COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT
DU 15 MAI 2015
sur recours en révision
N° 2015/ 283
Rôle N° 14/09594
[M] [D]
[X] [D]
C/
SAS SAS HEINEKEN ENTREPRISE
[H] [L]
[O] [G] épouse [Q]
[C] [K]
[P] [J]
[A], [F] [R]
PROCUREUR GENERAL
Grosse délivrée
le :
à :LATIL
BADIE
GUEDJ
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de la 8ème chambre C de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/78887.
DEMANDEURS
Monsieur [M] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père feu Mr [Z] [D]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 2] (CONGO), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Ghislaine GAGLIARDI, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [X] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père feu Mr [Z] [D]
né le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 2] (CONGO), demeurant Chez Madame [B] [D] - [Adresse 4]
représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Ghislaine GAGLIARDI, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDEURS
SAS HEINEKEN ENTREPRISE (anciennement dénommée BRASSERIE HEINEKEN) venant aux droits de la SNC UNION DES BRASSERIES, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marie-Claude NEDELEC, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [H] [L]
né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 7] (13), demeurant [Adresse 8]
défaillant
Madame [O] [G] épouse [Q]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 3] (14), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE
Monsieur [C] [K]
né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 8] (06), demeurant [Adresse 10]
défaillant
Monsieur [P] [J]
né le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 4] (11), demeurant [Adresse 6] représenté par L'ATIAM en qualité de curateur sis [Adresse 7]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [A] [R]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1] (GRECE) , demeurant [Adresse 5]
défaillant
PROCUREUR GENERAL, demeurant [Adresse 9]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 Mars 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène COMBES, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 20 janvier 1992, le Crédit Lyonnais a prêté la somme de 1.600.000 francs à la Sarl Glacier Est qui exploitait une brasserie à [Localité 6].
La société Union de Brasseries, aux droits de laquelle vient la société Heineken Entreprise, s'est portée caution solidaire de ce prêt.
Par actes des 4 et 5 février 1992, quatre associés [P] [J], [H] [L], [C] [K] et [O] [G] et un non associé [A] [R], se sont engagés comme cautions de la Sarl Glacier Est envers la société Union de Brasseries.
Le 14 mai 1993, [Z] [D] et son fils [X] [D], ont acquis la totalité des parts de la Sarl Glacier Est. [M] [D], autre fils de [Z] [D] a été nommé gérant.
Par actes des 26 et 29 juillet 1993, [Z] [D], [M] [D] et [X] [D] se sont portés cautions solidaires des engagements de la Sarl Glacier Est envers la société Union de Brasseries.
La société Union de Brasseries a réglé la somme de 1.500.626 euros au Crédit Lyonnais, ainsi qu'il résulte d'une quittance subrogative du 21 avril 1994.
La Sarl Glacier Est a été mise en liquidation judiciaire le 24 août 1994. [Z] [D] est décédé le [Date décès 1] 1995.
Au mois d'octobre 1999, la société Heineken Entreprise a assigné les cautions devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour obtenir le paiement de la somme de 1.500.626,66 francs.
Par jugement du 30 mars 2010, le tribunal de grande instance a condamné solidairement les cautions, dont [M] [D] et [X] [D] à payer à la société Heineken Entreprise la somme de 228.769,06 euros.
[M] [D] et [X] [D] ont relevé appel de ce jugement, faisant notamment valoir que leurs engagements de caution avaient été obtenus par fraude.
Par arrêt du 2 mai 2013, la cour a confirmé le jugement du 30 mars 2010, tout en précisant que [X] [D] était condamné en sa seule qualité d'héritier de [Z] [D].
Statuant avant dire droit sur la demande formée par la société Heineken Entreprise à l'encontre de [O] [G], la cour a ordonné une expertise en vérification d'écriture.
Par actes des 25, 28 et 29 avril 2014, [M] [D] et [X] [D] ont assigné les parties à l'arrêt du 2 mai 2013 pour qu'il soit statué sur leur recours en révision.
Le 19 mai 2014, ils ont dénoncé le recours en révision au procureur général.
Dans leurs dernières conclusions du 19 mars 2015, ils demandent à la cour de déclarer irrecevables les conclusions d'intimée signifiées par [O] [G] le 16 septembre 2014 et de la débouter de toutes ses demandes, faisant valoir qu'elle dissimule son adresse.
Sur le recours en révision, ils demandent à la cour de rétracter l'arrêt du 2 mai 2013, de débouter la société Heineken Entreprise de toutes ses demandes à leur encontre et de les décharger de leur engagement de caution.
Ils sollicitent la condamnation de la société Heineken Entreprise à leur payer la somme de 100.000 euros à chacun à titre de dommages intérêts en réparation de la fraude, ainsi que 20.000 euros à chacun à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 20.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles.
Ils demandent également la condamnation de [O] [G] à leur payer la somme de 1.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles.
Après avoir rappelé la chronologie du litige et les circonstances particulières dans lesquelles la Sarl Glacier Est a été constituée, a contracté un prêt auprès du Crédit Lyonnais, puis celles dans lesquelles [Z] [D] a acquis les parts sociales de la Sarl Glacier Est nonobstant un état de conscience altéré, ils font valoir que la décision de la cour est le résultat d'une fraude de la société Heineken Entreprise et de [O] [G].
Ils soutiennent qu'un contrat de prêt inexistant a été fait à une société inexistante.
Ils exposent sur ce point que selon l'expert en vérification d'écritures, nommé par la cour, [O] [G] n'est la signataire ni de l'acte de prêt, ni de l'engagement de caution.
Ils relèvent que [O] [G] qui savait que l'acte de caution n'était pas signé de sa main, a caché à la cour qu'elle n'avait pas non plus signé le contrat de prêt ;
que la société Heineken Entreprise savait quant à elle que le signataire du prêt n'était pas le représentant légal de la Sarl Glacier Est.
Ils en concluent que le contrat de prêt entaché d'une fausse signature constitue un faux qui ne peut être créateur d'obligation.
Ils dénoncent le comportement de la société Heineken Entreprise qui s'acharne à vouloir faire payer les seules victimes.
Par conclusions du 16 septembre 2014, [O] [G] demande à la cour de juger irrecevable le recours en révision de [M] [D] et [X] [D], de les en débouter et de les condamner à lui payer 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que l'action en révision ne peut être initiée que lorsque la décision querellée est définitive et que tel n'est pas le cas de l'arrêt du 2 mai 2013 à l'encontre duquel [M] [D] et [X] [D] ont introduit un pourvoi en cassation ;
que tant que la Cour de cassation n'a pas statué sur le pourvoi, l'arrêt du 2 mai 2013 n'est pas définitif.
La société Heineken Entreprise demande à la cour de juger irrecevable le recours en révision fait par [M] [D] et [X] [D] et de déclarer irrecevables les demandes de [P] [J].
Dans l'hypothèse ou le recours en révision serait jugé recevable, elle sollicite la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Draguignan.
Elle sollicite la condamnation de [M] [D] et [X] [D] à lui payer 20.000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur l'irrecevabilité du recours en révision, elle fait valoir que seule la fraude de la société Heineken pourrait fonder le recours en révision et que cette fraude n'est pas démontrée à partir d'hypothèses fausses ;
qu'en effet, à ce stade de la procédure, les conclusions de l'expert nommé par la cour ne sont qu'une hypothèse mais aucune décision juridictionnelle ne reconnaît l'existence d'un faux.
Elle ajoute qu'à supposer que [O] [G] n'ait pas signé l'acte de prêt, aucun élément ne permet de retenir la fraude de la société Heineken qui n'était pas présente lorsque le contrat de prêt a été régularisé, ce que les consorts [D] savent depuis 15 ans.
Elle dénonce l'attitude de [M] [D] et [X] [D] qui depuis le début de la procédure ont tout fait pour retarder l'issue du litige, alors que la somme de 1.600.000 francs a bien été versée à la Sarl Glacier Est et que les procédures pénales n'ont pas abouti.
S'agissant de la demande de [P] [J], elle soutient qu'il est forclos à contester un arrêt rendu par défaut qu'il n'a pas contesté par la voie de l'opposition.
[P] [J] qui était défaillant devant la cour sollicite pour le cas où le recours en révision serait déclaré recevable et bien fondé, le rejet des demandes de la société Heineken Entreprise et l'allocation de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le Ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué en application de l'article 600 du code de procédure civile a conclu le 24 février 2015 pour solliciter l'application de la loi et s'en rapporter à la décision de la cour.
N'ont pas constitué avocat, [C] [K], cité dans les formes de l'article 656 du code de procédure civile, [A] [R], cité dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, [H] [L], cité dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2015.
Les conclusions déposées par la société Heineken Entreprise postérieurement à l'ordonnance de clôture sont irrecevables.
DISCUSSION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Le 30 mars 2015, [O] [G] a dénoncé sa nouvelle adresse aux parties présentes à la procédure, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l'article 960 du code de procédure civile.
Ses conclusions sont recevables.
Selon l'article 593 du code de procédure civile, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Le pourvoi en cassation introduit par [M] [D] et [X] [D] n'étant pas suspensif d'exécution, l'arrêt du 2 mai 2013 est passé en force de chose jugée et le recours en révision est recevable.
L'article 595 du code de procédure civile énumère de façon limitative les quatre causes d'ouverture du recours en révision.
En page 12 de leurs conclusions, [M] [D] et [X] [D] indiquent que leur recours en révision est formé au visa des dispositions de l'article 595 - 1° du code de procédure civile, selon lequel le recours en révision est ouvert s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle la décision a été rendue.
L'arrêt du 2 mai 2013 a été rendu au profit de la société Heineken Entreprise. [M] [D] et [X] [D] doivent donc démontrer que la décision de la cour a été surprise par la fraude de la société Heineken Entreprise.
Pour caractériser la fraude de la société Heineken Entreprise, [M] [D] et [X] [D] font valoir qu'il résulte du rapport déposé par Madame [V], expert désigné par la cour le 2 mai 2013, que les signatures figurant sur l'acte de cautionnement de [O] [G], sur les statuts de la Sarl Glacier Est, sur le contrat de prêt du 20 janvier 1992 et sur la convention de fourniture, ne sont pas de la main de [O] [G], pourtant gérante de la Sarl Glacier Est.
Ils en concluent que la décision du 2 mai 2013 a été surprise par la fraude de la société Heineken Entreprise et de [O] [G].
Ce à quoi il convient de leur objecter :
- que seule la fraude commise par la société Heineken Entreprise en vue de surprendre la décision de la cour serait déterminante et non celle de [O] [G],
- qu'au jour où la cour statue sur le recours en révision, aucune décision juridictionnelle n'a retenu l'existence d'un faux,
- qu'à supposer que [O] [G] ne soit pas la signataire de l'acte de prêt, [M] [D] et [X] [D] ne démontrent pas en quoi la société Heineken Entreprise a commis une fraude à leur égard, alors qu'il résulte des pièces produites depuis l'origine que les signatures des représentants de la banque et de la société Heineken Entreprise d'une part et celle du représentant de la Sarl Glacier Est ont été recueillies séparément.
Il convient à cet égard de se reporter :
(1) au courrier que l'Union des Brasseries a le 22 janvier 1992 adressé à Maître [U], avocat à [Localité 5] dans lequel il est indiqué :
'Schiltigheim le 22 janvier 1992, (...) Nous vous adressons sous ce pli : un contrat de prêt en 3 exemplaires, un contrat de fourniture en 3 exemplaires signés par les mandataires de la banque et de notre société accompagnés de la délégation de pouvoirs y relative. (....) Vous voudrez bien faire signer les contrats et prêts et nous les retourner dès la signature. (...)'
(2) au courrier adressé le 23 janvier 1992 par Maître [U] à l'Union des Brasseries :
' (...) Je procède le plus rapidement possible à la régularisation des documents que vous nous avez adressés.'
[M] [D] et [X] [D] échouent à établir que la société Heineken Entreprise a sciemment accordé le prêt en présence d'une fausse signature.
Faute pour eux de rapporter la preuve de la fraude au moyen de laquelle la société Heineken Entreprise aurait surpris la décision de la cour, ils seront déboutés de leur recours en révision.
L'utilisation par [M] [D] et [X] [D] des voies de recours qui leur sont ouvertes, ne confère pas pour autant un caractère abusif à la procédure engagée.
La société Heineken Entreprise et [O] [G] seront déboutées de leurs demandes de dommages intérêts de ce chef.
Il sera alloué à la société Heineken Entreprise et à [O] [G] la somme de 5.000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles.
[P] [J] qui n'a pas formé de recours en révision dans les formes de l'article 598 du code de procédure civile, est irrecevable à s'associer à la demande de [M] [D] et [X] [D].
Il n'indique d'ailleurs pas clairement dans ses conclusions quelle serait la cause de son propre recours en révision s'il en avait régularisé un.
Il subordonne de surcroît l'examen de ses demandes irrecevables, au succès du recours en révision de [M] [D] et [X] [D].
***
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par défaut,
- Déclare recevable le recours en révision formé par [M] [D] et [X] [D] à l'encontre de l'arrêt du 2 mai 2013.
- Le rejette et dit n'y avoir lieu de rétracter l'arrêt du 2 mai 2013.
- Déclare irrecevables les demandes de [P] [J].
- Déboute [O] [G] et la société Heineken Entreprise de leurs demandes de dommages intérêts pour procédure abusive.
- Condamne [M] [D] et [X] [D] à payer à [O] [G] et à la société Heineken Entreprise la somme de 5.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.
- Condamne [M] [D] et [X] [D] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT