COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 02 AVRIL 2015
N° 2015/118
Rôle N° 13/24268
[O] [I]
C/
SOCIETE AGPM ASSURANCES
Grosse délivrée
le :
à :
Me J. LATIL
Me S. BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 24 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/05466.
APPELANT
Monsieur [O] [I]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jérôme LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Louis DUVAL, avocat au barreau de SAINT BRIEUC
INTIMEE
SOCIETE AGPM ASSURANCES, SA
immatriculée au RCS de TOULON sous le n° B 432 928 323
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège
[Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Franck LE CALVEZ du Cabinet CLYDE & CO, avocats au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-José DURAND, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Marie-José DURAND, Conseillère (rédactrice)
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2015,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Faits et procédure
Monsieur [I], propriétaire d'un catamaran qu'il précise avoir construit lui-même, l'a fait assurer auprès de la société AGPM selon une police 'navigation de plaisance' souscrite le 09 mars 2007. Dans la nuit du 19 au 20 août 2011, le bateau a été totalement détruit par un incendie alors qu'il était amarré dans l'anse à l'Âne, aux [Localité 2] (Martinique), étant précisé que pour des raisons professionnelles, Monsieur [I] demeurait alors en Martinique.
L'assureur ayant refusé de l'indemniser de la perte du navire, au motif qu'il était donné en location à titre onéreux alors que seule la navigation de plaisance était assurée, Monsieur [I] l'a fait assigner aux fins de paiement de l'indemnité.
Décision déférée
Par jugement contradictoire du 24 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Toulon a rejeté ses demandes et l'a condamné à verser à la société AGPM une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 décembre 2013, Monsieur [I] a interjeté appel.
Demandes des parties
Dans ses conclusions en date du 17 mars 2015, l'appelant demande à la cour de :
infirmer le jugement,
condamner la société AGPM Assurances à lui verser une somme de 322 000 € outre intérêts à compter de la mise en demeure du 03 avril 2012 ou, à défaut, à compter de la délivrance de l'assignation du 22 octobre 2013,
la condamner à lui verser la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [I] soutient que la navigation de plaisance n'est pas une condition de la garantie, dont il aurait à faire la preuve. Il estime au contraire qu'il s'agit pour l'assureur, qui entend s'exonérer de son obligation de garantie en invoquant une exclusion, de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
Dans ses conclusions en date du 16 mai 2015, l'intimée demande à la cour de :
confirmer le jugement,
condamner Monsieur [I] à lui verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement dire que l'indemnité s'élève à la somme maximum de 294 000 €.
L'assureur conclut que l'objet de la garantie est la navigation de plaisance et que l'assuré doit rapporter la preuve que le sinistre entre dans la définition de cet objet. Il estime que l'assuré ne rapporte pas cette preuve et soutient que lui-même démontre que le catamaran était utilisé à des fins commerciales.
La clôture de l'instruction de l'affaire est intervenue le 18 février 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
Monsieur [I] a souscrit un contrat d'assurance intitulé 'Navigation de plaisance', désignant Le Vincent en tant que bateau assuré. L'article 3 des conditions générales, intitulé 'Objet de l'assurance' précise que 'par navigation de plaisance, il faut entendre la pratique de toutes activités d'agrément ou de loisir consistant à utiliser un bateau à titre privé, dans un but non lucratif'. Dans ce cadre, le contrat garantit en particulier :
- la responsabilité civile de l'assuré en raison des dommages corporels ou matériels causés à autrui par le bateau assuré, et les frais de retirement de l'épave du bateau,
- les pertes et avaries subies par le bateau assuré, notamment par suite d'incendie.
Au vu de ces éléments, la navigation de plaisance, exigence requise indépendamment des circonstances de réalisation de ces risques, est une condition de la garantie.
Pourtant, l'article 9 des conditions générales précise que 'sont exclus dans tous les cas :
1. Les dommages survenus lorsque le bateau ou ses annexes sont utilisés ou destinés à être utilisés à d'autres fins que la navigation de plaisance à titre privé et dans un but non lucratif, à moins qu'il ne s'agisse de remorquage effectué par le bateau assuré et imposé par une obligation d'assistance,
...
11. Les pertes ou dommages survenus alors que le bateau assuré est loué'.
L'existence de cette clause, qui exclut la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, n'est compatible avec l'objet de la garantie que si l'on admet que celui-ci tolère, à titre exceptionnel, l'utilisation du navire à d'autres fins.
Dès lors il appartient d'abord à Monsieur [I] de démontrer que le catamaran était utilisé, de façon habituelle, pour la navigation de plaisance, puis, dans l'affirmative, à l'assureur de démontrer que l'incendie a eu lieu alors que le bateau était utilisé ou destiné à être utilisé dans un but lucratif.
En l'occurrence, Monsieur [I] produit ses avis d'impôt sur les revenus des années 2007 à 2010 démontrant que lui et son épouse n'ont déclaré, au titre de ces quatre années, que des revenus salariaux ou assimilés, ce qui exclut l'utilisation du bateau à titre onéreux. La preuve contraire n'est pas rapportée par l'assureur. En effet, si la société AGPM démontre que Monsieur [I] avait déposé le 19 octobre 2009, sur le site internet 'Tiponton', une annonce proposant la location du bateau, en sa compagnie, de la journée à la semaine ou plus, pour 8 à 10 personnes pour une journée, ou 6 personnes pour une semaine, et qu'il avait créé un site internet concernant le navire, site modifié par lui jusqu'au mois d'août 2011, elle ne produit en revanche aucun élément concernant le caractère effectif et la fréquence des locations et le tarif demandé. La condition relative à la navigation de plaisance est dès lors remplie.
Par ailleurs, la société AGPM ne démontre pas que lors du sinistre, le navire était utilisé ou destiné à être utilisé à titre onéreux. Dans ces conditions, elle ne rapporte pas la preuve que les conditions d'une exclusion de garantie sont réunies.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce que le premier juge a débouté Monsieur [I] de sa demande en paiement de l'indemnité d'assurance.
L'indemnité de 322 000 € réclamée par Monsieur [I] correspond, au vu du rapport de la Socarex, expert désigné par l'assureur, à l'estimation provisoire de la remise en état du catamaran. Or, aux termes de l'article L 121-1 du code des assurances, 'l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.' Il convient donc de se référer à la valeur du bateau avant sinistre, chiffrée par la Socarex, dans son rapport d'expertise du 10 novembre 2011, à 294 000 €. Ainsi, la société AGPM sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 294 000 €. La lettre recommandée avec accusé de réception du 03 avril 2012 ne contenant pas de sommation de payer, les intérêts courront, au taux légal, à compter du 22 octobre 2012, date de l'assignation en paiement, en application de l'article 1153 du code civil.
Il convient d'infirmer le jugement s'agissant des condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société AGPM, ainsi qu'une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter la demande qu'elle forme en application de ce texte.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société AGPM Assurances à payer à Monsieur [O] [I] la somme de 294 000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2012,
Condamne la société AGPM Assurances à payer à Monsieur [O] [I] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société AGPM Assurances de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AGPM Assurances aux dépens de première instance et d'appel et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de Monsieur [I].
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT