COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 23 AVRIL 2015
N° 2015/241
Rôle N° 14/00132
URSSAF [Localité 2]
C/
[T] [Y]
SAS HORIZON
SCP DOUHAIRE-AVAZERI
Grosse délivrée
le :
à :PEREZ
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 26 Décembre 2013 enregistrée au répertoire général sous le n° 2013M07239.
APPELANT
URSSAF des [Localité 1],
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège est sis [Adresse 2]
représenté par Me Fabien PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Maître [T] [Y] es qualité de mandataire judiciaire de la SAS HORIZON, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SAS HORIZON,
prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SCP DOUHAIRE-AVAZERI Es qualité de administrateur judiciaire de la SAS HORIZON mission conduite par Me. Emmanuel DOUHAIRE, administrateur, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SAS HORIZON est une entreprise familiale, elle a été créée en 1984 et exerce une activité d'imprimerie.
Par jugement du 21 mars 2013, le tribunal de commerce de MARSEILLE a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS HORIZON et a désigné la SCP DOUHAIRE-AVAZERI en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [T] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
La SAS HORIZON était bénéficiaire d'un marché public avec le conseil général des [Localité 1] dont le renouvellement devait intervenir en mars 2014. Aussi a-t-elle sollicité de l'URSSAF DES [Localité 1] la délivrance d'une attestation de vigilance, conformément aux dispositions de l'article 46 du code des marchés publics.
Le 18 novembre 2013, l'URSSAF a délivré une attestation précisant': «'Cette attestation ne vaut pas attestation de vigilance prévue par l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale'», invoquant en ce sens une lettre circulaire de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale et de la direction de la réglementation du recouvrement et du service en date du 24 juin 2008 relative aux entreprises en redressement judiciaire soumissionnaires de marché public.
La SAS HORIZON a saisi le président du tribunal de commerce de MARSEILLE, par requête du 3'décembre 2013, afin d'être autorisée à assigner l'URSSAF DES [Localité 1] devant le juge-commissaire.
Suivant ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de MARSEILLE a autorisé la SAS HORIZON à assigner par devant le juge-commissaire l'URSSAF et à dénoncer la procédure à la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS HORIZON et à Maître [T] [Y], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS HORIZON.
Par assignation enrôlée le 16 décembre 2013, la SAS HORIZON a demandé au juge-commissaire':
d'ordonner à l'URSSAF DES [Localité 1] de lui délivrer sans délai l'attestation de vigilance au sens de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale,
de fixer une astreinte à hauteur de 15 000 € par jour de retard,
de préciser que l'astreinte commencera à courir 48 heures après la signification de l'ordonnance,
de préciser qu'elle se réserve la possibilité de liquider elle-même l'astreinte en tant que de besoin,
de condamner l'URSSAF DES [Localité 1] à lui payer la somme de 3'000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
d'ordonner l'exécution provisoire,
de condamner tout contestant aux entiers dépens.
*
Par ordonnance rendue le 26 décembre 2013, le juge-commissaire du tribunal de commerce de MARSEILLE a':
rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'URSSAF,
fait droit aux demandes de la SAS HORIZON,
ordonné à l'URSSAF DES [Localité 1] de délivrer à la SAS HORIZON l'attestation de vigilance et ce conformément aux dispositions de l'article L. 543-5 du code de la sécurité sociale et ce dans les 48 heures suivant la notification de l'ordonnance,
à défaut, fixé une astreinte définitive de 2 000 € par jour de retard à compter du délai précité,
condamné l'URSSAF DES [Localité 1] à payer à la SAS HORIZON la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit les dépens à la charge de l'URSSAF DES [Localité 1].
L'URSSAF DES [Localité 1] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 7 janvier 2014.
Par jugement du 9 avril 2014, le tribunal de commerce de MARSEILLE a validé le plan d'apurement des dettes qui avait été présenté par la société HORIZON.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 25 février 2015.
**
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 3 avril 2014, l'URSSAF DES [Localité 1] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance dont appel et de':
dire que la société HORIZON n'avait ni qualité, ni pouvoir pour déposer la requête du 3'décembre 2013 et faire délivrer l'assignation du 16 décembre 2013,
annuler l'ordonnance du 3 décembre 2013,
dire que l'assignation du 16 décembre est nulle,
dire que les conditions d'octroi d'une attestation de vigilance à la société HORIZON ne sont pas réunies,
débouter la société HORIZON de l'ensemble de ses demandes,
condamner la société HORIZON au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
***
Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 20 mai 2014, la SAS HORIZON, Maître [T] [Y], en qualité de mandataire de la SAS HORIZON, la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS HORIZON demandent à la cour de':
confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
condamner l'URSSAF des [Localité 1], en cause d'appel, à payer à la société HORIZON la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner tout contestant aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP BADIE ' SIMON THIBAUD ' JUSTON.
MOTIFS
1/ Sur l'exception de nullité de la requête et de l'assignation
L'URSSAF DES [Localité 1] soutient que tant la requête du 3 décembre 2013 que l'assignation enrôlée le 16 décembre 2013 sont nulles pour avoir été formées par la seule société HORIZON alors qu'elle était déjà en redressement judiciaire et qu'elle ne pouvait dès lors agir qu'assistée de son administrateur judiciaire la SCP DOUHAIRE-AVAZERIE.
Mais l'article 121 du code de procédure civile dispose que dans le cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité pour irrégularité de fond ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
En l'espèce, s'il est exact que la SAS HORIZON a saisi, seule, le président du tribunal de commerce de MARSEILLE, par requête du 3'décembre 2013, afin d'être autorisée à assigner l'URSSAF DES [Localité 1] devant le juge-commissaire, le président du tribunal de commerce de MARSEILLE a immédiatement perçu la difficulté puisqu'il a certes autorisé la SAS HORIZON à assigner par devant le juge-commissaire l'URSSAF mais aussi à dénoncer la procédure à la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS HORIZON et à Maître [T] [Y], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS HORIZON.
C'est ainsi que la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS HORIZON, était présente à l'audience devant le juge-commissaire et qu'elle s'est associée à la demande de la SAS HORIZON.
Ainsi, la cause de l'exception de nullité, c'est à dire le défaut d'assistance par l'administrateur judiciaire, avait disparu lorsque le juge a statué et dès lors ni la nullité de la requête, ni celle l'assignation se seront prononcées.
2/ Sur l'attestation de vigilance
L'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale dispose que :
«'Toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimal en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 , L. 611-8 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime.
Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.
Les modalités de délivrance de cette attestation ainsi que son contenu sont fixés par décret.
Le particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou de ses ascendants ou descendants n'est pas concerné par les dispositions du présent article.'»
La circulaire ACOSS n° 1998-054 du 4 mai 1998 avait invité les organismes de recouvrement, par tolérance, à considérer qu'au regard des procédures de soumission aux marchés publics, une entreprise est à jour de ses cotisations lorsqu'elle est en période d'observation à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et en conséquence à lui délivrer le certificat permettant d'accéder aux marchés publics. Cette circulaire était fondée sur la volonté d'aligner les pratiques des organismes de recouvrement sur celle de l'administration fiscale et de mettre ainsi un terme à une divergence d'interprétation.
Mais par lettre du 29 avril 2008, la direction de la Sécurité Sociale est revenue sur sa position et a considéré, après concertation avec l'administration fiscale, qu'au cours de la période d'observation, l'entreprise était en état de cessation des paiements et ne pouvait à ce titre obtenir d'attestation de régularité fiscale et sociale.
Cette position a été diffusée par l'ACOSS en sa lettre circulaire n° 2008-054 du 24 juin 2008 indiquant que les organismes de recouvrement ne peuvent plus délivrer l'attestation permettant d'accéder aux marchés publics aux entreprises en période d'observation dans la cadre d'une procédure de redressement judiciaire.
En l'espèce, il est constant qu'avant l'ouverture de la procédure collective la société HORIZON ne s'était pas acquittée de la totalité de ses cotisations et contributions à leur date d'exigibilité d'alors, mais que ces cotisations et contributions n'étaient plus exigibles dès lors que la procédure était ouverte, laquelle faisait même interdiction à la société HORIZON de s'acquitter des dettes antérieures. Il est tout aussi constant qu'au temps où s'est noué le litige, c'est-à-dire pendant la période d'observation, la société HORIZON était à jour de ses cotisations dues pour la dite période mais que rien ne permettait de garantir que la procédure se terminerait pas l'adoption d'un plan de redressement.
C'est dans ces conditions qu'il convient d'interpréter les dispositions de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale à la lumières des principes généraux tant de la libre concurrence dans l'accès aux marchés public que des procédures collectives.
L'admission d'une entreprise aux marchés publics, alors qu'elle ne s'acquitte pas de ses charges sociales, introduit une distorsion de concurrence qu'il convient de prévenir, mais l'ouverture d'une procédure collective induit par elle-même une telle distorsion dans l'ensemble de la vie économique et pas uniquement dans l'accès aux marchés publics. Cette distorsion se trouve justifiée par la brièveté de la période d'observation ainsi que par les contrôles mis en place pendant cette dernière qui peut toujours s'achever avant son terme.
Ainsi, même si rien ne garantit durant la période d'observation que la dette sera finalement acquittée à l'issue d'un plan de cession ou de redressement, il convient de retenir que la protection de l'activité économique et de l'emploi commande de considérer que, la dette de l'entreprise qui a été admise au bénéfice du redressement judiciaire n'étant plus exigible, et sous la condition, satisfaite en l'espèce, du paiement des charges dues au titre de la période d'observation, l'URSSAF devait remettre l'attestation de vigilance prévue à l'article L. 234-15 du code de la sécurité sociale contrairement aux instructions qu'elle avait reçues et dont elle ne pouvait se prévaloir au détriment d'un affilié.
3/ Sur les autres demandes
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'URSSAF DES [Localité 1] qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code précité.
PAR CES MOTIFS
La cour, publiquement et contradictoirement,
Rejette l'exception tirée de la nullité de la requête et de l'assignation.
Dit n'y avoir pas lieu d'annuler l'ordonnance sur requête rendue le 3'décembre 2013 par le président du tribunal de commerce de MARSEILLE.
Confirme la décision dont appel en toutes ses dispositions sauf à y lire L. 243-15 à la place de L.'543-5.
Déboute l'URSSAF DES [Localité 1] de ses demandes notamment concernant les frais irrépétibles.
Déboute la SAS HORIZON, Maître [T] [Y], en qualité de mandataire de la SAS HORIZON, la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS HORIZON de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne l'URSSAF DES [Localité 1] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT