COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2015
N° 2015/486
Rôle N° 13/21756
[H] [O]
C/
SA SOCIETE DE PEINTURE INDUSTRIELLE CETONNAISE (SPIC)
Grosse délivrée
le :
à : Me Robert BUVAT
la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 13/1993.
APPELANT
Monsieur [H] [O]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] (69), demeurant [Adresse 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/015104 du 31/12/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN- PROVENCE)
représenté par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
intimé sur appel incident
INTIMEE
SA SOCIETE DE PEINTURE INDUSTRIELLE CETONNAISE (SPIC) poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Benoît LEPORT de la SCP LEPORT ET ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
appelante sur appel incident
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Marina ALBERTI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Mme Marina ALBERTI, Conseiller (redacteur)
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance en date du 26 juillet 2010 le Président du Tribunal de Commerce d' ALENCON statuant en référé, a condamné M [O] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, à donner à la SA SOCIETE DE PEINTURE INDUSTRIELLE CETONNAISE les éléments suivants : les mots de passe sur l'ordinateur local comptabilité à la session [H] [O] , les mots de passe du logiciel « ciel comptabilité » de la SA SPIC , les mots de passe ou clefs de débridage des fichiers cryptés, le téléphone portable de marque Samsung Solid M110 et les clefs des locaux de la SA SPIC;
Cette décision a été signifiée le 12 août 2010.
Par jugement dont appel, en date du 29 octobre 2013 le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a :
liquidé l'astreinte prononcée par le juge des référés du Tribunal de Commerce d' ALENCON le 26 juillet 2010 pour la période du 12 août 2010 au 22 février 2013 à la somme de 10 000 euros et a condamné M [O] à payer cette somme à la SA SOCIETE DE PEINTURE INDUSTRIELLE CETONNAISE (SPIC) avec intérêts au taux légal à compter du jugement ,
rejeté la demande relative à la fixation d'une astreinte définitive s'agissant des condamnations à restituer les clés d'un local et à donner les mots de passe et clés de débridage de fichiers cryptés,
assorti la condamnation à restituer le téléphone portable appartenant à la SA SPIC d'une astreinte définitive de 25 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision,
dit que cette astreinte courra pendant un délai de deux mois à l'issue duquel elle pourra être liquidée en tant que de besoin,
rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles.
Il a retenu que :
-M [O] ne faisait allusion à aucune difficulté concernant la restitution du téléphone et des clés des locaux,
-que la restitution desdites clés était devenue inutile ,les serrures des locaux ayant été changées,
-M [O] faisait état de troubles anxio-dépressifs et pertes de mémoire mais en 2013 et pouvait exécuter la condamnation concernant la remise de mots de passe et de clés de cryptage informatiques entre 2010 et 2012,
-compte tenu du temps écoulé et de l'état de santé de M [O] , il n'était pas nécessaire de prononcer une astreinte définitive concernant l'obligation relative aux mots de passe et clés de débridage.
Il a liquidé l'astreinte pour la période du 12 août 2012, date de signification de la décision ayant prononcé la condamnation , jusqu' à la date de l'assignation qui le saisissait.
Dans ses dernières conclusions déposées le 7 avril 2015 M [G] [H] appelant demande :
-que soit déclarée irrecevable la pièce adverse N° 8, s'agissant d'une attestation de Mme [M] [J] non signée et non accompagnée d'une pièce d'identité.
et sur le fond, sollicite la réformation du jugement entrepris arguant d'une cause étrangère justifiant de la suppression de ces astreintes prononcées aussi bien par le juge des référés le 26 juillet 2010 que par le juge de l'exécution le 29 octobre 2013.
il ajoute qu'il a restitué le téléphone portable à la SA SPIC selon un accusé de réception du 12 novembre 2013.
Il demande donc le rejet des demandes de la SA SPIC, la suppression des astreintes susvisées et de leur liquidation et la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu'il a subi un grave accident de plongée en 1976 qui a entrainé trois interventions chirurgicales en neurochirurgie en 2001, 2003 et 2007, qu'il a ensuite été victime d'un grave accident de la circulation en 2007 en raison d'une perte de conscience, qu'il a été reconnu comme ayant un taux d'incapacité de 65 % le 17 mai 2010 par la Commission des Droits et de l'Autonomie.
Il précise qu'il était donc dans un état physique et mental tel qu'il lui était impossible d'exécuter les obligations mises à sa charge par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance d' ALENCON et que sa situation financière actuelle ne lui permet pas de régler les montants de telles astreintes.
Il ajoute enfin que le Commissaire aux Comptes de la société comme le cabinet d'expertise comptable de celle-ci disposaient de tous les éléments comptables qu'il avait cryptés en sa qualité de directeur financier et comptable de la SPIC.
Il demande la confirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de prononcé d'une astreinte définitive s'agissant de la restitution des clefs du local comme des mots de passe et débridage des fichiers cryptés.
Subsidiairement il demande la liquidation de l'astreinte à un euro symbolique.
Dans ses dernières écritures déposées le 31 mars 2015, la SA SOCIETE DE PEINTURE INDUSTRIELLE CETONNAISE dans le cadre d'un appel incident, conclut au rejet des demandes de M [O], à la confirmation du jugement entrepris concernant le principe de liquidation de l'astreinte susvisée mais à la réformation de celui-ci sur le montant prononcé, et réclame à ce titre la somme de 435 000 euros outre le prononcé d'une astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Elle demande en outre la condamnation de M [O] à lui verser la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts et 4000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
-M [O] est de mauvaise foi, n'ayant pas évoqué ces problèmes de santé devant le juge des référés mais expliquant son refus de restitution par le différent l'opposant à la société SPIC sur les conditions de sa révocation
-cette décision de référé n'a pas été contestée par l'appelant ,
-les obligations mises à la charge de M [O] étaient très simples (restitution d'un téléphone, de clés et de mots de passe informatique), ne nécessitant pas d'état de santé particulier,
-M [O] ne démontre pas le moindre commencement d'exécution entre les années 2010 et 2013,
-M [O] a perçu en plus des revenus indiqués les dommages et intérêts qui lui ont été versés par la SPIC suite à une condamnation du 21 juin 2012 prononcée par la Cour d'Appel de CAEN.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2015.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité de la pièce N° 8 :
Cette attestation communiquée par LA SA SPIC comporte bien la signature de l'intéressée et une copie de sa pièce d'identité, contrairement aux allégations de M [O]. Cette pièce doit donc être déclarée recevable, conformément à l'article 202 du code de procédure civile.
Sur le fond :
L'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que :
« le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontré pour l'exécuter.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. »
M [O] fait état d'un état de santé déficient pour expliquer son impossibilité à communiquer à la SA SPIC les mots de passe et clefs de débridage de fichiers cryptés sans pour autant exposer en quoi cet état de santé ne lui permettait pas cette communication, s'agissant de codes utilisés usuellement pendant toute la durée de son emploi au sein de cette société et alors que les accidents et interventions chirurgicales dont il se prévaut sont antérieurs ou concomitants à cet emploi et ne l'ont pas empêché de les utiliser.
Le fait que la SA SPIC puisse obtenir ces mots de passe et clefs de débridage par d'autres biais ne justifie en rien l'inexécution de ces obligations.
Ce même état de santé ne permet pas non plus de justifier d'une quelconque impossibilité ou de difficultés pour restituer des clefs de local.
Enfin s'agissant de la restitution du téléphone portable , M [O] justifie d'un accusé de réception du 12 novembre 2013,une date postérieure au jugement déféré, sans expliquer non plus en quoi cet envoi lui posait de quelconques problèmes .
Il convient donc de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a prononcé la liquidation de cette astreinte mais au regard de la mauvaise foi de l'appelant et d'une exécution partielle des obligations de la porter à un montant de 30 000 euros.
Compte tenu de la restitution du téléphone, de la modification des serrures du local et de la possibilité d'obtention de mots de passe et clefs de débridage par d'autres moyens que le recours à M [O] , il y a lieu de rejeter la demande d'astreinte définitive réclamée par la SPIC.
Sur la demande de dommages et intérêts :
L'attitude de M [O] et son refus d'exécuter même une seule des obligations mises à sa charge durant trois ans a forcément contraint l'entreprise à des modifications (serrures à changer) ou des initiatives supplémentaires pour obtenir mots de passe et clefs de débridage. Eu égard à ce comportement abusif et préjudiciable il convient de condamner M [O] à régler à la SA SPIC la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare la pièce N° 8 communiquée par la SA SPIC recevable,
Confirme le principe de la liquidation de l'astreinte mise à la charge de M [O] en exécution de l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal de Commerce d'ALENCON le 26 juillet 2010,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a évalué la liquidation de l'astreinte à une somme de 10 000 euros
et, statuant à nouveau sur le chef infirmé
Condamne M [O] au paiement de la somme de 30 000 euros à la SA SPIC au titre de cette liquidation
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne M [O] à payer à la SA SPIC la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M [O] à payer à la SA SPIC la somme de 3000 euros.
Condamne M [O] aux dépens .
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,