COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 02 JUIN 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 14/13684
[R] [D] [L] [V]
C/
Commune [Localité 2]
Grosse délivrée
le :
à :Me Massabiau
me Campolo
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/00139.
APPELANTE
Madame [R] [D] [L] [V]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 3], demeurant Couvent des [1] - [Localité 1]
représentée et plaidant par Me Alain MASSABIAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Commune [Localité 2], représentée par son Maire, demeurant [Adresse 1]
représentée et plaidant par Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Alexis BAUDINO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Avril 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
Selon compromis de vente en date du 10 avril 2003, en l'étude de Maître [G] notaire à Sainte Maxime, les époux [T] se sont engagés à vendre à des tiers un bien immobilier leur appartenant à [Localité 2] , au lieu-dit [Localité 4] , pour un prix de 91 470 € .
La déclaration d'intention d'aliéner a été notifiée au maire de la commune le 18 avril 2003, et le 10 juin 2003 la commune a fait parvenir au notaire chargé de la vente son intention de préempter.
Par acte d'huissier en date du 16 février 2006, avec publication à la conservation des hypothèques le 6 mars , la commune a fait assigner les époux [T] devant le tribunal de grande instance de Draguignan, pour être déclarée propriétaire depuis le 29 janvier 2004, date de l'accord sur la chose sur le prix , de la propriété rurale litigieuse , le notaire ayant dressé le 6 janvier 2006 un procès-verbal de carence à l'encontre des vendeurs et à la requête de la commune.
Les époux [T] se sont prévalus de l'irrégularité de l'acte délibération du conseil municipal ayant préempté , et par décision en date du 22 août 2008 , le tribunal a sursis à statuer et renvoyé les parties à soumettre au tribunal administratif de Nice la question préjudicielle relative à la régularité et à la légalité de la délibération du conseil municipal en date du 6 juin 2003 autorisant l'exercice doit de préemption .
Par décision en date du 7 juillet 2010, le conseil d'État a dit que cette décision de préemption était illégale au motif qu'elle portait en partie sur des parcelles situées en zone NC non soumises au droit de préemption urbain .
Monsieur [T] est décédé le [Date décès 1] 2013 et son épouse est devenue titulaire de ses droits par l'effet de leur régime matrimonial de communauté universelle .
Par jugement contradictoire en date du 19 juin 2014 , le tribunal de grande instance de Draguignan a fait application de l'article 1583 du Code civil prévoyant que le contrat de vente entraînant transfert de propriété est conclu dès lors qu'il existe un accord sur la chose sur le prix. En l'espèce, la commune a exprimé le 10 juin 2013 sa volonté pour acheter les parcelles proposées à la vente au prix convenu, et la déclaration d'intention d'aliéner ne faisait pas état d'une clause selon laquelle le transfert de propriété serait conditionné à l'établissement d'un acte authentique . Le tribunal a considéré que le transfert de propriété était donc effectif avant que la décision de préemption ne soit déclarée illégale , et l'article L213 ' huit du code de l'urbanisme dans son quatrième alinéa n'était pas applicable.
Le tribunal a donc dit que son jugement valait vente des biens litigieux, pour le prix de 91'470 euros, avec libération immédiate des lieux par Madame veuve [T] et expulsion au besoin, et renvoi de cette dernière à se pourvoir devant la juridiction administrative sur la demande de réparation des préjudices résultant de l'illégalité de décisions de préemption.
Les demandes de dommages-intérêts fondés sur le caractère abusif de la procédure et sur le préjudice moral ont été rejetées.
Madame [H] [T] a relevé appel de façon régulière et non contestée le 10 juillet 2014. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'appelante a conclu le 9 octobre 2014 à la réformation et au débouté des demandes de la commune .
La cour ordonnera au conservateur des hypothèques de procéder en exécution de l'arrêt à intervenir à la radiation aux frais de la commune des publications de l'assignation et du jugement rendu le 19 juin 2014.
La commune sera condamnée à verser une indemnité de 1000 € par mois depuis le 16 février 2006 jusqu'à la radiation ci-dessus ordonnée, en réparation du préjudice moral subi et du préjudice résultant de l'indisponibilité des biens immobiliers , ainsi qu'une indemnité de 18'924 € correspondant à 20 % de la valeur vénale du bien immobilier résultant de la perte de la valeur vénale des biens depuis la vente du 10 avril 2003, et une somme de 10'000 € au titre des frais inéquitablement exposés.
La commune de [Localité 2] a conclu le 26 novembre 2014 à la confirmation , la cour jugeant que la commune est propriétaire moyennant le prix de vente de 91 470 €, avec libération des lieux par Madame veuve [T] et expulsion ainsi que de tout occupant de son chef sous astreinte , et enlèvement des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, au frais, risques et périls de l'intéressée.
Une somme de 10'000 € est réclamée au titre des frais inéquitablement exposés .
L'ordonnance de clôture est en date du 7 avril 2015 .
SUR CE :
Attendu que le premier volet de l'argumentation de l'appelante soutient qu'il n'y a pas eu de transfert de propriété antérieur à l'exercice du droit de préemption;
Attendu que par acte intitulé compromis de vente en date du 10 avril 2003, les époux [T] ont convenu de vendre à Madame [S] les biens litigieux pour le prix de 91'470 € , avec au chapitre « délais et conditions de réalisation » en page trois , la stipulation selon laquelle la vente devra être réalisée au plus tard le 6 juin 2003 par la signature de l'acte authentique, chacune des parties pouvant demander la réalisation dès que les conditions suspensives seront accomplies et que les pièces et documents nécessaires seront en possession du notaire, la demande de réalisation par l'acquéreur devant être accompagnée du versement entre les mains du notaire du montant du prix et des frais ;
Attendu qu'en cas de défaillance ou de refus de signer l'acte par l'une des parties alors que les conditions suspensives sont réalisées, l'autre pourra saisir le tribunal compétent, avant l'expiration du délai stipulé, afin de faire constater la vente par décision de justice ;
Attendu que faute de réalisation par l'acquéreur dans le délai prévu, le vendeur s'il n'a pas demandé la constatation de la vente en justice, sera dégagé sans formalité de tout engagement à l'égard de l'acquéreur huit jours après la notification faite à celui-ci par lettre recommandée avec demande d'avis de réception;
attendu que par l'envoi recommandé avec avis de réception en date du 18 avril 2003 , le notaire a notifié une déclaration d'intention d'aliéner à la mairie, titulaire d'un droit de préemption urbain en vertu de l'article L2 11 ' un du code de l'urbanisme ;
attendu que par décision du conseil municipal en date du 6 juin 2013, la commune a décidé d'exercer le droit de préemption au prix convenu dans le compromis susvisé ;
Attendu que par courrier en date du 10 juin 2003 , le maire a transmis au notaire la délibération du conseil municipal décidant d'exercer son droit de préemption , ce qui apparaît aussi dans la déclaration d'intention d'aliéner envoyée par le notaire, dans le cadre réservé au titulaire du droit de préemption, avec la signature du maire ;
Attendu qu'en aucun cas , le transfert de propriété opéré par le compromis de vente ayant fait l'objet de la déclaration d'intention d'aliéner n'était subordonné à la signature de l'acte authentique , puisque chaque partie pouvait saisir le tribunal ,« afin de faire constater la vente par décision de justice », alors que les conditions suspensives seraient réalisées et en cas de défaillance ou de refus de signer par l'autre partie ;
Attendu qu'en aucun cas le silence de la déclaration d'intention d'aliéner sur ce point ne permet de considérer que le transfert de propriété était subordonné à la signature de l'acte authentique, pas plus qu'à la désignation par le conseil municipal du notaire pour établir cet acte authentique;
Attendu que l'exercice du droit de préemption , aux mêmes conditions que celles énoncées dans la déclaration d'intention d'aliéner , a opéré transfert de propriété de plein droit au profit de la commune , dés la notification au vendeur de l'exercice du droit de préemption, qui a été effective en l'espèce le 16 juin 2003, selon courrier adressé par le notaire aux époux [T];
Attendu que la décision de préemption n'a jamais été annulée , et elle est définitive en l'espèce puisque la requête en annulation en date du 23 septembre 2006 des époux [T] a été rejetée comme tardive et irrecevable , référence faite au délai de recours contentieux de deux mois à partir de l'affichage en mairie de la délibération en date du 6 juin 2003 ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de considérer que la délibération du conseil municipal décidant de préempter a été anéantie rétroactivement, la seule déclaration d'illégalité par le conseil d'État en date du 7 juillet 2010 , par voie de question préjudicielle, étant sans effet
sur l'accord intervenu sur la chose et sur le prix , en matière de vente, par application de l'article 1583 du Code civil , par l'effet de l'exercice du droit de préemption ;
Attendu que le premier juge a donc à bon droit rejeté l'application de l'article L213 ' huit du code de l'urbanisme , deuxième volet de l'argumentation de l'appelante , qui ne s'applique , en cas de déclaration d'illégalité de la décision d'exercer le droit de préemption, que lorsqu'il n'y a pas eu transfert de propriété , ce qui n'est pas le cas d'espèce;
attendu que la vente était donc parfaite dès le 16 juin 2003, date de la notification de l'exercice du droit de préemption aux vendeurs, Madame [T] devant être au besoin expulsée puisqu'elle n'a plus de droit à occuper les lieux, sans qu'une astreinte soit nécessaire à ce jour, puisque le prix n'a pas encore été payé ;
Attendu que s'agissant des dommages-intérêts réclamés par l'appelante, il est certain que c'est le juge administratif qui est compétent pour statuer sur les conséquences dommageables de l'illégalité de la décision de préemption , la procédure de la commune n'ayant aucun caractère abusif puisqu'elle prospère , et le préjudice moral invoqué n'étant que la conséquence du refus de se soumettre au droit de préemption, alors que le prix proposé par la municipalité était le même que celui consenti par le tiers acquéreur ;
Attendu que la cour n'estime nullement justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la commune en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel infondé ;
Confirme le jugement premier ressort ;
Condamne l'appelante aux dépens exposés en appel , qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT