COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 21 AVRIL 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 14/02292
SARL JJR IMMOBILIER
C/
SCI ASIE
Grosse délivrée
le :
à :ME COUTELIER
ME LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06081.
APPELANTE
SARL JJR IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]
représentée et plaidant par Me François COUTELIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Elisabeth RECOTILLET, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SCI ASIE immatriculée au R.C.S. de MARSEILLE sous le numéro D 533 273 926, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Frederic CHOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Mars 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
Par acte en date du 20 octobre 2011, la société JJR immobilier a signé avec la société civile immobilière Asie un compromis de vente portant sur un ensemble immobilier comprenant un bâtiment à usage de salle de réception et terrain attenant situé au [Localité 1].
Le compromis de vente comportait la condition suspensive de la justification par le vendeur, préalablement à l'acte définitif de vente, d'une servitude de passage , de canalisations et d'accès au compteur ERDF sur le fond voisin appartenant à la société EDEN.
L'acte authentique a été établi le 30 janvier 2012 en étude de Maître [W] [S] [N], notaire à Pertuis.
Il est indiqué dans cet acte de vente que le représentant de la société venderesse n'a pu à ce jour justifier avoir obtenu les droits relatifs aux servitudes. Une somme de 100'000 € était séquestrée pendant une période de six mois à compter de la signature de l'acte de vente, pour que le vendeur crée l'ensemble des servitudes requises, à défaut de quoi la somme séquestrée resterait acquise à la société civile immobilière Asie, à titre d'indemnité forfaitaire et à charge pour elle d'obtenir les autorisations litigieuses , avec comme date butoir le 30 juillet 2012.
JJR immobilier a obtenu les autorisations requises du président de l'association syndicale libre Éden , sous la condition suspensive de l'accord de l'assemblée générale qui devait se tenir le 6 septembre 2012.
Le 30 juillet 2012, JJR Immobilier et et Eden Parc ont comparu devant le notaire , mais la société civile immobilière Asie n'a pas comparu et un procès-verbal de carence a été dressé. Par exploits en date du 22 et du 27 novembre 2012, JJR immobilier a fait assigner la société Asie pour faire juger que si la condition de constitution de servitude ne s'est pas réalisée, c'est la faute de de la société Asie qui s'est abstenue. JJR immobilier est donc fondé à obtenir la restitution de la somme séquestrée, et subsidiairement le paiement d'une somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour réparer l'abstention fautive de la société Asie.
Par jugement contradictoire en date du 27 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Toulon a prononcé un débouté et ordonné la délivrance des fonds séquestrés au profit de la société Asie.
JJR immobilier a relevé appel le 3 février 2014 de façon régulière et non contestée. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile .
L'appelant a conclu le 25 mars et le 24 avril 2014, et demande à la cour de réformer.
Statuant à nouveau, la cour jugera que la condition particulière de la constitution d'une servitude prévue dans l'acte de vente ne s'est pas réalisée du fait de l'abstention de la société Asie.
En conséquence, cette société ne peut se prévaloir de la non réalisation cette condition particulière qui doit être considérée comme réalisée.
L'appelante est donc fondée à obtenir le versement de la somme de 100'000 € séquestrée.
En tant que de besoin, l'abstention fautive de la société Asie a causé un dommage qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts, outre 5000 € de et 3000 € au titre des frais inéquitablement exposés.
La société Asie , intimée , a conclu le 3 juin 2014 à la confirmation, outre le paiement d'une somme de 3500 € au titre des frais inéquitablement exposés en appel.
L'ordonnance de clôture est en date du 4 novembre 2014.
SUR CE :
Attendu le contrat fait la loi des parties ;
Attendu que ce contrat est constitué par la vente sous forme authentique intervenue le 30 janvier 2012 , pour un prix de 500'000 € dont le vendeur a donné quittance , avec paiement par l'acquéreur résultant de la comptabilité du notaire ;
Attendu que la cour ne discerne donc pas en droit la discussion portant sur les conditions suspensives relatives aux servitudes à consentir par l'ASL Eden Parc et qui apparaissent au compromis antérieur du 20 octobre 2011 , puisque les parties ont accepté d'authentifier la vente alors même que ces conditions n'étaient pas levées ;
Attendu que seule importe en droit et lie les parties les déclarations à l'acte authentique en page neuf par lesquelles :
' le représentant du vendeur a déclaré qu'il ne pouvait justifier au jour de la vente « de tels droits » ;
' les parties ont donc convenu d'un commun accord de séquestrer la somme de 100'000 € , pour une période de six mois à compter des présentes , la somme étant ponctionnée sur le prix qui venait d'être payé ,et déposée à la caisse des dépôts et consignations ;
Attendu que la clause essentielle est celle par laquelle les parties ont stipulé que
' à compter des présentes, le vendeur s'engage à mettre tous les moyens dont il dispose pour créer, au terme d'un acte à recevoir au rang des minutes du notaire soussigné et au plus tard dans les six mois des présentes, l'ensemble des servitudes dont il a été parlé ci-dessus, aux frais exclusif du vendeur ;
' au cas où, au plus tard dans les six mois à compter de ce jour, l'ensemble des servitudes susvisées n'avait pas été réitéré par acte authentique, cette somme restera acquise à la société Asie, acquéreur aux présentes, à titre d'indemnité forfaitaire, ce dernier faisant alors son affaire personnelle des diverses servitudes sans plus aucun recours contre le vendeur ainsi qu'il le déclare expressément aux présentes ;
Attendu qu'au 30 juillet 2012 , dans les limites du délai de six mois , le représentant de société Asie n'a pas souhaité répondre à la convocation du notaire [S] [N] , ce qui a donné lieu à un procès-verbal de carence dans lequel le notaire a rappelé les conventions des parties ci-dessus rappelées par la cour , ainsi qu'un courrier du 26 juillet 2012 du cabinet [D] [R] sur lequel il sera revenu infra , pour terminer sur la constatation selon laquelle :
« Monsieur [Z], président de l'ASL Eden Parc s'est déplacé en l'office notarial du notaire soussigné pour consentir les trois servitudes de passage, de canalisations et d'accès au compteur ERDF sur les voiries de l'association syndicale libre, prévu à l'acte du 30 janvier 2012 au profit des biens acquis par la société Asie sous conditions suspensives de l'assemblée générale de l'association syndicale libre Eden Parc du 6 septembre 2012 , moyennant le versement par la société JJR immobilier de la somme de 25'000 € . La société Jjr immobilier a remis à cet instant un chèque de 25'000 € à l'ordre de la Carpa à Monsieur [Z], que celui-ci a accepté .. » ;
Attendu que le courrier du 26 juillet 2012 annexé au procès-verbal de carence est un courrier de l'administrateur délégué cabinet [D] [R] , agissant au nom et pour le compte de l'association syndicale libre Eden Parc, et adressé à JJR immobilier, dont il résulte que :
« comme suite à votre demande, l'association syndicale libre Eden Parc prise en la personne de son représentant légal en exercice... M.[Z] me demande de vous confirmer son accord pour la constitution, par acte authentique, des servitudes d'accès, de passage en tréfonds pour les canalisations d'eau potable et d'eau usée, et d'accès au compteur ERDF, dont bénéficie le lot dont vous êtes propriétaires dans le domaine Eden Parc au [Localité 1] ... » , Le tout contre règlement d'une somme de 25'000 € à titre d' indemnisation , avec la précision que
« L'accord par Monsieur [Z] en qualité de président de l'association syndicale libre est évidemment donné sous condition suspensive de l'accord de l'assemblée générale des membres de l' ASL qui sera tenue le 6 septembre 2012 » ;
Attendu qu'il se déduit des termes ainsi contenus dans un acte authentique qu'à la date du 30 juillet 2012, les conditions étaient réunies par devant notaire pour que le représentant légal du fonds servant (à savoir l'association syndicale libre Eden Parc ) et le propriétaire du fonds dominant (à savoir la société civile immobilière Asie , propriétaire depuis l'acte du 30 janvier 2012) authentifient les servitudes consenties , l'accord de l'association syndicale libre en la personne de Monsieur [Z] ne pouvant être que la conséquence des diligences en ce sens de JJR Immobilier , et nul ne pouvant authentifier le bénéfice de ces servitudes sinon la société Asie, propriétaire du fonds dominant ;
Attendu qu'aux termes de ce rappel de l'exacte teneur du procès-verbal de carence , et du courrier du 26 juillet 2012 annexé , et s'il est établi qu'au 30 juillet 2012 , aucun acte authentique de constitution de servitude n'a été établi , il n'en demeure pas moins que , dans le délai de six mois, le représentant de l'ASL s'est présenté chez le notaire pour consentir les servitudes litigieuses, nul ne contestant dans le présent litige son pouvoir de les consentir sous condition suspensive de l'accord de l'assemblée générale , pas plus que n'est contestée la somme de 25'000 € que JJR immobilier était prête à payer à titre d'indemnité forfaitaire;
Attendu qu'il est justifié par la production du procès-verbal en date du 6 septembre 2012 que l'assemblée générale de l'association syndicale libre a donné pouvoir au bureau (Monsieur [Z] président de l'association syndicale libre) de ratifier éventuellement la servitude de droit de passage , ce qui a donné lieu d'ailleurs à un courrier en date du 15 octobre 2012 de l'administrateur rappelant ce vote , avec les termes suivants:
« Monsieur [Z] , représentant légal de l'association syndicale libre, était présent chez votre notaire le 30 juillet 2012, pour la signature de l'acte de constitution de servitude, sous condition suspensive de ratification par l'assemblée générale, qui est intervenue aux conditions prévues. Comme cela était convenu, vous avez réglé la somme de 25'000 € en contrepartie la constitution de servitude par acte notarié que vous avez demandée . L'association syndicale libre est donc très étonnée que l'acte notarié ne soit pas signé à ce jour, et qu'elle ne puisse pas percevoir la somme qui lui revient, qui est bloquée à la Carpa » ;
Attendu qu'il est donc suffisamment établi que si les parties ont certes convenu d'un délai de six mois expirant le 30 juillet 2012 pour que l'ensemble des servitudes soit réitéré par acte authentique , il n'en demeure pas moins que le vendeur JJR immobilier peut se prévaloir d'une acceptation de consentir ces servitudes par le représentant de l'association syndicale libre , dans le délai de six mois et par devant notaire , ce qui n'a pas été rendu possible que par la carence de l'acheteur qui n'a pas souhaité se présenter devant notaire , sachant au surplus que l'acceptation d'une servitude sous condition suspensive est parfaite rétroactivement dès que la condition est réalisée , ce qui permet en l'espèce à JJR Immobilier d'opposer à son acquéreur le bénéfice des servitudes litigieuses dès le 30 juillet 2012 ;
Attendu que seule la carence de cet acheteur étant à l'origine de l'absence de réitération par acte authentique des servitudes litigieuses, par irrespect de la commune volonté des parties, parfaitement respectée en revanche et dans le délai par JJR Immobilier , il ne saurait bénéficier de la somme séquestrée et le jugement sera infirmé ;
Attendu que la cour est seulement saisie des prétentions énoncées au dispositif des conclusions de l'appelant (article 954 du code de procédure civile), et n'a donc pas à statuer sur la prétention à 100'000 € à titre de dommages-intérêts , « en tant que de besoin », c'est-à-dire si la demande principale ne prospérait pas ;
Attendu que la demande de dommages-intérêts à hauteur de 5000 € ne saurait découler que de la démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de la somme séquestrée, à défaut d'une quelconque précision dans le dispositif de l'appelant sur ce point ;
Attendu qu'aucun fondement ne saurait justifier une demande de dommages-intérêts censés réparer tout ou partie du montant de la somme payée à l'association syndicale libre pour qu'elle consente aux servitudes ;
Attendu qu'une somme de 3000 € est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en premier ressort et un appel ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :
Infirme le jugement de premier ressort , l'appel étant fondé ;
Statuant à nouveau,
Dit et juge que l'authentification des servitudes consenties par l'association syndicale libre Eden Parc ne s'est pas réalisée au 30 juillet 2012 de par l'abstention fautive de la société civile immobilière Asie .
En conséquence, déclare la société JJR Immobilier fondée à obtenir le bénéfice de la somme de 100'000 € séquestrée en l'étude du notaire [N], et ordonne que sur présentation du présent arrêt , la somme ainsi séquestrée soit remise au représentant légal de cette société JJR Immobilier , avec les intérêts produits depuis la mise sous séquestre ;
Déboute l'appelant de ses autres demandes ;
Condamne la société Asie , intimée, aux entiers dépens qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement à l'appelante d'une somme de 3000 € au titre des frais inéquitablement exposés en premier ressort et en appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT