COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 21 MAI 2015
N° 2015/372
D. K.
Rôle N° 14/08827
[X] [H]
[W] [Q]
[F] [L] épouse [Q]
C/
S.C.I. LES GENETS
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
Maître LIBERAS
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Grasse en date du 02 avril 2014 enregistrée au répertoire général sous le N° 13/01441.
APPELANTS :
Monsieur [X] [H],
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [W] [Q],
demeurant [Adresse 3]
Madame [F] [L] épouse [Q],
demeurant [Adresse 3]
représentés par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Maître Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Maître Béatrice LEJEUNE, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE :
SCI LES GENETS,
dont le siège est [Adresse 2]
représentée par Maître Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE,
plaidant par Maître Pascal NEVEU, avocat au barreau de NICE, substitué par Maître Jean-Joël GOVERNATORI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 mars 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Dominique KLOTZ, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Laure BOURREL, conseiller
Madame Dominique KLOTZ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 mai 2015.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mai 2015,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La SCI Les Genêts possède à [Localité 1], quartier [Adresse 3], deux parcelles cadastrées section AK [Cadastre 1] et [Cadastre 2] qu'elle a acquises le 17 février 2011 de Madame [V] [B].
L'acte de vente précise que l'accès au bien se fait « en partie sur un chemin communal et en partie sur un chemin privé d'une largeur de trois mètres, ainsi que ledit droit de passage figure sous liseré jaune au plan visé par les parties ».
Il comporte en annexe un rappel des servitudes actives et passives d'où il résulte que le bien vendu supporte ou bénéficie de deux servitudes distinctes, la première constatée dans un procès verbal de conciliation en date du 06 février 1971 entre les époux [Y] et les consorts [B], et la seconde dans un jugement contradictoire du 17 juin 1955 au bénéfice des consorts [B] sur le fonds appartenant à Monsieur [A].
Monsieur [H] est pour sa part propriétaire de la parcelle contiguë qu'il avait acquise des consorts [A]. Il a consenti une promesse de vente de son bien à Monsieur et Madame [Q], par acte du 19 juin 2012, devant être réitéré au plus tard le 08 juin 2014.
Exposant que Monsieur [Q] avait obstrué l'entrée de la servitude par des branchages et l'édification d'un talus planté de thuyas, la SCI Les Genêts a fait assigner Monsieur [H] et les époux [Q] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse par acte d'huissier du 08 août 2013, aux fins de les voir condamner à remettre, sous astreinte, l'entrée de la servitude dans son état initial et lui payer une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 02 avril 2014, le juge des référés a :
-dit et jugé que Monsieur [X] [H], Monsieur [W] [Q] et Madame [F] [L] son épouse avaient commis une voie de fait au préjudice de la SCI Les Genêts,
-condamné in solidum ces derniers à remettre en place l'entrée permettant l'accès à la propriété de la SCI Les Genêts, à démolir les ouvrages réalisés condamnant totalement l'accès, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, et pendant un mois à l'issue duquel il pourra à nouveau être statué ;
-condamné in solidum Monsieur [H] et Monsieur et Madame [Q] à payer à la SCI une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnisation provisionnelle,
-condamné les défendeurs aux dépens.
Monsieur [X] [H], Monsieur [W] [Q] et Madame [F] [L] épouse [Q] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 05 mars 2015, ils en sollicitent l'infirmation, demandent à la cour de constater qu'ils ont retiré les branchages et les plantations, qu'il n'existe pas de voie de fait et en conséquence de débouter la SCI Les Genêts de ses demandes. Ils réclament la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation des défendeurs aux dépens.
Ils exposent que les parties sont contraires en fait sur l'assiette de la servitude de passage, et font valoir que le juge a tranché une contestation sérieuse qui n'était pas de son ressort. Ils précisent qu'une action en bornage est en cours devant le tribunal d'instance de Cagnes sur Mer.
Au terme de ses écritures signifiées le 20 mars 2015, la SCI Les Genêts conclut à la confirmation de l'ordonnance et réclame la condamnation des appelants à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation de ses frais irrépétibles de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de constats d'huissiers qu'elle a exposés.
MOTIFS
Il est incontestable au vu des actes de vente, que le fonds appartenant à Monsieur [H] est débiteur d'une servitude de passage au profit de la SCI Les Genêts, déterminée par décision du juge de paix de Cagnes sur Mer en date du 17 juin 1955, comportant en annexe un plan daté du 26 mai 1955, et constatant un accord au terme duquel les consorts [A], auteurs de Monsieur [H], ont consenti aux consorts [B] l'abandon du terrain nécessaire à l'établissement d'une route de trois mètres de large pour permettre l'accès à leur terrain à travers la propriété [A]. L'accord précise que « la route en question, destinée à l'exploitation des propriétés [A] d'une part et [B] de l'autre, appartiendra en copropriété, aux sieurs [B] et aux frères [A] pour servir également à leurs exploitations. »
La SCI Les Genêts expose qu'elle ne peut plus accéder à sa propriété, ce qui constitue notamment un obstacle à ses projets de construction.
Les consorts [H]-[Q] ne contestent pas avoir installé un talus complanté de thuyas et posé une clôture, mais prétendent que ces travaux ne se situent pas sur l'assiette du droit de passage revendiqué par la SCI les Genêts, mais sur leur propriété.
Force est de constater que :
-la société ne produit pas aux débats le plan annexé à son acte d'acquisition qui figure son droit de passage sous liseré jaune.
-le procès verbal de constat produit la SCI Les Genêts, établi par la SCP [J], huissiers de justice associés à [Localité 1], en date du 09 mars 2012, mentionnant la présence de branchages sur toute la largeur de la servitude, empêchant tout passage de véhicule, ainsi que celui dressé par le même huissier le 14 septembre 2012 précisant que les branchages avaient été remplacés par un talus complanté de thuyas barrant la largeur du chemin et interdisant l'accès à la parcelle [Cadastre 1] par ce chemin, n'ont pas été établis sur la base du plan ci-dessus mais à partir des affirmations de la société,
-un procès-verbal de constat dressé le 07 décembre 2012 à la demande de Monsieur [Q] et de Monsieur [H] fait état d'un chemin grevé d'une servitude de passage tout à fait carrossable longeant la parcelle voisine et la contournant jusqu'à un accès naturel après défrichage,
-la SCI les genêts avait déjà saisi le juge des référés de Grasse par acte du 17 avril 2011 aux fins de désignation d'un expert ayant notamment pour mission de déterminer les limites de la servitude de passage actuelle, ce qui démontre que l'assiette de la servitude n'est pas clairement établie.
Au vu de ces éléments, en l'absence de document clair permettant de vérifier l'existence d'un trouble manifestement illicite, il apparait que le premier juge ne pouvait faire droit à la demande sans interpréter les actes versés aux débats et trancher une contestation sérieuse.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée, la SCI Les Genêts étant déboutée de sa demande.
Partie succombante, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il apparait conforme à l'équité de la condamner à payer aux appelants la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance du 02 avril 2014,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Condamne la SCI Les Genêts à payer à Monsieur [X] [H], Monsieur [W] [Q] et Madame [F] [L] épouse [Q] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Les Genêts aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,