COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 AVRIL 2015
N° 2015/0152
Rôle N° 14/00062
[X] [W]
C/
SA MMA
Grosse délivrée
le :
à :
Me Thierry BENSAUDE
Me Françoise DELMAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Novembre 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/05731.
APPELANTE
Madame [X] [W]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Thierry BENSAUDE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SA MMA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise DELMAS, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Annie DABOSVILLE, Présidente
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller
Monsieur Martin DELAGE,Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015,
Signé par Madame Annie DABOSVILLE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [W] est propriétaire d'un terrain avec hangar et local administratif situé à [Localité 1] lequel a fait l'objet d'un premier incendie le 5 septembre 2007.
Par acte du 17 septembre 2007, Madame [W] a loué cet immeuble à usage commercial à la SARL Auto Casse moyennant un loyer mensuel de 2800 euros. Par ailleurs le même jour, madame [W] a souscrit un contrat d'assurances multirisques des professionnels de l'automobile intitulé Endurance 24 avec effet au 1er octobre 2007 couvrant notamment les bâtiments.
Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2007, un incendie a ravagé les lieux. Madame [W] a déclaré le sinistre à l'assureur le 10 janvier 2008. Par courrier du 13 février 2008, MMA lui a notifié un refus de garantie d'une part pour déclaration tardive et d'autre part pour fausse déclaration à la souscription du contrat du fait de l'absence de déclaration de l'incendie du 5 septembre 2007. Par courrier de son conseil du 5 mars 2008, Madame [W] a contesté les motifs de non garantie et a demandé à l'assureur de bien vouloir réviser sa position.
Par actes en date des 1er, 4 et 5 décembre 2008, la SARL Auto Casse a assigné en référé Madame [W], MMA et Thelem Assurances son propre assureur.
Par ordonnance en date du 20 mars 2009, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à Monsieur [F] qui a déposé son rapport le 30 mars 2010.
Par acte en date du 20 juin 2012, la SARL Auto Casse a assigné Madame [W].
Madame [W] a dénoncé cette assignation à sa compagnie d'assurance et par acte en date du 8 novembre 2012, a assigné en intervention forcée MMA sans que les deux affaires fassent l'objet d'une jonction.
Dans l'instance opposant Madame [W] à la S.A MMA, par jugement en date du 26 novembre 2013, le Tribunal de grande instance de Nice a :
'dit la prescription biennale inopposable à l'assurée,
'prononcé la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle de l'assurée,
'dit que les primes encaissées demeureront acquises à l'assureur à titre de dommages-intérêts
'condamné Madame [W] à payer à MMA la somme de 1200 euros au titre de l'indemnité de procédure.
Madame [W] a interjeté appel de ce jugement le 6 janvier 2014.
Vu les conclusions de Madame [W], appelante, déposées le 21 février 2014, au terme desquelles il est demandé à la Cour de :
'constater que les MMA ne démontrent pas que Madame [W] était informée le 17 septembre de l'incendie ayant eu lieu 12 jours plus tôt dans le bâtiment litigieux, alors inoccupé, de telle sorte que le caractère intentionnel de l'inexactitude de sa déclaration n'est pas établi,
'en conséquence, infirmer le jugement de première instance,
'condamner les MMA à payer à Madame [W] la somme de 363.550 euros augmentée de la TVA au titre de la prise en charge des travaux de remise en état du bâtiment assuré,
'condamner les MMA à payer à Madame [W] la somme de 3000 euros au titre de l'indemnité de procédure.
Vu les conclusions des MMA, intimées, déposées le 17 avril 2014, au terme desquelles il est demandé à la Cour de :
'à titre principal, sur la nullité du contrat, dire et juger que démonstration est faite de la fausse déclaration intentionnelle de Madame [W] par réticence lors de la souscription du contrat auprès de MMA,
'en conséquence, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet le contrat souscrit par Madame [W] auprès de MMA et dit et jugé que les primes payées par Madame [W] demeureront acquises à MMA à titre de dommages et intérêts,
'sur la déchéance de la garantie, si par extraordinaire votre Cour devait ne pas prononcer la nullité du contrat, considérant que la fausse déclaration de Madame [W] au moment de la souscription du contrat serait non intentionnelle, il conviendra de dire et juger MMA bien fondée en son refus de garantir le sinistre du 14 décembre 2007 au motif de la déchéance du contrat pour fausse déclaration à la souscription,
'par suite, débouter Madame [W], ou tout autre concluant, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de MMA,
'à titre subsidiaire, dire et juger que l'action engagée par Madame [W] à l'encontre de MMA, suite à l'incendie du 14 décembre 2007 prescrite au visa de l'article L 114-1 al 1 du Code des assurances, aucune action n'ayant été entreprise dans le délai de 2 ans par Madame [W] à compter du sinistre du 14 décembre 2007 et/ou du 5 mars 2008, date de son courrier RAR à supposer que votre Cour considère que ce courrier ait interrompu le délai,
'à supposer qu'il soit offert à Madame [W] le bénéfice de l'alinéa 3 de l'article L 114-1 du Code des assurances, via l'assignation en référé diligentée par son locataire AC le 1 décembre 2008, dire et juger que l'action engagée par Madame [W] à l'encontre de MMA, suite à l'incendie du 14 décembre 2007 est prescrite au visa de l'article L 114-1 alinéa 3 du Code des assurances, aucune action n'ayant été entreprise dans le délai de 2 ans par Madame [W] à compter de l'ordonnance de référé du 20 mars 2009, ayant désigné l'expert judiciaire
'en conséquence, réformer le jugement entrepris sur ce point,
'dire et juger que Madame [W] est prescrite en son action,
'la débouter, elle ou tout autre concluant, purement et simplement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre MMA,
'la condamner à régler à MMA la somme de 1200 euros au titre de l'indemnité de procédure,
'à titre infiniment subsidiaire, si votre cour devait débouter MMA de sa demande en nullité ou en déchéance de garantie, ainsi que de son moyen tiré de la prescription, dire et juger que l'omission de l'assuré entrainera une réduction proportionnelle de 50% sur les indemnités et condamnations que Madame [W] serait amenée à régler à son locataire Autocass.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
Contrairement aux écritures des parties mais ainsi que l'a relevé le premier juge, il convient de s'interroger en premier lieu sur la recevabilité de la demande de madame [W] au regard de la prescription alléguée par la compagnie d'assurance.
Sur la prescription :
Reprenant son argumentation de première instance, la compagnie d'assurance soutient que la demande de madame [W] est prescrite conformément aux dipositions de l'article L 114-1 du code des assurances, madame [W] n'ayant engagé aucune action dans les deux ans à compter du sinistre du 14 décembre 2007.
Reprenant l'argumentaire développé devant le premier juge, madame [W] fait valoir que l'article R 112-1 du code des assurances oblige l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres I et II de la partie législative de ce même code notamment celles relatives à la prescription sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription de l'article L 114-1.
En l'espèce, si l'article 19 du contrat relatif à la prescription reprend les dispositions des articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances, il ne précise pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription de sorte que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la prescription alléguée n'était pas opposable à madame [W].
Sur la nullité du contrat :
L'article L 113-8 du code des assurances dispose notamment que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quant cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.
A l'appui de son appel, madame [W] fait valoir qu'il appartient à la compagnie d'assurance de prouver qu'elle avait eu connaissance de l'incendie du 5 septembre 2007, que la bonne foi est présumée (article 2274 du code civil), qu'en l'absence de preuve du caractère intentionnel, la seule sanction consisterait en une réduction proportionnelle de l'indemnisation et qu'enfin la compagnie a procédé à l'appel des primes postérieurement aux deux incendies.
Page 2/6 de la note de couverture signée en page 6 par madame [W], il est en effet indiqué que le souscripteur déclare ne pas avoir subi de sinistre au cours des deux dernières années.
Or l'expert rappelle qu'un incendie s'est déclaré dans le hangar qui abrite une casse automobile le 5 septembre 2007, que deux voitures et deux camionnettes ont été calcinées et 200m² de l'entrepôt touchés par le feu mais que la structure porteuse n'a pas été affectée par cet incendie qui a été rapidement maîtrisé.
Un article de journal du 6 septembre 2007 versé aux débats par la compagnie d'assurance rapporte que le feu s'est déclaré à la casse auto et précise que 'le sinistre a été maîtrisé par les sapeurs pompiers qui ont engagé d'importants moyens de secours, quelque 35 soldats du feu ont été mobilisés'.
L'expert conclut ensuite que l'incendie du 14 décembre 2007 a complètement détruit la structure porteuse du hangar (850m²), les carcasses de véhicules entreposées et divers matériels : il a conclu à un incendie d'orgine criminelle, étant observé que l'expert fait mention également d'un troisième sinistre par incendie en date du 24-24 octobre 2009 qui n'entre pas dans sa mission.
L'affirmation de madame [W] dans ses conclusions selon laquelle elle ignorait l'incendie du 5 septembre lorsque le 17 septembre 2007 elle a le même jour souscrit le contrat d'assuranec et loué les locaux à une société de casse-auto, étant observé que le 5 septembre 2007 les lieux étaient déjà occupés par une casse auto et que près d'un 1/5 des locaux avait été détruit par un incendie, est contredite par le courrier envoyé par son conseil le 5 mars 2008 à la société MMA.
Il est en effet indiqué dans ce courrier que :
'Vous soutenez en second lieu que ma cliente n'a pas porté à la connaissance de votre compagnie, l'existence d'un incendie en date du 5 septembre 2007.
........
Ce sinistre a bien été porté verbalement à la connaissance de votre agent, la SARL Assur-MT représentée par monsieur [D].
Ce dernier a indiqué qu'il n'était pas nécessaire de faire état dudit sinistre eu égard au fait qu'à l'époque ma cliente n'était pas assurée et que ls dégâts étaient peu importants'.
Madame [W], qui ne rapporte pas la preuve de l'intervention de monsieur [D] dont on ignore la qualité, a donc fait une fausse déclaration en s'abstenant de déclarer le sinistre intervenu 10 jours avant la souscription du contrat et dont il est ainsi démontré qu'elle n'ignorait pas l'existence.
Il résulte de ce qui précède que le premier juge a pertinemment retenu que la fausse déclaration qui présente un caractère intentionnel a nécessairement diminué l'opinion du risque pour l'assureur lors du calcul de la prime. Il convient de confirmer le jugement attaqué qui a prononcé la nullité du contrat, l'encaissement de la deuxième moitié de la prime annuelle ne valant pas renonciation à se prévaloir de cette nullité s'agissant d'un simple fractionnement de la prime annuelle et qui a dit que la prime restera acquise à la société d'assurance à titre de dommages et intérêts.
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du présent dispositif.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
Condamne madame [W] à verser à la société MMA la somme de 1200euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame [W] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats de la cause qui en ont fait la demande.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
AD