'indivision et l'ouverture des opérations de liquidation et de partage.
Par acte authentique en date du 26 avril 2007, M. [L] et Mme [H] ont vendu la maison sise à [Localité 3] au prix de 380.000 €. Après remboursement des crédits et des frais notariés, le solde du prix de vente s'est élevé, à la somme de 141.574,78 €, consigné à la Caisse des dépôts et consignations.
Par jugement en date du 24 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [L] et Mme [H] sur le plan immobilier.
Le 11 avril 2008, le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés.
Par jugement contradictoire en date du 7 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Montpellier a:
- renvoyé les parties devant Me [Y] [T], notaire associé, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [L] et Mme [H],
- dit que Mme [H] est créancière de l'indivision au titre du remboursement du crédit immobilier pour une somme de 146.159,46 €,
- dit que Mme [H] est créancière de M. [L] pour une somme de 36.202,86 € au titre de la fraction de la part de M. [L] dont elle lui a fait l'avance lors de l'acquisition de la villa de [Localité 2],
- dit que M. [L] est créancier de Mme [H] pour une somme de 21.874,71 €,
- dit que Mme [H] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 15.500 €,
- et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
M. [L] a relevé appel du jugement du tribunal de grande instance de Montpellier.
Par arrêt contradictoire en date du 3 mai 2012 la cour d'appel de Montpellier a :
- déclaré irrecevables les conclusions d'incident déposées par Mme [H],
- infirmé partiellement le jugement déféré,
et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension du litige,
- renvoyé les parties devant Me [T], notaire associé afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision et afin de parvenir au partage,
- dit que Mme [H] est créancière d'une somme de 36.292,86 € au titre de la fraction de la part, au titre de la fraction de la part de M.[L] dont elle a fait l'avance lors de l'acquisition de la villa de [Localité 2],
- dit que M. [L] est créancier de Mme [H] pour une somme de 21.874,71 €,
- dit que Mme [H] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 15.500 €,
- dit que les dépenses de M. [L] relatives à la vie commune du ménage et celles de Mme [H] relatives au crédit immobilier se sont compensées,
- commis pour suivre les opérations le président du tribunal de grande instance de Montpellier,
- dit que chacune des parties conservera la charge des dépens, et n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur pourvoi formé par Mme [K] [H], la Cour de cassation,1ère chambre civile par arrêt en date du 25 septembre 2013 a :
vu les articles 15, 16 et 783 du code de procédure civile,
- dit que les conclusions qui sollicitent le rejet d'une pièce non communiquée par la partie adverse sont recevables, peu important qu'elles aient été déposées après l'ordonnance de clôture,
- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2012 entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier; et remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
- condamné M.[L] aux dépens,
vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,
Par déclaration de saisine du 27 janvier 2014, M. [F] [L] a saisi la cour d'appel de ce siège.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 janvier 2015, M. [L] demande à la cour de :
sur la procédure à titre principal,
- débouter Mme [H] de sa demande de production forcée de pièces contre la société Groupama,
sur la procédure à titre subsidiaire,
- ordonner à Mme [H] de communiquer à M.[L] les avis d'imposition pour les revenus des années 1993 à 2004 et ses bulletins de salaire des années 1993 à 2004,
sur le fond à titre principal,
- réformer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [H] est créancière de l'indivision au titre du remboursement du crédit immobilier pour une somme de 146.159,46 €, dit que Mme [K] [H] est créancière de M. [F] [L] pour une somme de 36.202,86 euros au titre de la fraction de la part de M.[L] dont elle lui a fait l'avance lors de l'acquisition de la villa de [Localité 2], dit que M.[F] [L] est créancier de Mme [H] pour une somme de 21.874,71 €, dit que Mme [H] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 15.500 €, dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que la moitié de I'actif net indivis est de 70.787,39 €,
- dire que Mme [H]' est tenue d'une dette à l'égard de l'indivision d'un montant de 31.000€ au titre de l'indemnité d'occupation,
- dire que M.[L] est créancier de l'indivision au titre du portail de la maison de [Localité 2] pour un montant de 7.622.45 €,
- dire que M.[L] est créancier de Mme [H] au titre du ravalement de la façade, des aménagements extérieurs, des frais d'hypothèque et de clôture de compte, des retraits accomplis par Mme [H] sur le compte courant et des frais irrépétibles du jugement du 24/10/2007 pour un montant total de 21.874,71 €,
- dire que les dépenses de M.[L] relatives à la vie commune du ménage et celles de Mme [H] relatives au crédit immobilier se sont compensées,
à titre subsidiaire,
- dire que M.[L] est créancier de Mme [H]' au titre des dépenses de la vie commune du ménage pour un montant de 144.135,70 €,
sur le fond à titre plus subsidiaire,
- dire que le couple [L] [H] avait constitué une société créée de fait sur une base égalitaire,
- dire que la moitié de l'actif net indivis est de 70.787,39 €,
- partager par moitié entre M. et Mme [H] le solde de l'actif net indivis,
- condamner Mme [H] à verser à M. [L] la somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 8 janvier 2015, Mme [K] [H] demande à la cour de :
vu les articles 138 à 141, 378 à 380 du code de procédure civile,
vu les articles 815-3 et suivants du code civil,
- ordonner à la société Groupama, prise en la personne de son représentant légal, la production forcée de :
- tous les justificatifs de la prime de mobilité professionnelle allouée à M. [L] en septembre 2003 ainsi que de tous autres documents justifiant d'avantages reçus par ce dernier suite à cette mobilité,
- la production de tous justificatifs de remboursement de frais professionnels et les notes de frais de M.[L],
- ses bulletins de salaire entre 1993 et 2004,
- ordonner la suspension de la présente instance jusqu'à la production par la société Groupama des documents précités, et des écritures des parties sur lesdits documents,
à titre subsidiaire,
- débouter M.[L] de l'ensemble de ses fins,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [H] à verser à M.[L] une indemnité d'occupation, et en ce qu'il a débouté Mme [H] de ses revendications de règlement de sa créance au titre des primes versées par l'employeur commun dans le cadre de l'accord relatif à la mobilité, celle concernant la revendication de la propriété de la moitié des meubles meublants, et enfin en ce qu'il a fixé la créance de M.[L] à la somme de 21.874,71 €,
- dire que Mme [H] n'a jamais eu la jouissance privative et exclusive du bien indivis,
- dire qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation,
- condamner M.[L] à restituer à Mme [H] la somme de 10.359,50 €, correspondant à la moitié de la valeur des meubles meublants,
- condamner M. [L] à restituer à Mme [H] la somme de 7.500 € correspondant à la moitié des primes versées par l'employeur commun dans le cadre de l'accord relatif à la mobilité,
- dire que M. [L] détient une créance à l'égard de Mme [H] d'un montant de 20.402, 73 €,
- commettre un notaire aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [H] et M. [L], en remplacement de Me [T], notaire désigné par le jugement entrepris,
- et condamner M. [L] au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci distraits.
L'ordonnance de clôture est datée du 11 février 2015.
MOTIFS
Attendu, s'agissant en premier lieu du remboursement de l'emprunt, que Mme [H] invoque une lettre de M. [L] en date du 18 avril 2005 aux termes de laquelle celui-ci lui indique :
« Suite à notre conversation téléphonique, je te confirme que je ne suis pas opposé à ce que tu récupères la somme que tu me réclames concernant ton apport et en dédommagement.
Cette somme s'élève à 150'467,18 €, moins ce que tu as prélevé sur le compte commun, soit la somme de 24'391,84 €, ce qui porte le montant à percevoir à : 126'075,34€. Il est entendu que cette transaction n'est faisable que sur la vente de la maison de [Localité 3] dont le prix de vente ne pourra être inférieur à 458'000 € et qu'elle soldera tout compte entre nous. » ;
Attendu que par cette lettre M. [L] s'est donc reconnu débiteur d'une indemnité au titre de 'l'apport', au sens large de Mme [H], dans l'acquisition de la maison de [Localité 2], puis de celle de [Localité 3] ;
Attendu que si cette maison n'a pas été vendue au prix de 458'000 € mais 380'000 €, et si les parties en définitive n'ont pas transigé, cette reconnaissance est postérieure au financement des dépenses de la vie commune, de sorte que l'époux a admis que les dépenses courantes du couple qu'il avait prises en charge étaient moins élevées que le montant des remboursements du crédit immobilier assumé par Mme [H] ; qu'aucun appauvrissement de l'intimé et enrichissement sans cause corrélatif de l'appelante, et aucune société de fait entre concubins devant entraîner une liquidation égalitaire des droits, ne peuvent dès lors être retenus ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que cet écrit valait commencement de preuve par écrit d'un principe de créance entre les ex-époux ;
Attendu en revanche que l'appelante reproche exactement au jugement d'avoir décidé qu'un indivisaire était créancier de son co-indivisaires pour une somme de 36'202,86 € au titre de la fraction de la part de ce dernier dont lui-même avait fait l'avance lors de l'acquisition d'une villa à [Localité 2] ; qu'en effet l'indivisaire qui a participé au financement de l'immeuble indivis grâce à ses denierspersonnels ou un emprunts ne peut prétendre à l'encontre de l'indivision qu'à une indemnité qui doit entrer dans les comptes de celle-ci ;
Attendu en revanche, en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation, que si la somme de 1000 € par mois a été justement retenue par le premier juge , Mme [H] est redevable envers l'indivision au total de 31'000 € pour 31 mois d'occupation jouissance exclusive de la villa, et non de 15'500 € seulement, ce dont M. [L] est convenu;
Attendu qu'il s'ensuit la réformation du jugement déféré de ces deux derniers chefs seulement, sans qu'il y ait lieu à quelque sursis à statuer pour sommation de communication de pièces ; que le tribunal a déjà répondu pour le surplus des prétentions et moyens des parties par des motifs développés pertinents qui méritent adoption ;
Attendu que l'intimé succombant pour plus large part devra supporter la charge des entiers dépens, ceux de premiere instance et d'appel ainsi que ceux de l'arrêt cassé, et verser en équité la somme de 2000 € à l'appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé les parties devant Me [Y] [T], notaire associé, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [L] et Mme [H], et dit que Mme [H] est créancière de l'indivision au titre du remboursement du crédit immobilier pour une somme de 146.159,46 €, et dit que M. [L] est créancier de Mme [H] pour une somme de 21.874,71 €,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Mme [H] est créancière de M. [L] pour une somme de 36.202,86 € au titre de la fraction de la part de M. [L] dont elle lui a fait l'avance lors de l'acquisition de la villa de [Localité 2], et dit que Mme [H] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 15.500 €,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que Mme [H] est créancière envers l'indivision communautaire d'une somme de trente six mille deux cent deux euros et quatre vingt six centimes (36.202,86€) au titre de la fraction de la part de M. [L] dont elle lui a fait l'avance lors de l'acquisition de la villa de [Localité 2], et dit que Mme [H] est redevable envers l'indivision post-communautaire d'une indemnité d'occupation d'un montant de trente et un mille euros (31'000€),
Y ajoutant
Condamne M. [F] [L] à payer à Mme [K] [H] la somme de deux mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT