COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 14/09608
SA COMPAGNIE DE DISTRIBUTION INFORMATIQUE EXPERT -CODIX
C/
S.C.P I.F.L AVOCATS
Grosse délivrée
le :
à :Me Saraga
Me Guedj
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/05557.
APPELANTE
SA COMPAGNIE DE DISTRIBUTION INFORMATIQUE EXPERT - CODIX, immatriculée au RCS de Grasse sous le n° B 392 453 064, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social [Adresse 2]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMEE
S.C.P I.F.L AVOCATS, anciennement dénommée BROQUET-DEPONDT & ASSOCIES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Vincent PERRAUT, avocat au barreau de PARIS, du cabinet
de Me Jean-Michel HOCQUARD, avocat au barreau de PARIS,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
Dans le cadre d'un litige qui l'opposait à une société Alix, la compagnie de distribution informatique expert ( Codix ) a fait appel à la société civile professionnelle d'avocats Broquet Depondt .
Dans le cadre d'un appel relevé à l'encontre d'un jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 février 2007, Codix a fait l'objet d'une condamnation à payer les sommes de 300'016 € , outre 30'000 au titre de la rupture abusive du contrat et 25'006 € au titre d'une facture en date du 10 mai 1999.
Estimant que son avocat a commis une faute consistant ne pas avoir transmis ses pièces et conclusions dans les délais impartis , la société Codix l'a donc assigné par acte en date du 24 juin 2010 pour obtenir réparation de son préjudice .
Par jugement contradictoire en date du 13 février 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé un débouté, et a déclaré irrecevables les demandes relatives au remboursement des honoraires.
La société Codix a relevé appel le 13 mai 2014 de façon régulière et non contestée. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile .
L'appelante a conclu le 20 novembre 2014 à la confirmation du premier juge s'agissant de la faute, mais à l'infirmation s'agissant du débouté de la demande de dommages-intérêts.
Statuant à nouveau, la cour condamnera l'avocat à payer une somme en principal de 1'191'961 € à titre de dommages-intérêts, correspondant la condamnation prononcée , et subsidiairement une somme de 657'238 € correspondant à la perte de chance .
Très subsidiairement, une somme de 145'909 € est réclamée au titre des éléments rejetés par la cour d'appel et facturés à la société Codix.
En toute hypothèse ,la cour assortira la mesure d'une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir (sic) ; une somme de 5000 € est réclamée au titre des frais inéquitablement exposés .
La société civile professionnelle d'avocats IFL, anciennement dénommée Broquet-depondt et associés, intimée , a conclu le 24 septembre 2014 à la confirmation , sauf à procéder par substitution de motifs en jugeant que l'avocat n'a commis aucune faute en l'espèce.
La société Codix sera déboutée, et condamnée à payer une somme de 4500 € au titre des frais inéquitablement exposés.
L'ordonnance de clôture est en date du 10 février 2015 .
SUR CE :
Attendu qu'il suffit de procéder à une lecture exhaustive de l'arrêt de la cour en date du 11 septembre 2009 , dont les mentions ne son nullement contestées et dont l'appelant estime qu'il a fait une juste application du code de procédure pour établir que :
' les parties ont été averties le 3 décembre 2008 que la clôture interviendrait le 12 mai 2009 ;
' codix a conclu le 11 mai 2009, Alix le 22 mai 2009 et codix à nouveau le 10 juin 2009 ;
' le tribunal a rejeté les conclusions du 11 mai 2009, déposées et signifiées la veille de l'ordonnance de clôture et comportant 77 pages, ce qui interdit une lecture et un examen serein et porte atteinte au principe du contradictoire;
' le tribunal a aussi rejeté toutes les conclusions déposées après l'ordonnance de clôture (page 10 de ses motivations ) , c'est-à-dire aussi bien celle de codix du 10 juin 2009 que celles d'Alix du 22 mai;
Attendu que le tribunal s'est donc rabattu sur les conclusions de Codix en date du 5 mai 2009, qui « reprennent pour l'essentiel les écritures déposées le 29 septembre 2008, l'élément nouveau étant l'abandon par les appelantes de l'exception d'incompétence qu'elles avaient soulevée à nouveau » ;
Attendu que cette similitude n'est nullement contestée, la cour corroborant cette affirmation par un examen comparé des conclusions du 5 mai 2009 de codix, retenues par le premier juge, et de la pièce 20 de l'appelant dans le présent débat , intitulée « comparaison sous traitement de texte des conclusions du 25 juillet 2007 et du 5 mai 2009 », formule qui porte en soi quelque interrogation ;
Mais attendu qu'en toute hypothèse, il n'est donc ni véritablement soutenu ni a fortiori démontré que les conclusions du 5 mai 2009 , sur lesquelles le premier juge a fondé sa décision, divergeaient de celles antérieures, ou même de celles du 11 mai ou de celles postérieures à l'ordonnance de clôture , avec notamment le même nombre de pages à 77 et le même dispositif des conclusions dont, faut-il le rappeler , il énonce les seules prétentions sur lesquelles la cour doit statuer (article 954 du code de procédure civile ) ;
Attendu que ces premiers motifs recentrent le débat sur le nombre de pièces communiquées avant l'ordonnance de clôture, étant suffisamment démontré par les bordereaux de pièces communiquées qu'au 5 mai 2009 , date des dernières conclusions acceptées par le tribunal, la pièce 97 n'en faisait pas partie, le bordereau en faisant mention étant en date du 13 mai 2009;
Attendu que la communication dans de telles conditions d'une pièce reçue au plus tard le 30 avril constitue une faute , référence faite à une obligation de diligences normales exigibles de l'avocat , qui ne pouvait ignorer le risque qu'il prenait en ne transmettant cette pièce à l'avoué que le 6 mai , étant précisé par ailleurs que ni le 2 mai, ni le quatre et le 5 mai ne sont des jours fériés, et que la carence éventuelle de l'avoué n'est pas de nature à exonérer l'avocat, parfaitement informé de la prévisible sanction que le juge appliquera , non seulement pour atteinte au contradictoire s'agissant des conclusions du 11 mai , mais aussi pour cause d'irrecevabilité s'agissant de la communication d'une pièce après ordonnance de clôture ;
Mais attendu qu'il convient à ce stade d'examiner le lien direct entre cette faute stricto sensu et le dommage qui en serait résulté pour codix, à savoir la perte du procès par prononcé de condamnations à son encontre ,fussent-elles inférieures à celles retenues en premier ressort;
Attendu que dans le présent débat , l'appelant ne verse pas les conclusions du 11 mai 2009 rejetées par le premier juge, la démonstration n'étant donc nullement faite d'éléments nouveaux contenus à ces conclusions , susceptibles d'influer sur la décision finale du tribunal et permettant donc de retenir un lien direct entre le rejet de ces conclusions et la teneur de la décision du tribunal ;
Attendu que s'agissant du rejet de la pièce 97, force est de constater que cette pièce résulte d'une mise en contemplation pure et simple des conclusions de la société Alix en date du 12 février 2009, dernières conclusions retenues par le tribunal , et de commentaires, page par page, dont il était évident qu'ils émanaient du gérant de la société codix ;
Attendu que l'on peut insister à loisir sur le travail du gérant nécessité par ces commentaires , et sur la facturation à laquelle a donné lieu la mise en forme et la production par l'avocat de cette pièce , toutes considérations dont la cour ne met pas en doute la bonne foi , la difficulté majeure consistant à affirmer que les commentaires du gérant d'une société, elle même parties au procès ,sur de multiples points des conclusions adverses , sont de nature à influer sur la décision finale de la juridiction ;
Attendu qu'à l'évidence et en toute hypothèse , le tribunal n'a pu se pencher , s'agissant d'une matière où les conclusions écrites sont obligatoires , que sur ses conclusions et les pièces de fond régulièrement communiqués , et non pas sur des commentaires nécessairement orientés du dirigeant social d'une partie au procès à propos des conclusions adverses ;
Attendu qu'ainsi , et même à supposer franchi cet obstacle conceptuel majeur , l'appelante procède par affirmations s'agissant de l'importance de la pièce 97 , en se livrant en quelque sorte à une réévaluation de ce qu'aurait pu être une décision de premier ressort ,si cette pièce avait permis à la cour de bien juger, c'est-à-dire selon l'appelante de débouter la société Alix;
Mais attendu que force est de constater en droit que la présente cour n'est pas saisie d'un examen rétrospectif du litige Codix Alix , à la lumière des commentaires contenus à la pièce 97 , mais de la seule perte de chance d'une décision plus favorable , si cette pièce avait été soumise au premier juge ;
Et attendu qu'à cet égard , force est de constater à la lecture de l'arrêt que les juges ont fondé leur conviction sur des rapports techniques et sur deux expertises judiciaires , ainsi que sur une absence de démonstration par codix de son respect de son obligation de résultat en tant que vendeur et éditeur de logiciels , et de son obligation de moyens en termes de maintenance;
Attendu que la cour , en conclusion , et au-delà de la portée probatoire toute relative des seuls commentaires d'une partie sur les conclusions adverses, estime que la démonstration n'est nullement rapportée d'une perte de chance raisonnable pour Codix d'obtenir une décision de justice plus favorable dans le litige qui l'opposait à Alix , et qui soit en lien direct avec le seul rejet des conclusions du 11 mai et de la pièce 97 telle que ci-dessus examinée dans sa véritable teneur et portée ;
Que cette analyse était d'ailleurs en germe dans l'ordonnance de référé en date du 9 février 2010;
Attendu que c'est donc une confirmation qui s'impose , sans que la cour estime que les critères soient réunis qui permettent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel .
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel infondé ;
Confirme le jugement de premier ressort ;
Condamne l'appelant aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT