COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 14/02757
SCI L'HERMITAGE
C/
[V] [Y]
Grosse délivrée
le :
à :ME MATHIEU
ME TULOUP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03587.
APPELANTE
SCI L'HERMITAGE, représentée par ses cogérants, M. [I] [B] et Mme [F] [B], demeurant [Adresse 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierric MATHIEU, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [V] [Y], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Ségolène TULOUP, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mai 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
La société civile immobilière l'Hermitage est propriétaire d'une parcelle de terrain situé sur la commune de [Localité 2], presqu'île de [Localité 1], voisine de celle appartenant à Monsieur [Y], ce dernier ayant obtenu un permis de démolir puis de construire sur sa parcelle.
L'Hermitage a contesté la validité de ce permis de construire, ce qui n'a pas abouti, un arrêt du conseil d'État n'admettant pas le pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 22 septembre 2011.
Par acte en date du 22 mai 2012 , l'Hermitage a assigné Monsieur [Y] pour obtenir la démolition de sa construction sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Par jugement contradictoire en date du 3 février 2014, le tribunal de grande instance de Toulon a prononcé un débouté.
L'Hermitage a relevé appel de façon régulière et non contestée le 11 février 2014. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'appelante a conclu le 24 novembre 2014 à l'infirmation au visa de l'article 1304 du Code civil, et des articles L 146 ' quatre, L 146 ' six, R 146 ' un et R 146 ' deux du code de l'urbanisme;
Monsieur [Y] a méconnu les prescriptions du permis de construire et sa responsabilité délictuelle est engagée. La cour ordonnera la démolition et une somme de 10'000 €est réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [Y], intimé , a conclu le 18 novembre 2014 à la confirmation, avec allocation d'une somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts, outre 5000 € au titre des frais inéquitablement exposés .
L'ordonnance de clôture est en date du 25 novembre 2014 .
SUR CE :
Attendu que la cour est saisie par les prétentions du dispositif des appelants (article 954 du code de procédure), au visa de l'article 1382 du Code civil , Monsieur [Y] ayant selon l'appelante méconnu les prescriptions du permis de construire relatif au système d'assainissement , ajouté une terrasse de 80 m² sans permis de construire et sans respecter le recul par rapport à sa limite propriété et méconnu délibérément les règles du code d'urbanisme pour obtenir son permis de construire le 19 juin 2002 ;
Attendu qu'il est soutenu que sa responsabilité délictuelle est engagée et qu'il y a lieu d'ordonner la démolition de la construction réalisée en application d'un permis de construire illégal ;
Mais attendu que le permis de construire du 19 juin 2002 a été vainement attaqué devant le juge administratif, le pourvoi devant le conseil d'État ayant été déclaré non admis , alors que la cour administrative d'appel de Marseille avait le 22 septembre 2011 annulé le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 juin 2009 qui avait annulé le permis;
Attendu que le permis de construire est donc définitif , ce qui interdit de considérer que la construction est illégale dés lors qu'elle est conforme à ce permis, y compris au motif que seule la tardiveté de la requête en annulation a été à l'origine de la décision de la cour administrative d'appel ;
Attendu que cela est si vrai que les conclusions de l'appelante sur ce point, en page 13 , indiquent assez confusément que :
« Monsieur [Y] commet une confusion entre l'annulation d'un permis de construire et la légalité de la construction. En effet, la construction de Monsieur [Y] est illégale en ce qu'elle viole les règles d'urbanisme et non pas en ce qu'elle a été édifiée sans permis de construire puisque tel n'est pas le cas. Il apparaît nécessaire de rappeler à Monsieur [Y] que le permis de construire est demeuré dans l'ordonnancement juridique pour des raison uniquement procédurales. Le permis de construire est en contradiction avec les règles de l'urbanisme, ce que n'a pas manqué de relever le tribunal administratif, permettant ainsi à la SCI de l'Hermitage d'affirmer que la construction de Monsieur [Y] est illégale. La SCI de l'Hermitage ne conteste pas le fait que Monsieur [Y] ait été autorisé selon permis de construire en date du 19 juin 2002, mais indique que cette autorisation d'urbanisme viole les dispositions du code de l'urbanisme à la suite de déclarations tendancieuses et d'une présentation tronquée du site lors du dépôt du permis de construire par Monsieur [Y]. Ce n'est pas parce qu'in fine son permis de construire n'a pas été annulé, que la construction est de facto légale » ;
Attendu que la difficulté de la formulation ne permet pas de déterminer avec précision le raisonnement suivi , puisqu'il semble bien que l'on déborde de la discussion relative au permis de construire stricto sensu et à la construction qu'il a permise , pour aborder la violation des règles d'urbanisme par cette autorisation de construire, suite à une présentation tronquée du site;
Mais attendu que l'action exercée est en toute hypothèse quasi délictuelle, et nécessite comme préalable l'absence ou la violation d'une autorisation administrative ;
Attendu que le fondement de l'article 1382 du Code civil ne permet donc pas de contourner l'impossible application de l'article L480 ' 13 du code de l'urbanisme qui subordonne la démolition pour méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, que si préalablement le permis a été annulé pour excès pouvoir par la juridiction administrative, pour tous les éléments de la construction édifiés conformément à un permis de construire , même si ce permis ne respecte pas la réglementation de l'urbanisme , comme le soutient notamment l'appelant s'agissant de la loi littoral et d la surface hors-d''uvre nette;
Et attendu qu'à revenir sur le terrain de l'article 1382 du Code civil , force est de constater que la construction a été autorisée définitivement , nonobstant les termes de la loi littoral qui n'aurait pas été respectée, nonobstant le non-respect du pos puisqu'il n'est pas contesté qu'une surface hors-d''uvre nette de 143 mètres carrés a été accordée ;
Attendu qu'au surplus, le non-respect de la loi littoral n'est nullement démontré et ne résulte que des affirmations de l'appelante et de ses photos Google Maps très peu probantes;
que de même la surface construite n'est pas démontrée , pas plus que l'impact de la réserve apparaissant page quatre de l'acte de vente , de même que l'illicéité alléguée de la terrasse ;
Attendu qu'en réalité, et s'agissant de la violation des règles de l'urbanisme, l'appelante revient en définitive sur le droit acquis que constitue le permis de construire, qui n'aurait pas dû selon elle être accordé , et fait fi du caractère définitif de l'arrêt de la cour administrative de Marseille, en se référant d'ailleurs constamment au jugement du tribunal administratif qui a été annulé ;
Attendu qu'au surplus, et s'agissant de la démonstration qui lui incomberait en toute hypothèse de ces violations , elles ne résultent que de ses photos et de ses affirmations unilatérales et subjectives , en réalité inexploitables si on se réfère aux règles d'urbanisme invoquées ;
Et attendu que s'agissant du non-respect stricto sensu des prescriptions du permis de construire, il se résume à l'existence alléguée d'une fosse septique, d'une terrasse « de 80 m² environ » , d'un escalier qui serait trop proche de la limite de propriété, le tout résultant purement et simplement de photographies, sans la moindre intervention ou expertise fût-elle privée d'un homme de l'art;
attendu qu'à supposer ces obstacles de nature probatoire franchis , le fondement choisi ne dispense nullement l'appelante d'avoir à rapporter la preuve d'un dommage en lien direct avec la violation des prescriptions du permis de construire, dont il vient d'être motivé qu'elles ne sont pas démontrées;
Et attendu que le dommage serait constitué par l'impact visuel évident sur l'environnement et sur la vie sauvage de la pointe de l'Hermitage , avec hauteur excessive par rapport à la construction ancienne , mise à profit de la déclivité du terrain pour obtenir le permis de construire , suppression de pratiquement toute la végétation dont un superbe eucalyptus et un très vieux palmier, le tout constituant une dénaturation complète du mamelon rocheux;
Attendu qu'il s'agit là d'affirmations purement subjectives , à partir d'éléments probatoires unilatéraux et manifestement insuffisants, comme des photos prises sous certains angles et assortis de commentaires personnels ;
Attendu qu'il est ensuite affirmé un préjudice résultant de l'implantation de la fosse septique et d'un puits perdu , à proximité de la piscine de l'appelante , la cour ayant motivé supra sur l'insuffisance probatoire concernant la réalité et la teneur exacte sur le terrain de ces éléments, ce qui se traduit par voie de conséquence et au vu des pièces régulièrement communiquées par l'absence de démonstration d'un quelconque dommage ;
Attendu que la cour ayant épuisé les possibilités du fondement choisi (article 1382 du Code civil) et même envisagé l'absence de conformité alléguée de certains éléments de la construction avec les prescriptions du permis de construire , sans se limiter aux conséquences attachées à l'absence d'annulation du permis de construire qui interdit la démolition d'une construction édifiée en conformité avec ce permis (article L 480 ' 13 du code de l'urbanisme), force est de constater qu'en toute hypothèse aucun dommage , tels que défini par l'appelante , n'est démontré au visa de ses pièces régulièrement communiquées;
Attendu que la demande de démolition et donc en voie de rejet , le premier jugement devant être confirmé ;
Attendu que le seul exercice des voies de droit, même se révélant infondées , ne saurait ouvrir droit à dommages-intérêts , a fortiori à hauteur de 20'000 € ;
qu'en revanche , une somme de 4000 € est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel infondé ;
Confirme le jugement de premier ressort ;
Condamne l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile , outre le paiement à l'intimé d'une somme de 4000 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel .
LE GREFFIER LE PRESIDENT